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  • Une expérience mystique au Monastère de la Pierre qui branle par notre estimé directeur J.P.Chassavagne.

    <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p>Dans une vie même la plus chaotique et incertaine il vient un moment où s'imposent à vous les grandes interrogations métaphysiques quant à la validité de notre existence sur terre et de son utilité mâme et tout ce genre de choses. Un jour récent du printemps dernier cette expérience m'est arrivée et je voudrais la raconter ici.

    J'étais dans ma voiture, au petit matin, perdu dans la vastitude complantée de la campagne Chauvignonne, et je cherchais un raccourci (que d'ailleurs (après bien d'autres) jamais je ne trouvai), tout semblait m'abandonner, même mon GPS (saloperie de bagnole coréenne !) qui n'émettait plus qu'en coréen des messages incompréhensibles sauf pour le coréen moyen ce que je ne suis point quant à mon téléphone suédois d'un naturel renfermé il demeurait muet, la prochaine fois j'achèterai un italien au moins c'est causant .

    Je sortais d'un dîner d'affaire très arrosée qui à ma surprise (générale) s'était poursuivie sous la conduite de la représentante du Syndicat de la Librairie locale en une manière d'expédition punitive dans la boîte à partouzes du chef-lieu. A l'ordinaire je prise peu ce genre de divertissement où l'odeur de chaussettes se marie à celle du parfum à trois balles largement répandue par le tenancier de l'établissement, où les consommations sont hors de prix, les consommées hors d'âge et les bols de cacahuètes plein de poils de provenances diverses .

    Dans ma tête embrumée j'eus la vision  infernale de la petite madame Chauvirot (Librairie Générale Chauvirot, 27, place de la Mairie au Chauvion ) qui venait à moi quasi nue (sauf les bas à varices et le string enfoui profond ) avec le cervelet et ses environs fourmillant d'arrières pensées offensives  envers l'auteur parisien.        

    Je crois bien qu'elle fut passablement déçue par ma défense un poils trop souple et élastique.

    Certains, à me lire, diront que j'avais le plus grand besoin d'un réforme morale. Certes oui j'en ressentais la nécessité mais plus encore celle d'une bonne carte d'état major.

    Je ne sais comment, je ne sais pourquoi je me retrouvais sur un chemin de terre où je m'embourbai.

    Je poursuivis la route à pied sur deux kilomètres au moins avant d'apercevoir un panneau où il était indiqué: Monastère Confiturien de la Pierre qui branle 3 KM. Retraite spirituelle- Séminaire-Nôces & banquets.  

    3 bornes de mieux et allez donc, j'arrivais tout boueux et frappais... à l'interphone.

    -Oui.

    -Je... je suis en panne... et j'aurais voulu...

    -Mais bien sûr entrez mon fils.

    La porte était électrifiée et l'accueil digne d'une auberge de bon luxe avec bien entendu cette méticulosité des maisons religieuses, ici l'on pouvait sans crainte ni réticence manger à même le carrelages ciré ou comme je faisais se repaître au bar de biscuits apéritifs imberbes, j'en étais à rêver d'une boite à partouzes tenue par des bénédictins, ça aurait été quelque chose, quand le frère portier vint m'avertir que le père supérieur m'attendait dans son bureau.

    Marié une fois à l'église mais divorcé deux fois au tribunal, depuis mes études chez les Frères Dévoirant de la rue de Ponssac à Villeneuve, je n'avais plus guère fréquenté les chapelles.

    Le supérieur, le Père Marie Charles (nous voilà!) était un type haut et aiguisé, il faisait assez inquisiteur fiévreux, hors les yeux verts et le calme rayonnant.

    -Bonjour Monsieur Chassavagne l'on m'a dit que vous aviez des problèmes de voiture ? Voulez-vous que je demande au Frère Barthélemy de voir ce qu'il y a à faire, c'est lui qui s'occupe de notre atelier de mécanique, c'est maintenant un spécialiste des coréennes.

    -Je vous en serais reconnaissant mon père... 

    -Bien, souhaitez-vous, en attendant l'heureuse issue de vos problèmes mécaniques, séjourner un temps parmi nous ?

    -Mais... mais j'en serais heureux mon père.

    -Re-bien nous pouvons vous proposer des temps d'animation ou de ressourcement spirituels : retraites, récollection, accompagnement, personnellement je vous conseille le stage ressourcement/soins de jours à 899 avec forfait labours intégral et stage poterie grégorienne... voici une brochure vous pouvez la consulter et vous donnerez  votre bulletin d'inscription au frère Clémentin.

    Il appuya sur un bouton, un tonsuré hilare passa la tête par la porte.

    -Le frère Clémentin va vous montrer votre chambre.

    L'entretien était terminé.

    En fait de chambre, il s'agissait d'une ancienne cellule chaulée remise aux normes civiles et donc tout à fait confortable, il ne manquait pas même le mini-bar ou la salle de bains, et la haute fenêtre donnait sur un beau parc méticuleusement entretenu.

    Mes valises arrivèrent après quoi le Frère Barthélemy vint me prévenir qu'il avait trouvé la panne mais qu'il n'avait pas la pièce et que le repas du soir allait être servi dans le réfectoire.

    Cette salle immense du réfectoire me rappelait d'assez pénibles souvenirs purée-poulet mais les effluves bienvenus qui venaient des cuisines n'avaient rien des relents de rata que j'avais respirés des années durant chez les Frères et les confitures, spécialités de l'ordre depuis sa fondation en 1134 étaient délicieuses.

    Mon voisin de droite était un architecte connu : Jean Ressent, il traversait une crise existentielle, juste récompense pensai-je pour l'ensemble de son œuvre, à force de couvrir la France de murs de chiottes fissurés il inclinait à se prendre pour une grosse merde prétentiarde, mon voisin de gauche était un avocat de gauche, Maître Watefer, franc maçon et combinard, spécialiste des affaires de presse et qui avait l'habitude de venir ici après chaque contrôle fiscal autant dire qu'il avait son couvert mis à l'année, il lui aurait été sans doute plus simple de changer de comptable ou de se faire résident monégasque mais il préférait les complications métaphysiques,  tous deux avaient comme moi choisi le stage ressourcement/soins de jour et dés matin nous nous retrouvâmes dans les champs du monastère où nous nous exerçâmes sous la conduite de frère Clémentin à tracer des sillons, nous pouvions en tracer autant que nous le désirions (forfait intégral), c'est fatigant certes, surtout derrière une mule rétive et qui braque mal, mais je découvrais combien à force de tourner tout son esprit et je dirais mâme tout son être vers un travail aussi noble ( le sillon ça connote tout suite germination, naissance de la vie, droiture du geste et de l'esprit, la terre qui ne ment pas, Maréchal nous re-voilà... qu'est-ce que je raconte moi !) l'on s'extrait de nos sédimentations quotidiennes et médiocres ; bref à la fin de la matinée nous étions tous également crottés et bienheureusement éreintés.

    Frère Clémentin, toujours rigolard, en nous distribuant nos paniers repas nous rassura en nous disant que l'après-midi serait toute assise car consacrée à la poterie grégorienne.

    Maître Watefer protesta qu'il voulait encore en tirer une dizaine (des sillons ) à fins d'en avoir un bien rectiligne.

    -Au début je m'inscrivais au stage terrassement/gros œuvre/rétroplanningue minceur mais je n'ai jamais été foutu de monter un mur droit et puis on imagine pas combien c'est fatigant ! Me confia l'architecte en mordant dans son pain.

    Nous tournâmes de la glaise tout l'après-midi, l'architecte voulu emmener son ouvrage un bol à balayette de style corinthien  pour l'offrir à sa maman à la prochaine fête des mères, je laissais pour ma part  mon œuvre sur l'étagère de la postérité anonyme.

     

    Le soir vint, apaisant et bienvenu. Dans le réfectoire, marchant au pas des autres, avec tous les autres, je ressentis soudain comme un rassemblement de tout mon être, mais je ne repris pas de confitures au grand désappointement de frère Clémentin. A dire le vrai, je sentais confusément que l'affaire devenait sérieuse, je me rendais compte que toute ma vie j'avais cherché cette sérénité confiante que je venais de découvrir au détour d'une colonne, à cet instant je formai le projet de demeurer ici le restant de mon existence, loin de ce Paris chaque jour un peu plus grotesque, babylonien light, Sodome hypocalorique.

    Oui, je me couchais enfin apaisé et conscient.

    Je me réveillais au milieu de la nuit, nulle bruit autour de moi, mais comme une présence, je me dressais et vis sur le mur crayeux une figure resplendissante, souriante et...barbue :

    -Est-ce vous Seigneur ? Murmurai-je sans même je crois bien articuler les mâchoires.

    Il était là ! La réponse était là, elle me faisait face... juste au dessus du mini-bar.

    -Seigneur ô Seigneur que dois-je faire ?

    -Dé-gage !!!       
    <o:p> </o:p>

    Bon le lendemain je réglais ma note, avec les suppléments plus la réparation, la pièce étant arrivée assez miraculeusement au matin, leur véquinde d'animation spirituelle m'avait coûté la peau des fesses.

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  • Certes l'addition était modique mais cela n'excusait pas tout et surtout pas l'inexcusable : le doigt dans le bouillon. Nous  rejoignîmes nos vélos respectifs avec chacun en tête la même obsession: faire cesser ce scandale au plus tôt ! En passant devant un restaurant thaïlandais je regardais songeur et à regrets la carte des spécialités traditionnelles, je connaissais bien la Thaïlande dés que j'avais un week-end prolongé j'en profitais pour aller y passer trois semaines. Peuple admirable, parmi les premiers à avoir initié le tri sélectif, je me souviens encore d'un restaurant le Radada Patpang qui servait un délicieux Shapout Durom à base de Bergasol fermenté aux poils de foune, eh bien il y avait toujours deux poubelles à l'entrée l'une pour les déchets de cuisine et l'autre pour le plat du jour en libre service. 

    Le lendemain au bureau je me mis au travail délaissant la rédaction d'un rapport pourtant fort important que j'avais en cours sur le développement d'une pédagogie sociale contraignante à l'égard des locataires non fleurisseurs de rebords de fenêtre qui par leur indifférence voire leur hostilité à une pratique sociale pourtant gratifiante défavorisent  les insectes butineurs et participent par là-même au réchauffement climatique sus-mentionné (annexe III G). J'envisageais un barème de sanctions et d‘amendes ainsi que des stages de rééducation en milieu fermé (camps dans des deltas marécageux, Camargue par exemple) et je préconisais dans le même  temps une grande politique de  prévention des chutes de pélargoniums en pot qui avait l'année dernière occasionné une moyenne (corrigée bien entendu des variations saisonnières et des entrées maritimes) de 8.79 décès pour 100000 habitants. Peut-être même pouvait on envisager une campagne de sensibilisation et d'éducation auprès des populations de pélargoniums urbains voire des stages parachutistes.

    Je commençais par interroger différents fichiers centralisés courants  à fins de savoir si mon auvergnat y figurait :

    Le fichier des détenteurs de sacs de caisse en matière plastique,  des obèses et consommateurs de corps gras, des chasseurs de Bougrindubourg et autres espèces protégées, des délateurs assermentés de conjoint divorcé, des auteurs de conduites sociales à risques (exemple: tourner les pages d'un magazine est une conduite sociale à risques : on peut enrhumer son voisin !), des individus sujet à addiction (exemple : regarder tous les jours le feuilleton de la 3 à 20 heures est une addiction (et aussi un signe de couennerie ! note de la rédaction)) des détenteurs de poêle sans queue (milieux sado-maso), des détenteurs de queue sans poils (cabinets ministériels), aussi le fichier des non-téléspectateurs de plus de dix-huit ans ayant fait l'objet d'une non condamnation pour non consommation de ménagères de moins de trente ans dans les vingt-sept derniers mois enfin le fichier central des personnes n'émargeant à aucun fichier : FICPNAAF (elles ne sont plus que 114 actuellement sur le territoire mais sont tenues pour particulièrement dangereuses : déviance d'évitement social et sont donc particulièrement surveillées .)

    Vers dix heures du soir (la première fois que je restais aussi tard au bureau mais c'était une veille de véquinde et j'en profitais pour faire connaissance avec un monde étonnant que je ne soupçonnais même pas: le concierge sri-lankais aidé de ses nombreux cousins avec la rapidité et l'organisation d'une unité du Génie avait transformé les bureaux en atelier de chaudronnerie où un personnel nombreux et incessant s'affairait déjà à la réparation de mécaniques Toyota. Je le félicitai pour son sens de l'initiative et son esprit d'entreprise. Décidément ces non-français sont formidables !), oui je disais donc que j'avais découvert enfin quelque chose : un signalement de l'auvergnat. Fait par un agent de la circulation officiant devant l'école de ses enfants et qui avait remarqué que le cadet qui accompagnait l'aîné dans les bras de son père jusqu'à la porte du collège ne portait point de chaussettes malgré les froideurs de Novembre, le fonctionnaire de police avait suspecté de possibles maltraitances et envoyé un signalement circonstancié en trois exemplaires (trois fois le même mail au même service concerné quoi ! Oui il y a encore du travail de formation à la modernitude à faire dans la police.) Des enquêtes de voisinage et de paramétrage social avait été diligentées par les services sociaux durant 17 mois, le père fautif convoqué, son domicile perquisitionné et une réserve conséquente de chaussettes pour enfants découverte, ce qui l'innocentait en partie d'autant qu'il avait pu prouver qu'il s'était garé juste à côté de l'école. Bien heureusement le dossier du signalement n'avait point été « déconservé » car une autre conduite antisociale grave avait été relevée: il avait garé sa camionnette sur les clous. Mais là encore déception il avait réglé son amende et même fait son autocritique publique et dénoncé son beau-frère au cours d'un stage de  récupération de points.

    Je relisais l'épais dossier (14064 pages quand même !), j'avais quelque mal à me concentrer à cause du bruit et de la musique et puis la porte s'ouvrit et trois filles blondes déboulèrent dans mon bureau enroulées autour d'un type à peu prés saoul :

    -C'est bien ici la Bombita ! Dit l'une des filles en allumant une cigarette... la boîte de nuit quoi ?

    Je demeurais coi mais elle me désignait d'un doigt insistant l'enseigne lumineuse et clignotante de trois mètres de haut que le concierge venait d'installer au troisième étage.

    -Eh bien on dirait... C'est au troisième ?... c'est à la Compta... mais... mais éteignez cette cigarette il est interdit de fumer dans les bur...

    Ils étaient déjà partis et dans le même temps où ils claquaient la porte j'eus comme une illumination :

    -La route du mégot il faut couper la route du mégot !

    Je tenais mon auvergnat.  

    <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p>

    J'avertis dés le lundi matin les collègues de la Brigade Antifumage à la Préfecture de police, je les mis au courant  de l'industrie coupable exercée par l'auvergnat ils firent une descente un samedi soir le restau était plein, c'était tous des clients qui attendaient leur soupe au mégot. On saisit plusieurs cartouches de Gauloises chez lui dont certaines entamées, son beau frère le dénonça ainsi que son plus jeune fils qui venait de subir un entraînement de dix jours à la lutte anti homophobique anti tabagisme anti poêles qui collent et bouchons dans l'œil à l'école Maternelle Cyril Collard de la rue Charlie Gaul.

