• Mouloud l'Afghan (suite4)

    La boîte à partouze sentait la chaussette, c'était plein de couloirs, de tapis et de matelas, d'éclairages  souterrains on se serait cru dans une mosquée.
    C' était ça ce qui m'avait plu la première fois où l'oncle Mostaph m'avait emmené à la mosquée, c'était que  ça sentait la chaussette, le côté comme chez soi. Et puis les causeries, les palabres entre africains, comme sur la place du village.
    Mais ce qui m'avait déplu c'est les coran relié plein skivertex importé d'arabie séoudite, ça faisait un peu trop monoprix et puis le mec qui causait fort en arabe et qui lui aussi faisait un peu trop importé.
    La boîte à partouze s'appellait le Grand Bob, elle était square du Général... dans le XV° quoi.
    Moi j'étais comme à la pistoche j'avais pas trop envie de plonger, je préférais me rincer l'œil, y avait à voir, je me baladais en chaussettes (trouées d'ailleurs, merde j'aurais dû penser à les changer ce matin) et slibard :
    -Alors qu'est-ce que t'en penses m'a demandé Pontdezig qui s'entretenait de la main droite, histoire de pas rater son entrée.
    -Y a du linge !
    -Y a surtout du bide, regarde moi l'aut' cornard, tout à l'heure je lui réglais le son, il était en chaire sur le plateau à moraliser sur les droits de l'homme en Irboukistan Inférieure et maintenant il fait l'animal sur les starlettes... Ah saloperie j'te foutrais bien tout ça en l'air !
    Il avait l'air remonté contre le bourgeois, le Pondetzig, sans doute parce qu'il en était un.
    -La carte te plaît pas ça a pas l'air de t'inspirer les vedettes du jour ?
    -Tu sais moi j'en suis resté à Mireille Darc, elle est pas là m'ame Mireille Darc?
    -Elle vient plus depuis que le secrétaire d'état aux anciens combattants lui a refilé des morbacks.
    -Mais qu'est-ce tu raaacontes des fichaises toi, il y a jamais eu de môrpions chez moi.
    C'était la patronne une suissesse, très athlétique, je pouvais pas me gourer elle était à poils et tenait un type poilu par l'anneau qu'il lui traversait le bout de la quéquette comme elle aurait mené un taureau à la vache.
    -Encore un frangin ? Elle a demandé distraitement à Pontdezig en emmenant son taureau bande mou.
    -Et ben tu vois moi ça m'inspire parce que le fric il est là, y a qu'à le prendre, je vais t'expliquer mon idée, viens par là.
    -D'accord mais s'il te plaît tu veux bien arrêter de te branler cinq minutes.<?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p>

    *

     Son idée, il ne l'avait sans doute pas inventée, c'était le bon vieux systéme de la reprise individuelle.
    Quand même c'est de ce moment que tout est parti, la mise à l'eau, là que mon destin a pris la mer.
    Dupouët était venu nous rejoindre, il avait conservé toute sa dignité c'est à dire pour le principal sa cravate, à double nœud, un en bas, un en haut, lui aussi était un mordeur comme disent les profs, et les flics: un dominant. Dans l'histoire je me gaffais que en tant que mordu je serais en première ligne.
    -... tu comprends quand ils viennent à la télé, ils godent tellement que tu peux tout leur demander si tu viens de la part de la prod., regarde tu vois ce carnet...
    Pontdezig avait sorti un carnet de notes Clairefontaine pour prof du secondaire, il était couvert de noms, d'adresses, et de notes et remarques diverses.
    -... tous les types qui ont défilé dans l'émission, c'est ça notre gibier... je sais tout sur eux et en recoupant avec ce qu'on peut ramasser ici...
    -Qu'est-ce t'as dans l'idée, de chauffer le bourgeois ? T'oublies qu'on est pisté en permanence.
    Et c'était vrai, le gros Inspecteur Dudu en maillot de corps, sirotait un whisky à une table en épluchant Paris-Turf, l'auvergnat de Dupouët en caleçon discutait avec la suissesse du rendement du rade quand au mien, le gros con de Jean Jean...
    -Ben et le mien, où qu'il est le gros con ?
    -Là-bas sur la secréteuse d'étate à le conditionne féminin...
    Il avait gardé ses chaussettes et besognait comme un sapeur, ça fumait même et shmectait le caoutchouc brulé, elle secrétait un max, elle était même à deux doigts de se faire péter un joint de culasse ç'te pouffiasse, enfin il a lâché son coup et il s'est largement essuyé la bite sur le tailleur Chanel de madame.
    -C'est à cause du tien qu'on va pouvoir agir, il faudra l'appâter avec du lourd, mais il y viendra, tu verras, il m'inspire ce type !
    -Mais quand même il faudra se méfier de l'Inspecteur Dudu. J'ai remarqué finement.<o:p> </o:p>

