• 6.
    Le Grand Vate.
    <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p>J'allais enfin me coucher, deux jours que je n'avais pas dormi.
    Pourtant, je n'avais pas sommeil et puis il y avait les bruits de bacchanales qui venaient de l'autre bout du couloir, l'orgie trop hospitalière qui se perpétuait autour et au dessus du veuf double.
    Et aussi les maniements nocturnes du neveu de Dona Perdita, le fier Conchito, qui était insomniaque et donc permanent  et montait une garde de chaque instant auprès de son maître Walter Chéchignac.
    Drôle de garde du corps, toujours vêtu de costumes sombres et trop étroits dans quoi il resserre à grand peine sa musculature de culturiste néandertalien, une oreillette à l'oreille branchée sur « Eeertéeeeel ! », tout hérissé d'antennes, de matériel d'écoute et de protection rapprochée, tel est le terrible Conchito dont l'imbécillité n'est pas que du matin.
    Il est aussi le maître des chiens de la propriété, enfin à dire le vrai, son autorité devant le fauve est rien moins que formelle et quand il les emmène promener sur la plage dans sa fourgonnette, il en ressort souvent  rancunier... et ensanglanté :
    -Salopérias de bestias ! Ençoulados... mierda mes clefs !
    Et quand il y retourne, car il est téméraire, le neveu, c'est un étonnant spectacle que celui de la fourgonnette secouée pendant de longues minutes et de ses jurons proférés au milieu des abois.
    Il en ressort toujours ensanglanté... et encore plus rancunier.
     
