• NORDNMARK ONE POINT! Journal intîme du Prince consort (pas tellement) Raoultkë de Nordnmark by H.T.Fumiganza 35...

     

    13 Août

     

    Je respire le bon air de Bonpèze comme un chien de chasse lâché aux fesses de quelque gibier courant, ah Dieu que voilà de la bonne liberté, me voilà chez moi enfin, sur nos terres.

    En traversant le village dans notre vieille Daimler venue nous chercher à l'aéroport, je reconnais les beaux visages de nos grands vieillards, qui reviennent de l'épicerie buvette... ou y retournent,  boire sans doute quelque apéritif anisé ou qui sait un godet de notre bon vin rouge de nos vignes de Chateau Bonpèze tellement robuste et revigorant.

    -Je crois que je vais aller un peu par la campagne... hugolai-je à l'oreille de ma chère Gretaetkë qui en ses instants n'est plus la reine de Nordnmark mais la tendre et soumise épouse de l'homme de la terre que je redeviens ici, le paysan même osons le mot.

    -Mais vous n'y pensez pas mon ami, il y a huit kilométres jusqu'au chateau.

    -Laisse Gretaetkë si ça l'amuse ce grand konktë  de plastronner au milieu de ses populations dégénérées. Déclare sa mère toujours aussi irascible et de plus en plus agressive.

    Je ne suis pas sûr que sa 49° cure de désintoxication soit une pleine réussite, d'ailleurs elle ressort un flasque de sous son manteau et s'en remet un coup derrière le col. Rude tempérament assurément, pénible aussi.

    Le chauffeur arrête donc la Daimler sur la place du village... et repart aussi sec, me laissant seul avec mes gens.

    Très vite je suis entouré, fêté, embrassé, nulle distance entre nous:

    -Lou cagadou! Agui lou cagadou tu és de retrou à nostrous pequito merdou!    

    "A nostrous!" "Chez nous" ah le beau mot, l'on ne pouvait me servir un meilleur accueil.

    -Aïllecon lou cagadou! Tu pagadous la tournéss de Ricardou?

    Il m'emméne, je me laisse emporter, tant est grande ma popularité ici, vers l'épicerie-buvette, haut-lieu de convivialitude du bourg.

    Chacun de vouloir me raconter les derniers événements du pays, les mariages, enterrements, maquignonages, réglements de comptes, homicides paysans bref tout ce qui fait la vie de cette petite patrie, oh ils en rajoutent bien sûr et en patois encore, j'avoue que je n'entends pas tout, certaines subtilités m'échappent, sans doute ne saurai-je jamais qui a violé la chévre du père Bidalou durant les deux mois d'hiver avec une assiduité quotidienne puis le gendarme que l'on avait placé en faction pour protéger les arrières de la suse-dite chévre.

    Les récits se terminent et tous s'esclaffent et il en repart d'autres, la bonne humeur ne s'arrête que lorsque je commande un nouvelle tournée générale:

    -Mais cette fois mon cher Voulatère servez-nous don' de notre vin rouge de Chateau Bonpèze!

    Le propriétaire du café Lou Baltou, Voualtère Brumliche con! (je le livre dans la prononciation locale)  un ancien légionnaire allemand venu s'établir dans notre pays si accueillant, s'essuie son front de l'est (je l'ai dit il est allemand) et bredouille:

    -Ach kon jéné zais bas z'il m'en restou!

    J'avise un tonnelet à notre marque de Chateau Bonpéze sur le bord du comptoir:

    -Mais si, tenez là...

    -Ach za z'est bour faire les kuivres kon!

    Etonnant ! Faut-il qu'il les aime ses cuivres!

    Je mets mes lunettes et regarde l'objet de plus près:

    -En plus c'est celui de l'an dernier il est fameux, je crois.

    Le discipliné Voualtère se décide enfin à servir tout le monde, enfin ceux qui restent, beaucoup ont soudain disparu, demandés par des tâches domestiques ou agricoles, la terre n'attend pas, le maire Maître Bézouillard est le premier a entonner son verre... le premier à tomber par terre aussi.

    On le ranime:

    -Eh quoi ça ne va pas bien Maître?

    -Ma faiblesse au coeur, j'ai accouru quand j'ai appris que vous nous faisiez l'honneur d'une visite Monseigneur.  

    Maître Bézouillard est huissier de justice il a saisi la moitié du village et l'autre moitié l'a élu pour services rendus.

    Il reprend son rang au comptoir et nous dégustons, sans avoir à signaler de nouvelles pertes, nos verres.

    -Il est réellement exxx-cellent! dis-je satisfait en clapant et re-clapant fier de mon enfant.

    -Il serait encore meilleur dans une salade de pissenlits. Affirme le père Bidalou.

    Entre à cet instant Jacky Chambard, c'est l'élu écologiste de la commune, barbu portant une paire de couettes, toujours très remonté, histrionesque, narcissique et revendicard, une sorte de N'Gutu N'Gutu blanc :

    -Un jusio do carottu plizou!

