• Con friendly!  2/2  par L.Lagueulebée

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    C'est ma Poupette, Jeanine mon obersturmbanhfuhrer préféré, ma femme à moi quoi, depuis qu'elle travaille aux impôts elle est de plus en plus rigide... alors que de mon côté je le suis de moins en moins, bref c'est elle qui avait trouvé la location, une de ses collègues de bureau qui lui avaient recommandé le coin. C'était dans le Jura, oui je sais, mais ça peut-être très beau le Jura, très sauvage aussi, c'est le côté nature inviolée qui l'avait tentée, les mômes aussi étaient contents, la nature inviolée ça les passionnait même si ils préféraient l'étudier à la ville: devant la  tévé.   

    La voiture marchait bien, il y avait qu'un truc d'un peu ennuyeux c'était cette manie qu'elle avait de causer tout le temps, le plus souvent en anglais, et puis soudain dans les pentes du Jura, elle a décidé d'elle-même d'économiser les freins, elle m'a même fait tout un cours sur le sujet qui s'affichait sur l'écran multimédia en couleurs, les mômes regardaient ça en prenant des notes pendant que j'appuyais comme un dingue sur la pédale, mais plus rien.

    Finalement elle a détecté une valeur de sudation élevée associé à un taux d'humidité important de mon fauteuil électrifié, elle en a déduit que je les avais à zéro, et de fait je venais de vivre un pénible relâchement de sphincters,  et bonne fille elle a rebranché les freins.

    -BRAKES  O.K !

    Soulagé j'ai appuyé un grand coup sur la pédale en zamack recyclé et elle s'est cassée en deux.

    -SUCKER ! A lâché cette p... de bagnole de m...

     On a fini par s'arrêter dans un arbre après avoir heurté un vieux panneau routier Michelin en béton blanc, qui nous avait heureusement freiné, il y avait des dégâts matériels mais heureusement pas de blessés.

    Il s'est pointé une camionnette de gendarmerie moins de dix minutes après, je n'avais pourtant prévenu personne, la bagnole qui s'en était chargée, cette salope n'arrêtait pas de clignoter en gueulant :

    -VITESSE EXCESSIVE CONSTATEE ! VITESSE EXCESSIVE CONSTATEE !   

    J'ai vite ouvert le capot et j'ai arraché tout ce que je pouvais, j'avais des faisceaux électriques plein les mains et elle l'a enfin fermée.

    Les pandores n'ont même pas demandé de nos nouvelles, ils nous ont filé une dizaine de P.V. pour "déprédations sur espace naturel protégé", et payé une tournée générale de tests ADN :

    -On vient d'en toucher des nouveaux très chouettes ! Avec un seul poil du cul on vous donne le tiercé dans l'ordre!

     Une fois tout le monde fiché, y compris le chien ils nous ont enjoint de circuler ce qui était bien loin de nos possibilités.

    -C'est... c'est les freins qui ont lâché...

    -... information fausse... données erronées...

    A murmuré encore cette charogne de voiture avant que je lui mette un coup de manivelle en plein dans l'alternateur.

    - Sûr ce n'est pas comme ça que vous allez la réparer !

    -Oui mais qu'est-ce que ça fait comme bien ! Vous ne pouvez pas nous envoyer un dépanneur ?

    -Pour un dépanneur il y a un supplément ! Et ils nous ont remis une demi-douzaine de prunes de plus pour "stationnement non signalé sur terre plein en dehors d'un terre plein signalé!" 

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    Le chef d'atelier de la concession Penault-Reugeot du chef lieu a regardé la voiture depuis son fauteuil, il avait une belle vue:

    -Ouais il faut changer tout l'avant, forcément c'est déformable alors ça se déforme... même en roulant, alors vous imaginez quand ça tape... il est à vous le chien, je vous le change aussi ?

    Il fallait compter quinze jours, les pièces détachées venaient du Tatarstan Méridionale :

    -Mais pour le chien j'ai que du jaune métallisé et forcément il y a un supplément...  

    <o:p> </o:p>

    Pour les derniers kilomètres jusqu'au gîte rural que nous avions loué nous avons pris un taxi taiseux qui nous a bien reposé de ses collègues parisiens.

    <o:p></o:p>

    -Vous v'là rendu ! A-t-il enfin proclamé en nous balançant nos valises sur le bord de la départementale.

    Pour être rural c'était rural, les gamins étaient un peu déçus c'était pas comme à la tévé chez Nicolas Mulot, ça manquait de couleurs et de clowns  et puis il y avait les odeurs, ça a la tévé il y a pas, même si on devine que ça sent pas vraiment bon à l'intérieur.