    Je finis par réussir à m'endormir et ce fut le silence qui me réveilla vers 4 heures du matin.
    Enfin le silence, dans cette maison défiée par l'océan, il n'était jamais complet. 
    Reposé, la faim commençait de me gagner le ventre et je décidais de tenter une offensive nocturne vers les cuisines que je savais largement munitionnées mais que j'espérais peu défendues.
    <o:p> </o:p>Arrivé au bout du couloir j'ouvris la porte de la chambre du Chef ‘von le Gueuzec, le spectacle était ignoble comme attendu, au centre, prés du lit renversé, reposait dans une odeur de chaussette une espèce de mille feuilles humain, ou le chargé de communication parisien alternait avec la pute provinciale, quand au chef ‘von le Gueuzec il ronflait, le nez dans la chatte de l'une de ces dames et quand il ne s'étouffait pas à demi, ou recrachait des poils, il réussissait à en sortir de très étonnants sons.
    Quel scandale ! Le sexe, en tant que pratique sociale éminente mérite quand même un peu plus de sérieux et un minimum d'application il me semble !
    Nous avions réfléchi au Cercons à une proposition de loi concernant la création d'un Conseil Supérieur du Sexe d'Etat (CSSEXE), composés d'usagers (hors d'usage), de travailleurs et travailleuses du sexe (en disponibilité) et de magistrats (pédophiles), afin de mettre en place une réglementation sur les pratiques sexuelles épanouissantes obligatoires en agglomération (PSEOA), quand on sait ce que  représente en coût d'usage pour la collectivité (stress, inhibition des fonctions sociales, moindre rendement au travail, frais de teinturerie) une fellation bâclée l'on comprend qu'il est temps d'encadrer tout cela, d'ailleurs au Cercons nous passions notre temps à encadrer ce qui l'était déjà et à conditionner le reste, soit pour l'essentiel le contrevenant, passé, présent et futur.   
    <o:p> </o:p>Quand j'entrais dans la cuisine, il y avait quelqu'un, je crus reconnaître le gros bonhomme qui commandait le chalutier de Walter Chéchignac, le capitaine Kelbonbec, c'était sa folie, ce chalutier, il était fier d'être le seul Concho-Ponchain qui prit encore la mer. Il n'allait certes jamais très loin, mais comme il disait : ce n'était pas pour autant que le retour n'en était pas difficile.
    Oui, c'était bien lui, d'ailleurs il portait une casquette sur une figure bourrue de marin.
    -Bonjour capitaine.
    -Mon gars.
    Il ne mangeait, ni ne buvait, regardait ses doigts, ses mains ridées et tachées comme font les vieillards pour bien se convaincre de leur âge, et autour la pièce, et moi aussi, mais non je ne l'intéressais pas plus que cela et il revenait à ses doigts épais.
    Il se leva, enfin, il m'intimidait, c'était une présence ç't'homme-là, large, trapu, la voix charnue, profonde et lointaine, avec des intonations parigotes, aussi je n'étais pas mécontent de le voir faire mouvement et il alla ouvrir une grande armoire peinte en grise qui était encastrée dans le mur derrière lui.
    L'intérieur était garni de bas en haut et de droite à gauche, de paquets de gris et de gauloises sans filtre modèle troupier. Sans doute les stocks de guerre de Walter Chéchignac.
    -Bon, ben vous lui direz que je suis passé.
    -« direz... » Mais à qui don' ?
    -Béh à mon fils bien sûr, mon petit Voualtère. Allez bonne lunaison mon gars.
    Le « capitaine » se remplit les poches avec les paquets de gris et de gauloises et quitta la pièce le plus simplement du monde en passant à travers le mur.
    <o:p> </o:p>*
    <o:p> </o:p>   J'avançais dans l'immense chambre de Walter Chéchignac, éclairée seulement par les porte-fenêtres ouvertes sur la nuit  mousseuse et valsante qui se jouait au dehors, j'aurais voulu parler, articuler au moins mais je n'y arrivais pas, trop impressionné ou plutôt comme soudainement dépressurisé par le trou d'air qu'avait été pour moi la vision de cet homme, son père le druide, le revenant, le maçon traversant, j'allais vers Walter Chéchignac comme un môme en colonie de vacances, qui s'est pissé dessus au milieu de la nuit, va réveiller son instit :
    -Walter... cher Walter...
    J'avais enfin réussi à parler mais ce n'était pas lui que j'avais éveillé mais la Fée Morgane qui dormait prés de lui, si, si, rousse, blanche, irréelle, elle se dressa tel un spectre et je me jetais dessus en criant :
    -Oh ma fée ! Ma Fée! Sauvez-moi bonne dame!
    Et là je reçus le plus beau coup de genou dans les couilles de toute ma carrière, déjà longue, de récipiendaire de coups bas féminins.
    Elle avait une technique irréprochable ma bonne fée.
    -This man is crazy! Go ahead I Am going to blush yours ass sucker !
    -Eh béh quoi on t'a mordu ma belle? Mais qu'est-ce qu'il arrive ici ?
    Walter avait allumé la lampe de chevet et me regardait me tordre de douleur sur ses tapis pendant que sa compagne de lit toujours à poils mais bien réelle, je pouvais en témoigner, lui résumer notre récente entrevue.
    -C'est votre bonne fée qui vous a transformé en serpent La Gaspérine ?
    -Arrêtez de vous marrer et aidez-moi merde.
    -Gisela, compresses please, varm vater, do you understand my sweatie ?
    -Oh yeah.
    Dés cet instant elle se montra parfaite et maternelle, cette touriste américaine que Walter avait rencontrée sac au dos dans l'un des inénarrables cocktails portuaires qu'il hantait de sa présence diplomatique et où il représentait aussi bien ses affaires, ses trafics  que ceux de son pays d'adoption.
    -Un malentendu mon pauvre vieux, mais si ça pressait autant, j'aurais pu vous arranger le coup c'est une chic fille...
    -Mais non c'est pas ça, je peux encore lever une fille tout seul, c'est après l'autre... j'ai un peu bu... après qu'il soit parti...
    -Mais qui ça, expliquez-vous mon vieux ?
    -Mais votre père merde quoi !
    -Ah papa est passé, vous auriez pu me prévenir et comment va-t-il ?
    -Il va... comme un mort... ou plutôt un vivant... ou plutôt... il va et vient à travers les murs !
    -Ah ça c'est son côté farce...
    -Enfin merde, il est mort ou il est vivant ?
    -En principe il est mort, mais lui-même il n'est pas trop fixé, alors il apparaît et disparaît, un mort il faut que ça montre de la conviction, lui il muse, visite, il commente, il vient chercher du gris, c'est ce qu'il lui manque le plus, sa gauloise matinale en regardant la mer... pour ça que j'en garde des quantités pour lui...
    -Mais vous pensez vous qu'il est mort ?
    -J'aime pas penser à des trucs tristes et puis ça porte malheur, je pense que tant qu'il voudra bien venir, je serai content, après, on verra, j'essaierai de me faire une raison, une raison rationnelle et obtuse avec des principes de base et des présupposés, une loi intime dans le genre de vos poulets du Cercons, si vous voyez : ...tout stationnement dans les parties privatives de la conscience au delà de 22 heures ect... Je suis abonné, j'ai toute la collection, votre bulletin est une merveille... 
    <o:p> </o:p>Mais il se foutait carrément de mon travail !
    De fait j'avais été pendant trois ans, le fondateur puis le principal rédacteur du Bulletin du Cercons, c'était même moi qui en avait trouvé le titre : « modernétude ». Avec un petit  trait comptable là où il fallait et plein de sous entendus référencés. D'ailleurs c'était un ex-jésuite, ex-trotskiste, ex-lacanien, une espèce de parfait honnête homme du XX° siècle qui était mon secrétaire de rédaction. (... à suivre...)
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  • Nous apprenons la création du C.R.A.B. le Conseil Représentatif des Associations Blanches... et aussi du C.R.A.M. Conseil Représentatif des Associations Métisses... et comment ? ... oui du C.R.A.Q. Conseil Représentatif des Associations Quarteronnes... et encore... marre nous on soutient le C.R.A.P.D. Conseil Représentatif des Associations Pastis Duval (1/3 Pastis et 2/3 eau plate) et le C.R.A.V.S. Conseil Représentatif des Associations Vodka Strawberry (1/8 strawberry juice, 2/8 eau gazeuse, 1/8 vodka Poliakoff, 1/8 chili, 1/8 vanilla juice... 1/8 de... de quoi déjà? ... mais si comment déjà... v'là que j'ai plus ma tête... c'est les mélanges ça! Aprés tout y z'ont peut être raison Pieter W.Botha et je ne sais plus quel trou du cul de l'U.D.F: 'faudrait voir à se méfier des mélanges les p'tits gars ...

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  • Le droit à se vider les c... opposable... 

    <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p>

    Je me souviens du jour où on a voté la loi sur le droit à la sexualité opposable, je me suis tout de suite dit avec Momo que c'était pour nous un truc comme ça.

    Grâce à notre groupe de rap SNTBP (Super nique ton beau-père !) on connaissait une journaliste du Nouvel Obs qui voulait visiter notre territoire de la Cité des Paturettes au Plessis Gargan enfin c'est pas tout à fait notre territoire c'est plutôt celui des Bédouani, mais quand même c'est nous qu'on l'a escorté, en se disant que commak on pourrait peut-être se la brosser au dessert la petite stagiaire, surtout qu'elle avait l'air d'être vachement ouverte aux problèmes des jeunes et tout ça. Mais au final il a fallu qu'on la refile au grand Mouss qui avait flashé sur elle, on l'a échangé contre son panier repas d'Auchiottes, il est vigile là-bas. Pas terrib' le panier repas surtout que Mouss y mange pas de porc, pas de poulet, y boit pas de vin ou d'alcool et la vache qui rit hallal c'est pas super.