    L'auvergnat essaya bien de négocier mais en vain. Fermé six mois, à la réouverture, à peu prés sevré, il proposa « une soupe aux bonbons mentholés à l'ancienne », mais sans grand succès il exhuma une vieille recette de « soupe au panaris mariné du commis à ma façon. » mais ce n'était plus ça, les habitués ne retrouvaient plus l'ambiance un peu clandestine et coupable  que l'on appréciait lorsque l'on venait s'encanailler ici dans le temps, quelques fois on retrouvait même dans ses préparations culinaires une patcheux anti tabac flottant sur le bouillon, bref c'était vraiment devenu n'importe quoi.

    Finalement l'auvergnat reçut le coup de grâce avec un courrier du fisc qui lui demandait le remboursement d'un trop perçu à la suite d'un trop payu :

    -Fumiers de fonctionnaires !

    Il venait de comprendre que son monde n'existait plus et se pendit au réverbère devant son restaurant avec l'un des bas de sa femme.

    <o:p> </o:p>

    Je crois pouvoir dire aujourd'hui que cette affaire fut rondement menée et j'en aurais retiré une pleine, entière et légitime satisfaction si son dénouement heureux n'avait été quelque peu gâchée par ce qui s'ensuivit : d'abord  la découverte que je fis au cours de mon enquête en croisant, la routine, les fichiers des détenteurs de produits d'épargne indexés en roubles convertibles avec celui des inscrits maritimes du 18° arrondissement : Jean-Nick, dont la famille est d'origine bretonne, apparaissait sur les deux fichiers, poursuivant mes investigations je découvris qu'il achetait régulièrement des insignes militaires allemands du troisième Reich sur des sites  wouébes russes et les revendait avec force bénéfice à de pauvres occidentaux inconscients, je fus dans l'obligation de faire un signalement aux services concernés.

    Jean-Nick est actuellement détenu à la quatrième section, cellule   478  de la prison de Fresnes.

    J'occupe la cellule 480, juste avant d'être incarcéré, Jean-Nick avait découvert que j'étais un lecteur régulier d'Urbane Tattack et il avait fait un signalement aux services concernés (non pas les mêmes, d'autres, mais tout aussi concernés !) et je suis en attente de mon jugement, j'espère qu'ils seront assez sévères, c'est pas des trucs à faire, d'ailleurs pour m'occuper je travaille à une campagne de sensibilisation contre.

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  • 18.
    Réveil parisien.
    <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p><o:p> </o:p><o:p> </o:p><o:p> </o:p>Nous avions quitté La Conche très tôt, à l'heure où les pêcheurs impatients réveillent leurs femmes en cassant le vase de belle-maman  avec leur gaule.
    Je me taisais, à côté de moi, Walter Chéchignac conduisait, en silence, lui aussi, très vite, très bien sans doute, mais trop vite, trop bien et... trop seul. Son individualisme, son indépendance m'exaspéraient tout autant que la sollicitude intéressée qu'il me témoignait.
    Il avait ressorti de ses collections, l'un des ces bolides Scalextrix des années soixante et dix avec quoi il moquait la gendarmerie locale, une Chapparal avec un aileron de deux mètres de haut et à son bord il se faisait fort de rallier Paris en moins de deux heures et douze minutes, son record personnel, nous étions dans les temps et sans doute avec les dizaines de photos-flashs des radars que nous avions déclenchées sur notre passage aurions-nous eu de quoi garnir un bel album de vacances.
    Mais aujourd'hui Son Excellence s'en fichait bien des souvenirs.
    Il avait des soucis et ce n'était pas tant les événements récents survenus à La Conche et dont le total de bilan atteignait une dizaine d'assassinés qui l'occupaient que ses affaires parisiennes.   
    Pour ma part, il me fallait changer d'air, je ne supportais plus La Conche sur Ponche et son climat grand-guignolesque, où les égorgements succédaient aux décapitations et devant quoi je craignais malgré tout de perdre sinon la vie au moins une bonne part de ma raison .
    Et puis j'avais à faire à Paris, d'abord me montrer à la filière champignons-pomme de terre... non c'était pas ça ! La filière... betteravière voilà merci, c'était bien l'avenir de la betterave à nœuds qui occupait toutes mes pensées, ensuite il me faudrait passer prendre quelque fonds au Parti pour mon début de campagne, il tardait à me les débloquer et les extravagances vénériennes et comptables de Médpeu et La Branlaye avaient aggravé l'ulcère de mon contrôleur financier, aussi je comptais bien y trouver les éclaircissements et les apaisements nécessaires.
    Enfin et c'était là mon dessert, j‘avais rendez-vous chez mon éditeur afin d'y signer les exemplaires d'envoi de mon dernier ouvrage. J'avais écrit en effet un roman, pendant mes rares heures de loisirs, que j'avais confié à l'un de mes camarades de promotion qui l'avait présenté à l'un des camarades de promotion de son oncle qui pantouflait depuis le golf de Saint-Claoud à la présidence de la filiale française de Toxicals corp. (Toxics and Chemicals wolrlwide Medellin's Cartel corporation) et dirigeait pendant ses heures de loisirs, le travail de son swing lui laissant encore quelques heures de détente, une collection chez un éditeur parisien, camarade de promotion et de klubeu-ahousse.
    Ce n'était certes pas la première fois que j'étais publié, les bulletins du Cercons et divers essais en faisaient foi dont un très remarqué:
    « En side-car vers l'Europe nouvelle »  un abrégé bilingue de collaboration active et passive et un Manuel pratique de réglementation simplifiée en douze volumes rédigé avec un camarade de promotion, obscur administrateur civil :  Guillaumerde (son père à lui s'était toujours montré exactement sobre mais il aurait résolument préféré une fille) Dondla, entièrement sur papier réglé et en trois exemplaires, ouvrage qui m'avait valu un réel succès critique et universitaire, d'ailleurs en ces matières l'on disait maintenant le « La Gaspérine » comme dans le temps le Mallet-Isaac ou le Larousse-Encouleurs.
    Mais comme le pauvre Encouleurs le cher Dondla était passé à la trappe. C'était d'autant plus injuste que sur les douze volumes, je n'avais rédigé que l'introduction du premier tome et la conclusion du dernier, mais enfin il faut croire que mon nom et ma personne attiraient assez bien la lumière, d'ailleurs le cher Dondla s'en fichait et il préparait une suite à notre œuvre commune, une manière de vingt ans après :
    -Avec les mêmes personnages ? Lui avais-je demandé avec  quelque ironie.
    -Oui, oui sans doute. Il entendait mal l'ironie, ce n'était pas sa langue natale, peu de gens la parlent il est vrai de nos jours.   
    Quand même avec tout ce qu'il s'était pris sur la gueule grâce à nos bons conseils, le héros de l'ouvrage : l'usager passait assujetti, contrevenant puis ci-devant au mérite devait être passablement fatigué.
    <o:p> </o:p>Mais cette fois, pour ma part, on le comprendra il s'agissait de toute autre chose, une œuvre plus intime et personnelle, certes c'était un roman, une histoire simple et très actuelle, un jeune homme moderne et parisien, fin et sensible, pesamment diplômé et travaillant dans un combinat d'état se faisait voler sa bicyclette, un cadeau de mère d'ailleurs, su' le Pont de l'Alma, devant se rendre à un rendez-vous de la plus haute importance et où son avenir personnel et administratif risquait de se décider, il avait dû se résoudre dans l'instant à en emprunter une autre, bien entendu, cela n'était pas allé sans lui causer un grave problème éthique d'autant plus effrayant que le vélo dérobé appartenait à un immigré africain d'ethnie toumgou, qui l'avait rattrapé après cinquante mètres et lui avait infligé « dérrréchef » une correction sévère.
    Je ne vais pas raconter toute l'histoire bien entendu, je laisse à mes possibles lecteurs le soin de la découvrir, mais je peux dire qu'elle n'était pas sans intérêt et très contemporaine, abordant les grands problèmes de notre époque: le manque de garages à vélos à Paris en particulier, d'autant que très vite une relation quasi-amoureuse, au moins très fusionnelle, s'ébauchait entre le jeune toumgou immigré et le jeune parisien amoché et qu'ensemble ils se lançaient sur les traces d'un réseau d'extrême droite, de la pire blondeur, qui dérobait nuitamment et avec force violences les vélos de jeunes immigrés méritants et sans défense.
    Certes il y avait là-dedans quelques éléments autobiographiques, je peux bien dire que dans la réalité le cher Aboubacar frappait beaucoup plus fort que dans le livre mais pour l'essentiel, et je la revendiquais pour telle, il s'agissait d'une œuvre d'imagination qui se déroulait dans une grande métropole de nos jours, l'un ces lieux magiques, de mélange des cultures et de métissage bienvenue où tout peut arriver, loin, très loin de la province ethno-centrée et franchouillarde, concho-ponchaine, poncho-conchaine ou autre où il ne se passe jamais rien.
    J'avais pensé pour le titre au « Voleur de bicyclette », cela enchanta mon éditeur classé et swingueur mais la petite secrétaire intérimaire quoique renseignée sinon cultivée nous dit que c'était déjà pris, alors je m'étais rabattu sur « Le vélo » je prisais ce genre de littérature minimaliste où tout est dit en peu de mots.
    Ce crétin de Walter Chéchignac appelait ça :
    -... la littérature anorexique d'une époque sans faim où des petits cons prétentiards avec des petits riens réussissent à faire  pas grand chose.
    Il en était resté l'imbécile à « the english bravour » , antique géographie sentimentale: l'île au trésor prés du phare Dickens. 
    Il me lâcha prés de la chambre des députaillons, place Otto Abetz* où étaient les bureaux du Parti.
    <o:p> </o:p><o:p> </o:p>-Bon, on se retrouve à midi à La Bégude, c'est un restaurant tenue par des amis qui se trouve rue Lucien Van Impe prés du Boulevard Zootelmelk... allez à tout à l'heure mon petit vieux.
    Il démarra sous les injures haineuses des cyclistes que son dix cylindres rageur venait d'enfumer.
    Quant à moi, en le regardant s'éloigner très vite, trop vite et encore plus seul, je regrettais un peu de l'avoir insulté (mentalement) tout le temps de notre voyage, c'était la première fois qu'il me donnait du « mon petit vieux » et je devinais qu'il se rendait lui aussi à un rendez-vous important et autrement dangereux que ceux qui m'attendaient.  
    <o:p> </o:p>*Homme de gauche et syndicaliste. Propagateur du vélo à Paris
    Gérald Sopalin le délégué national aux délégations me fit un peu attendre, mais il recevait un militant me renseigna sa secrétaire, et dans ces moments il régnait à l'étage et dans les bureaux un silence religieux. Le militant c'était la denrée rare au Rassemblement pour l'Union. Sur les fichiers hors nos 156298 élus locaux, départementaux, régionaux, européaux et galacticaux abonnés d'offices, pensionnés mais non cotisants, nous en comptions 321589 de militants de base et encore le chiffre comptabilisait-il un bon nombre de trépassés ressuscités par le seul verbe républicain de notre maréchal-président-tricard à vie mais dans la réalité il n'y en avait de réels, de terrestres et matérialisés sur la place de Paris que onze, c'est dire que l'événement était d'importance: la visite d'un militant de base, qui plus est électeur et votant, la merveille ! ( l'un des derniers avec le fameux Père Jaunet des Batignolles qui depuis 36 n'avait pas raté une élection, le con!).
    -Il était prévenu ? Demandai-je à la secrétaire dans le recueillement.                                                                                                                                                                                                                                                                                                                             
    -Justement non, il a débarqué comme ça, en  revenant de faire son marché. C'est Marcel Grougnard de la section Capucines.
    -Ah ça a dû lui faire un choc au cher Gégé.
    La porte s'ouvrit, le Gégé, il était blanc et raccompagnait le pépère porteur de cabas d'où dépassait un poireau avec les égards qu'il aurait servis à un premier-ministre en visite d'état.
    -... je suis content... vous êtes bien installés... je repasserai...
    -Je vous recevrai toujours avec plaisir mais la prochaine fois prévenez-moi, on aurait pu se rater monsieur Grougnard... vous imaginez      
    Il ne se le serait pas pardonné le cher Gégé de rater l'occasion historique, le passage de la comète électorale, il lui aurait fallu attendre 643 années avant d'en recroiser un.
    <o:p> </o:p>*
    <o:p> </o:p>-Ah mon cher La Gaspèrine, alors vous voilà redevenu parisien, cela me fait plaisir, j'espère que vous n'allez plus vouloir nous quitter de sitôt ? Vous n'êtes pas fait pour la province, je vous l'avais bien dit.
    J'hésitais, titubais, défaillais presque, j'étais pourtant certain de ne pas avoir manqué le début, l'ouverture et même d'y avoir poussé quelques arias.
    -Je... je ne comprends pas. Je... je dois retourner à La Conche... c'est chez moi... mais si... pour être élu...
    Je me laissais tomber dans le fauteuil visiteur.
    Il actionna son interphone :
    -Madame Moineau cognac vite !
    J'essayais de reprendre mes esprits sans assistance alcoolisée.
    -Mais... mais La Branlaye et Médpeu m'ont dit... ils sont revenus...ils...
    -Ah ils sont chez vous ces deux-là, on les cherche partout... enfin pas moi... le juge d'instruction Larance-Lerouge surtout... ils ne vous ont pas dit, ils ont été inculpés dans l'affaire des sous-marins fictifs Boliviens...
    Une vieille affaire, des sous-marins que l'on avait vendus à la Bolivie, que l'amirauté bolivienne avaient réglés franco de port (ports dont ils étaient d'ailleurs dépourvus mais c'était en prévision de la revanche contre les chiens chiliens (difficile à dire !) qu'ils les avaient commandés) mais qui n'avaient jamais été livrés, le préposé ayant prétexté d'une sonnette défaillante.
    -Alors ils se sont réfugiés chez vous ces deux saligauds...
    -Mais comment... mais pourquoi eux ?
    Je reprenais un peu de vigueur et la colère devant une telle injustice me raviva les sangs :
    -Vous savez bien que tout le monde a touché là-dessus même la dame pipi de chez Lipp.
    -Taisez-vous, pas de nom je vous prie ! C'est tombé sur eux voilà tout, pour l'ensemble de leur œuvre, souvent nommé jamais récompensé, une inculpation d'honneur en quelque sorte, et je peux vous dire qu'ils ont intérêt à bien se calfeutrer parce que les boliviens sont très ... très colorados en ce moment. Mais parlons plutôt de vous, je vous ai enlevé un belle épine du pied.
    -Alors je ne suis plus candidat ?
    -Mais non et c'est l'un de vos camarades de promotion : Joël Noyeux  qui va vous remplacer dans ce pays de sauvages, vous devez être soulagé ? Contre Letroncheur il n'a aucune chance pour la mairie. La négociation a été rude, enfin il n'a pas été chien et il a consenti à lui laisser une place au conseil général et un pourcentage sur les cantines scolaires. D'ailleurs votre remplaçant doit rejoindre son affectation cette nuit... enfin si le plafond n'est pas trop bas. Mais comment vous n'étiez pas au courant ?
    -J'ai dû manquer la première.
    Je vidais les deux verres de cognac que nous apportait la môme Moineau au grand désappointement de Gégé-ex machina ex-alcoolique anonyme, et je me levais, j'étais plus grand que lui et salement remonté, il battit en retraite prudemment derrière son bureau long, rangé et incontournable comme une barricade d'imprimeurs. 
    -Noyeux ! ‘l'est même pas breton me surpris-je à lui rétorquer racisse et déçu. Et puis merde, j'y suis j'y reste. ‘fallait pas m'y envoyer !
    -Allons mon petit vieux reprenez-vous et puis vous ne perdrez rien au change, vous pouvez m'en croire, monsieur le secrétaire général pense à vous soit :  pour le poste de commissaire général aux chantiers de jeunes ?
    -Je n'ai aucune envie de faire carrière en short long dans le bâtiment. 
    Ma réponse abrupte l'obligea à relancer très fort :
    -Soit pour occuper les fonctions de Résident Général en Seine Saint-Denis.
    Bougre ils y allaient fort, me proposer un tel poste à mon âge.   
    Il sentit qu'il avait mis en plein... en plein dans l'orgueil Gaspérinien :
    Il ajouta :
    -Malgré votre jeune âge et en toute honnêteté vous en sentiriez vous capable ?
    -Je me connais assez pour savoir que je ne serai pas z' inférieur à la tâche qui me serait confiée, bien sûr je n'ignore rien des... des « événements » en cours, les attentats du Front de Libération Neuftroâsien (F.L.N) ainsi que les rodomontades de l'A.L.N  (Armée de Libération Niquetaracienne) sur la frontière Seine et Marnaise mais je saurais, je pense, engager une politique de dialogue constructif z'entre les communautés pouvant déboucher, je ne privilégie z'aucune voie bien entendu mais je n'en exclue non plus z'aucune, à moyen... ou court terme sur l'indépendance pleine et entière.
    -Ce sont aussi les sentiments de notre premier ministre : une politique de fermeté soit mais sans hochements de menton ou obstination obtuse. 
    -Je saurais me mettre, ou me faire mettre par des conseillers choisis, dans le sens de l'histoire en préservant bien entendu tous les intérêts... mettons la plus grande part... au moins une petite partie... enfin il faudrait et je ne transigerai point là-dessus que la si longue présence française ne fut point oubliée du jour au lendemain en ces départements qui nous furent si chers non plus que mes droits à retraite (je levais les bras au ciel, que j'avais très grands, les bras pas le ciel, vrai je devenais gaullien dans l'exercice du tombé de pantalons), je les veux  préservés et confortés par une indemnité compensatrice et un éventuel reclassement à valeur indiciaire équivalente en... en métropole.
    -Vous les aurez, connaissez-vous Plombières ?
    -Mère y va prendre les eaux quinze jours à la saison.
    -Fort bien et mieux encore si vous y avez des souvenirs heureux ?
    -De mère fort peu, en fait je crois presque aucun, depuis l'enfance nous nous sommes croisés quelques fois mais rien de plus, la création : sa peinture, ses livres, ses amoures mâmes, l'occupe tellement.
    -Oui, je... je comprends. Non je vous demandais cela parce que nous avions pensé à cette agréable station thermale pour y mener les premières négociations avec le Cheikh Choupinot et les délégués du Gouvernement Provisoire.
    -Plombières fort bien.
    Je ne pouvais m'empêcher de penser: quelle drôle de manie nous avons, nous autres français, de déshonorer ainsi avec obstination toutes nos villes d'eaux.  
    <o:p> </o:p>*
    <o:p> </o:p>J'arrivais à La Bégude de fort bonne et décidée humeur, Diable ce n'était pas tous les jours que l'on vous annonçait de telles nouvelles, c'était de ces dates qui comptent dans une carrière, Père, pour les intimes le Président Régis Cardemeule qui, au temps de Giscard et alors qu'il était chef de cabinet de quelqu'un de ses sous-ministres, avait décolonisé les Nouvelles-Hébrides à lui seul, au bénéfice exclusif des anglais et en empochant une honnête commission au passage ainsi qu'une prîme de rendement exceptionnelle, oui Pére lui saurait me renseigner sur les conditions, tarifs et remises consenties au décolonisateur modèle.
    Car à dire le vrai, j'apercevais même quelques possibles profits pécuniaires si comme on le murmurait l'ex-sultanat de Brunei  finançait le gouvernement provisoire.
    Que l'on ne voit surtout pas de pareilles spéculations sous un mauvais jour, l'indépendance apparaissait à tous les observateurs sérieux comme inéluctable et nous permettrait peut-être de garder la Seine et Marne, si l'O.N.U bien entendu ne s'en mêlait pas de trop prés... et ne nous bombardait pas de trop haut. 
    <o:p> </o:p>J'arrivais donc gai et enjoué dans la maison du malheur.
    La Bégude était de ces restaurants parisiens années 50, confortables et non sans agrément mais  anonyme et où les serveurs tous quinquagénaires dataient autant que la carte et où le menu du jour semblait de l'avant-veille. En salle quelques fumeurs de cigares faisaient le siége patient de leur digestion à petites lapées de Grande Chartreuse 1904 mais je cherchais en vain parmi la clientèle le cher Valter, j'étais dans de telles dispositions d'esprit que j'étais prêt à lui pardonner mes énervements de ce matin devant son individualisme régnant sinon souverain.
    Les serveurs me paraissaient assez éteints, même s'ils accomplissaient un service parfait mais tout de même je fus un peu étonné quand à l'entrée un peu vive d'un client impatient ou affamé le demi-chef de rang à côté de moi sortit un pistolet-mitrailleur de sous la cloche en argent de la table roulante.
    Oh certes il se hâta, devant l'innocuité offensive de l'arrivant, de reposer l'arme dans le canard au jus mais quand même, dans une maison bourgeoise telle que celle-ci, c'était là un geste d'artilleur... qui détonnait.
    Je me renseignais auprès d'un maître d'hôtel morne et hautain, sans doute un peu trop cinéphile .
    -Hum ! Hum ! Je crois que monsieur Chéchignac a réservé une table pour deux.
    -Son Excellence a sa table réservée à l'année, je vais vous conduire si vous voulez bien.
    <o:p> </o:p>Je lui pris le train mais très vite après avoir remonté les salles, sans nous arrêter, nous nous retrouvâmes dans le Privé et plus loin, plus haut plutôt, puisqu'il nous fallut suivre un escalier en colimaçon nous traversâmes deux bureaux meublés de téléphones en bakélite, de canapés ronflants et de meubles dans le style IV° flamboyant, reconstruction lourde qu'affectionnait si fort le cher Valter.
    Enfin le maître d'hôtel frappa à une porte, il était midi mais la pièce était dans l'ombre, il y avait des perfusions et tout un appareillage électronique autour du lit sur lequel reposait son Excellence Walter Chéchignac, le torse et un bras bandé endormi ou anesthésié ?
    Quelque chose en moi me hâta le cœur et les sens, et d'imaginer cet homme dont au vrai je ne savais rien, en péril de mort me causait une peine importante et désordonnée.
    -Il... il est mort ? Demandai-je à l'un des deux types qui le veillaient.
    -Non, non ne vous inquiétez pas il en a vu d'autres.
    Mon trouble était visible, je levais la tête vers mon interlocuteur qui se présenta :
    -Je suis Bédoncle, je suis le taulier, vous êtes le fameux La Gaspérine c'est ça ? Venez passons à côté, il va dormir un peu, se reposer. Il en a besoin, je lui avais bien dit que la vie de province c'est usant.
    Il me montra un sourire rescapé d'une grande inquiétude.
    Ce n'était assurément pas la vie de province qui l'avait à moitié tué, le cher Valter mais bien ces quelques heures parisiennes qu'il venait de passer sans grande prudence dans l'intimité de quels crimes !
          