    <o:p> </o:p>Après une bonne heure de montée nous avons croisé un type à couette sur un vélo. C'était le plus surprenant ce côté borgne de la couette, il en avait une à droite et rien à gauche, on aurait dit une petite fille qui avait mal tourné.

    -Vous z-êtes les parisiens ? On vous attendait plus tôt. Marchez bien derrière moi prenez la trace sans quoi vous allez tout abîmer, on est un milieu protégé.

    Protégé de quoi ? Sans doute pas de l'imbécillité tant ce garçon irradiait une sottise de sergent de ville mise tout entière au service de la survie des espèces (de c... comme lui !) et du sous-développement durable.

    Nous sommes arrivés, chez lui, épuisés, après dix bons kilomètres de cailloux pointus :

    -De toutes les façons vous seriez venus en bagnole que ça aurait été tout pareil je vous aurais fait garer en bas. Pas question de croire que vous allez pouvoir tout saloper avec vos bagnoles. Bon c'est la maison du coin !

    Il nous désignait une bâtisse modique, tôlée, mal colmatée entourée de deux rangées de barbelés.

    -Faîtes pas attention aux miradors ma petite dame, on les allume qu'à la nuit, faut comprendre on en a tellement choppé des parisiens qui allait pisser à la lune dans les mûriers sauvages où nichent le Serre-Fésces mordoré et la Biroupette ailée qu'on a installé ça et que maintenant on fait gaffe. Il y a pas quinze jours on a attrapé un belge qui se branlait dans les ronciers, il a pris six mois ferme.

    Atterré, je regardais l'endroit le paysage retranché, barricadé rendu encore un plus grotesque par une quarantaine d'éoliennes géantes plantées en haut du col, sinistres épouvantails industriels !

    Ce n'est pas pour dire du mal des gradés, mais il fallait vraiment être ma conne de femme pour louer un stalag pour les vacances.

    <o:p> </o:p> Je ne dis pas que le séjour se passait mal, le plus fatigant c'était les séances de rééducation de Ginou l'instituteur altermondialiste et poète local, il faisait chanter, très tôt le matin aux gamins des cantiques de marche soviétiques traduits par ses soins en jurassique ancien ou en jurassien antique. Cela remplaçait avantageusement le club Mickey certes, mais quand même au bout d'une semaine cela finissait par être éprouvant.

    Comme on n'avait pas le droit de s'écarter de plus de cinquante mètres de la maison, on profitait des visites guidées obligatoires organisées dans les alpages de basse estive pour les touristes déclarées en préfecture par Jacky, gardien de vaches reconverti en Technicien Gestionnaire d'Espace Naturel Protégé TGENP et ami d'enfance de  Lulu la couette:

    -Mais où sont les vaches ?

    -Pas de vaches ici, c'est interdit, à cause des flatulences, les vaches ça pollue... surtout à la campagne! Pas de gaufrettes non plus ma petite dame ! Il faut quinze siècles pour qu'une gaufrette soit complètement assimilée par le milieu naturel.

    <o:p> Enfant j'en avais connu des paysans, chacun avait son quant à soi et le goût du travail qu'il s'imposait sans se chercher une consigne, ou un supérieur à quoi obéir, au vrai ces paysans-là étaient de vrais adultes et ils sont rares. Mais les Lulu la couette et tous ses collégues n'étaient pas des paysans non plus que des adultes mais de lugubres et pauvres corniauds qui se cherchaient un maître ou une croyance et se guidaient sur les phares de la bagnole qui les écraserait.</o:p> Jusque alors, chacun en était témoin, j'avais fait des efforts, j'avais collaboré plus qu'abondamment et fait taire les préjugés que je pouvais avoir envers les cons mais à cet instant j'ai eu une soudaine envie de  passer directement d'ennemi du peuple à sérialle quilleur et de te les  étrangler tous avec la couette survivante de l'inénarrable mais non point inénarré Lulu.<o:p> </o:p>

      Et c'est là que j'ai fait une connerie, le truc dingue que je regretterais sans doute toute ma vie, j'étais, je m'en accuse dans de bien fâcheuses dispositions d'esprit et par bravade, et aussi parce que je n'avais pas vu les dizaines de caméras de surveillance disséminées dans les alpages, comme ça devant tout le monde, en pleine nature préservée et donc rien moins que consentante, j'ai  allumé une clope ! 