    Sans doute qu'il l'avait pas particulièrement réussi le grand Mouss pasque quand je l'ai appelée sur mon portab' (Il est canon c'est le nouveau XXC22 de Samsoul que j'ai eu par Berdouche le demi-frère à Josita, au début j'avais pas tout compris comme y marchait parce qu'il y avait un truc rouge qui pendouillait et j'ai cru que c'était l'oreillette, et je me le calais dans le conduit et j'entendais rien pasqu'en fait c'était l'un des doigts de l'ancienne proprio, quand il arrache Berdouch il arrache à donf et il emporte tout !)

    Bon la fille du Nouvel Obs, elle m'a raccroché au nez, la pute ! Y faut dire que le grand Mouss avait essayé de la mettre sur le trottoir enfin plutôt sur le parking de l'hyper Auchiottes à éponger les blaireaux, c'était un samedi après-midi et puis il lui avait proposé de finir la nuit dans une camionnette avec des potes à lui (une cinquantaine) dans le bois de la Joliette. Mais quand même elle avait pas gardé un trop bon souvenir de son samedi.

    <o:p> </o:p>

    Alors bon il fallait trouver autre chose et là j'ai eu l'idée d'appeler un peu tous les numéros du répertoire de mon nouveau portable et coup de pot je suis tombée sur une fille qui bossait dans les relations publiques.

    J'uis est espliqué qu'on était vachement pour la nouvelle loi sur le droit à la sexualité opposable et qu'on voulait être les premiers à l'utiliser et que même si y fallait aller au tribunal on irait pour faire reconnaître nos droits, pasque je sentais déjà venir la discrimination, sûr que tous les Jean-Claude allaient pouvoir se vider les couilles aux frais de  l'état mais que pour nous ça serait... quéquette !

    Y en a une qu'était pas trop contente de la nouvelle loi c'était Mariline, Mariline Poupaud, la fille du gardien de la cité des Paturettes c'est une terrib' c'est une pute mais gratuite, c'est pas tant qu'elle aime ça, c'est plutôt comme elle dit que ça lui passe le temps et qu'elle fait des rencontres mais nous avec Momo on y mettait plus trop les doigts dans la Mariline rapport à une maladie qu'un copain qui baisait que chez elle avait attrapé.

    <o:p> </o:p>

    Alors on a attaqué la mairie du Plessis Gardon, non pas comme le mois dernier avec des cocktaïlles molotofs mais avec un avocat que la fille des relations publiques nous avait fourni, elle était super bien organisée, il faut dire que sa boîte de relations publiques était une filiale d'un grand groupe américain et qu'ils avaient organisé plein d'événements ces temps derniers y compris les récentes émeutes de Neuilly pour Paris-Match et le divorce de Paris Hilton et de son téléphone portable. En ce moment elle s'occupait de la mise en place de guerres civiles dans le Caucase pour le compte de Pepsico international et des Nouvelles Galeries.

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    Notre avocat c'était un ancien ministre de Mitterrand, qui a fait chialer la salle et même Noël Mamère, le pompier de service dans son casque (mais c'est pas difficile) en racontant la misère sexuelle des banlieues, il imaginait (il habitait dans l'île saint Louis), il en rajoutait, il en faisait des tonnes et détaillait nos branlettes, vrai il nous mettait minable, y avait nos potes qui se foutaient de nous et le bavard on la coinçait dans les chiottes du Palais après les débats et on lui a fumé deux dents.

    <o:p> </o:p>

    Bon la présidente du tribunal, elle, elle a très bien compris not' cas, il faut dire qu'on la connaissait bien avec Momo, on était des abonnés et puis il y avait les photographes et les journalistes et ça l'impressionnait, elle voulait pas rater l'occase d'entrer dans l'histoire elle a dit que de fait on y avait bien droit et qu'elle condamnait la Mairie à mille balles d'amende et « ...l'obligation de nous fournir tous moyens de nous livrer aux activités génésiques avec l'assistance de tiers telles que prescrites par la loi... » et elle « enjoignait » la mairie de se mettre en conformité avec la nouvelle loi. C'était une victoire pour nous..

    Bien emmerdé qu'il était le maire du Plessis Gnangnan,  surtout pasque pour le coup il passait pour ce qu'il voulait surtout pas être un racisse qui croyait pas à la modernitude, il s'en chialait dessus et il a protesté qu'il allait s'éxécuter sans délais et il a sorti sa paire de gants Mapa, sa bonne volonté a ému la présidente mais elle avait pas envie qu'il tache le parquet vu qu'on était au tribunal et elle lui a demandé de remballer ça  de toutes les façons nous ça nous disait trop rien de nous faire vider les couilles par un énarque.

    Quand même on a fait la une des journaux vu qu'on était les premiers il y a même Valérie Pécresse la nouvelle secréteuse d'état aux Intromissions Plurielles qui a voulu poser avec nous, on a bien voulu avec Momo et on lui a soulevé son portab' et mis deux doigts (un chacun !) .

    Vrai on était deviendu des vedettes, des pipeules, on est passé à la tévé et même sur T.F.Huns chez Claire Chazal (Momo a bien essayé de lui toucher les seins pour voir si c'était des vrais mais y avait des vigiles partout) ça a duré pendant quinze jours et puis ça s'est tassé,  à la tévé y parlait maintenant plus que de la nouvelle loi cacapopo contre la constipation de l'adulte qui venait d'être promulguée et des contrôles à domicile avec toucher rectal et des amendes qui tombaient pour non respect de la loi et y nous montrait des reportages avec des cadres sur leur pot de chambre qui s'exécutaient sous l'œil attentif des gendarmes et quand ils avaient fini ils disaient que c'était bien comme loi pasque comme ça ils oubliaient plus de chier.