    Il s'est mis au patois mais il est encore loin d'y exceller, c'est un fonctionnaire parisien arrivé là au gré des mutations.

    Le fils Balazou, un garçon encombrant, au verbe haut et aux manières contondantes et velues, toujours déguisé en parachutiste crasseux; le prend à parti:

    -Dis donc Jacky le parisien je te préviens que si je vois encore un de tes foutus loups roder autour de mes chévres je l'allume avec le fusile!

    Le Jacky Chambard ne répond pas, il paie comptant son jus de carottes, aux parisiens on ne fait pas de crédit, léve le poing dans ma direction en criant "vive la république sociale! " et prend la porte.

    -Non c'est vrai con est-ce qu'on a idée lâcher des bestiaux comme ça dans une agglomération.

    "Une agglomération", l'on reconnait bien là le goût pour l'exagération de mes compatriotes, je fais une courte mise au point écologique:

    -Nous avons des quantités de loup au Nordnmark et il est très rare qu'ils s'attaquassent aux promeneurs dans les forêts, il est vrai que par moins 37 les vocations de cueilleurs de fraises et de flâneur sont rares.

     

    Je regarde l'horloge au dessus du comptoir, il est bientôt huit heures du soir quand je quitte la compagnie, on se propose de me raccompagner en tracteur mais connaissant leurs talents de conducteur et leur état éthylique, la combinaison des deuxm’incite à décliner les propositions.

    Et puis il fait si bon... les premiers kilomètres, après il me tombe dessus un orage d'apocalypse qui me trempe et même m'imbibe, enfin cela me tient éveillé, c'est déjà quelque chose car je me sens un peu hors de forme, ah nos vies citadines nous préparent mal à l'effort et puis les libations générales et successives m'ont quelque peu ... appesanti.

    Sous la pluie serré, je me réjouis intérieurement de bien connaître le pays, un parisien n'y verrait goutte, c'est le cas de le dire et s'égarerait dans... les... ma...ré...cages... Je regarde mes pieds de plus en plus lourds, ne les vois plus, j'ai de la boue jusqu'aux genoux, j'ai du quitter la route sans m'en rendre compte et me voici planté entre osières et roselières. Je commence à m'enfoncer légérement et au loin j'entends des hurlements... qui se rapprôchent...  je continue de m'enfoncer... la bête de se rapprocher... j'ai de la boue partout, sur la tête mâme, je parviens en sautillant à émerger à grand peine j'ouvre les yeux et je découvre un grand loup en face de moi assis sur la berge et je ne mentirais pas en disant que je vois à cet instant sur son visage comme... comme un sourire:

    -Help... I need some help! beattlai-je en anglais dans le texte.

    Et le plus étonnant c'est que la brave bête me secoure comme elle peut, bien posée sur ses fesses elle se met à hurler et s'en va sans attendre sa monnaie en toute discrétion... à pas de loup.

    A ce moment surgit d'entre les roseaux cet imbécile de fils Balazou, grotesquement déguisé en parachutiste obése et déclassé et avant même d'avoir pu lui parler, il murmure:

    -'utain le bestiau! Le griffon griffu!

    Il épaule et très simplement me tire dessus... comme ça sans façons.

    Je vacille et fais... Gloup! Je sombre dans la boue, avec je crois une certaine dignité, mais je sombre et l'autre gros ... imbécile d'exulter:

    -'Utain je l'ai-z-eu! J'ai-z-eu Griffon Griffu le monstre des marais péteurs!

    Quand je me réveille nullement au paradis mais encore dans notre pays de Bonpéze couché sur la plate-forme arrière d'une  Citroën Méhari orange haute époque, je reconnais Jacky Chombard penché au dessus de moi:

    -Bon ça va il y a pas trop de dégâts! Juste quelques plombs dans l'épaule. Ce gros connard...

    Il me désigne le fils Balazou, penaud et rosissant comme une fausse rosière démasquée.  

    -... ce gros connard vous a pris pour...

    -Je sais Griffon Griffu le monstre des marais péteurs, une vieille légende d’ici, il faudrait lui confisquer ses bandes dessinées sinon un jour il va croire que les martiens ont débarqué et vous anéantir la caserne de pompiers.  

    -Si le loup ne m'avait pas averti té! Vous auriez coulé et on vous aurait jamais retrouvé. Drôle de fin pour une altesse. Je vais vous raccompagner.

    -Tu peux me jeter chez le père, j'ai perdu le chien, et avec la nuit j'ai peur de me paumer? Ose le gros Balazou.

    -Te jeter, ah ça ouais tu sais bien que c'est toujours avec plaisir mon garçon que je te jette mais préviens l'heureux bénéficiaire quand même qu’il ne te tire pas dessus en croyant voir le couillon découillu.

    (à suivre...)

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