    *

    <o:p> </o:p> On a commencé grand train par Zirma la chanteuse de la génération morale, le genre lycéenne attardée aux grands pieds, qui plaisaient aux acnéiques fils de cadre de la banlieue ouest, tatouée et batie comme un « joyeux » de la belle époque elle délivrait messages et mots d'ordre avec la régularité d'un dévidoir de papier toilette, c'était elle qui faisait ses textes mais elle sous-traitait ses rîmes auprés d'un grand oncle académicien (la Glandcourt pas la Royale), notoirement incontinent, et déjà connu de nos services.
    Elle passait sur toutes les télés depuis qu'elle était la taulière d'un racket mi-show-biz, mi-humanitaire tout aussi condamnable moralement que les machines à sous ou le proxénétisme hotelier mais qui rendait bien mieux et dans beaucoup moins d'effort: les sanisettes du coeur, dont le but était d'installer, le temps de la saison froide des chiottes collectifs dans toutes les cours d'immeuble, sauf chez papa et maman bien sûr et dont l'émouvant slogan était : « ensemble chions pour les « esclus » ».
    Un kilo d'engrais organique sur un plant de fraisier donnait 79 fraises de quoi nourrir un « esclu » en fraises une année durant.
    Les français donnaient largement, depuis Mai 40, ils ont d'ailleurs jamais arrêté, la crise de panique hystérique et la chiasse qui va avec sont devenus sports nationaux.
    Il fallait voir chaque année tous ces em«paf»és, vedettes du spectac', de la littérature, du sport et de la politique venir se déculotter devant la caméra et chercher à  mouler la plus belle jusqu'à point d'heure, le tout retransmis en direc' et en belgovision dans tout le monde francophone.
    Les plus lêcheurs se mettaient à la salade et au pudding, trois semaines avant le « concert » et honte aux constipés et paresseux de la tripe.
    Zirma, de son vrai blaze Frédégonde Tourte de Mézancourt, elle habitait à Louveciennes, une sorte de résidence barbelée, enchiennée et gardée.
    Nous on l'a guettée comme ça, trois mois durant, on voulait pas rater notre premier coup, d'après les tuyaux qu'on avait elle devait rentrer avec la recette de la grande soirée de clôture des chiottes du cœur, juste après le dîner de gala, croire que ça les avait mis en appétit ces cons-là.
    Il faut dire qu'on prévoyait une émission fantastique, le premier ministre en personne devait venir en poser une (le président s'était fait excuser, il se chiait dessus tous les matins mais manquait d'inspiration en Praïme Taïme, et puis c'était pas son genre de partager, même sa merde), en même temps que trois académiciens français en ligne et l'archevêque de Paris qui tâchait déjà son Eminence d'impatience.
    Tout au long de la soirée les records de générosité sont tombés, les tévéspéktateurs étaient formidab': 47 tonnes de merde dans le 14 ° arrondissement, 79 dans le 5° plus collabo que jamais.
    –Et la Corréze Jean-Pierre qui ne faillira pas à la tâche non plus ce soir, 1083 tonnes pour l'arrondissement de Tulle.
    -Allo, allo Jean-Pierre, à Marseille nous établissons je crois un record national 14785 tonnes...
    Image magnifique de cette solidarité sans faille, les dizaines de milliers de types le bénouze en bas qui chiaient dans tous les coins le long de la Canebière.
    -Malheureusement, Jean-Pierre, nous avons à déplorer le braquage de 5 sanisettes et je demande solennellement de restituer sinon la recette au moins les corps aux familles, ce serait trop bête de gâcher une telle fête !
    La France se lâchait complétement, elle s'ensevelissait sous la merde, elle se chiait dessus, dessous, à travers. La grande délivrance.
    -Baisse le son tu veux, y me fatiguent les lémuriens! A lâché Dupouët.
    On avait branché une télé dans la bagnole et on suivait  la retransmission.
    Remarquez qu'elle avait un côté forain la môme qui me déplaisait pas: aucune confiance dans les banques, le respect de la coupure, elle rapatriait la recette dans des sacs avec quelques gardes du corps puis s'enfermait avec son comptable pour les écritures du soir.
    C'était là qu'on devait arriver.  <o:p> </o:p>
    On avait choisi le jour de congé de l'Inspecteur Dudu, c'était un p'tit jeune bigleux, bien noté et très con qui le remplaçait, mais par mesure de prudence on avait demandé à Jocquelin, un autre batard  présenté par Pontdezig de le surveiller pendant tout le temps de sa réunion en nocturne à Vincennes.  
    On avait prévenu l'Auvergnat à Dupoüet que sa dame allait accoucher, elle devait avoir dans les cinquante-cinq balais mais c'était un fervent de Star Trek et il croyait à l'inéluctable progrés de la science qu'on parlait à la tévé, il s'est pensé  qu'elle avait voulu lui faire une surprise, s'était fait inséminée pour faire comme ls copines de bureau, d'autant qu'il l'avait pas tronchée depuis six, sept... dix mois, c'était beau de le voir compter sur ses doigts, enfin il s'y était télétransporté dans sa Renault de service et n'était pas prêt d'en revenir c'était les jumeaux Ribaudeau-Pottard qui étaient en charge de le coller, eux aussi avaient voulu en être du partage.