    <o:p> </o:p>

    Nous on a relancé la Mairie et y nous ont renvoyé de bureau en bureau jusque chez Jean-Marcel je sais plus quoi l'adjoint à la kultur du Plessis Navrant. On lui a espliqué not' cas et qu'on était dans not' droit et il a dit qu'on avait bien raison de revendiquer pour niquer, il a ouvert un placard et y nous a dit qu'en attendant que le service municipal de sexualité opposable soit en place il pouvait nous faire ça avec des huiles parfumées, il a commencé à allumer des bougies et à tripoter Momo et Momo il lui a mit un pain.

    <o:p> </o:p>

    Finalement le maire a fait installer dans le square R.P Alain Geismar des caravanes avec des agents techniques de la mairie à l'intérieur il a appelé ça des B.M.C. Bornes Municipales de Convivialitude après il a fait venir des filles diplômées... d'Albanie.

    On se disait avec Momo que c'était quand même chouette le progrès.

    On a reçu nos cartes officiels de mal-baisés et on y est allé, le guichetier nous a dit qu'il fallait prendre un ticket et qu'on serait appelé quand ce serait not' tour, on avait les numéros 745 et 746, autant dire qu'on était pas encore couchés... sur les filles diplômées.

    <o:p> </o:p>

    Au bout de quatre heures d'attente on a été appelés salle 8 B, on y est allé et là qui c'est qu'on a retrouvé ? Mariline, Mariline Poupaud, la pute gratuite de la Cité des Paturettes mais maintenant elle portait un uniforme d'agent technique, et elle était plus gratuite vu qu'elle était elle aussi diplômée maintenant, et puis il fallait remplir des papiers, faire tamponner nos cartes et surtout pas passer derrière le guichet à force on bandait plus du tout avec Momo et même ça nous a salement énervé, on est sorti, même pas vidé et on est allé brûler la... Tagothéque-Rapothéque  Jean d'Ormesson à 300 patates que le premier ministre venait d'inaugurer.

