• Walter Chéchignac 6 par H.T.Fumiganza

    6.
    Le Grand Vate.
    <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p>J'allais enfin me coucher, deux jours que je n'avais pas dormi.
    Pourtant, je n'avais pas sommeil et puis il y avait les bruits de bacchanales qui venaient de l'autre bout du couloir, l'orgie trop hospitalière qui se perpétuait autour et au dessus du veuf double.
    Et aussi les maniements nocturnes du neveu de Dona Perdita, le fier Conchito, qui était insomniaque et donc permanent  et montait une garde de chaque instant auprès de son maître Walter Chéchignac.
    Drôle de garde du corps, toujours vêtu de costumes sombres et trop étroits dans quoi il resserre à grand peine sa musculature de culturiste néandertalien, une oreillette à l'oreille branchée sur « Eeertéeeeel ! », tout hérissé d'antennes, de matériel d'écoute et de protection rapprochée, tel est le terrible Conchito dont l'imbécillité n'est pas que du matin.
    Il est aussi le maître des chiens de la propriété, enfin à dire le vrai, son autorité devant le fauve est rien moins que formelle et quand il les emmène promener sur la plage dans sa fourgonnette, il en ressort souvent  rancunier... et ensanglanté :
    -Salopérias de bestias ! Ençoulados... mierda mes clefs !
    Et quand il y retourne, car il est téméraire, le neveu, c'est un étonnant spectacle que celui de la fourgonnette secouée pendant de longues minutes et de ses jurons proférés au milieu des abois.
    Il en ressort toujours ensanglanté... et encore plus rancunier.
     
    Je finis par réussir à m'endormir et ce fut le silence qui me réveilla vers 4 heures du matin.
    Enfin le silence, dans cette maison défiée par l'océan, il n'était jamais complet. 
    Reposé, la faim commençait de me gagner le ventre et je décidais de tenter une offensive nocturne vers les cuisines que je savais largement munitionnées mais que j'espérais peu défendues.
    <o:p> </o:p>Arrivé au bout du couloir j'ouvris la porte de la chambre du Chef ‘von le Gueuzec, le spectacle était ignoble comme attendu, au centre, prés du lit renversé, reposait dans une odeur de chaussette une espèce de mille feuilles humain, ou le chargé de communication parisien alternait avec la pute provinciale, quand au chef ‘von le Gueuzec il ronflait, le nez dans la chatte de l'une de ces dames et quand il ne s'étouffait pas à demi, ou recrachait des poils, il réussissait à en sortir de très étonnants sons.
    Quel scandale ! Le sexe, en tant que pratique sociale éminente mérite quand même un peu plus de sérieux et un minimum d'application il me semble !
    Nous avions réfléchi au Cercons à une proposition de loi concernant la création d'un Conseil Supérieur du Sexe d'Etat (CSSEXE), composés d'usagers (hors d'usage), de travailleurs et travailleuses du sexe (en disponibilité) et de magistrats (pédophiles), afin de mettre en place une réglementation sur les pratiques sexuelles épanouissantes obligatoires en agglomération (PSEOA), quand on sait ce que  représente en coût d'usage pour la collectivité (stress, inhibition des fonctions sociales, moindre rendement au travail, frais de teinturerie) une fellation bâclée l'on comprend qu'il est temps d'encadrer tout cela, d'ailleurs au Cercons nous passions notre temps à encadrer ce qui l'était déjà et à conditionner le reste, soit pour l'essentiel le contrevenant, passé, présent et futur.   
    <o:p> </o:p>Quand j'entrais dans la cuisine, il y avait quelqu'un, je crus reconnaître le gros bonhomme qui commandait le chalutier de Walter Chéchignac, le capitaine Kelbonbec, c'était sa folie, ce chalutier, il était fier d'être le seul Concho-Ponchain qui prit encore la mer. Il n'allait certes jamais très loin, mais comme il disait : ce n'était pas pour autant que le retour n'en était pas difficile.
    Oui, c'était bien lui, d'ailleurs il portait une casquette sur une figure bourrue de marin.
    -Bonjour capitaine.
    -Mon gars.
    Il ne mangeait, ni ne buvait, regardait ses doigts, ses mains ridées et tachées comme font les vieillards pour bien se convaincre de leur âge, et autour la pièce, et moi aussi, mais non je ne l'intéressais pas plus que cela et il revenait à ses doigts épais.
    Il se leva, enfin, il m'intimidait, c'était une présence ç't'homme-là, large, trapu, la voix charnue, profonde et lointaine, avec des intonations parigotes, aussi je n'étais pas mécontent de le voir faire mouvement et il alla ouvrir une grande armoire peinte en grise qui était encastrée dans le mur derrière lui.