    Ne restait sur le marché que le mien, l'Inspecteur Jean-Jean, ce soir on allait savoir ce qu'il valait question mentalité, c'était risqué, marcherait ? Marcherait pas ? Mais il fallait tenter le coup.
    Jamais bande de batards n'allait aussi bien mériter son nom.
    La chanteuse à texte est arrivée su' le coup de minuit, la garde rapprôchée l'a accompagnée jusqu'à l'intérieur et puis ils se sont tirés.
    -Dommage j'en aurais bien mis en l'air un ou deux de ces mecs-là ! Pontdezig était décidément très remonté, il faut dire aussi qu'avec ce qu'il se mettait dans le nez  pendant le travail !
    Ils avaient même installé un distributeur de coke automatique, genre machine à café dans le couloir de la chaîne et toute sa monnaie en billets de cinq cents balles y passait.   <o:p> </o:p>
    Aussi sec on a fait mouvement vers l'arrière de la baraque, tout était prévu on avait une clef du service. On est tombé sur l'héritière cathodique et son comptable en pleine comptée.
    On aurait dit le couple Thénardier en lauréat du Loto d'état.
    Du pognon il y en avait partout. Ah ça rapportait la fraise, et la merde donc !
    -Mon fric des pauvres ! Touchez pas à mon fric des pauvres! Salauds! Ordures! Profiteurs ! Fachisses ! Qu'elle gueulait.
    On a tous reculé, elle manquait pas de nous impressionner, tous, sauf le Pontdezig qui a ramassé un ampli de guitare électrique et le lui a balancé dans la tronche.
    Sûr que si elle se réveillait de ce coup-là, elle aurait du mal à retrouver toutes ses oreilles. Il y avait des bouts de crâne sanguinolents sur la moquette en sisal, ses chansons y gagneraient sans doute en inspiration mais elle aurait du mal à l'avenir à se concentrer sur ses mots croisés.  
    Là ça commençait à sentir mauvais, il faut dire aussi que le comptable s'était chié dessus, il se terrait dans un coin de la piéce en lâchant des petits cris de belette prise au piége, Pontdezig rigolait, il était parti pour nous la jouer démoniaque, nuit de Valpurgis.
    On a commencé à charger les sacs dans le J.5 (le détail c'est pour le côté athmosphère, reconstitution d'époque).
    Et puis l'Inspecteur-chef Dudu s'est pointé, pas tout à fait comme prévu, on l'espérait au moment du partage, pour le café, mais il avait pas pu tenir.
    -Eh ben vous avez fait du joli, bande de petits enculés ! Allez les mains sur la tête, tout le monde.
    -Tout le monde ? Même la femme sans tête ! A rigolé Pontdezig qui se tenait derrière lui, un flingue à la main et tout fumant des oreilles, il avait les cornes qui lui poussaient à vue d'oeil.
    Mais moi à sa place j'aurais pas tenté la levée, le Jean-Jean, c'était le genre chasseur de palombes, il épaulait vite, et depuis tout môme il caressait les flingues, on a pas eu le temps de le voir se retourner que le Pontdezig avait déjà un trou au front et sa cervelle faisait un joli motif sur les rideaux en chintz uni.
    -Ah les cons ! Les petits cons !
    Il pensait à sa carrière, le Jean-Jean, il venait de buter un des batards royaux, il allait avoir du rapport à taper et il aimait pas ça les formalités.
    Nous on était pas tellement rassurés, on se disait qu'il était capable de tout ce gros bœuf quand il était plongé dans ce genre de doute eschato-administratif, à ce moment heureusement l'Inspecteur-chef Dudu a débarqué, il avait semé les jumeaux Ribodeau-Pottard. Il a dit :
    -Merde ça alors !
    Et puis il a vu Pondezig ou ce qu'il en restait et il s'est mis à le secouer en chialant :
    -Quel con, le môme je t'avais bien dit de pas t'agiter comme ça! Quel con le môme ah béh te v'là beau maintenant !
    Il avait vraiment de la peine c'était évident, il le suivait de tout mioche.
    Il s'est bien passé dix minutes, il le berçait, lui causait, il s'en foutait partout du sang et du chagrin et puis il s'est repris.
    Maintenant le Jean-Jean il avait un peu honte, il a demandé, timide, tout conneau, nature quoi :
    -Qu'est-ce qu'on fait-t-est-ce que maintenant chef ?
    Le Dudu-chef il s'est relevé, il a contemplé le désastre :
    -Vous aviez vraiment besoin de tout ce fric ?
    Dupouët qui a vu l'ouverture a hasardé :
    -Pas tout non... on pourrait partager... chef ?
    L'Inspecteur-Chef Dudu s'est essuyé le front, il avait encore ses tickets de P.M.U ensanglantés dans la main gauche. 
    -Ouais après tout, vous avez raison ! Une fois lancé...
    Et de sa main droite il a sorti son flingue et il a collé une bastos dans la tronche du comptable qui a éclaboussé la plafond.
    Vrai ça démarrait fort, si je m'étais attendu à un festival comme ça !
    Le côté chouette c'était qu'on lui avait tout redécoré son salon pour pas chère à  la chanteuse. (à suivre...)
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