     
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  • 5.
    Le veuf double.
    <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p>Si je comprenais un jour quelque chose à ces gens-là !
    J'étais habitué au règne parisien, celui d'un ogre devenu podagre et végétarien, mais où, parce que l'on mettait de l'hygiène en tout et jusque dans les sentiments et les sourires d'enfant, les monstres tels que j'étais pouvaient se croire les gendres abusifs de ce vieux cannibale. Là-haut on me tolérait j'étais de la famille, innombrable et grotesque, comme cent-mille autres, ici je pouvais devenir quelqu'un : l'étranger ou  l'homme de trop. 
    Mais revenons-en au chef ‘von le Gueuzec, les fesses dans la farine et le regard sur la ligne bleu des caisses, il vient de nous faire l'annonce d'une bien triste nouvelle : la disparition subite et concomitante de « ses femmes ».
    -Vos femmes m'émeus-je ?
    -Le chef ‘von le Gueuzec a épousé puis divorcé successivement des deux sœurs Dartemont...
    -Ah oui... ah ça deux belles emmerdeuses mais quand même... cela fait un choc.
    -Je vous expliquerai... me rassura Walter Chéchignac en le rejoignant sur la butte aux farines.
    -... après Petros-Duirec je suis passé au bureau, la secrétaire mademoiselle Mauve n'était pas là, non plus que ces dames... le téléphone sonne... c'était la gendarmerie de La Ponche qui demandait un parent de Geneviève et Marie-Aude Dartemont pour... pour venir reconnaître les corps !
    Le Chef ‘von le Gueuzec s'était effondré dans les bras de Chéchignac mais il tentait comme devant la vague, le marin, de se redresser et de faire face :
    -... ils... ils étaient au passage à niveau devant le garage Renault, tu vois... ces dames voulaient changer leur vieille Renault 4 mais bon ça ne pressait pas n'est-ce pas, une lubie de Marie-Aude, le vendeur leur a proposé de faire un essai de sa dernière nouveauté... et je suis bien sûr que c'était encore Geneviève qui conduisait... il faut y aller... mon petit Valter... il faut y aller... ‘doit pas faire attendre les collègues... z'ont du travail...
    Il n'était pas difficile de deviner qu'il commençait à débloquer l'ex-garde républicain.
    -Je vais m'y rendre avec monsieur La Gaspérine...
    Ben tiens don'comme si je n'avais que ça à faire ! Et ma campagne électorale alors, et mon étude de terrain, tout le monde s'en foutait bien !
    -... ne vous inquiétez de rien chef, nous allons vous raccompagner et Dona Chupita s'occupera de vous...
    -La vieille là... bof... elle me fait un peu peur... t'as pas autre chose ?
    -Voulez-vous que je téléphone au 10/18 et que je leur demande de faire venir deux infirmières...
    -Des vraies, des diplômées avec leurs blouses blanches, qu'elles oublient pas leur blouse blanche... et puis leur thermomètre je crois que je fais un peu de fièvre.
    On le raccompagna jusque chez Walter, on le coucha dans la meilleure chambre, en le laissant aux bons soins de Dona Chupita qui lui en fourra un de thermomètre dans l'oigne en guise de bienvenue et de sanctification, un gros de jardin, même pas lubrifié.
    Walter Chéchignac téléphona au 10/18, pendant que Martial Médpeu et La Branlaye en pyjama, pas rasés ni lavés, venaient aux nouvelles.
    -Salut La Gaspèrine... bon on s'y met à l'étude de terrain ?
    Ils commençaient à m'emmerder ces deux-là, pour ce qu'ils m'étaient utiles !
    J'allais les engueuler quand les six infirmières (c'était pour un ami dans la peine, aussi Chéchignac avait-il vu large et prévu une équipe de nuit et une de jour) de chez Tintin débarquèrent, La Branlaye et Cyril Médpeu les suivirent chez le veuf double ou plus exactement ils leur prirent le train :
    -... bon pour l'étude de terrain on a bien le temps ‘pas La Gaspérine ?
    <o:p> </o:p>*
    <o:p> </o:p>Pendant le voyage, que nous fîmes dans une américaine interminable, sombre et blindée, Walter Chéchignac me donna quelque explication sur la situation conjugale de son ami  et me fit le tragique épitomé de son existence.
    Yvon le Gueuzec était entré fort jeune dans la Garde Républicaine, corps d'élite, que le monde entier nous envie, il y fit une carrière des plus honorables, jusqu'au jour où étant de faction avec quelques uns de ses collègues dans la cour d'honneur de l'Elysée il fut appelé à rendre les honneurs à ses altesses le roi et la reine de Suède.
    D'une grande tempérance jusque là dans le service, il s'étaient commis quelques trois quart d'heure auparavant dans un débit de boisson en compagnie de trois joyeux compagnons, barbeaux notoires, natifs de l'île de beauté, les ayant prévenu que les devoirs de sa charge l'allaient forcer de les quitter bientôt pour rendre l'hommage méritée de la France à ces altesses en transit, l'un d'entre eux s'exclama:
    « Le Bernadotte c'est qu'un traître, il a trahi l'empereur tu vas pas rendre les honneurs à cette canaille ! Tiens le ‘von reprends un Casa  ! Patron remettez-nous ça ! »
    <o:p> </o:p>Aussi bien quand ces majestés septentrionales se présentèrent au Palais présidentiel, au « Présentez armes ! » retentissant dans la cour pavée le Chef ‘von le Gueuzec, dit le ‘von, la tête encore chaude des mise en garde insulaires, sortit son imposant goupillon tumescent et gueula : Vive l'empereur !
    Attitude et propos qui quoi qu'ils fissent retentir l'honneur et la virilité du nom français eurent les plus néfastes effets sur son avancement, ainsi que sur les relations bilatérales franco-suédoises et même par la suite suédo-françaises, on l'imagine sans peine.
    Chassé de la garde il s'exila en province où pour subvenir à ses modestes besoins il mit en pratique sa formation de gendarme et embaucha un matin d'octobre comme Enquêteur Privé Hautement Qualifié (E.P.H.Q niveau 3) dans l'agence des sœurs Dartemont.
    Cette existence toute romantique, qui n'excluait pas le versement d'un treizième mois ainsi que les paniers-repas prévus selon les termes de la convention collective, se continua telle qu'elle avait commencé aux accents de la tragédie de boulevard et de la caleçonnade de répertoire, il séduisit l'aîné des sœurs Dartemont, l'homme avait du charme, de la prestance, une belle moustache et de la conversation, il en avait même une bonne longueur. Il l'épousa. Geneviève Dartemont était fascinante comme souvent les emmerdeuses. Après cinq ans il en divorça, par esprit de suite sans doute il se remaria avec Marie-Aude, juste un poil moins fascinante, comme dans la légion il en reprit pour cinq ans, re-divorça après quoi il entama l'océan par sa plus grande largeur se fit second-mousse sur un terre-neuvas, « soutier-adjoint sur un schooner chilien » qui tenait plus de l'exercice de prononciation que du bâtiment de commerce et puis il leur revint, sa vocation de chien de sang, cela ne l'empêchait pas « de les tringler à l'occasion mais en toute indépendance d'esprit. »           