    Dans la pièce d'à côté deux femmes parlaient à voix basse, l'une était une bonne sœur, en noir, l'autre une grande brune moins sœur mais en rouge, plus très jeune, dans les trente-cinq ans, mais d'une beauté surprenante, tout de suite agissante, à l'ancienne, très allurée, un charme de cocotte mais avec une autorité de sociétaire.
    J'avais la même sensation devant ce genre de beauté très femme que quand je me promenais en forêt enfant et que soudain une source m'apparaissait, une joie physique et brutale, l'instinct renseigné et comblé et dans le même temps la découverte de l'éternité sensible.
    Bref dans l'instant j'en tombais amoureux. Pourtant elle avait pleuré, elle s'était inquiétée, triturait son mouchoir comme un chapelet de veuve à venir, mais rien ne pouvait la gâter.
    -Ma chère Merry je vous présente Monsieur La Gaspérine.
    Elle se tourna vers moi, elle avait les yeux verts et d'une infinie patience, rien ne me trouble plus que cette patience chez les femmes, ce pas plus long, plus accompli, ce temps qu'elles ont en plus, je n'arrivais même pas à parler et je me montrais presqu'aussi ridicule que le cher Valter devant Dartemont-Belcourt.
    Les esprits déductifs et autres psychologues de terrain me diront que je sublimais comme un puceau redoublant devant la nouvelle maîtresse des septièmes.    
    Mais à ceux-là je dis merde tout hautement !
    Car ce que j'avais devant moi, je le savais, c'était bien la grande Merry tenancière des escarpées et douteuses affaires parisiennes de Chéchignac, peut-être avait-elle été pute en quelque antique pratique, mais  sa vocation était bien maintenant là: dans l'éternité et en cet instant elle m'apparut comme la France incarnée, non pas l'intérimaire, l'ignoble pouffiasse, Marianne de mes fesses, jument éructante, dépoitraillée et vérolée  que l'on se plait à exhiber à la relève montante et sacrifiée mais la belle Merry, Jeanne ou Geneviève, inquiète, survivante et patiente.
    Et c'était elle que cette petite ordure de Sopalin et tous ses pareils à l'âme servile voulait que j'enchaînasse et menasse aux marchés aux esclaves la solder aux barbaresques.
    A ce moment de haute exaltation mon téléphone portable sonna, c'était Gérald Sopalin qui m'invitait à un dîner informel sinon clandestin à Matignon avec quelques intellectuels concernés, forcément concernés:     
    -Ah vous voilà vous ! Eh ben il peut bien venir votre Cheikh Choupinot, je vais te lui refaire le coup de la prise de la smala mouais à ce con-là! Et quant à vos putains de Nouvelles-Hébrides vous pouvez compter sur moi je te les reprendrai  aux britiches !
    C'était d'autant plus ridicule que j'aurais été bien incapable de les situer ces îles modiques que mon père coupable avait cédées à vil prix à notre concurrent historique en matière de plantation de drapeaux et de confiscation d'îles introuvables.
    Comme un cosaque ivre, je balançais mon portable dans la cheminée, heureusement éteinte et je marchais à elle, la belle Merry pas la cheminée bien sûr, je pris son visage dans mes mains et la baisais sur la bouche, longtemps, elle se laissa faire, longtemps.
    L'éternité vous dis-je... et avec tous les suppléments encore. (à suivre...)
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  • La dernière lettre de Guy Hoquet à lire dans les écoles (de commerce) :
    <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p>   Mon cher papa, ma chère maman, ma mémé, mon pépé, ma petite sœur chérie et mon gentil chien Rataplouf que j'aime tant,  tout à l'heure les allemands vont me fusiller contre un mur c'est vraiment pas chic de leur part après tout ce que j'ai fait pour eux, même s'ils m'ont dit que je pourrais choisir mon mur.
    Ils me reprochent de leur avoir loué une kommandantur avec seulement des douches et sans baignoires ce qui leur pose des problèmes administratifs d'après ce que j'ai compris j'ai eu beau leur espliqué que dans le coin l'hygiène était rudimentaire et que c'était déjà beau que les gens de la Gestapo puissent disposer d'un coin toilette  mais va te faire voir, rien à faire ah quand ils ont une idée dans la tête ceux-là !
    Là dessus est arrivé le problème du mur à fusillés, le Père Grenot me louait son mur jusque là et moi je le sous-louais aux allemands pour qu'il puisse fusiller sans avoir à se déplacer dans le centre-ville et voilà pas que le vieux Grenot proteste qu'y en a marre qu'ils lui salopent tous son bien et qu'y-z-ont qu'à aller s'en chercher un autre, le Hauptman Gruber (garçon très korrek soit dit en passant) va pour le réquisitionner et l'autre vieux forban décide d'abattre son mur dans la nuit avec ses garçons. Colère des allemands qui sont obligés d'aller fusiller en ville (ils ont bien essayé contre les murs du cimetière mais ils étaient trop bas et ils ont perdu deux pelotons qui s'étaient pas rendu compte qu'ils se faisaient face !) et arrestation des Grenot père et fils et de votre petit Guy.
    En cette heure ultime je pense bien sûr... à  mon chien Rataplouf, ce qu'il pouvait être rigolo quand il lapait l'eau du bocal du  poisson rouge.  

    Bon vous direz à bonne maman de dire à Tati Loulette d'enlever les juifs du grenier de la Rue de Constantine pour les mettre au sous sol de l'appartement du square Montholon en leur demandant un supplément parce qu'il y a l'électricité dans la cave.

    <o:p> </o:p>

    Quand même j'ai bien du regret de faire « fusillé » alors que j'aurais tellement voulu faire « agent immobilier ». Non mais  imaginez rien qu'avec les armées d'occupation le passage qu'il y a quand je pense qu'on annonce les américains, ils ont débarqué en Normandie à ce qu'on dit, sans doute qu'ils vont chercher à se loger ces gens-là, normal non et j'ai justement en portefeuille une kommandantur impeccable à Caen avec 75 chambres et une reprise minimum si l'affaire est faite rapidement, les anciens locataires qui sont là depuis quatre ans sont très Korreks eux aussi parce que c'est rudement bien installé: tout confort moderne, baignoires même dans les caves, piscine, barbecue et batterie de D.C.A  dans le jardin, il y a juste à refaire les peintures (vert de gris pas terrib') et changer quelques tableaux.

    Ah oui si j'avais vécu je serai monté à Paris, je crois qu'il doit y avoir de l'avenir là haut! J'ai jamais compris pourquoi ils voulaient tous habiter dans cette ville de suicidé mais  je te leur aurais loué, moi, à tous ces couillons des deux pièces sur cour cafardeuse au prix d'un château en Auvergne giboyeuse. Ah vrai c'était la fortune assurée.

    Au lieu de quoi il faut que je me choisisse un mur, d'un autre côté comme ça je reste un peu dans l'immobilier. Je crois que je vais prendre le grand en briques qui est juste en face de la cathédrale, c'est passant et il est bien exposé, il y a pas de frais à faire et il conviendrait très bien à une jeune couple de résistants jeune mariés communisses ou à un martyre héroïco-gaullard comme moi. Ah merde c'est vrai il y aura ces cons de Grenot, à quatre de face on risque de devoir se tasser et forcément je serai moins héroïque!

    Bon je les entends qui arrivent, c'est pour nous, ma dernière pensée aura été:  finalement j'ai bien fait de prendre le chandail à trous que m'a tricoté bonne maman sans ça j'aurais pas su quoi mettre je sais toujours pas si c'est une exécution habillée ou pas et comme c'est ma première... et ma dernière...

