• Walter Chéchignac 15 par h.T.Fumiganza

    15.
    La Détestation.
    <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p>Je ne vous cache pas que j'avais plutôt envie de vomir que d'admirer la vague comme me le conseillait Walter Chéchignac.
    Il faut dire aussi qu'il n'y a rien de plus roulant sur la vague et vomitif qu'un chalutier, hormis peut-être un dragueur de mines.
    -Je croyais que vous aviez fait votre temps dans la marine ? Ironisa le Chef ‘von le Gueuzec en faisant allusion à ma publication récente sur les murs de La Conche.
    -Pour une fois vous êtes mal informé monsieur ‘von Le Gueuzec, j'ai fait mon service militaire à Saumur puis dans l'arme blindée.
    -La cavalerie, il n'y a que ça ! Concéda nostalgique l'ex-garde républicain.
    -Oh vous n'imaginez pas combien je la regrette moi aussi en ce moment !
    -Regardez mon cher La Gaspérine, ils vont remonter le chalut. Allons-y.
    -Non merci ça va... plus tard peut-être...
    Trop tard le pont fut envahi d'une poiscaille convulsive comme  jeunaille technophréne que les hommes d'équipage, avec le renfort de son Excellence se mirent à trier avec  sûreté et dextérité avant que d'en basculer le plus grand nombre dans les cuves de cale et de remettre le restant à la mer. Il ne demeurait pour toute animation sur le pont lessivé que quelques petits poulpes nouveaux-nés d'une trentaine de grammes, ébaubis et touristes.
    Walter Chéchignac s'assit prés du commandant Kelbonbec qui commandait le bâtiment, et avec gourmandise et dans le même mouvement que les autres marins, ils ouvrirent leurs couteaux, débouchèrent les bouteilles de muscadet, après quoi il tranchèrent par le milieu des petits pains qu'ils garnirent avec de ces « poulpiots » qu'ils noyèrent de mayonnaise, c'était le nom que l'on donnait à cette spécialité conchoise: « le poulpiot-mayo »  ils croquèrent là-dedans et le plus terrible était que la bestiole innocente, le nourrisson se défendait, s'accrochait au petit pain et résistait de toutes ses pattes sous la poigne et devant la mâchoire inexorable.
    Un terrible et inhumain « Pssrroouiiit ! » concluait à chaque fois le combat trop inégal.
    -Vous ne voulez pas goûter au casse-croûte conchois, monsieur La Gaspèrine ? Me demanda fort civil le commandant Kelbonbec en rattrapant l'un des sandwiches ambulatoires qui venait de tenter sa chance et cherchait dans un admirable et ultime geste de résistance à gagner l'Angleterre.
    Je regardais cette belle figure salée de marin dessalé, et sa bouche que l'on ne pourrait mieux dire que carnassière, ourlée de mayonnaise et dévorant ce sandwich vivant, et j'allais vomir encore une fois, contre le vent, le reliquat des restes de mon petit-déjeuner.
    <o:p> </o:p>Vrai cette sortie en mer ne s'imposait pas et je comprenais mal pourquoi Walter Chéchignac avait tant insisté pour me faire participer à une pêche au Blétznec, la denrée du coin,  peut-être voulait-il me faire admirer son chalutier « La Détestation »
    C'était certes une fort belle unité moderne, déjà d'un certain tonnage malgré son jeune âge mais je devinais qu'il ne devait pas seulement se consacrer à la pêche, ou alors en eaux troubles.
    Je ne compris le véritable but de l'excursion qu'en retournant au port, quand nous nous arrêtâmes prés du yacht bleu qui se tenait à l'écart dans l'avant-port.
    -Excusez-moi mon cher La Gaspérine une visite à rendre ! Me dit Walter Chéchignac déguisé maintenant en plongeur autonome et palmé, il plongea aussitôt et même derechef avec deux de ses hommes dans les mêmes dispositions grenouillesques et aventureuses.
    Le innocents devant un tel synchronisme professionnel n'auraient peut-être vu là qu'une répétition de ballet nautique, pour ma part, je ne pouvais m'empêcher de penser  que dans la fréquentation de ce garçon, fort intéressante et enrichissante au demeurant, je m'attendais toujours à me faire surprendre par la Brigade mondaine, sur terre ou sur mer, en quelque état ou circonstances délictueux.  
    Il nous fallait attendre, espérer que l'aventure ne se terminât point en expédition mexicaine :
    -Vous n'avez pas entendu capitaine Kelbonbec ? Oui, on aurait dit des coups de feu.
    -Des chasseurs de mouettes.
    -Cela se chasse la mouette ?
    -Tout se chasse monsieur La Gaspérine, ça dépend de l'appétit qu'on en a. Sourit le dévoreur de nouveau-né.
    Repus il était encore plus effrayant que dans la faim le philosophe-hauturier. 
    <o:p> </o:p>Ils revinrent, enfin ! Avec un prisonnier, hélas !
    -Tenez changez-vous ! Lui ordonna Walter Chéchignac en lui tendant des vêtements secs.
    Même en été l'océan Atlantique virait à l'Arctique le soir et l'autre tremblait, mais  pas seulement à cause de la météo défavorable.
    C'était un grand mousse qui se révéla être, sitôt sa combinaison néoprène retiré dans un : Shaaarrttthllaaartflaac ! très évocateur, une grande blonde insipide d'une quarantaine d'années avec une poitrine bénigne  mais dont le regard me disait quelque chose, c'était de ces regards sur lesquels l'on se retourne après les avoir croisés, un regard gris, infini et las, de ressuscité, ou en moins littéraire et mystique: un regard de pute nordique après la fermeture.