    <o:p> </o:p>L'américaine filait sensiblement aussi vite que l'allemande, il faut dire qu'elle n'avait pas de remorque elle, le plus difficile était de l'arrêter, dame on n'arrête pas quatre tonnes et demi d'un claquement de doigts et Walter Chéchignac ne put éviter le fourgon de gendarmerie qui stationnait devant le passage à niveau.
    Manque de chance,  c'était les mêmes gendarmes que ce matin, ils avaient seulement beaucoup vieillis entre-temps.
    Walter Chéchignac avait opté pour le grand deuil de parade et ma foi avec son chapeau taupé, ses lunettes d'armateur grec, sa moustache cirée, sa canne et ses décorations de Noël il ressemblait assez à son Excellencia el Consoul Rrrénéral de las Islas Bravados y Perditas.
    Et malgré l'affliction dans quoi les plongeait la perte de leur fourgon préféré les gendarmes cette fois ne se permirent aucune remarque déplacée à notre endroit, on a beau dire mais l'uniforme civil ça impressionne encore le militaire.
    -Bonjour brigadier vous connaissez les circonstances de l'accident ?
    -Ces dames sont venues pour expliquer que leur véhicule Renault 4 immatriculée...
    -A l'essentiel, brigadier, à l'essentiel...
    -Bref leur R4 calait tout le temps alors le vendeur a voulu leur faire une démonstration de sa dernière nouveauté et... et il a calé sur la voie...
    -Où sont les corps ?
    -On les a remisés dans le hall de livraison de la concession Renault.
    Il y avait déjà une cellule de soutien psychologique auprès des voyageurs de la micheline, qui n'étaient pas blessés, qui n'avaient rien vu mais qui auraient bien voulu se faire rembourser leur ticson rapport au vécu traumatique et tout ça...
    <o:p> </o:p>Nous allâmes nous recueillir devant les dépouilles.
    -... manquent le buste de l'une et les jambes de l'autre lui expliqua à voix basse le brigadier alors vu qu'elles étaient jumelles on s'est pensé que comme ça ce serait plus présentable si on les rassemblait.
    -Excellente initiative brigadier. Et ça qu'est-ce que c'est ?
    -C'est le vendeur de la concession.
    Je soulevais le drap aux couleurs de la marque qu'il avait servi jusqu'au bout:
    Il y avait encore sur ses traits l'effroi de celui qui vient de manquer une vente.
    Emu Walter Chéchignac lui remit sur le champ l'étoile de vermeil de Fils de la Chasse Prolétarienne, le fameux Hijo de Puta avec supplément couchette  tandis qu'il élevait devant le front des troupes, soit en tonnes d'équivalents pétrole (TEP): une micheline pleine de cons et tous ses accessoires: conducteurs, lanternes et gendarmes compris, les sœurs Dartemont à la dignité de Mère de la Révolution Posthume, le non moins retentissant : Madre de todos los otros cornardos.
    Dans la voiture qui nous ramenait chez lui, Walter Chéchignac me confia :
    -Quelle épreuve ! Vous ne pouvez pas comprendre vous n'êtes pas d'ici...
    -Merci de me le faire remarquer.
    -Ne vous fâchez pas vous verrez vous allez devenir un véritable Concho-ponchain...
    -Quel avenir flatteur vous me promettez !
    -Arrêtez de grincer La Gaspèrine vous m'agacez. Enfin merde si je vous dis que les sœurs Dartemont c'était quelque chose ici ! Vous avez vu à prés de soixante-dix ans elles n'étaient pas trop mal conservées ? Encore deux belles juments.
    -Hélas je ne les ai vues qu'à l'état de puzzle... incomplet...  difficile de se faire une idée, mon cher.
    -Eh bien moi je vous le dis, j'avais encore rencontré Geneviève Dartemont le mois dernier... et bon Dieu ce que ça sentait bon, et ce que ça remuait encore bien, ah ce qu'on a pu se branlotter dans notre jeune temps dans le confessionnal en les épiant pendant l'office, ce qu'elles réussissaient bien le regard baissé et le sourire pécheresse ces garces-là, de part et d'autre de leur dix-cors royal le grand ‘von Le Gueuzec qui même pendant la messe ne pouvait s'empêcher de leur malaxer les hémisphères, à la fin il fallait retenir ses places trois bonnes semaines à l'avance. Un jour on était tellement nombreux là-dedans qu'on a mis le confessionnal sur le toit. Vrai ! Ah bordel de merde ! Oui  de se souvenir de ça... et d'imaginer ce qu'on a vu ... il a bien fait de ne pas venir le veuf double.
    -Mais dîtes-moi mon cher Walter ce ne serait pas lui qui...
    -Lui qui quoi ? Lui qui conduisait la micheline... vous oubliez que le Chef ‘von le Gueuzec  n'hérite pas, il est deux fois divorcé, j'ai des parts dans l'affaire, je vais essayer de la reprendre en sous-main et de la lui confier sans quoi il est fichu de finir clochard. Et puis rien que leurs dossiers et archives, vous imaginez depuis 150 ans la nomenclature de toutes les pécoles et vérolés d'ici et des départements avoisinants. Avec ça vous avez une place de sénateur à vie retenue d'avance.
    -Vous êtes gentil cher ami mais je préfère la mériter.
    -Vous savez en politique, l'avancement au mérite, il me semble que si ça avait jamais existé on en aurait retrouvé des traces, des vestiges... à tout le moins un peu de vaisselle cassée, non vous croyez pas... cher ami ?  ( à suivre...)
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  • 4.
    La pêche à la fenêtre
    <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p>Nous rentrâmes par la vieille ville de La Conche, le vieux quartier si pittoresque de La Marinière en surplomb de l'océan.
    Je m'émerveillais devant toute cette architecture bancale et mal calculée, de colombages et de vieilles pierres :
    -La vieille ville a été fort bien restaurée. Fis-je remarquer à Walter Chéchignac qui fumait un énorme cigare bravadien, pensif et songeur, non sans doute plus pensif que songeur.
    -C'est votre futur prédécesseur qui s'est chargé de la réfection,  le Lucien Boitel, son côté opérette qui a pris le dessus. 
    -Cela aurait été dommage de perdre un tel ensemble, c'est magnifiquement bâti, c'est un torchis de paille avec juste ce qu'il faut de glaise   n'est-ce pas ? Dis-je en caressant un pan de mur.