    Après quoi toujours inconscient j'ai respiré un bon coup, ouvert les bras et j'ai cueilli une fleurette d'un joli bleu trompeur qui se révéla être après autopsie un Furonculosis Sarkozinus espèce rare, parce qu'infréquentable, jamais tranquille et infiniment mieux protégée que la moyenne des renonculacées alpines.

    <o:p> </o:p>    Dans le fourgon qui me ramenait à la Prison Centrale de Charleville-Mézières  je repensais à mon procès, tout le monde avait témoigné contre moi, mes mômes: ils avaient fait un rapport circonstancié et en trois exemplaires, incroyable ce qu'on est observateur à cet âge-là! Ma femme, mes voisins, mes chiens (l'ancien et le moderne), même ma bagnole en avaient rajouté, les gendarmes avaient réussi à récupérer la boîte noire et pointé 16789 infractions et délits divers, alors j'en avais pris pour vingt ans.

    -Vous vous en sortez bien ! M'avait dit mon avocat à qui je dédicaçais aussi sec un coup de boule à tirage d'auteur.

    A travers le grillage je regardais la campagne trompeuse ( salope !) pendant que le garde mobile, immobile sous le casque, tout à son ouvrage, tricotait et puis soudain il y a eu un choc, un grand bruit de tôle et des coups de feu tout autour du fourgon.

    Quelqu'un a forcé la porte, m'a tiré au dehors et balancé une grenade  fumigène à l'intérieur.

     J'étais libre! Et c'est comme ça que j'ai rejoint le maquis.

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  • Con friendly!  1/2  par L.Lagueulebée
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    C'était la veille des vacances d'été et je venais de m'acheter la nouvelle Penault-Reugeot Fraü Helga, la première vraie voiture citoyenne. Le concept est connu, exactement moderne: la bagnole vous surveille en permanence et à la moindre déviance elle réagit et prend des sanctions.

    Je voulais faire la surprise à mes mômes, sur le conseil de leur professeuse d'éthique sociale ils m'avaient dénoncé le mois dernier aux services concernés en tant que possesseur d'un Dodge V8 Big Block 4X4 Anaconda utilisé nuitamment dans les rues de Paris.

    Ils avaient bien fait, remarquez, j'en avais marre de me planquer à chaque feu rouge parce que les meutes de vélibeurs et vélibeuses m'entouraient pour me traiter d'ordure (non recyclable) et me demander si j'avais pas honte.

    Alors j'ai profité des promotions pendant la semaine punitive organisée dans les concessions Penault-Reugeot, je l'ai payé 5000 teuros de plus que le tarif sans compter la prîme de 3000 teuros que je devais régler recta au gouvernement sous peine de poursuites (à cheval), il n'en restait plus qu'une j'ai eu de la chance, le vendeur très élégant dans son costard italien fabriqué en Pologne ça l'a dégouté mon trop plein de bonheur, il m'a refilé comme une mauvaise vérole un crédit Sofincon Intromitude à 47,88 % de TEG annuel sur 96 mois et il m'a proposé un coup de manivelle derrière la tête sans supplément, mais j'ai du décliner l'offre.

    Pour le reste c'est une Penault-Reugeot plutôt solide comme... poubelle, elle est entiérement en matériaux recyclés, il y a encore des traces de sang incrustés dans le plastique du tableau de bord et une rondelle de saucisson dans le pare soleil. Le moteur est hybride, il accepte tous les bio carburants: le jus de chaussettes d'élu vert aussi bien que le sirop de barbe d'altermondialiste, même si ce qu'il préfère c'est la sueur de con quand il cale et ne veut plus redémarrer parce qu'il a détecté une amorce de début de commencement de  pic de pollution.

    Au feu rouge, quand elle boude, maintenant les vélibeurs me félicitent, les piétons m'encouragent et moi je transpire... citoyen.

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    Bref je suis revenu à la maison rayonnant, j'étais enfin du bon côté des barbelés, dans la moyenne compensée, je n'aurais plus à serrer les fesses, à me cacher pour cracher sur la télé ou maudire mes contemporains, plus à lâcher de sourires gueulés aux photomatons de bord d'autoroute, mes mômes étaient très fiers de moi, ils ont dit qu'ils me proposeraient pour une médaille citoyenne de 14° classe et feraient un rapport très favorable en trois exemplaires.