    <o:p> </o:p>

    Merde !... mais... on dirait... mais c'est plus les allemands... ouais c'est les américains ! Bon, je vous quitte, bises à tous.

    <o:p> </o:p>

                                                     Votre petit Guy qui pense à vous.

    <o:p> </o:p>

    De ce jour Guy Hoquet n'a plus jamais écrit... il s'est fait installer le téléphone.

    version imprimable: http://revue.lurbaine.net

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  • 17.
    Un Dimanche en famille.
    <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p><o:p> </o:p><o:p> </o:p><o:p> </o:p>Le père Belcourt continuait ses éternels mots-croisés dans son redondantesque tricot de laine, m'agaçait çui-là, il ne les avait sûrement pas fait à tempérament ses mômes.
    A la cuisine son épouse s'affairait à sa sauce au beurre blanc au milieu des garçons qui s'étaient donnés pour objectif la remise à l'eau du plateau de crustacés et la confection d'une bombe glacée à retardement pendant qu'au salon les Dartemont-Chambeulac me draguaient technico-tactique.
    Mère et filles en des croisements de jambes sud-américains me montraient leurs ischio-jambiers et leurs cuisses, magnifiques d'ailleurs, j'étais un beau parti, après tout.
    Il me manquait juste d'être nommé élu pour continuer ma carrière. L'espoir m'était revenu en même temps que La Branlaye et Médpeu, ils ne m'avaient donné d'autres explications qu'une course urgente à faire en grande banlieue et repris leur place avec un grand naturel sur ma note de frais, j'ai peut-être oublié de dire que j'occupais à l'époque les fonctions de Délégué Général à la Filière Betterave à nœuds, ce qui m'accordait des loisirs et laissait accroire à quelques compétences valorisantes dans les sucres, la vérité était que la betterave me laissait indifférent et que c'était mon secrétaire général un jeune con...seiller référendaire de trois promotions après moi qui s'appuyait les dossiers et les discussions avec ces cochons de betteraviers. J'avais eu le malheur d'en recevoir un une fois, qui pour faire authentique avait dégoutancé mes tapis avec ses bottes boueuses alors que tout le monde savait qu'il demeurait ordinairement  rue de la Pompe et ne mettait les pieds dans ses productivistes installations betteravicoles qu'au moment de la chasse... à la subvention .
    Dans tout les cas je me promettais de monter bientôt à Paris et d'abord afin de réclamer une grande explication aux instances du Parti. 
    <o:p> </o:p>Hulme de Chambeulac était attendu pour le café, je redoutais sa venue car il m'avait laissé entendre lors de notre dernière rencontre qu'il avait une demande en cours d'exonération de taxation fiscale de sucres betteraviers importés pour laquelle il souhaitait mon avis et sans doute plus si affinités. En bon parisien je savais passer le champoingue quand on m'avait tendu la gel douche mais je ne voulais point trop me compromettre surtout en ce moment :
    -Mon mari est tellement occupé répétait son épouse for désœuvrée.
    <o:p> </o:p>Le Chef ‘von le Gueuzec, lui, faisait le tour de son ex-appartement, il alla même se recueillir devant le grand lit de la chambre qu'il avait tant de fois conjugalisé, où il avait labouré et pâturé, pèlerinage sentimental qu'il effectuait en pantoufles sur le parquet ciré, mais après tout après avoir été le titulaire et l'occupant des lieux, il n'avait pas eu beaucoup de chemin à faire pour en devenir le voisin de dessus.  
    On frappa à la porte, je me resserrais sur mon canapé, attitude mal interprétée par ces dames qui, croyant que je celais à leurs yeux un début d'érection,  rapprochèrent leur dispositif de siége.
    -Eh bien mon cher La Gaspèrine, un peu de décence, vous êtes dans le monde. Me murmura Walter Chèchignac, le nouvel arrivant, en distribuant cornets et ballons à la populace enfantine  accourue, braillante et plébiscitaire, il avait une drôle de côte chez les mômes le tueur d'hermaphrodites. 
    J'effectuais un repli stratégique vers le balcon sous les sourires pesants de ces dames car je venais de découvrir en me levant que je bandais effectivement, sans doute l'évocation de la regrettée Mademoiselle Br...
    Au dehors il faisait beau et chaud l'été poussait les feux et les  conge'payes et ertétistes entraient à flots en dessous dans la pizzerias qui venait de s'installer à l'instigation de Dartemont-Belcourt, pour amortir les frais d'entretien de l'immeuble  Dartemont-sœurs, dans le local du rez de chaussée, jusque là fermé.
    Elle ne manquait pas d'esprit d'entreprise la mère de famille.
    Le gérant de l'établissement était un sympathique prukhmen (ils le sont tous, note pour la 17° chambre correctionnelle.) qui proposait à la carte  27 sortes de pizzas et une douzaine de variétés de staphylocoques, il avait un personnel nombreux.
    La répression des fraudes avait même découvert 14 types d'urines différentes dans les cacahuètes du comptoir, c'est dire le choix qui s'ouvrait au gastronome en pénétrant ici, mais le record n'avait pu être homologué, à cause du sus-mentionné personnel nombreux .
    <o:p> </o:p>  Il avait été dressé une table pour les mômes, ils n'étaient plus cinq mais au moins sept car ils avaient reçu le renfort de cousins  réservistes, les demoiselles Dartemont-Chambeulac qui y avaient été affectées, se jugeant trop grandes maintenant pour aller avec les mômes, refusèrent de rejoindre leurs affectations et la table des grands se trouva trop petite pour accueillir tout le monde, alors Walter Chéchignac se proposa pour présider la table des mômes.
    Présidence qu'il assura, malgré les protestations de ces dames Dartemont-Chambeulac qui jugeaient sa présence indispensable à leur table, avec bonhomie, sans renforts de police et une incertaine autorité mais durant laquelle je remarquais comme il observait Dartemont-Belcourt derrière ses moustaches et ses lunettes d'écaille.
    Walter Chéchignac la regardait, il la contemplait, je ne dis pas avec du désir, non c'était plutôt de l'envie, une grosse envie môme et baveuse de cette vie copieuse prés de cette femme-là, il aurait tout pris, la femme, les gosses et sans doute même le mari pour passer prés d'elle le restant de ses jours.
    Pourtant il n'était ni chaste ni fidèle mais il avait un jour par fort vent d'orgueil quitté sa route, pris des chemins de contrebande pour rejoindre au plus vite un destin en partance pour n'importe quoi, il y était arrivé, avec n'importe qui, il en était revenu, de n'importe où et il n'aspirait maintenant qu'à retrouver la nationale, celle des départs en vacances, des notes de gaz et des rappels du percepteur.
    <o:p> </o:p>*
    <o:p> </o:p>-Vous avez vu on parle de notre affaire dans le journal !
    Nous en étions au dessert d'un repas lourd et entendu, pas mauvais mais définitivement provincial et je me rappelais en ces instants, avec nostalgie mes agapes parisiennes dans mon restaurant préféré « L'ensucé » où le chef Jean-Luc Lendoffé me préparait sa spécialité de rate et foie de limaçon au jus de Saint-Jacques givré dans son terreau frais du jardin et pois gourmand (un ! il n'y en avait qu'un, de pois gourmand, on n'était pas là pour bâfrer non plus !), ce n'était rien que des produits vrais mais appareillés, je devrais dire mis en musique, en bouche, de telle façon que cela donnait sur un mélange de parfums et de saveurs inédit et d'une parfaite sincéritude. Et pourtant je prisais peu les abats.
    Alors bien sûr le gigot pommes soufflées des familles à côté de ça !
    Je le répète, nous étions en province, n'est-ce pas ? Si encore, Dartemont-Belcourt avait eu l'idée, l'invention, l'audace de ne pas le faire cuire son fichu gigot ! Peut-être ? Oui alors...
    A mes côtés dans cette difficile digestion, et encore il restait à venir la bombe glacée après quoi patientaient les gamins, les petites Chambeulac étaient toute excitées, elles avaient été engagées par le syndicat d'initiative de la station afin d'enquêter et d'identifier un pervers qui sévissait dans le coin, il s'exhibait en imperméable sur les plages, mais il était d'une espèce des plus redoutables puisque lui ne montrait rien, il gardait tout: ses lunettes noires, son cache-nez, ses knickerbockers, ses chaussettes de montagne, son pull à col roulé, son chapeau tyrolien, aussi le syndicat d'initiative s'était-il alarmé de la présence d'une engeance pareille dans une station balnéaire très correctement ensoleillée :
    -Vous imaginez si la presse s'empare du scandale on va encore dire qu'il fait moche en Bretagne. Leur avait expliqué indigné  devant tant d'indécence morale le président de l'établissement.
    Et le journal local : « Le Conchois Libéré » faisait bruit de ces rumeurs, interrogeant même quelques estivantes angoissées :
    « Il peut pas montrer sa raie comme tout le monde çui-là ! On a peur pour les gamins, un type qui porte pas de string, vous imaginez, c'est pas normal, c'est malsain... »
    La Préfecture questionnée, prenait la chose très au sérieux et allait dépêcher d'urgence une cellule de soutiers psychologistes.
    -Ce n'était pas le pharmacien donc ?
    -Non, non, nous avons enquêté, il adore s'exhiber avec sa femme dans les parkings de supermarchés. Si on vous racontait...
    -Euh... plus tard mesdemoiselles... Alors c'est peut-être un pudique ou ... un enrhumé ?
    C'est à ce moment que Hulme de Chambeulac débarqua, bien avant le café donc et ma fuite préméditée :
    -Tiens donc vous fumez la pipe vous maintenant ? Lui fit remarquer son épouse acidulée.
    -Toujours quand je suis sur une enquête.
    Lui aussi « il s'y croyait », comme auraient dit les mômes.
    Ce n'était pas les satyres frileux qu'il coursait mais un comptable adultère, cela avait toujours été l'une des grandes spécialités de la maison Dartemont-Sœurs, les enquêtes dans les villes d'eau et stations balnéaires, la surveillance du curiste en rupture de conjungo :
    -Le bonhomme en question pour corser l'affaire serait parti avec la secrétaire du patron et l'encaisse de T.V.A de l'année, vrai un joli coco !
    Il parlait comme dans les romans policiers d'avant-guerre le cocu de réserve et semblait avoir oublié notre petite affaire betteravière, à mon grand soulagement, en même temps que sa plasticité morale d'avocat d'affaire, car, lui, il était là pour punir.
    -J'ai profité d'une visite à faire en banlieue pour commencer la filature, je le course depuis ce matin, il a retenu dans une sorte d'hôtel de passe prés de la Préfecture, l'auberge de la ...
    Il sortit son carnet :
    -... la Chaudasse c'est ça...
    -Ce n'est pas une préfecture mais une cathédrale.
    -Ah bon, vous croyez ?
    -Je la croise tous les jours, j'ai même vue dessus depuis ma chambre.
    -Ah parce que...
    -J'ai élu résidence à « La Chaudasse » et ce n'est pas un hôtel de passe mais une auberge typique d'un confort très correct d'ailleurs.
    -Et avec toutes les commodités à l'étage...
    -... et en sous-sol ! Ajoutèrent Walter Chéchignac hilare et le Chef ‘von le Gueuzec enluminé par le Pomerol.
    -Tiens don' eh bien si vous le permettez j'irais vous rendre visite dés ce soir afin de parfaire mes repérages. Je sens que mon affaire est sur de bons rails.
    Sur de bons rails peut-être, mais entre de bonnes mains, j'en doutais, quand on prend la cathédrale Sainte Trahoudulde, magnifique édifice de style gothique renonçant pour l'hôtel de passes de la république, le pire restait à craindre. 
    -Et en ce moment, ‘gardez-le ! Il se dore la couenne sur la plage, mais je vais te le serrer moi et nom d'une petit bonhomme il causera.
    Sans doute le cher Hulme de Chambeulac n'avait-il pas les compétences en la matière de Dona Chupita y Gomez ni du Chef ‘von le Gueuzec, sprinter d'exception mais je devinais bien pire chez lui:  de la bonne volonté.
    -Zut et rezut ! Il est parti, je dois le suivre. Saperlipomerde il ne m'échappera pas !
    -Mais Hulme vous ne restez pas pour le dessert ? S'attrista Dartemont-Belcourt qui aimait bien les « générales » de famille qui affichaient complet.
    -Non... J'ai la Jaguar en panne...
    -Grave ? Demanda Valter connaisseur ?
    -Non c'est juste le dégivreur de moquette qui a mis le feu au bar à liqueurs, bon, je prends la Renault 4 !
    -Non pas la R.4 !... Elle cale.
    Ce fut un cri mais inutile il était déjà dans l'escalier maître Rouletabille.
    Sur ce la bombe glacée explosa, sans lui !
    Une vraie et belle explosion qui rendit sourd les convives et tâcha les murs.
    Dartemont-Belcourt après avoir fait les constatations d'usage, s'emporta :
    -Mais... mais qui a fichu un pétard dans la glace? Que l'imbécile qui a fait ça se dénonce sans quoi... je punis tout le monde !
    Inutile de préciser qu'avec Walter et le Chef ‘von le Gueuzec nous n'en menions pas large, elle devait être terrible dans la punition, Dartemont-Belcourt, peut-être pas autant que ma regrettée Mademoiselle Br... mais très bien quand même.
    -Mais maman tu disais que c'était une bombe glacée !
    -Ils ont raison c'est de la publicité mensongère, ma chérie !
    Il n'aurait pas dû causer le cruciverbiste.
    -Dans tout les cas mon ami, vous voilà privé de dessert.
    Ce fut le seul puni, le gilet de laine, et nous nous rabattîmes avec les mômes sur les petits fours frais pendant qu'il nous regardait manger, na !
    Terrible ! elle devait être terrible dans l'intimité ! C'était aussi l'avis du Chef ‘von Le Gueuzec qui s'empiffrait d'éclairs z'au ‘ocolat.
    <o:p> </o:p>*
    <o:p> </o:p>Nous somnolions quand le téléphone tinta dans l'appartement comme une clochette en bout de gaule dans une quiétude de bord de Marne, c'était cet imbécile d'Hulme de Chambeulac, ce fut son épouse qui répondit, elle était en pleine réussite, et raccrocha très vite :
    -Il me téléphone pour me dire que la marée monte !
    -Que veux-tu il est à l'âge où l'on découvre le monde.
    Les deux sœurs convinrent en rigolant que les maris étaient décidément quelques fois d'une innocence alarmante, mais voilà pas que l'autre récidive mais cette fois avec plus de détails, elle lui laisse un peu de temps, sa dame, elle n'est pas en veine côté réussite et il explique son cas :
    -Il est en panne du côté des Bouchots et la marée monte.
    Elles se re-marrent un grand coup les sœurettes.
    -Voulez-vous que nous y allions ? Se propose Walter Chéchignac, galant et secourable.
    -Allons-y tous, cela sortira les enfants ! décrète Dartemont-Belcourt en se levant de la méridienne où elle se reposait de sa matinée, nous laissant voir tout à loisirs ses jambes, admirables comme à l'ordinaire chez les Dartemont sœurs, nièces et grandes tantes, une vraie maladie de famille.
    -Il faut qu'ils s'aèrent, je ne sais pas ce qu'ils font d'ailleurs ! Où sont-ils passés ? S'ils ne font pas de bruits c'est qu'ils sont encore en train de faire une connerie !
    De temps en temps elle se lâche, c'est son côté fille de colonel.
    -Tu devrais les mettre en pension ! Lui dit Dartemont-Chambeulac sa sœur à l'esprit pratique.
    -C'est ça et pourquoi pas à l'asile tant qu'on y est!
    -Oh moi ce que j'en disais ...
    <o:p> </o:p>On les cherche partout dans l'appartement immense et on les retrouve dans la buanderie en train de torturer la fille de la voisine, elle est déjà à poils et attaché aux rails.
    -Mais enfin ça va pas ! Mais Dieu du ciel vous êtes des monstres !
    -Ben quoi on fait notre enquête...
    -C'est vrai quoi elle allait parler...
    -On voulait juste savoir que si c'est elle qu'avait volé les vignettes Pikémon de Pin-Pin ?
    -Vous allez tout de suite la détacher et vous excuser !
    -‘m'en fous, je les a tous en double déjà ! Conclut le plaignant,  Pin-Pin le cousin collectionneur.
    <o:p> </o:p>*
    <o:p> </o:p>De fait nous n'aurions pas tous tenus dans la Jaguar de fonction du cher Chambeulac et puis nous n'aurions pas non plus beaucoup avancé puisqu'elle était en panne... de moquette, si j'avais bien suivi.
    Manque de chance la familiale monospacieuse de Dartemont-Belcourt était en révision chez Peunault-Reugeot le concessionnaire automobile consensuel de La Ponche.
    Alors le cher Valter avait trouvé dans ses sous-sols, juste ce qu'il nous fallait, une Checker Aerobus, c'était jaune, ça faisait sept mètres de long, avec une bonne dizaine de portes et c'était immatriculé dans le New Jersey (nouveau parce qu'indémaillable nous fit remarquer le désopilant Médpeu, ‘pas oublier de demander au si serviable et adroit Valter de lui mettre une balle dans la tête au génie du marquetinge électoral quand je n'en aurais plus l'usage, il commençait à me les agacer !), bref cette espèce de boa constrictor de la production automobile nord-américaine avait toutes les qualités pour participer à une filature discrète, c'était le cher Hulme qui allait être heureux de nous voir s'il n'était pas encore noyé et donc toujours sur la trace de son comptable fautif. 
    Les mômes eux étaient tout contents parce qu'ils avaient chacun leur portière même la petite voisine qui pas rancunière avait voulu en être du spectac' de la noyade annoncée et pré-vendue du tonton Hulme.
    -C'est du belge !
    -Je vous en prie Medpeu, les circonstances sont dramatiques !
    Malgré tout l'ambiance était bonne.
    <o:p> </o:p>*
    <o:p> </o:p>-Ne vous inquiétez pas chère madame, votre mari n'est point en danger, la marée nous est favorable...
    -Mais je ne m'inquiète pas.
    Quand même lorsque nous arrivâmes sur les lieux du possible drame, la Renault 4 avait de l'eau jusqu'au capot et nous commencions de désespérer de retrouver sinon vivant au moins flottant le cher grand Hulme :
    -Eeeeh ! Ooooh ! Je suis là !
    Il était perché sur l'un de ces rondins érectiles sur quoi prospèrent les moules. Il faisait de grands signes, et l'on aurait crû un homme de pont unique survivant de quelque porte-avions coulé, les demoiselles Dartemont-Chambeulac se précipitèrent vers leur papa avec un bel enthousiasme filiale, sans s'inquiéter de se mouiller les pieds, sacrifice d'importance à quoi nous n'étions pas encore tous acquis, mais après quelques mètres et alors qu'elles touchaient presque au but elles semblèrent s'évanouir dans l'onde.
    Valter, le Chef ‘von le Gueuzec et moi-même nous nous décidâmes avec une belle unanimité à porter secours à ces jeunes filles et donc à mouiller nos chaussettes.
    Secourues, sauvées, survivantes, elles nous désignèrent ensemble, le bout de bois juste à côté de celui qu'occupait le stylite du barreau de Paris.
    De fait il était lui aussi occupé, un plaisantin avait à grands soins posé la tête découpée d'un contemporain sur un mouchoir à carreaux.
    Oubli de pique-niqueur, farce douteuse ou tentative de mise en culture d'un nouveau genre ?
    <o:p> </o:p>Revenus tous ensemble au rivage, le Chef ‘von le Gueuzec convint que la décollation avait été parfaitement exécutée et qu'elle était toute fraîche, tous les regards se tournèrent alors vers Hulme de Chambeulac qui récupérait avec difficulté de son temps au désert d'eau.
    -... mais... ‘est pas moi... ‘uis pour rien... ‘eu 'ous le jure !
    -Et vous savez pas à qui ça peut appartenir? Lui demanda le Chef ‘von le Gueuzec qui tout en interrogeant du regard et de tout son instinct flic la tête déposée devant lui sur le sable, essorait ses chaussettes.
    -Mais si... c'est... c'est le comptable ! Enfin un bout... A un moment, il est parti avec la secrétaire vers les bouchots, ils avaient l'air très amoureux, je ne pouvais pas les suivre, ils s'en seraient rendu compte, j'ai attendu pendant une heure qu'ils aient fini leur petite affaire et qu'ils reviennent, rien, alors j'ai suivi les traces de pas mais la marée montait et puis j'ai aperçu quelque chose... et puis...
    L'affaire se corsait, au loin, plus au loin, très au loin de nos jeux d'adultes, les enfants et les mamans ramassaient des coquillages et se faisaient de rondes joues et de belles cuisses.
    <o:p> </o:p>Enfin le Chef ‘von le Gueuzec replia les coins du mouchoir sur le reste comptable, fit un joli nœud avec et chacun de retenir son souffle et sa pensée, il semblait savoir ce qu'il avait à faire, je préjugeais qu'il allait l'empocher mais non, il commença de creuser le sable, peut-être son instinct de chien policier qui lui commandait d'enterrer les indices comme ses collègues épagneuls civils inhument leurs os et trophées divers, mais non quand la tête fut bien calée, il prit trois pas d'élan et d'un drop magistral du pied droit l'envoya dans l'océan à plus de soixante et dix  mètres de là.
    -C'est... c'est indigne... un reste humain... un élément d'enquête... une... un...
    -Une pièce à conviction oui, et qui pouvait aussi bien emporter la décision de messieurs les jurés et vous valoir vingt ans de bagne cher maître !
    -Joli coup de pied ! Approuva Walter Chéchignac.
    -Ah bravo c'est malin et maintenant qui c'est qui va n'aller le chercher le ballon ? Demanda le cousin Pin-Pin fotebaleur évadé du stalag des coquillages. (à suivre...)
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  • La vraie soupe au mégot parisienne par G.M.Neoletto 1/2

