• Mon infernal féminin 1/2 par J-P Chassavagne

    Mon infernal féminin . 1/2 par J.P.Chassavagne.
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    Je travaille chez Ploquet fils & belle-mère depuis 14 ans. J'ai 44 ans, je suis marié, j'ai 2,14 enfants, jusque là j'étais plutôt dans la moyenne. Aujourd'hui je suis ingénieur production, chef de projet.

    Chez Ploquet fils & belle-mère (c'est le belle-mère de Ploquet fils qui a insisté pour figurer sur la raison sociale et présider le conseil de surveillance en contrepartie d'une participation conséquente au capital social) Nous fabriquons des ponts élévateurs depuis 1861, les Ponts élévateurs Ploquet étaient parmi les plus renommés en Europe, jusqu'à ce que la belle-mère en question donc, qui au temps de sa jeunesse bourgeoise avait été militante féministe et l'était demeurée: bourgeoise et féministe, décide de moderniser nos méthodes de production et de commercialisation.

    Le fils Ploquet qui est belge par sa maman et directeur général par son papa a été chargé de mettre en œuvre la réforme, il faut dire qu'à part « réformer » on voit pas bien ce qu'il pourrait faire le fiston, il a fait des études de fumette à Rotterdam, de fondue à Courch et de marketing et partouzing international à Patpong, dire s'il est cosmopolite !

    Il s'est tout de suite mis au travail  et il a décidé de rajeunir et de féminiser nos « process » (c'est du belge international et c'est intraduisible !)

    On imagine que pour fabriquer un pont élévateur de 30 tonnes il faut plus qu'une lime à ongles. Mais lui le côté soudure autogène ça le passionnait pas, ce qu'il voulait c'était rendre nos ponts élévateurs : « trendy ! » Tout de suite on s'est rué sur nos dictionnaires belgo-français, ça voulait dire : tendance, à la mode, dans le coup quoi. Il avait peut-être dans la tête de faire de nos ponts élévateurs un accessoire de mode.

    Surtout et c'était ça l'idée: il fallait un regard, une approche plus consensuelle et donc féminine.

    -Aussi Ploquet & Fils a signé une convention avec l'Union Européenne dans le cadre d'un programme de rééducation volontaire des cadres de l'industrie, je vous rassure cela se pratique déjà couramment en  Suède, pour les sensibiliser aux préjugés et aux stéréotypes sexistes encore tellement prégnants dans le secteur primaire...

    Il a regardé un instant les velus qui l'entouraient avant de reprendre :

    -... l'industrie lourde afin de mieux les combattre.

    Il fallait des volontaires, le soir j'en ai causé à ma Poupinette qui était en train de décongeler deux œufs au plat pour le souper, elle m'a dit de me dépêcher de mettre la table, d'aller me laver les mains, de me mettre en rang par un sans faire de bruits et que pourquoi pas après tout c'était une bonne idée parce que  cela m'obligerait peut-être à me débarrasser enfin des mes derniers réflexes machistes.    

    -Tu as raison ma Poupinette.

    Aussi sec le lendemain j'étais volontaire.

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       Elles ont débarqué un dimanche les dames en charge de nous rééduquer, il y avait un peu de tout: des psycho-machins et des socio-choses l'idée de base c'était de rendre le produit moins agressif, de le lisser, de le féminiser et de nous redresser les mentalités en proportion. Nous on bossait dur pour rattraper les retards dans une commande malaisienne. On s'est regardé avec Jean Loup   le chef de chaîne sablage, un nouveau très sympa et décontracté: il était pas trop convaincu non plus.

    La nouvelle directrice de production s'est entretenue avec la nouvelle directrice produits, puis elles se sont entretenues avec la belle-mère à Ploquet fils qui s'est entretenue avec toutes les autres, à la fin ça piaillait tellement qu'on arrivait même plus à entendre la presse de 50 tonnes, après quoi elles ont mise en place une structure structurante d'encadrement entièrement féminine pour nous apprendre à obéir naturellement à des femmes et l'on s'est tous retrouvé nous les ingénieurs sur la chaîne.

    J'étais à côté d'Ernest-Etienne N'Bomba, un ingénieur d'origine togolaise qui avait vingt années d'expérience sur tous les chantiers de la planète et vous calculait une flèche d'un seul coup d'œil.

       Notre cheffe était une petite jeune avec des anneaux et des piercings, des tatouages et des scarifications autant qu'une jeune mariée papou qui aurait raté un virage au volant de son pick-op Toyota. Elle n'avait pas de seins et pas de fesses et surveillait sa ligne, droite, pour être sûre de ne pas dépasser d'un poil par devant ou par derrière, elle chantonnait des  trucs en anglais mal orthographié à longueurs de journée en écoutant son I-Pod, n'écoutait pas ce qu'on disait, se foutait de nos remarques mais tortillait du dargeot ou arborait des décolletés désespérément muets pour allumer les mâles.

    Dans les réunions elle ne savait articuler que des slogans et des platitudes pré emballées et normalisées comme dans un feuilleton social de la 3.

    Personnellement je la trouvais pas bandante du tout et même comment dire, et c'était la première fois, elle me faisait un drôle d'effet, elle me débectait.

    Les gonzesses, je les ai toujours regardées et toujours je leur trouvais quelque chose d'émouvant, elle c'était comme un rat mort, un rat mort que l'on aurait vraiment pas eu envie de pleurer, une sorte de mammifère hostile, un singe grotesque qui avait perdu toutes les grâces féminines jusqu'à l'ingénuité et le parfum natif sans parvenir pour autant à sentir des pieds et  se gratter les couilles avec le  naturel parfait d'un gendarme corrézien.

    Elle remplissait les formulaires comme personne, surtout elle mettait beaucoup d'application. Les filles, je crois que ça les rassure d'occuper des postes comme ça avec plein de papiers à remplir et des cases à cocher.

    Ernest-Etienne N'Bomba en rigolant m'a fait remarquer :

    -C'est marrant parce que chez vous en Europe les gonzesses occupent maintenant des emplois de petit blanc, ce sont elles qui vous refusent un crédit, elles qui vous coupent les allocs, elles encore qui vous mettent des prunes, vous jugent et vous mettent en taule. Au temps des colonies tu sais le grand colonat nous foutait la paix, d'ailleurs ils étaient plus souvent en métropole qu'au pays, ce qui était insupportable c'était les petits blancs, pas indispensables ni même nécessaires ou vraiment utiles mais toujours répressifs, réglementaires et pesants, maintenant vos p'tits blancs à vous c'est vos gonzesses !

    Le soir quand je rentrais au quartier à la maison, je sais pas pourquoi dés que je voyais ma Poupinette,  j'allais vomir dans les chiottes. ( à suivre...)
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