    Walter Chéchignac me répondit avec quelque humeur :
    -Non c'est un torchis  de paille ! ... avec juste ce qu'il faut de merde!  Vous savez nos anciens faisaient avec ce qu'ils avaient sous la main, le pays Poncho-Conchain a toujours été un coin d'élevage et de gros chieurs, depuis la nuit des temps statistiques et même un peu avant, le conchois ou le ponchain chie 1/3 de plus que la moyenne nationale, on ne sait pas l'expliquer, la nourriture peut-être ou la proximité du troupeau ? Une manière d'émulation. Alors on a construit à merde d'homme et de bêtes.
    Quand il s'est agit de tout remettre en état Lucien Boitel s'est retrouvé dans son élément et suivant les recommandations de  l'architecte en chef des  Monuments Historiques il n'a voulu employer que des techniques traditionnelles, il a fallu former des jeunes mais heureusement il restait quelques vieux artisans conchois ici on les appelle avec quelque respect vous pouvez m'en croire: les chidru'c, enfin pour ce qui est de la matière première il a quand même fallu en faire venir de l'étranger, la production locale n'y suffisant pas...
    -Ah oui... ah bien... ah tiens... décidément cette nuit est toute entière placée sous le signe de ...
    -Bah il vaut mieux commencer là-dedans une carrière que de la terminer... ‘tention vos pieds !
    -Quoi... encore !
    -Mais non vous voyez pas les fils par terre.
    De fait dans le matin bégayant je distinguais une multitude de fils qui partant des fenêtres, traversaient les rues et s'en allaient pendouiller le long des falaises.
    -C'est la pêche à la fenêtre, autre spécialité du pays, antique tradition, un jour vers le 13 ° siècle par là, ils ont décidé de ne plus partir en mer, trop risqué, marre de ne plus pouvoir se consacrer à leurs veuves, ils avaient découverts qu'il y avait un courant chaud qui drainait le poiscaille vers les falaises, et ils se sont dits qu'après tout il suffisait de sortir les gaules, de dérouler du fil et d'être patient en s'occupant de leurs dames.
    -Et cela continue, après des siècles.
    -Vous n'entendez pas les clochettes quand ça mord ? Tenez écoutez...
    Je percevais une multitude d'essoufflements fornicateurs et de tintements s'évadant des pièces et j'aperçus des orteils tressautants, attachés aux fils de pêche et dépassant des bords des fenêtres ouvertes sur la nuit froide.
    -Il y a quand même de moins en moins de vocations, le poisson il faut le tirer quand il est ferré, il y a à enrouler, aussi il faut dormir la fenêtre ouvert même en hiver. Et puis les dames hein c'est plus ça... alors il y en a quelques uns qui parlent de reprendre la mer...  Enfin en attendant cela plaît aux touristes.  
    -Vous avez l'air de bien connaître le pays Concho-ponchain.
    -Des Chéchignac il y en a toujours eu ici, des qui lisaient dans les runes, des qui empilaient la bouse...
    -Pour cela que vous êtes partis dans les îles ?
    -Tout juste, comme chantait le poète : « ... sacrer d'autres cornards, véroler d'autres veuves... » mais le malheur à l'étranger c'est que l'on finit toujours par comprendre les paroles des chansons, j'ai un ami installateur de télés au Muséum d'histoire naturelle : Lévis-Cooper, enfin il est ethnologue mais il installe des télés chez les ultimes peuplades primitives de Papouasie, pour étude, il me raconte qu'il ne faut pas plus d'un mois pour qu'ils fichent leurs traditions millénaires au panier, mettent en l'air le grand sorcier et s'entre-engueulent pour savoir s'ils regardent les variétés sacrificielles de la une ou la messe footbalistique de la 4.   
    -Malgré tout en acceptant de représenter les intérêts des Islas Bravadas y Perditos...
    -Bravados y Perditas... d'abord ce n'est pas eux que je représente, ce sont eux qui représentent ma jeunesse, et puis j'ai une dette envers le peuple bravadien et leur estimé président.
    -Adamsen Pinocevic ! Mais c'est un horrible dictateur il me semble, un régime qui fait fi des droits de l'homme et de la démocratie.
    -Et quand bien même se les mettraient-ils carrément au train que cela ne les propulserait pas beaucoup plus loin mon cher.
    -Vous ne croyez donc en rien ?
    -Le vœu de monsieur mon père était de faire de moi le quatrième empereur des Gaules. J'y suis résolument engagé, vous pouvez m'en croire  mais en attendant... rassurez-vous la veille du sacre, je me ferai sans doute républicain.
    <o:p> </o:p>  Nous étions arrivés devant la maison du druide, Chéchignac ouvrit les portes du garage, il était dans les proportions du reste de l'habitation et rempli de véhicules à moteur antiques et modernes. Il extirpa de la cohue en la poussant une voiture très basse et très longue et la mit en marche avec une grande tige pneumatique qu'il lui fourra dans le fion, cela faisait un boucan du diable:
    -Venez il faut que j'aille aux commissions, Dona Chupita n'a plus de grattons Spontex...
    -C'est que j'avais pensé prendre une douche et me reposer un peu...
    -Vous en aurez bien le temps quand vous serez sénateur et puis vous allez faire connaissance comme ça avec vos futurs électeurs.
    -Je risque en tout cas de ne pas passer inaperçu là-dedans.
    -C'est la version civile de la Porsche 917 .
    -C'est commode pour faire les courses le samedi.
    -Vous avez raison je vais accrocher la remorque.
    -Cher Walter enlevez-moi d'un doute, vous plaisantez.
    Il ne plaisantait pas.
    <o:p> </o:p>Nous primes la route du bord de mer :
    -Elle marche bien ce matin, il y a juste assez d'humidité, elle aime ça.
    Pour ma part je surveillais la remorque bâché dans le rétroviseur mais tout vibrait et tremblait tant que j'avais du mal à en suivre toutes les évolutions, je regardais le tachymètre et fus rassuré il indiquait seulement 120...
    -C'est l'exemplaire n° 11, je l'ai fait venir spécialement des Etats-Unis.
    ... 120... miles per hour! Je fis une rapide conversion et tentais de boucler fébrilement ce qui me semblait être une ceinture de sécurité et se révéla n'être à mon grand désespoir que les manches d'une combinaison de mécano négligent.
    -Attention les gen...daaaaaaaaaaarmes!
    Nous passâmes si vite que nous les oubliâmes tout de suite mais point eux et deux preux se lancèrent derechef à notre poursuite.
