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Walter Chéchignac 29 par H.T.Fumiganza
29.
Election
<?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p>Merry insista pour que nous ayons un mariage religieux en sus de notre union civile qui me semblait bien suffisante:
-Et pourquoi pas un vin d'honneur tant qu'on y est ! Tes singeries municipales je m'en fiche bien mais je ne monterai pas sur un bateau qui n'a pas été béni par monsieur le curé.
Il demeurait chez elle je ne sais quel fond de superstition chalutière.
<o:p> </o:p>Ce fut donc, et sur la proposition de Bédoncle, cet étrange et imposant bonhomme aux cheveux en brosse, son oncle des Espiasses que tous appelaient Patrate qui nous unit à Sainte Trahoudulde.
Fort peu concerné par la cérémonie désuète et pour tout dire hors de propos, qui tentait d'imiter nos si belles traditions républicaines mais il y manquait quelque chose, je ne sais pas, une présence, peut-être celle du pompier de service, pour être tout à fait vérifiable, j'en profitais pour prendre les dimensions de l'édifice et imaginer le parti qu'en pourrait tirer un créateur contemporain tel Jean-Marcel Vilchiotte, vrai nous pouvions avoir là l'une des plus modernes vélothéques d'Europe accompli dans une geste architecturale d'importance...
-... oh hé garçon...je te cause : tu veux ou tu veux pas prendre pour épouse la belle Merry ? M'houspilla l'oncle des Espiasses en me réveillant de ma rêverie d'une robuste bourrade qui m'envoya rebondir contre un pilier.
-Euh... oui monsieur.Répondis-je en me massant l'épaule.
Je ne savais pas que dans l'église catholique qui est en France, depuis quelque temps déjà, m'a t-on dit, les barmen avaient vocation à bénir les unions.
<o:p> </o:p>Au matin bien entendu nous étions passés devant monsieur le maire ou plutôt car ne pouvant pas me marier moi-mâme, cela serait allé contre une certaine tradition républicaine, après avoir présidé à l'union fort émouvante du fils Chotard avec son berger belge Rinquinquin avec lequelle il vivait maritalement depuis quinze ans, je cédais mon écharpe à gland à mon premier adjoint qui s'en acquit fort bien sous les aboiements de la belle famille du fils Chotard venue tout exprès de Bruxelles.
Heureux présage, que notre nuit de noces passé comme en pèlerinage à l'Hôtel de la Chaudasse ne démentit pas, hors cette manie qu'avait Merry de me compter tous les suppléments, il est vrai que j'en étais friand, et de vider le mini-bar.
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<o:p> </o:p>La pluie avait repris sur La Conche, comme souvent, mais cette pluie-là tombait telle une bénédiction pour la destinée qu'il me restait à courir, je commençais d'aimer le terrain lourd.
Chéchignac lui s'occupait les mains, il avait fomenté grève sur grève au La Conche's Taartagle Resort and Entertainment, la derniére revendication portant sur le trop grand nombre de numéros à la roulette et les conditions de travail déplorables des croupiers qui en découlaient, monsieur le consul général organisait en sous-main le désordre local et... international.
Il avait même mis sur pieds un comité d'intellectuels qu'il avait logé tous frais payés pendant un mois aux grand Hôtel des Belges de La Ponche avant d'en envoyer un régiment monté à La Bravade.
Conscrits de la raison impure qui depuis les plages Bravadiennes climatisées (au Prukhménistan, les champs de betteraves étaient chauffés même en été malgré tout la destination était moins courue) et en toute indépendance d'esprit pondaient pétitions et appels au génocide propret, dénonçant le racisme viscéral, héréditaire, de ces salauds de Prukhmen et dont la conclusion humanisse et toute empreinte de l'esprit des lumières était : « ...on n'y peut rien y sont pas comme nous ! y comprennent que la trique ces animaux-là ! faut les bomber sévères ! »
Il lança même un grand mouvement nationale avec l'aide d'Edgar Letrouble, épicemard compulsif et désintéressé, qui sommait les ci-devants tévo-consommateurs de venir apporter des rouleaux de papier toilette et des préservatifs de préférence non usagés ainsi que des boîtes de sardines (avec le double des clefs dans la boîte à gants) pour les réfugiés bravadiens qui manquaient de tout (et d'abord de libertés) et les tévéspetateurs avaient réagi magnifiquement en apportant dans les centres Letrouble des rouleaux de papier toilettes et des préservatifs de préférence usagés ainsi que des boîtes de sardines dont ils avaient paumés les clefs.