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    Avec Jean-Nick Kloporth nous sommes amis depuis bientôt dix ans, nous avons fait Sup de Conss' ensemble, promotion Jean Luc Delarue. Sup de Conss', oui ce n'est pas encore très connu, c'est l'Ecole Supérieur de Contrôle Sociale. Nous sommes tous deux fonctionnaires, lui travaille au Laboratoire Central de Paramétrage Social LCPS et moi à l'Observatoire Parisien de Conduites Antisociales non Agrégogênes OPCANA. Les crétins qui rêvent de revenir à la loi de la jungle nous qualifieraient sans doute de flics sociaux mais je pense que nos missions sont quoiqu'on en dise d'une grande utilité.

    Malgré les RTT, les 21 heures de boulot hebdomadaire, les pauses café, apéritives, repas, digestives (non l'addition c'est en face !), les congés maladies, ressourcement, éthiques, les formations aux nouvelles réglementations administratives, formations aux nouvelles simplifications administratives, formations aux nouvelles formations. Bref en dépit d' un planningue dingue, nous trouvons encore le temps une fois par mois de nous faire de petites bouffes.

    Le mois dernier il m'avait gâté en m'invitant chez Jean-Luc Le Gerbeur à La Compoilade Boulevard Eddy Merckx dans le 5° où j'avais dégusté un Haricot de Mouton servi en tube (oui comme le dentifrice !) accompagné d'escargots à la nage (indienne): une merveille ! 

    Ce mois-ci me revenait donc le choix du restau' et je me décidais en contraste avec toute cette modernitude pour l'authenticitude d'un vrai bistrot parisien et lui donnait rendez-vous au Sapeur Couronné rue Jacques Anquetil dans le 18°. 

    L'établissement était tenu depuis cinq générations par la même famille d'auvergnats, ce n'était pas l'un de ces remakes, au demeurant fort sympathiques, où un couple de jeunes gens régressifs: très comme il faut en noir amincissant font comme si, jouent à la marchande, au mastroquet comme avant : à preuve on a gardé le zinc en strat années 50, mis des affiches et des photos d'époque aux murs et on a même engagé à l'année un poivrot qui a sa licence professionnel.

    Non là le tenancier était poilu de partout, il lui en sortait même des oreilles, il avait un accent chuintant et plus important que tout un mégot perpétuel au coin de la bouche.

    Car la spécialité du restaurant c'était la vraie soupe au mégot à l'ancienne, je sais que pour certains de mes collègues hygiénistes sociaux de strict observance cela peut heurter leur croyance profonde et sembler une pratique quelque peu transgressif sinon blasphématoire mais enfin si l'on veut conserver à la vie parisienne un peu de son charme natif il faut montrer une certaine tolérance vis à vis de l'indigène et de ses coutumes, et puis quoi ! même si je ne prise pas loin de là les carreaux vichy (qui me rappelle un peu trop la période la plus sombre de notre histoire) j'aime à me laisser aller dans une ambiance désuète et surannée  même si je me replonge tout de suite après dans les délices de notre contemporanéité compulsive. A ce propos j'ai lu quelque part que la mairie de Paris allait  remettre en service une compagnie de sergents du gay (je ne suis pas sûr de l'appellation exacte) qui nous prouve assez que même dans une ville musée il faut des gardiens et savoir renouer avec des traditions utiles.

    Le tramway à gazogène étant une fois encore en panne (on doit assumer les aléas du progrès). J'avais pris un vélo-taxi et pour une fois le type n'était pas un fainéant, j'arrivais en avance, j'en profitais pour me faire cirer les chaussures devant l'entrée du restaurant. Jean-Nick lui eut un peu de retard et dés son entrée je lui plaçais ma première semonce :

    -J'espère que tu as fait attention et que tu n'as pas encore garé ton vélo sur un passage clouté, deux fois dans la semaine ça fait beaucoup !

    -Ah ma vache là tu m'as eu : 1-0 !

    C'était un rituel entre nous que de mettre en avant les fautes sociales de l'autre commis au cours du mois écoulé ; rien de plus simple grâce à nos fonctions nous avions chacun libre accès aux fichiers et il nous suffisait de les croiser.

    <o:p> </o:p><o:p> </o:p>

    C'est pour ça que j'ai voté Sarkopéte,  parce qu'il a compris, lui, et avant tous les autres que le croisement des fichiers et le flicage mutualisé était la grande aventure du 21° siècle : nos cathédrales à nous !

    Je posais sur la table la cellophane entourant la barrette de shit Equitabeule Traide que je venais d'acheter dans un distributeur automatique (ghanéen) à la sortie du métro.

    -Ne jette pas l'emballage n'importe où pour un type qui a eu un avertissement pour tri non réglementaire de ses déchets cela peut être grave ! 1 partout !

    Ah l'enfoiré il avait lui aussi croisé les fichiers: de fait j'avais écopé d'un avertissement quinze jours auparavant pour avoir mis un pot de yaourt vide (bio le yaourt quand même !) dans le mauvais container d'une amie chez qui je passais la soirée, la police avait remonté la filière grâce aux traces ADN laissées sur l'opercule fermant le yaourt (je fais partie des 77 % de consommateurs de yaourts qui lèchent l'opercule) et j'avais passé 16 heures en garde à vue au commissariat du 15 °.

    Nous nous racontâmes quelques anecdotes de travail, Jean-Nick me raconta en particulier qu'il avait participé à une opération de gendarmerie visant à retrouver dans un village de la France rurale un type (après un profilage serré on était sûr du sexe de l'individu) qui envoyait des lettres anonymes à fort contenu discriminant et sexiste à la députeuse UMPpiste du cru, l'opération avait été remarquablement combinée: à six heures du matin neuf cents gendarmes mobiles en treillis et la mitrailleuse à l'azimut avaient investi le village, parqué les 380 hommes de plus de seize ans dans un parc à bovins, déroulé les barbelés et monté le mirador (ils ont en des pliants très commodes maintenant) et ils te leur avaient gratté la glôte à fins de recueillir les traces ADN.

    Le maire un extrémiste, élu du Flan National avait protesté que c'était là des méthodes dignes de la Gestapo, mais manque de chance pour lui après une rapide perquisition il fut trouvé à son domicile des armes de guerre: couteau suisse (allemand) à décapsuleur renforcé:

    -J'ai fait l'Algérie. Fut sa seule explication.

    Il l'avait faite mais du mauvais côté. Il suffisait de voir les décorations qu'il affichait sans vergogne dans sa salle à manger.    

    Malheureusement la moisson n'avait pas été suffisante l'anonyme utilisant des enveloppes autocollantes et pré-timbrées ce qui laissa nos pandores perplexes.

    Le juge d'instruction, c'était Plombiveau, ordonna alors de procéder à un second grattage mais à l'opposé soit au niveau du rectoum de chacun des 380 suspects, il avait repéré des traces douteuses sur les missives, ce qui fut fait, sans protestation cette fois, l'édile rétif ayant été incarcéré entre temps (il purge une peine de deux années de prison pour refus d'obtempérer à un banal examen qui nous en aurait appris bien plus sur lui et sa destinée terrestre que n'importe quel introspectif moyen n'en découvrira jamais sur sa propre personne !).

    Hélas là encore ce fut  sans grand résultat, hormis un taux un peu supérieur à la moyenne d'hémorroïdaires.

    Mais on ne soulignera jamais assez combien le métier de gendarme est devenu une activité passionnante, outre le grattage de conduit (dans les deux sens) sur suspect, le gonflage et dégonflage de ballons multicolores, le planquage derrière panneaux pour surprendre le contrevenant et autres disciplines nourrissantes, s'est ajouté la pratique de la psychologie.  

    L'un des brigadier chefs profileurs assermentés eut l'idée somme toute astucieuse de faire procéder à une analyse ADN des fautes d'orthographe, de syntaxe et de ponctuation et grâce à cela le coupable fut confondu: un garçon de ferme solitaire et renfermé...

    -... en bonne justice il devrait en prendre pour vingt ans... si le lobby onaniste ne fait pas pression ! Conclut un peu désabusé Jean-Nick.

    Ah les groupes de pression c'est notre hantise quoique je ne conteste aucunement leur nécessité.

    Après quelques anecdotes du même tonneau glanées au long de nos divertissants travaux de fonctionnaires/factionnaires le grand moment vint enfin: toute fumante et odorante arriva la soupière porté à grand train par la belle-fille du patron :

    -Bon appétit messieurs !