    -Ils ne vont quand même pas nous tirer dessus  ces corniauds-là!
    -Mais ils auraient le droit et seraient fondés à le faire, je ne sais pas si vous vous rendez compte mais c'est... c'est infiniment grave dans un périmètre d'espace naturel plafonné (P.E.N.P) et un lendemain de dépassement de seuil dépollutoire préventif (D.S.D.P) la vitesse est limitée à 27,57 kilomètres heures... et nous... nous voguons à des 275 kilomètres à l'heure.
    J'avais envie de pleurer, dans quoi m'étais-je embarqué ? Ma carrière était fichue ! Letroncheur et la presse locale allaient s'en donner à cœur joie !
    <o:p> </o:p>   Ils nous rattrapèrent seulement sur le parking de l'hypermarché Edouard Letrouble, pendant que Walter Chéchignac peaufinait son créneau je me cherchais une issue de secours ? Mais quoix ? Peut-être me mettre à la disposition des autorités et le dénoncer d'entrée comme ennemi du peuple, il n'avait pas la tête d'un qui fait son devoir citoyen et met la tête dans le sac  trois fois la semaine pour trier ses poubelles; ou bien alors tout de suite me déshonorer en leur proposant quelques pratiques autrefois tenues pour déshonnêtes mais maintenant et je le dis avec force, heureusement admises et même hautement recommandées.
    -Gendarmerie nationale, sortez de là tous les deux !
    Ils étaient très décidés, convaincus du caractère sacramentel de leur mission sur terre, les nouveaux templiers: l'extermination du pèlerin contrevenant pourtant quand le premier arrivé mit le casque à la fenêtre il eut un geste étonnant et comme par réflexe se mit le bras devant le visage en disant :
    -Vous...  c'est vous... encore... Brigadier c'est lui... c'est le...
    Le brigadier qui n'était déjà pas content de faire second, le fut encore moins en découvrant le ci-devant :
    -Faîtes escuse mon... mon excellence mais c'était rapport à la remorque bâchée que les collègues qui z'étaient planqués au tournant de la Viradelle se sont mangés dans la tronche ce tantôt...
    -Vous direz brigadier à vos petits camarades que c'est très vilain de se cacher, cela dénote une nature sournoise et trompeuse. Bonne après-midi messieurs. Vous venez La Gaspèrine.
    J'avais réussi à ramper jusques aux caddies et sans trop rien perdre de dignité, je me redressais.
    Tandis que les deux pandores bafoués retentissaient encore derrière nous  de mille imprécations :
    -... tire pas Jean-Luc ou qu'on va avoir la guerre !
    Walter Chéchignac me prit par l'épaule, une manie :
    -Que voulez-vous dans les moments d'égarements la France a toujours chié du képi et du règlement! Aussi et c'est la troisième raison de mon attachement à Las Islas Bravados y Perditas mon cher La Gaspèrine, mon appartenance au corps diplomatique me permet de me garder loin de toute cette fliquerie surnuméraire de moralistes-serre-files, psycho-vopos, hygiénistes compulsifs et autres eschatologistes  du dimanche !
    -La vie en société exige des lois.
    -Et la vie en cage: des règlements, je sais. Pour résumer: d'être devenu à moitié étranger me permet, comme disent nos ennemis  anglais: de me montrer  tout à fait « gallic » et de rosser le gendarme et  me noircir en conscience quand bon me semble. Venez restons pas là !
    De fait derrière nous le plus imbécile dans le grade le moins élevé des deux gendarmes, mal maîtrisé par son chef, avait commencé de tirer en l'air et de sommer les ‘sommateurs pousseurs de caddies.
    -Je vais demander à notre maréchal président candidat à vie d'élever une protestation auprès du Quai d'Orsay. S'ils veulent la guerre ils l'auront et c'est pas sûr qu'ils la gagnent ces cons-là !
    -Le Maréchal-Président a sûrement un excellent ministre de la Défense Nationale? Ricanais-je patriotiquement.   
    -Qué défense? Vous savez là-bas c'est tout pour l'attaque... Mais trêve de géopolitique nous sommes en mission, aux grattons Spontex, mon cher, aux grattons !
    <o:p> </o:p>Etait-ce sous l'influence des événements de la nuit et de la matinée, moi qui détestait les foules, je me retrouvais poussant un chariot d'hypermarché, mais éveillé et alerte, attentif tel un chasseur un jour d'ouverture, Walter Chéchignac remplissait mon chariot avec tout et n'importe quoi, lui aussi avait les sens aiguisés, il était incontestablement beaucoup plus animal que moi. Il me raconta qu'il avait beaucoup voyagé au temps de sa jeunesse, avec toujours une dilection particulière pour les banlieues et les quartiers périphériques :
    -Je pourrais faire un guide mondial des banlieues anonymes et des terrains vagues ...
     Et ajoutait-il, la première chose qu'il faisait partout où il arrivait c'était de visiter la supérette du quartier et de s'en  allait draguer la ménagère.
    -... oui longtemps j'ai vécu d'adultères indigènes et de gaufrettes belges. Dit-il en essuyant une larme tout en nous rechargeant largement en spécialités liégeoises... Mais assez parlé de moi. Mon cher La Gaspérine, alors heureux, vos électeurs ? Ils vous plaisent ?
    -Euh... teuh... beuh...
    La vérité était que je les détestais déjà, rien que d'imaginer les vins d'honneurs, les inaugurations de crèches, le match de foot du dimanche après-midi, les dépôts de gerbes et le bal des pompiers j'avais envie de pleurer, de toutes les façons je ne me sentais bien qu'à Paris et méprisais la province soumise et reconduite, et tout son pittoresque, et tout son mijoté, j'étais né pour la modernitude pas pour exercer mon droit de cuissage sur la 53° Miss La Conche sur Ponche.
    J'eus un soudain haut le cœur devant mon avenir peu ragoûtant et je vomis dans les petits beurres nantais.
    -Oui, je vois, on peut même parler de vocation. Tenez essuyez-vous.
    J'obéissais, je me mouchais aussi et quand je relevais les yeux ce fut pour découvrir le chef ‘von le Gueuzec qui trônait assis sur les paquets de farine.
    -Qu'est-ce qu'il a il est malade ? Demanda-t-il à « son petit Valter ».
    -Déception amoureuse. Alors chef votre filature s'est-elle bien passée?
    -Bien, très bien j'ai vendu tout mes ballons et les photos sont impeccables... mais... ah mon petit Valter...
    Le chef ‘von le Gueuzec tenta de se lever, y réussit enfin, fit trois pas et s'abattit dans les bras de Walter Chéchignac :
    -Ah mon petit Valter si vous saviez ce qui m'arrive... mes femmes... mes femmes sont mortes ! (à suivre...)
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