<o:p> </o:p> Car le conflit Bravado-Prukhmen faisait la une des journaux parlés. La haine et le ressentiment montaient dans les deux camps, à Prukhmout-city l'antique capitale Prukhmen dont le métro avait été inauguré dix neuf siècles avant tous les autres l'on brûlait des cigares bravadiens et à La Bravade de la betterave à nœuds prukhmen.
L'intercession de Monaco en faveur de son ancienne colonie, qui lui proposa un leasing sur une flotte de pédalos de combat furtifs, n'arrangea pas les choses.
La Russie se rangea du côté de son voisin et vassal en proposant au gouvernement prukhmen douze ogives thermonucléaires pour le prix de onze port compris et payable en trois fois sans frais avec la carte boum-boum.
En réaction les Etats-Unis apportèrent leur soutien à leurs voisins bravadiens et levèrent discrètement l'embargo qu'ils leur imposaient depuis trente-cinq ans.
In fine les Nationzunies intervinrent et pour mettre tout le monde d'accord décidèrent de bombarder avec une parfaite équanimité les deux parties mais ils se trompèrent largement et bombardèrent, dans l'ordre :
La Barbade, le Turkménistan ornemental, le Baloutchistan occiputal, lesgrandsmagasinsduprintan et Prunel Tristan habitant du Val de Marne, secrétaire perpétuel de l'Union Bouliste locale.
Protestations de tout le monde et remerciements de la veuve Prunel qui envoya une grosse boîte de chocolats au secrétaire général de l'organisation lequel convoqua, derechef, une conférence internationale dans un pays froid et neutre et surtout pas membre des Nationszunis.
<o:p> </o:p> Le colonel Doubinskoï qui était retenu en otage à La Bravade fut enfin libéré et put prendre le bateau du retour, à son arrivée à La Conche, bon joueur, il félicita chaudement ce cher walter toujours farceur qui lui remit un cadeau pour se faire pardonner sans doute.
-Troudli ! Troudla ! Troudlo ! Papa a pas coulo ! tain le couteau suisse il est chouetto !
<o:p> </o:p> Pour ma part, témoin privilégié de cette affrontement artificiel qui avait menacé la paix du monde, je ne pus retenir plus longtemps mon indignation et livré le fonds de ma pensée à Walter Chéchignac.
-C'était bien là tout ce que vous vouliez pour ce foutu casino et arranger vos petites affaires personnelles vous étiez prêt espèce de salopard à créer un conflit thermo-nucléaire !
-Je n'ai eu mon cher depuis le début de toute cette malheureuse histoire qu'un but: restaurer les intérêts du pays que j'ai l'honneur et la charge de représenter, il me fallait lever l'embargo, c'était la mission que m'avait secrètement et personnellement confié Adamsen Pinocevic notre Maréchal-président urinoir à vie, nous l'avons fait, pour le reste mes intérêts personnels comptent peu ... mais ils comptent.
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<o:p> </o:p> Il avait réussi au delà de ses espérances, le département d'état américain ayant ouvert une enquête sur les actionnaires de Taartagle Corp., les autorités boursières américaines, la même chose mais en double exemplaire, pas mieux avait dit le département du Trésor .
Tant et si bien que les méchants réactionnaires belges avaient jugé préférable de débarquer mon père le visionnaire, avec toutes les indemnités et les excuses d'usage en le remerciant d'avoir en moins de dix mois réussi à mettre sur la jante une compagnie trois fois séculaires. Les sœurs Van Der Konf repassèrent avec soulagement leur habits de chauffe.
<o:p> </o:p> Avec ses indemnités plantureuses et défiscalisées le Président Régis Cardemeule, papa pour le non-intime que j'étais, se lança dans l'industrie de la variété, il avait toujours rêvé de faire starlette et même à ses débuts au conseil d'état il avait monté avec quelques collègues maîtres des requêtes un groupe de rock : « Zi indoumptabeuleuss ».