    L'appétit ne nous fit point défaut, nous en reprîmes deux fois chacun.

    -Alors tu en penses ? Demandai-je à Jean-Nick.

    -Elle est fameuse ! Il y a longtemps que je n'avais pas bouffé une soupe au mégot aussi bonne !

    La soirée se passait donc au mieux et nous nous dirigions gentiment vers les sempiternelles et loyales profiteroles quand je ressentis le besoin de me rendre aux vaters.

    Ils étaient parfaitement tenus, l'on devinait que c'était là le domaine réservée de la patronne, elle y avait apporté sa touche personnelle de mauvais goût franchouillard : abattant en bois mouluré, balayette haute époque en vrais poils de sanglier et porte-rouleaux surdoré, bref on y était bien et j'y musais quelque temps.

    Malheureusement sur le chemin du retour je me trompais de porte et là je vis... je vis simplement ce que sans doute je n'aurais pas du voir, l'innommable: le cuistot auvergnat tout érigé qui trempait son doigt dans la sauce à fins de la goûter et  savoir si elle était ou non trop salée. Il fit plusieurs fois le geste, trempant et re-trempant jusqu'à satisfaction. J'en fus... on le comprend bien... bouleversé et quand je revins à notre table Jean-Nick vit mon changement :

    -Qu'est-ce que tu as Jean-Fultre ?

    Je n'arrivais pas à articuler, enfin je bredouillais :

    -Il... il trempe...

    -Tu veux dire... tu es sûr ?

    -Je l'ai vu de mes yeux vu : il trempait son gros doigt dans la sauce.

    -Ah ben ça alors...

    Il était aussi anéanti que moi. (... à suivre...)
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  • 16.
    Une étape de plaine.
    <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p>Elle me faisait toujours autant d'effet la pianiste, b... andante et déprédatrice, sombre aussi et décidée, ah ça très décidée, un peu trop même à mon goût, comme je n'obtempérais pas assez vite, elle me poussa sur le lit et je mettais les fesses de mon pyjama mouillé dans la tâche de sang frais qui peu à peu envenimait le couvre-lit blanc, maman n'allait pas être contente, les affaires d'école c'était sacré pour elle.
    -Qu'avez-vous fait de Thursten ?
    -Euuuuuuuh ! Répondis-je aussi sec.
    J'avais beau me concentrer et la vue du désuet mais affûté rasoir à manche qu'elle tenait à la main ne m'aidait pas dans l'exercice, je ne me souvenais pas d'avoir rangé de Thursten dernièrement.
    -Quel Thursten ? Biaisais-je.
    -L'homme qui était sur le yatte ?
    -Quel yatte ?... ah oui vous voulez dire le yotte... votre... accompagnatri... teur donc ?
    -Ne faîtes pas l'idiot !
    Elle s'approcha un peu plus, je soupesais mes chances, qui venaient de me remonter sous les aisselles, sans doute était-elle suffisamment exercée pour me saigner aussi vite que l'athlétique gigolo, j'abdiquais :
    -C'est pas moi, madame...
    -Mademoiselle !
    -Pardon Mademoiselle, c'est Valter qu'a tout fait... c'est lui  qui l'a attrapé...
    Je reniflais aussi un peu.
    -Vous voulez dire ce salaud de Chéchignac ?
    -C'est cela mâme.
    -Conduisez-moi à lui.
    Dans l'instant où elle remisait son rasoir dans son sac, je crus voir une ouverture et je bandais mes muscles avant que de bondir et lui sauter tel un fauve à la gorge quand elle s'écarta très vite et j'allais percuter de la crinière le radiateur en fonte.
    Maintenant elle avait sorti de sa pochette à malices un pistolet 9 mm para  et me tenait en joue en souriant. 
    -Relevez-vous vous êtes ridicule !
    -Bien Mademoiselle.
    -Et puis mettez un imperméable vous n'allez pas sortir comme ça ! Et puis vous fermerez la porte derrière vous ! Et puis ne traînez pas j'ai encore de la route.
    Elle savait se faire obéir, aussi j'obéissais, c'était étrange mais malgré le grand péril où j'étais cela ne me déplaisait pas de lui obéir.
    <o:p> </o:p>*
    <o:p> </o:p>La maison du Druide paraissait comme abandonnée, bien entendu je m'en voulais d'avoir dénoncé mon petit camarade, mais malgré tout, la nature humaine est ainsi faite, j‘étais presque impatient de connaître la suite, peut-être parce que je n'avais plus de peur à pisser ou parce que je comprenais que dans l'affaire je n'étais point l'objectif principal, tout juste figurais-je en hallebardier de complément. Quand même il semblait que Valter et le Chef ‘von le Gueuzec avaient vu juste en inspectant le yacht bleu et en prenant un otage.
    Elle s'apprêtait à briser un carreau d'un coup de talon aiguille mais je me manifestais :
    -Maîtresse j'ai les clefs si vous voulez .
    -Allez-y !
    Elle me méprisait tout à fait et je n'en prenais que plus de plaisir.
    « Il faudra quand même que j'essaye les petites Chambeulac un de ces jours, notais-je dans mon esprit affairé et délicieusement humilié. »
    Nous entrâmes dans le grand hall démodé mais personne ne vint à nous.
    Où était donc passés Dona Chupita Bonita y Gomez  et le fier Conchito, qui n'était pourtant pas du soir ?
    -Il n'y a pas de domestiques ? Me demanda Mademoiselle Br... ?
    -C'est leur jour de sortie, Maîtresse. Mentais-je
    -Arrêtez de m'appeler Maîtresse !
    -Bien Maîtresse.
    A ce moment le Grand Vate, le père de Walter Chéchignac sortit des chiottes en se rebraguettant, un journal à la main :
    -Tiens salut mon gars, alors la lunaison a été bonne avec une grande bringue comme ça t'as pas dû t'ennuyer.
    C'était sans doute le seul esprit frappeur qui usait encore de tels exercices libératoires, il comprit mon  interrogation et s'expliqua:
    -Comme le gris, le goût des pommes, la nostalgie des chiottes, lire son journal sur la lunette et surtout tirer la chasse à la fin et regarder sa merde qui s'évacue, ça qui me manque le plus de pas pouvoir admirer ma merde, de plus rien chier. Allez salut mon gars et bonne... bandaison. Ah ! Ah ! Ah !
    -Bonsoir monsieur.
    -Qui était-ce ?
    -Le père de Walter Chéchignac. Maîtresse
    -L'engendreur de cette petite ordure ?
    -Tout à fait.
    -Mais je vais le tuer, lui aussi.
    -Vous pouvez pas, maîtresse, vu qu'il est déjà mort.
    Elle ne m'écoutait pas et vida son chargeur vers le Grand Vate, qui s'éloignait son journal à la main en humant les murs, sans autre retentissement que des trous dans le plâtre.
    -Raté ! Maîtresse.
    Décidément elle semblait cultiver quelques préventions et animosités contre le cher Valter pour s'attaquer ainsi et sans sommation à  sa parentèle.
    -Oh vous ça va bien hein !
    Soudain des bruits, comme des cris qui venaient d'en dessous, des sous-sols, nous parvinrent, je n'imaginais que trop bien, le spectacle que l'on risquait de découvrir si l'on s'engageait dans les escaliers :
    -Suivez-moi !... non passez devant plutôt ! Ordonna-t-elle.
    Je tremblais à l'idée de me retrouver dans quelque succursale encore en activité de la rue Lauriston, et puis qu'elle serait sa réaction de soliste quand elle verrait son ami le cher Thursten dans les fers et tenaillé par le Chef ‘von le Gueuzec, que j'imaginais déjà tout à son inspiration.
    Enfin après beaucoup de couloirs et presque autant d'escaliers, à son commandement je poussais une lourde porte en fer et elle entra son pistolet à la main, vrai l'on se serait crû dans l'une de ces dramatiques policières où les dames fonctionnaires toutes récurrentes d'autorité  par souci d'édification et d'éducation équinamiste des foules tévéspectateuses, défouraillent pour un stationnement dans les clous, donnent de grandes baffes aux suspects et se grattent les couilles avec une énergie de sous-brigadier, mais tout en restant féminines bien entendu. 
    Je venais loin derrière mais j'arrivais enfin et détaillais le motif.
    Au milieu d'une cave voûtée et à peu prés gothique, se tenait assis sur une chaise, et solidement attaché le cher Thursten, qui fumait autant qu'un bravadien adepte de la si particulière fumita, mon regard remonta jusqu'aux fils électriques que Dona Chupita Bonita y Gomez appliquaient à certains endroits stratégiques de l'intimité de l'accompagna/teur/trice/teuse/tontaine, intimité complexe et variée, qui mettait à la disposition de ses tortionnaires un plus grand nombre de muqueuses et de points sensibles que la moyenne des tortionnés.
    Le chef ‘von le Gueuzec en fond pédalait sur une manière de home-trainer qui se révéla être une artisanale génératrice d'électricité :
    -Anda ! Anda ! Plus vite il va parlaré ! L'encourageait l'héroïne bravadienne.
    -Plus vite, facile à dire, je voudrais bien vous y voir, je suis pas un grimpeur moi ! Celui-là pour le faire parler il faudrait au moins  du triphasé ! 
    -Les mains en haut ! Gueula Mademoiselle Br... sur un ton suisse-alémaniac qui n'était plus du tout féminin.
    Le cyclo-routier s'arrêta de pédaler, le jeune Thursten de souffrir et presque de fumigéner et Dona Chupita d'encourager.
    -Vous, allez le détacher !
    -Bien maîtresse.
    Je m'exécutais.
    Le pauvre garçon tomba de sa chaise et Mademoiselle Br... d'ordonner :
    -A genoux tous !
    -Euh moi aussi Maîtresse ?
    -A genoux comme les autres trou du cul!
    Elle était très colère, Maîtresse, et maintenant elle n'était plus tellement excitante, vrai dans ces moments on aurait dit un sergent d'active, un va de la gueule de carrière, d'ailleurs vue de prés, elle ne faisait plus tellement jeune, elle était quand même très maquillée .
    Je pouvais témoigner de son esprit de décision, j'en avais eu des preuves récentes et sanglantes et notre avenir se présentait fort mal.
    Le jeune Thursten s'était relevé et lui aussi était très remonté contre le petit personnel du saint office et commençait à tataner sec la figure du Chef ‘von le Gueuzec qui serrait les dents.
    -Tiens bute-les plutôt, ça te défoulera ! Dit-elle en envoyant son pistolet à son ami.
    Mais celui-ci ne parvint pas à l'attraper, il faut dire que l'on a quelque excuse à se montrer maladroit lorsque l'on vient de recevoir une balle dans l'œil droit tirée par l'irremplaçable   Walter Chéchignac, le cher Conchito,lui, qui n'avait décidément pas d'horaires  avait visé l'oreille et n'était parvenu qu'à allumer le plafonnier.
    Mademoiselle Br... à la vue de son ennemi personnel vida sa pochette sur le sol, se baissa, délaissa son poudrier pour attraper son rasoir fétiche et se jeta sur son excellence qui n'évita pas tout à fait la lame, son bras entaillé sanguinolait tant qu'il pouvait et la douleur lui ayant fait lâcher son automatique allemand, il fit face avec à propos et lui décocha un osso-bukitaméhari fulgurant en partie basse et qui exécutée selon les prescriptions du vieux maître d'Okinawa calma considérablement son adversaire, Mademoiselle Br... optant alors pour un repli tactique en se tenant le bas ventre et en marmonnant :
    -Ah l'en'ulé mes ‘ouilles !
    Elle referma la lourde porte avec une force étonnante.
     
    J'aurais du être soulagé mais ce que je venais de vivre me terrifiait plus encore que ma mort prochaine et affichée il y a peu.
    Cet homme si amical et civilisé, ce cher Valter pouvait tuer, assassiné très proprement son prochain. Il y avait là sur le carreau un être humain mort, et rendu ainsi par la faute, et l'autorité, du si sympathique mais tant effrayant Walter Chéchignac.
    -Eh bien vous avez l'air secoué mon cher La Gaspérine !
    -Béh... c'est qu'il est mo...
    Je ne voulais pas le blesser aussi retrouvais-je assez mes esprits pour user devant l'indigène de circonlocutions euphémisantes ainsi que l'on m'avait enseigné à l'Ecole:
    -... il est... il est invivant...
    -Ah ça il me semble oui !
    Il souriait et la colère alors me prit d'autant plus facilement que le danger était passé :
    -Et vous... vous l'avez tué... Lui dis-je sur un ton de reproche... calculé, je l'avais vu brillant à 15 mètres au tir sur travs olympiques, je l'imaginais aussi bien exercé sur fonctionnaires d'élevage.
    -Vous pouvez remercier notre vice-consul qui m'a prévenu à temps  car ils s'apprêtaient à en faire de même avec vous, mais peut-être auriez-vous préféré vous faire administrer par de tels paroissiens ?
    -L'on peut dire que vous arrivez bien mon petit Valter, je ne nous voyais pas beau  avec ces cannibales! Soupira de sa voix de basse, c'est à dire à grand bruit, le Chef ‘von le Gueuzec en se frottant les genoux avant d'aider la chère Dona Chupita à se relever.
    -Ma sciatiqua, Dio que dolore !
    -Je n'imaginais pas qu'une femme pût montrer une telle virulence.
    -Revenez à la réalité mon garçon votre Mademoiselle Br... n'a jamais été demoiselle ! S'exclama le Chef ‘von le Gueuzec.
    L'adroit Valter nous renseigna sur la véritable identité de nos assaillants.
    -Ce sont les fameux Gil et No, quand j'ai vu la pianiste l'autre soir, je me suis dit que je l'avais déjà vue quelque part, il y avait longtemps et ce n'est que cette nuit en feuilletant des vieux programmes de monsieur mon père que j'ai compris, regardez plutôt :
    Il avait sorti de son veston une feuille jaunie qui annonçait la Foire à l'Andouille 1973 avec la présence « exceptionnelle » du Grand Vate Marcel Chéchignac et plus bas en petits caractères Gil et No artistes transformistes.
    -Ils tournaient un excellent et inventif numéro de travestissement dans les cabarets et music-hall européens dans les années 70/80, ils faisaient de la musique, de la danse, de l'acrobatie, à force d'opérations et de maquillages savants ils avaient fini par se ressembler comme frères... et sœurs,  au long de leur carrière ils avaient créé un grand nombre de personnages, un jour l'un jouait Mademoiselle Br... et l'autre Thursten l'éphèbe ou la jeune danoise au pair et le lendemain c'était l'inverse ou autre chose, d'où notre expédition de tout à l'heure, j'ai pensé que de tels duettistes ne supporteraient pas la séparation.
    -Et je servais en quelque façon de chèvre !
    -Que voulez-vous depuis que vous vous êtes mis dans la tête des idées d'indépendance mon cher !
    -Et puis je crois que monsieur La Gaspérine en tenait  assez pour  cette mademoiselle Br... ! Remarqua le si psychologue Chef ‘von le Gueuzec .
    -Qu'sss vous ‘acontez ! Mais pourquoi ? Pourquoi en avaient-ils après nous ?
    -Rassurez-vous leurs motifs étaient purement platoniques et professionnels, il y a quelques années ils se sont lancés  concurremment à leurs activités artistiques dans l'assassinat à façon, excellente réputation sur le marché, je m'étais un peu documenté quand Jean-Guy Pantaloni avait voulu mettre la main sur mon cercle de La Muette
    -Vous... vous avez employé des tueurs à gages ?
    -Non, à l'ordinaire je préfère le forfait et puis tout comptes faits Paul-Antoine Andréacci m'avait prêté de ses petites mains et le travail avait été aussi bien soigné va. Ne pas penser à fermer la porte derrière soi ne plaide pas pour leur professionnalisme.
    Sa remarque me fit mal, parce que ce n'était pas à maîtresse Br... qu'il revenait de la fermer cette porte mais bien à moi, humble et  indigne soumis, oh j'aurais mérité d'être battu... vrai je la regrettais déjà.  (... à suivre...)
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  • Si vous aimez le ton Urbane Tattack, venez retrouver les romans et recueils de nouvelles inédits de ses auteurs: H.T.Fumiganza, G.M.Neoletto, L.Benayak, J.P.Chassavagne ect... sur le sîte rénové (nouvelle moquette, plantes grasses, filles excitantes et chipster Belin à volonté) de l'Urbaine des Arts:

    http://lurbaine.net

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  • 15.
    La Détestation.
    <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p>Je ne vous cache pas que j'avais plutôt envie de vomir que d'admirer la vague comme me le conseillait Walter Chéchignac.
    Il faut dire aussi qu'il n'y a rien de plus roulant sur la vague et vomitif qu'un chalutier, hormis peut-être un dragueur de mines.
    -Je croyais que vous aviez fait votre temps dans la marine ? Ironisa le Chef ‘von le Gueuzec en faisant allusion à ma publication récente sur les murs de La Conche.
    -Pour une fois vous êtes mal informé monsieur ‘von Le Gueuzec, j'ai fait mon service militaire à Saumur puis dans l'arme blindée.
    -La cavalerie, il n'y a que ça ! Concéda nostalgique l'ex-garde républicain.
    -Oh vous n'imaginez pas combien je la regrette moi aussi en ce moment !
    -Regardez mon cher La Gaspérine, ils vont remonter le chalut. Allons-y.
    -Non merci ça va... plus tard peut-être...
    Trop tard le pont fut envahi d'une poiscaille convulsive comme  jeunaille technophréne que les hommes d'équipage, avec le renfort de son Excellence se mirent à trier avec  sûreté et dextérité avant que d'en basculer le plus grand nombre dans les cuves de cale et de remettre le restant à la mer. Il ne demeurait pour toute animation sur le pont lessivé que quelques petits poulpes nouveaux-nés d'une trentaine de grammes, ébaubis et touristes.
    Walter Chéchignac s'assit prés du commandant Kelbonbec qui commandait le bâtiment, et avec gourmandise et dans le même mouvement que les autres marins, ils ouvrirent leurs couteaux, débouchèrent les bouteilles de muscadet, après quoi il tranchèrent par le milieu des petits pains qu'ils garnirent avec de ces « poulpiots » qu'ils noyèrent de mayonnaise, c'était le nom que l'on donnait à cette spécialité conchoise: « le poulpiot-mayo »  ils croquèrent là-dedans et le plus terrible était que la bestiole innocente, le nourrisson se défendait, s'accrochait au petit pain et résistait de toutes ses pattes sous la poigne et devant la mâchoire inexorable.
    Un terrible et inhumain « Pssrroouiiit ! » concluait à chaque fois le combat trop inégal.
    -Vous ne voulez pas goûter au casse-croûte conchois, monsieur La Gaspèrine ? Me demanda fort civil le commandant Kelbonbec en rattrapant l'un des sandwiches ambulatoires qui venait de tenter sa chance et cherchait dans un admirable et ultime geste de résistance à gagner l'Angleterre.
    Je regardais cette belle figure salée de marin dessalé, et sa bouche que l'on ne pourrait mieux dire que carnassière, ourlée de mayonnaise et dévorant ce sandwich vivant, et j'allais vomir encore une fois, contre le vent, le reliquat des restes de mon petit-déjeuner.
    <o:p> </o:p>Vrai cette sortie en mer ne s'imposait pas et je comprenais mal pourquoi Walter Chéchignac avait tant insisté pour me faire participer à une pêche au Blétznec, la denrée du coin,  peut-être voulait-il me faire admirer son chalutier « La Détestation »
    C'était certes une fort belle unité moderne, déjà d'un certain tonnage malgré son jeune âge mais je devinais qu'il ne devait pas seulement se consacrer à la pêche, ou alors en eaux troubles.
    Je ne compris le véritable but de l'excursion qu'en retournant au port, quand nous nous arrêtâmes prés du yacht bleu qui se tenait à l'écart dans l'avant-port.
    -Excusez-moi mon cher La Gaspérine une visite à rendre ! Me dit Walter Chéchignac déguisé maintenant en plongeur autonome et palmé, il plongea aussitôt et même derechef avec deux de ses hommes dans les mêmes dispositions grenouillesques et aventureuses.
    Le innocents devant un tel synchronisme professionnel n'auraient peut-être vu là qu'une répétition de ballet nautique, pour ma part, je ne pouvais m'empêcher de penser  que dans la fréquentation de ce garçon, fort intéressante et enrichissante au demeurant, je m'attendais toujours à me faire surprendre par la Brigade mondaine, sur terre ou sur mer, en quelque état ou circonstances délictueux.  
    Il nous fallait attendre, espérer que l'aventure ne se terminât point en expédition mexicaine :
    -Vous n'avez pas entendu capitaine Kelbonbec ? Oui, on aurait dit des coups de feu.
    -Des chasseurs de mouettes.
    -Cela se chasse la mouette ?
    -Tout se chasse monsieur La Gaspérine, ça dépend de l'appétit qu'on en a. Sourit le dévoreur de nouveau-né.
    Repus il était encore plus effrayant que dans la faim le philosophe-hauturier. 
    <o:p> </o:p>Ils revinrent, enfin ! Avec un prisonnier, hélas !
    -Tenez changez-vous ! Lui ordonna Walter Chéchignac en lui tendant des vêtements secs.
    Même en été l'océan Atlantique virait à l'Arctique le soir et l'autre tremblait, mais  pas seulement à cause de la météo défavorable.
    C'était un grand mousse qui se révéla être, sitôt sa combinaison néoprène retiré dans un : Shaaarrttthllaaartflaac ! très évocateur, une grande blonde insipide d'une quarantaine d'années avec une poitrine bénigne  mais dont le regard me disait quelque chose, c'était de ces regards sur lesquels l'on se retourne après les avoir croisés, un regard gris, infini et las, de ressuscité, ou en moins littéraire et mystique: un regard de pute nordique après la fermeture.
    -Vous ne la reconnaissez pas ? Me dit Walter la grenouille tout en se dégrafant lui aussi.
    Rien de plus étonnant qu'un streap-tease d'homme-grenouille, ça fait shplaaaac ! ça fait shploooof !
    -Non je vois pas ?
    -Et comme ça insista-t-il en lui retirant son bonnet de marin !
    -Merde Milady de Winter !
    -Arrêtez vos conneries La Gaspérine, c'est l'accompagnatrice de Mademoiselle Br... Et à bord du bateau nous avons retrouvé, siégeant dans le salon un Graffenberg bleu nuit, châssis long !
    -Qu'allez-vous en faire ?
    -Du piano rien, elle, le Chef ‘von le Gueuzec va l'interroger.
    -N'y allez pas trop fort.
    -Ne vous inquiétez pas, il aime la spontanéité, le premier jet.
    -Justement ça.
    -Vous oubliez mes chiottes La Gaspérine ?
    -Il faut savoir pardonner. Et puis ce n'est pas elle qui les a fait sauter.
    -Non mais elle y aura participé et avec l'intention de nuire et de faire mal et même de buter du monde dont vous mon cher. Et encore je compte pour rien l'orchestre de chambre retrouvé dans le port ! Et non plus le dérangement !
    -C'est une femme ?
    -Justement non.
    Elle avait descendu son short et force était de reconnaître qu'elle possédait tout l'attirail réglementaire du turfiste buveur de bière.
    -Pourquoi tout est-il toujours compliqué avec vous mon cher Valter ?
    -Parce que la vie n'est jamais simple que sur les pierres tombales mon cher La Gaspérine, mais ne vous inquiétez pas le Chef ‘von le Gueuzec va vous simplifier tout ça.
    Je prenais en pitié ce pauvre garçon et n'osais imaginer la suite des événements.
    -Dans tout les cas je vous serais reconnaissant de me ramener au port.
    -Mais nous y sommes mon cher, nous y sommes.
    Il avait raison, je débarquais, bien décidé à ne plus jamais fréquenter de tels personnages.
    <o:p> </o:p>Je retournais à l'auberge de La Chaudasse, où m'attendait dans le hall, la Marie Bertalot avec son gros conjoint congénital :
    -Ah ben on vous cherchait de partout monsieur La Gaspérine, regardez voir ce que La Rincée a trouvé ce tantôt en faisant le ménage à la permanence du Quai des Brunes.
    Elle sortit d'un sac Franprix un chose brunâtre et consumé, que je mis quelque temps à reconnaître pour ce que cela avait été : un képi de capitaine de gendarmerie.
    Je bredouillais en me remémorant les paroles de Walter Chéchignac offensantes à l'endroit de ce corps que... qui... quoi...
    -Se pourrait-il que...
    -Ben ça m'en a tout l'air.
    -Mais après tout il est possible qu'ils l'aient perdu pendant que les pompiers combattaient encore l'incendie.
    -Ah ça ça m'étonnerait vu qu'on s'est fait la réflexion avec La Rincée du temps qu'ils mettaient pour venir, quand ils sont arrivés il y avait plus de flammes, plus rien, que de l'eau, de l'eau partout, on a passé la matinée à tout évacuer.
    -Bien, bien, je vous remercie je vais aviser, voulez-vous prendre quelque chose un café.
    -Non, non on veut pas vous déranger, vous avez tellement à faire pour préparer la réunion de demain !
    C'était la vérité, j'entrais en campagne le lendemain.
    Je quittais le couple Bertalot-La Rincée et montait dans mon appartement.
    J'y trouvais un mot de Médpeu et La Branlaye qui m'informait de leur rappel précipité à Paris et de l'assurance de leur meilleur souvenir dans les heures délicates que j'allais connaître.     
    Je commençais à croire à une conspiration organisée sinon contre ma personne, à tout le moins contre ma candidature. J'étais assez proche du découragement et je ressentais une certaine appréhension, les évènements me devenaient incompréhensibles, peut-être avais-je été trop docile à trop de choses et de gens dans trop de circonstances pendant toutes ces années de formation, l'on m'avait battu le chemin maintenant les mêmes cherchaient à effacer ma trace et je ne savais à qui, à quoi et comment faire face.
    Mais aussi pourquoi Valter m'avait-il abandonné ?
    <o:p> </o:p>Je pris une douche, passai mon pyjama et j'allai dans ma chambre, le gigolo de la Belle de Mai, l'amant  marseillais de l'américaine propriétaire du yacht bleu, reposait sur mon lit, il avait la gorge ouverte depuis l'orient jusqu'à l'occident de son imbécillité comme en suivant les pointillés de sa chaînette en or doré.
    Je crus pouvoir hurler mais je n'y parvins pas, l'appréhension qui s'était transformée en trouille me nouait la gorge en même temps qu'elle dénouait mes sphincters.   
    Je mouillais mon pantalon de pyjama, un cadeau de maman, sans pouvoir bouger ou articuler.
    -Asseyez-vous ! Me dit Mademoiselle Br..., qui venait de surgir des doubles rideaux et marchait à moi dans sa longue robe de soirée noire et décolletée.  (à suivre...)
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  • 14.
    L'Auberge de La Chaudasse.
    <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p>   Dartemont-Belcourt en short et lunettes de soleil avait ressorti la vieille R4 du garage du Coin Maurin où elle avait été rapatriée après le tragique et démonstratif accident de ces demoiselles Dartemont et elle avait entassé là-dedans sa sœur  et leur descendance :
    -Nous allons à la plage. Nous expliqua-t-elle de sa voix haute  et assurée de meneuse de revue... de fin d'année à Notre Dame de Sion. 
    Ces dames après s'être concertées avaient décidé de passer les grandes vacances à La Ponche en famille mais sans délaisser pour autant la marche de la Maison Dartemont Sœurs. Chacun même étant tenu d'y apporter sa contribution, selon ses moyens.
    -Cela risque de tourner au Club des cinq en vacances, vous ne croyez pas Chef, si vous devez supporter toute la famille pendant vos enquêtes. Plaisanta Walter Chéchignac, visiblement embarrassé par la tournure absurde que prenaient les événements.
    Mais il était d'un avis différent le veuf double :
    -C'est de la vie mon cher Valter et j'arrive à un âge où l'on ne doit pas refuser la vie quand elle se présente à vous, le soir dans mon appartement, je mets quelques fois l'oreille au plancher rien que pour les écouter vivre en dessous.
    Le Veuf Double occupait les combles de l'immeuble Dartemont du Coin Maurin.
    -Et puis dans l'affaire Ernestine Le Gourvenon... mais si le parc à huîtres sanglant... c'est elle qui a trouvé le fin mot de l'affaire... le garde-pêche c'était bien lui qui avait étranglé le maître-nageur et tout ressemé en Belons.
    La Ponche l'été devenait une station touristique et la population se multipliait à la vitesse des petits pains dont il est question dans les Ecritures fameuses. Le touriste aussi était nourrissant. Pour ma part ce qui m'inquiétait n'était point la fréquentation touristique mais ma permanence brûlée et plus encore les intentions, sûrement mauvaises, que ce geste criminel dénonçait.
    <o:p> </o:p>Le capitaine de gendarmerie, un homme charmant, en tapant son rapport sur son ordinateur portable malgré les épais pansements qu'il portait aux mains, il s'était brûlé m'avait-il confié la veille en organisant un barbecue pour son escouade, ne m'avait point caché que l'enquête serait difficile.
    -Enfin on va croiser le fichier des pyromanes avec celui des pilleurs de tronc d'église et quand on aura le profil ‘sychologique on l'enverra à Paris. On vous préviendra.
    -Tant qu'à croiser les fichiers, me fit remarquer en sortant de la gendarmerie Walter Chéchignac, c'est plutôt celui des gendarmes de permanence et celui des grands brûlés que j'aurais croisés.
    -Allons don' vou plaisantez, mon cher Valter. Un service public que le monde entier nous envie.
    -Le K.G.B aussi c'était un service public.
    <o:p> </o:p>Dartemont-Belcourt, accompagnée de ses nièces déguisées en allumeuses estivales, après avoir souri comme en bienvenue à Walter Chéchignac qui lui bredouilla ses hommages, se tourna vers moi :
    -J'ai appris monsieur La Gaspèrine l'incendie de votre permanence électorale, j'espère que vous étiez bien assuré ?
    -Oh ce n'est pas tant cela qui m'inquiète chère Madame mais bien plutôt ce que ce geste peut augurer de violences et d'affrontements imbéciles.
    -Je sais le Chef ‘von le Gueuzec très occupé en ce moment mais voulez-vous que nous nous mettions avec ma sœur sur l'affaire... ou bien encore les jumelles, elles montrent beaucoup d'instinct et d'esprit de suite, savez-vous...
    -Ma tante, vous oubliez que Monsieur ‘von Le Gueuzec nous a confié l'affaire du satyre des plages, c'est du travail.
    -Quel dommage que vous n'ayez pas de chien chère Madame il nous aurait peut-être mis sur la piste... fit remarquer avec causticité Walter Chéchignac enhardi par la colère et la rage de piétiner en terrain même pas conquis.