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    Il faisait beau, on allait partir en vacances, en chargeant la voiture je me souvenais des départs pour les grandes vacances avec mon père, sa première bagnole neuve: une 403 Peugeot toute noire, la 7 chevaux pas la huit, fallait pas rêver non plus, quand même il était allé la chercher à Sochaux pour faire des économies et la prendre bien en main. Depuis il se promenait autour avec sa peau de chamois dans la poche du pantalon et la cigarette au bec, il était en chemise blanche, et on l'aidait à charger la galerie, le voisin le père Mirail venait donner des conseils, boire le coup, il était chauffeur routier, dire s'il s'y connaissait en... chargement.

    Autour ça sentait la glycine, on partait dans le midi, par la Nationale 7, à l'époque les autoroutes étaient à épisodes, un vrai feuilleton, les veilles de grand départ on nous en inaugurait 27 kilomètres, un tronçon en pleine campagne,  et à la suite on nous passait un match de fouteballe sur la première chaîne après quoi on lâchait le troupeau sur le bitume.

    Notre 403 était immatriculée 75, pourtant on était seulement des banlieusards mais la province n'en savait rien et nous traitait en parisien, ça nous flattait d'être pris pour des parisiens, aujourd'hui c'est sûr j'en aurais honte.

    Mon père aimait rouler la nuit « faire sa route ! »  

    Moi je ne faisais pas comme mes frères et sœurs, je ne m'ennuyais pas en bagnole, je ne vomissais pas en bagnole, je ne dormais pas plus en bagnole, moi j'étais heureux en bagnole et quand on me demandait ce que je voulais faire plus tard, je répondais : conducteur de 403.

    -Et pourquoi pas abonné au gaz ! Voilà un môme qui a de l'ambition ! Rigolait mon oncle, caravanier d'élite.

    Elle était notre liberté, nous naviguions à notre guise sur l'asphalte des nationales et des départementales, j'aurais voulu hisser haut le drapeau noir bitume, j'admirais le compteur, le tableau de bord éclairé, le paysage embaumé que la pluie animait, les brouillards braconnant dans la Bourgogne endormie, les grandes flammes qui sortaient des raffineries de  Feyzin, « les plus grandes et les plus modernes d'Europe ! » selon mon père, orgueil de notre industrie lourde quand on atteignait Lyon et puis au petit matin, enfin, les odeurs de cyprès qui nous arrivaient dessus et nous retapissaient l'âme.

       Mais ce que je préférai par-dessus tout c'était les arrêts dans les stations service Antar, Fina,  Esso, Azur, avec le pompiste mal réveillé en bleu taché, le bruit du volucompteur, les odeurs d'essence parfumant la nuit vieille fille, la dépanneuse Frégate en bout de piste et quelque chose de salutaire et français dans toute cette solitude provinciale déployée, claquant au vent.  

    Et puis l'on repartait, dés que tous sommeillaient, mon père tentait quelques pointes de vitesse, il relançait jusqu'à trouver le bon braquet, on faisait la route à deux, je lui allumais ses clopes, j'étais dans le personnel navigant, bombardier ou pointeur, mécano de Fangio, on grattait les grosses  Ford et Opel hanséatiques, ballantes sur les nids de poule et hautes sur roues elles ne résistaient pas longtemps à nos assauts traîtres et maquisards, il n'y avait que les Mercedes du corps de bataille devant quoi l'on s'inclinait, là mon père relevait la visière et laissait passer le tankiste, le touriste à tourelle. Il saluait presque tant cela impressionnait une 280 SEL  déboulant en pleine campagne de France. 

    Après quelques quinze heures de route nous arrivions enfin au pays des vacances, mes parents louaient pour pas cher à l'année une école désaffectée, dans un arrière coin perdu, un village oublié prés d'une station d'altitude qui ne l'était pas moins. Mon père, une fois encore invaincu, allait se coucher, nous les mômes nous déchargions mollement les bagages sous les ordres de ma mère.

    Les indigènes nous saluaient sans trop de mots, à l'époque le paysan parlait peu ce qui lui permettait de proférer moins de bêtises que la moyenne nationale même corrigée des variations saisonnières d'autant qu'il avait rarement la télé.

    J'en étais là de mes souvenirs, de ma nostalgie de cette époque confiante si loin de toute la flicaillerie compulsive et des casernements contemporains, je m'étais approché de ma nouvelle bagnole pour commencer à la charger, avec des valises plein les mains et l'œil brillant du père de famille en vacances qui va entreprendre la petite bonne de l‘hôtel où il est descendu, et soudain elle s'est mise à klaxonner, à clignoter des phares et à condamner toutes les ouvertures: elle avait mesuré mon haleine... j'aurais du éviter la vieille prune...

    ( à suivre...)
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