    -Vous ne la reconnaissez pas ? Me dit Walter la grenouille tout en se dégrafant lui aussi.
    Rien de plus étonnant qu'un streap-tease d'homme-grenouille, ça fait shplaaaac ! ça fait shploooof !
    -Non je vois pas ?
    -Et comme ça insista-t-il en lui retirant son bonnet de marin !
    -Merde Milady de Winter !
    -Arrêtez vos conneries La Gaspérine, c'est l'accompagnatrice de Mademoiselle Br... Et à bord du bateau nous avons retrouvé, siégeant dans le salon un Graffenberg bleu nuit, châssis long !
    -Qu'allez-vous en faire ?
    -Du piano rien, elle, le Chef ‘von le Gueuzec va l'interroger.
    -N'y allez pas trop fort.
    -Ne vous inquiétez pas, il aime la spontanéité, le premier jet.
    -Justement ça.
    -Vous oubliez mes chiottes La Gaspérine ?
    -Il faut savoir pardonner. Et puis ce n'est pas elle qui les a fait sauter.
    -Non mais elle y aura participé et avec l'intention de nuire et de faire mal et même de buter du monde dont vous mon cher. Et encore je compte pour rien l'orchestre de chambre retrouvé dans le port ! Et non plus le dérangement !
    -C'est une femme ?
    -Justement non.
    Elle avait descendu son short et force était de reconnaître qu'elle possédait tout l'attirail réglementaire du turfiste buveur de bière.
    -Pourquoi tout est-il toujours compliqué avec vous mon cher Valter ?
    -Parce que la vie n'est jamais simple que sur les pierres tombales mon cher La Gaspérine, mais ne vous inquiétez pas le Chef ‘von le Gueuzec va vous simplifier tout ça.
    Je prenais en pitié ce pauvre garçon et n'osais imaginer la suite des événements.
    -Dans tout les cas je vous serais reconnaissant de me ramener au port.
    -Mais nous y sommes mon cher, nous y sommes.
    Il avait raison, je débarquais, bien décidé à ne plus jamais fréquenter de tels personnages.
    <o:p> </o:p>Je retournais à l'auberge de La Chaudasse, où m'attendait dans le hall, la Marie Bertalot avec son gros conjoint congénital :
    -Ah ben on vous cherchait de partout monsieur La Gaspérine, regardez voir ce que La Rincée a trouvé ce tantôt en faisant le ménage à la permanence du Quai des Brunes.
    Elle sortit d'un sac Franprix un chose brunâtre et consumé, que je mis quelque temps à reconnaître pour ce que cela avait été : un képi de capitaine de gendarmerie.
    Je bredouillais en me remémorant les paroles de Walter Chéchignac offensantes à l'endroit de ce corps que... qui... quoi...
    -Se pourrait-il que...
    -Ben ça m'en a tout l'air.
    -Mais après tout il est possible qu'ils l'aient perdu pendant que les pompiers combattaient encore l'incendie.
    -Ah ça ça m'étonnerait vu qu'on s'est fait la réflexion avec La Rincée du temps qu'ils mettaient pour venir, quand ils sont arrivés il y avait plus de flammes, plus rien, que de l'eau, de l'eau partout, on a passé la matinée à tout évacuer.
    -Bien, bien, je vous remercie je vais aviser, voulez-vous prendre quelque chose un café.
    -Non, non on veut pas vous déranger, vous avez tellement à faire pour préparer la réunion de demain !
    C'était la vérité, j'entrais en campagne le lendemain.
    Je quittais le couple Bertalot-La Rincée et montait dans mon appartement.
    J'y trouvais un mot de Médpeu et La Branlaye qui m'informait de leur rappel précipité à Paris et de l'assurance de leur meilleur souvenir dans les heures délicates que j'allais connaître.     
    Je commençais à croire à une conspiration organisée sinon contre ma personne, à tout le moins contre ma candidature. J'étais assez proche du découragement et je ressentais une certaine appréhension, les évènements me devenaient incompréhensibles, peut-être avais-je été trop docile à trop de choses et de gens dans trop de circonstances pendant toutes ces années de formation, l'on m'avait battu le chemin maintenant les mêmes cherchaient à effacer ma trace et je ne savais à qui, à quoi et comment faire face.
    Mais aussi pourquoi Valter m'avait-il abandonné ?
    <o:p> </o:p>Je pris une douche, passai mon pyjama et j'allai dans ma chambre, le gigolo de la Belle de Mai, l'amant  marseillais de l'américaine propriétaire du yacht bleu, reposait sur mon lit, il avait la gorge ouverte depuis l'orient jusqu'à l'occident de son imbécillité comme en suivant les pointillés de sa chaînette en or doré.
    Je crus pouvoir hurler mais je n'y parvins pas, l'appréhension qui s'était transformée en trouille me nouait la gorge en même temps qu'elle dénouait mes sphincters.   
    Je mouillais mon pantalon de pyjama, un cadeau de maman, sans pouvoir bouger ou articuler.
    -Asseyez-vous ! Me dit Mademoiselle Br..., qui venait de surgir des doubles rideaux et marchait à moi dans sa longue robe de soirée noire et décolletée.  (à suivre...)
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