    Elle enleva ses lunettes de soleil, pointa son regard bleu dans celui très noir de Valter, qui soutint l'échange et le prolongea comme à plaisir, il était certain qu'un fort potentiel passionnel existait entre ces deux-là.
    -Mon Dieu nous ne demandons qu'à rendre service, cher monsieur, dans la mesure de nos moyens, sans doute les vôtres sont-ils plus importants, il ne tient qu'à vous d'en faire le meilleur usage. 
    Il n'était pas difficile de deviner que son excellence aurait volontiers brossée l'impertinente sur le capot de la R 4, mais il y avait les enfants innocents, les vacanciers en shorts et les usages diplomatiques, alors il évacua la pression dans un sourire pirhanesque.
    -Vous avez raison, madame, nous allons nous occuper de ces malotrus.
    La Renault 4 démarra, puis cala, redémarra et s'éloigna enfin elle était à bout de potentiel et chargée à plein bord de rires d'enfants et de ballons de plage.
    -Elle me cherche, vous avez vu La Gaspérine. Commenta Valter en s'essuyant le front.
    Ils se cherchaient c'était l'évidence mais se trouveraient-ils ?
    Le Chef ‘von le Gueuzec demeurait soucieux.
    -Cette histoire ne me dit rien qui vaille... a propos on a retrouvé tes boliviens de l'autre jour... mon petit Valter... prés de Ventimiglia, sur un chantier, coulés dans des piliers de béton.
    -Assassinés ? Demandai-je.
    -Qu'est-ce que vous allez imaginer là ! Non ils auront glissés.
    Je détestais quand Walter Chéchignac prenait ce ton railleur, il en devenait vulgaire et populard.
    -C'est Guido Giannetti notre correspondant en Italie qui m'a téléphoné la nouvelle tout à l'heure. Tu vois ce qui m'inquiète c'est toute cette vaisselle qui est faite après une modeste expédition ratée. Une dizaine de morts pour un pétard mouillé.
    -Vous croyez toujours que c'est monsieur La Gaspérine qui est visé ?
    -Non, je peux comprendre que l'on veuille le tuer mais j'imagine mal que l'on y consacre autant de moyens.
    -Merci c'est flatteur.
    -Moi alors ? S'interrogea Chéchignac, qui avait sans doute quelques règlements en train.
    -C'est l'hypothèse la plus probable mais ce n'est pas la seule.
    -Et pourquoi pas vous chef, les suédois veulent peut-être venger l'affront que vous leur fîtes, jadis.
    -Ce sont des neutres, ils ont perdu l'habitude de l'honneur. Tes affaires parisiennes ne te donnent pas de souci en ce moment ?
    Le Chef ‘von le Gueuzec avait baissé de ton pour évoquer les « affaires parisiennes du consul » ce devait être encore du joli.
    -Ma foi non, c'est le grand calme. Il y a peu de touristes alors on fait le chiffre avec les habitués et les provinciaux, d'après le dernier reporting que m'a envoyé Merry.
    -Elle va bien Merry ? Toujours en beauté.
    -Elle tient le coup.
    Je me sentais maintenant mal à l'aise au milieu, c'était sans doute le terme le plus approprié, de cette conversation ornée de sous entendus et de souvenirs pris en commun. 
    Que faisais-je parmi ces gens et comment le Rassemblement pour l'Union ou l'Union pour le Rassemblement, je ne savais plus, enfin ce parti de merde quoique de gouvernement pouvait-il cousiner avec de tels personnages. Sans doute leur avaient-ils rendus de grands services dans le passé et encore à l'occasion se montraient-ils utiles, mais quand même.
    Quand ils en eurent terminé de leurs silences à œillades et de leurs propos clignotants, je dis :
    -Je crois que je vais prendre une chambre à l'hôtel. Je ne peux quand même pas vous envahir pendant six mois. Qu'en pensez-vous mon cher Valter. J'en ai vu un qui me semble très convenable prés de la Cathédrale.
    -Tiens don' il y a une cathédrale prés de cet hôtel de passe, je ne l'avais jamais remarqué ! Rigola en grand le Chef ‘von le Gueuzec.
    <o:p> </o:p><o:p> </o:p>*
    <o:p> </o:p>Malgré leurs avis contraires et argumentés: « ... ce n'est peut-être pas le moment de vous émanciper quand ça valse dans tous les coins !... vous avez bien le temps, la maison est grande et confortable et sous la garde de Dona Chupita Bonita y Gomez et du jeune Conchito, qui de fait est du matin,  vous ne risquez rien !... là-bas la patronne est irlandaise et les putes poivrées, venez pas pleurer si vous vous attrapez  une chaude pisse sans compter qu'elle a été plusieurs fois condamnée pour son haricot de mouton... allez quoi merde faisez pas le con La Gaspérine ! »
    Je demeurais inébranlable.
    Je crois que Walter Chéchignac préférait seulement m'avoir sous la main, je recouvrais ainsi toute ma liberté, d'ailleurs l'Auberge de la Chaudasse  me parut d'entrée fort convenable, agréable maison à colombages et torchis de... enfin bâtie selon les prescriptions et traditions locales, meubles cirées et service en vernis, mon appartement donnait sur la Cathédrale Sainte Trahoudulde.
    La patronne Mrs. Adam (comme le verre avait spirituellement remarqué Médpeu : le verre Adam... à dents !) était une irlandaise rousse  prospérante et agissante, son époux une espèce de cocu de serre  tardif et malingre, lui aussi anglogène, les servantes accortes, bien entendu et comme annoncées plus haut, mais si l'on mettait d'entrée le holà à leur familiarité commerciale et hors de propos, l'on pouvait trouver là le repos et même un certain confort.
    Bien entendu j'avais réquisitionné d'office deux chambres pour  La Branlaye et Médpeu, ils quittèrent la maison du consul Chéchignac à regrets mais prirent très vite leurs aises dans leur nouveau logis.
    -C'est... c'est charmant... et pour ce qui est des prix cela reste encore très provinciale, très raisonnable, quand on voit ce que l'on paye à Paris pour la moindre pip... je veux dire pour un service en chambre... décent j'entends.
    Nous étions réunis pour notre première soirée ici dans la salle à manger autour d'une Guiness et d'un homard au gingembre, éthiquement discutable, et encore avions-nous soigneusement évités, sur mon injonction, le haricot de mouton aux airelles. 
    Au dessert devant une jelly branlotante « cherry and juniper », La Branlaye proposa pour nous remettre de nos émotions gustatives d'aller boire un verre dans une boîte de nuit « tout à côté », je ne pouvais pas leur refuser un moment de détente surtout pris « tout à côté ». Je devais remobiliser mon équipe, les élections approchaient et ma campagne d'affichage avait démarré dans la sobriété sous une photo de moi en tricot de marin (pour faire oublier mon parachutage et me donner une couleur locale) à rayures molles (pour rassurer l'électorat flottant) et avec une gâpette de cap-hornier (histoire de montrer que malgré tout il y avait quelqu'un à la barre) : un slogan fédérateur choisi par mes conseillers:
    «  Jean-Thierick La Gaspérine un vrai vote de conchois. »
    N'est-ce pas que c'était assez con... chois ce que ces cochons-là avaient trouvé mais enfin il m'en garantissait les effets et s'engageaient à me rembourser mes frais de port si je n'étais pas élu, alors, pourquoi douter, vrai j'avais confiance.  
    Les premiers résultats étaient d'ailleurs fort encourageants puisque l'on se foutait de moi partout où j'étais affiché à travers la ville.
    -C'est bon... c'est très bon... comme une donzelle au premier rendez-vous, qui se défend, se moque mais qui est troublée... on va les sauter ils vous attendent, je vous dis qu'ils mouillent déjà !
    -Je ne suis pas Letroncheur Messieurs.
    -On sait... on sait...
    Et La Branlaye disait cela avec comme du regret. Je crois qu'ils n'étaient pas encore tout à fait convaincus de l'existence terrestre de ce Jean-Thiérrick La Gaspèrine qu'ils leur fallaient vendre à tempérament à des électeurs notoirement insolvables ou du moins point décidés à s'endetter pour de l'article de Paris.
    -Et puis il y a votre prénom breton cela rassure. Se rassura La Branlaye.
    A dire le vrai je tenais ce prénom faussement bretonnant non point d'une quelconque hérédité armoricaine mais parce que Monsieur mon père le ci-devant Président (il avait été président très jeune, de tout et de n'importe quoi) Régis Cardemeule s'était présenté fin cuit quand il m'avait déclaré à l'état civil de la mairie du XXII° :
    -Son prénom ?
    -Jean-Thierry-hips !
    -Jean-Thierrips ?
    -‘pa' ça ! ‘ean-Thierry-hic !
    -Jean-Thierrick  s'pas breton ça ?
    -Oui...ic !
    A quoi tient le destin... s'pas?
    <o:p> </o:p>*
    <o:p> </o:p>La boîte de nuit n'était pas « tout à côté » mais « tout en dessous » de l'hôtel et donc du niveau de la mer et la tenancière était aussi rousse que la patronne de l'Auberge de la Chaudasse, d'ailleurs... d'ailleurs c'était elle, elle mais en string de cuir et son mari en slip léopard déguisé en Tarzan tubard tenait le bar.
    -Dîtes donc vous vous foutez de moi vous deux ! En plus cela m'a tout l'air d'être une boîte à partouzes votre boîte de nuit !
    -Ah vous croyez... on ne connaît pas bien la ville mais maintenant que vous me le faîtes remarquer... c'est curieux en effet... enfin l'on doit pouvoir se faire servir trois babys sans trop de dommages.
    Médpeu s'en alla négocier au bar avec Tarzan pendant que je m'installais avec La Branlaye dans un recoin, le plus sombre, heureusement les recoins sombres ce n'était pas ce qu'il y avait de rare, il n'aurait plus manqué que je me fisse remarquer dans un tel lieu :
    -Vous craignez pour votre fleur ?
    -Je crains pour mon élection mon cher et je pense que cela vous concerne un peu.
    -Ils élisent pas une rosière. Mais puisque je vous dis que c'est dans la poche, détendez-vous quoi merde, il faut savoir mettre un peu de mou dans la bretelle de temps en temps sans quoi on ne fait pas une carrière politique, vous tiendrez pas le coup mon vieux déboutonnez-vous quoi 
    -C'est aussi un conseil politique ?
    -Mais tout est politique la bretelle comme le reste !
    -Votre formation gramciste qui vous donne des renvois.
    D'ailleurs du mou il n'y en avait pas beaucoup autour de nous, l'établissement était certes d'un standing infiniment supérieur à celui du 10/18, mais la grande majorité des consommateurs consommait et une minorité agissante regardait. Je crus même reconnaître parmi la distribution et dans les premiers rôles les deux jumelles Dartemont-Chambeulac très affairées à dresser une meute de mâles, elles avaient des fouets et les faisaient  claquer sur les fesses des fauves bedonnants et rôtants dans un très beau travail en férocité.
    -Ne serait-ce point ces demoiselles Chambeulac ? Interrogeais-je Cyril Médpeu qui nous revenait avec trois whiskys.
    -Ma foi, il me semble en effet... mais comment se peut-il... voulez-vous que j'aille me renseigner ?
    -Je ne vous le conseille pas, buvez vos verres messieurs et retirons-nous !
    A ce moment retentit un :
    -Bordel de merde qui c'est qui me fout la lumière dans les yeux !
    C'était l'organe considérable de Letroncheur, il n'y avait pas à se tromper, il était reconnaissable entre tous et l'ayant supporté toute une soirée il m'était devenu familier. Il était la nouvelle attraction de la soirée et Mrs.Adam braquait le projecteur sur la scénette charmante de Letroncheur au milieu des dames. Médpeu me détailla les protagonistes :
    -La blondasse de droite est la femme du notaire Maître Jeanneton, il est conseiller général vous lui avez été présenté, je crois, la brune qu'il saillit est Madame Lecornec la femme du pharmacien... d'ailleurs le pharmacien c'est le chauve à côté...
    Letroncheur comme en un jour d'ouverture, ne rationnait pas les cartouches, il en mettait même quelques unes au pharmacien et entre deux passées refroidissait le canon dans le seau à champagne.
    -Quel numéro quand même !
    Ils étaient fascinés par la vitalité du bonhomme Letroncheur, pour ma part j'en avais assez vu et commandait le repli :
    -Allons messieurs en route !
    A ce moment cette imbécile d'irlandaise gastronomicide envoya son projecteur sur notre mouvement tactique.
    -Mais putain c'est le mousse ! S'exclama Letroncheur en me reconnaissant.
    J'étais reconnaissable maintenant. Ah elle était réussie leur pré-campagne de notoriété à ces deux crétins
    Letroncheur avait dételé et se précipitait vers moi, l'arme à l'azimut en gueulant :
    -Nom d'une bite je vais te l'inaugurer moi le mousse ! ‘ va' te le faire mousser le parisien !
    Croire que je l'inspirais. Il ne pouvait pas laisser la marine tranquille, non.
    Je tentais de courir, d'échapper, ne pas connaître le même sort que le pharmacien, mais je butais dans un pouf ou une pouf', je ne saurais jamais et tombais le nez dans la moquette framboise parsemée de capotes usagées multicolores comme alpages au printemps.
    Letroncheur était pratiquement sur moi quand les jumelles Chambeulac, délaissant là leur... leur enquête, s'interposèrent avec une grande fermeté d'âme et dans de démesurés claquements de fouet :
    -ZiiiipSchlaaaaaaaac ! ZiiiiipSchlaaaaaaaac ! Au coin et vite !
    Letroncheur arrêté dans son élan, dégustait et paraissait même y prendre quelque plaisir, il ne rugissait plus :
    -Ouïlle ! Aïlle ! Mal, j'ai mal !Ouïllle plus fort c'est bon !
    Je me retrouvais, emporté par Médpeu et La Branlaye dans ma chambre.
    <o:p> </o:p>Je reposais encore convalescent de mes émotions sur mon lit quand ces demoiselles Chambeulac vinrent me visiter.
    Je les remerciais, bien entendu mais non sans m'étonner de leur présence dans un tel lieu :
    -Oh on rend juste service à Mrs.Adam, sa dominatrice titulaire Maîtresse Bertha s'est faite mordre par le receveur des postes, comme ça on se fait un peu d'argent de poche sans compter qu'on rencontre du monde et que ça fait bien avancer notre petite enquête sur le satyre... on soupçonne le pharmacien.
    Braves petites, décidément elles avaient la vocation, il me semble, non ? (à suivre...)
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