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<o:p> </o:p> Walter Chéchignac put donc mettre la main sur le casino de La Conche, que j'inaugurais une deuxième fois mais cette fois au premier rang et en tenant les ciseaux sacrificateurs en ma qualité de maire de La Conche.
Chéchignac avait bien fait les choses, il y eut Yvette Horner, Mireille Mathieu, les petits chanteurs à la croix de bois, et un bal musette monstre avec des accordéonisses, plein de types bourrés et des filles en jupes, en seins et en fesses et un feu d'artifice qui mit le feu à la caserne des pompiers, en bouquet final on a rossé les gendarmes quand ils ont débarqué et on a tous fini noirs comme des loirs et sacrément d'humeur au 10/18.
<o:p> </o:p>-Ce pourrait être un bel établissement ! ça ce qui manque une taule de classe dans ce bled tu trouves pas Walter ? Constata la jeune mariée, ma douce Merry avec des intonations que je ne lui connaissais pas et en reprenant une quatrième fine à l'eau sans eau.
Cela tombait bien Tintin voulait céder le fond et ses dames songeaient à prendre leur retraite proportionnelle.
L'affaire fut vite conclue, malgré mes réticences, je m'imaginais mal en taulier d'établissement échangiste, tranchons le mot : de boîtes à partouzes, dans la ville mâme dont j'étais l'édile.
-On mettra l'affaire au nom de la marquise.
-La marquise ? Quelle marquise ?
-La Marquise de La Gaspérine.
-Qu'est-ce que vous racontez là ?
-Oh c'est vrai j'tai pas dit mon bouchonnet... le cadeau de mariage de Walter... il m'a offert un titre de marquise tout ce qu'il y a d'officiel, avec le diplôme et comment la marque de fabrique, l'écusson tu vois...
-Les armoiries !
-C'est ça. Oh mais il ne t'a pas oublié, toi il il t'a fait camérier secret du Pape.
-Le Pape ? Mais quel Pape ?
Qu'est-ce que c'était encore ces histoires, je n'avais pas épousé une marquise mais une put... enfin une femme moderne et convenablement libérée, je ne lui avais rien demandé à cet imbécile de Chéchignac.
-Je suppose qu'il faut que je vous remercie ? Et peut-être mâme vous dois-je quelque chose ?
-Bah je mets ça sur votre ardoise avec le reste, vous me réglerez tout en même temps.
En prononçant ces mots il avait l'un de ces sourires clinquants et affûtés qu'il n'exhibait qu'en de certaines et cruelles occasions et qui m'impressionna, malgré tout je balbutiais :
-Mon... mon ardoise ?
-Sur votre compte si vous préférez, le compte de notre amitié, je vous aime bien moi mon petit vieux. Allez je vais me coucher, demain j'ai deuil.
Il s'alluma l'un de ses énormes cigares bravadiens torsadés, noirauds et puants le suint et l'étable, respira le petit matin sur le seuil, rangea ses lunettes noires dans la pochette de son veston, et d'un geste de fonctionnaire du répertoire de boulevard s'arracha sa moustache, qui n'était donc qu'un postiche et s'en fut à son pas, solitaire et sonneur.
<o:p> </o:p> J'interrogeais ma jeune épousée qui dessinait du bout des doigts dans le sucre ses armes de marquise rêveuse et encore naïve.
-Vous... vous avez vu sa moustache... pffuuuit ! Mais enfin j'y croyais depuis le début moi à sa moustache ! En voilà des manières ! Et son deuil qu'est-ce que c'est que ça son deuil ?
-A ce moment de l'année Walter quitte toujours La Conche, c'est en Octobre que son père est mort, alors il se décrète quarante-cinq jours de deuil et s'en va dans La Creuse, il a une boulangerie-buvette-bureau de tabac qu'il a mise en gérance la-bas dans un coin paumé, il y fait les tournées et il aide au fournil, il fait d'ailleurs un très bon pain, tu sais. Je crois que c'est par là qu'il a débuté...
-Par les tournées ?
-Non par le bon pain.
Après tout cet homme-là était peut-être bien mon ami, le seul que j'aurais jamais, quel dommage que je n'y comprenne rien, à lui autant qu'à notre amitié. (à suivre...)