    L'intérieur était garni de bas en haut et de droite à gauche, de paquets de gris et de gauloises sans filtre modèle troupier. Sans doute les stocks de guerre de Walter Chéchignac.
    -Bon, ben vous lui direz que je suis passé.
    -« direz... » Mais à qui don' ?
    -Béh à mon fils bien sûr, mon petit Voualtère. Allez bonne lunaison mon gars.
    Le « capitaine » se remplit les poches avec les paquets de gris et de gauloises et quitta la pièce le plus simplement du monde en passant à travers le mur.
    <o:p> </o:p>*
    <o:p> </o:p>   J'avançais dans l'immense chambre de Walter Chéchignac, éclairée seulement par les porte-fenêtres ouvertes sur la nuit  mousseuse et valsante qui se jouait au dehors, j'aurais voulu parler, articuler au moins mais je n'y arrivais pas, trop impressionné ou plutôt comme soudainement dépressurisé par le trou d'air qu'avait été pour moi la vision de cet homme, son père le druide, le revenant, le maçon traversant, j'allais vers Walter Chéchignac comme un môme en colonie de vacances, qui s'est pissé dessus au milieu de la nuit, va réveiller son instit :
    -Walter... cher Walter...
    J'avais enfin réussi à parler mais ce n'était pas lui que j'avais éveillé mais la Fée Morgane qui dormait prés de lui, si, si, rousse, blanche, irréelle, elle se dressa tel un spectre et je me jetais dessus en criant :
    -Oh ma fée ! Ma Fée! Sauvez-moi bonne dame!
    Et là je reçus le plus beau coup de genou dans les couilles de toute ma carrière, déjà longue, de récipiendaire de coups bas féminins.
    Elle avait une technique irréprochable ma bonne fée.
    -This man is crazy! Go ahead I Am going to blush yours ass sucker !
    -Eh béh quoi on t'a mordu ma belle? Mais qu'est-ce qu'il arrive ici ?
    Walter avait allumé la lampe de chevet et me regardait me tordre de douleur sur ses tapis pendant que sa compagne de lit toujours à poils mais bien réelle, je pouvais en témoigner, lui résumer notre récente entrevue.
    -C'est votre bonne fée qui vous a transformé en serpent La Gaspérine ?
    -Arrêtez de vous marrer et aidez-moi merde.
    -Gisela, compresses please, varm vater, do you understand my sweatie ?
    -Oh yeah.
    Dés cet instant elle se montra parfaite et maternelle, cette touriste américaine que Walter avait rencontrée sac au dos dans l'un des inénarrables cocktails portuaires qu'il hantait de sa présence diplomatique et où il représentait aussi bien ses affaires, ses trafics  que ceux de son pays d'adoption.
    -Un malentendu mon pauvre vieux, mais si ça pressait autant, j'aurais pu vous arranger le coup c'est une chic fille...
    -Mais non c'est pas ça, je peux encore lever une fille tout seul, c'est après l'autre... j'ai un peu bu... après qu'il soit parti...
    -Mais qui ça, expliquez-vous mon vieux ?
    -Mais votre père merde quoi !
    -Ah papa est passé, vous auriez pu me prévenir et comment va-t-il ?
    -Il va... comme un mort... ou plutôt un vivant... ou plutôt... il va et vient à travers les murs !
    -Ah ça c'est son côté farce...
    -Enfin merde, il est mort ou il est vivant ?
    -En principe il est mort, mais lui-même il n'est pas trop fixé, alors il apparaît et disparaît, un mort il faut que ça montre de la conviction, lui il muse, visite, il commente, il vient chercher du gris, c'est ce qu'il lui manque le plus, sa gauloise matinale en regardant la mer... pour ça que j'en garde des quantités pour lui...
    -Mais vous pensez vous qu'il est mort ?
    -J'aime pas penser à des trucs tristes et puis ça porte malheur, je pense que tant qu'il voudra bien venir, je serai content, après, on verra, j'essaierai de me faire une raison, une raison rationnelle et obtuse avec des principes de base et des présupposés, une loi intime dans le genre de vos poulets du Cercons, si vous voyez : ...tout stationnement dans les parties privatives de la conscience au delà de 22 heures ect... Je suis abonné, j'ai toute la collection, votre bulletin est une merveille... 
    <o:p> </o:p>Mais il se foutait carrément de mon travail !
    De fait j'avais été pendant trois ans, le fondateur puis le principal rédacteur du Bulletin du Cercons, c'était même moi qui en avait trouvé le titre : « modernétude ». Avec un petit  trait comptable là où il fallait et plein de sous entendus référencés. D'ailleurs c'était un ex-jésuite, ex-trotskiste, ex-lacanien, une espèce de parfait honnête homme du XX° siècle qui était mon secrétaire de rédaction. (... à suivre...)
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