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    Votez beige !

    Journal de la France de pendant par François F.soumis

    1/1 by Lofti Benayak

    Je venais de recevoir mon carnet de notes, j’avais pris dix points d’un coup Pineulope me chouchoutait en me coiffant le soir avant de me coucher (elle passe son temps à me coiffer et me recoiffer ! Cette obsession qu’elle a de ma raie ça doit vouloir dire quelque chose ?) :

    -Je t’avais bien dit que quand tu voulais  tu pouvais être la meilleur. Tu n’as pas oublié tes affaires d’état, tu as bien fait tous tes devoirs de gouvernement pour demain!

    J’imaginais la tête qu’allait faire mon maître cyclopéen, lui il était stable dans les sondages, mais avec déjà les deux pieds dans l’eau, il était persuadé que c’était pas le pont supérieur qui descendait mais le niveau de l’eau qui montait à cause du réchauffement qu’on cause à la tévé.

    Enfin je commençais à croire à ma chance, j’allais les avoir à l’écoeurement, voter pour moi c’était presque voter blanc mettons beige, le truc beigeatre qu'on mettrait pas sur ses murs parce que c'est trop fadasse mais qu'on est bien heureux de ramasser dans l'isoloir et de pousser dans l'urne, pas douloureux ni dangereux, le coup pour rien, la Pinouillette (comme ça que m’appelle Roselyne ma seule copine au gouvernement !)  il la tenait sa revanche comme disait mon idole le regretté Alain Poher: « Je vais tous les niquer ces batards-lo! ».

    Et pendant ce temps mon futur ex maître regrettable ne voyait rien venir, il était tout heureux, BBO (Barack Bomber Obama) l’avait invité à son anniversaire, enfin le lendemain parce que le jour même il recevait que ses amis, mais il pouvait venir le lendemain si sa mère voulait bien. Il m’a espliqué :

    -Tu comprends les américains sont contents c’est la première fois qu’ils envahissent et occupent un pays sans avoir eu besoin de le bombarder, vrai ils ont pas eu de frais quand on sait ce que coûte le moindre nappage démocratique et libérateur en deux couches dressées gros au phosphore blanc sûr ça va leur faire faire des économies c’est comme une partie gratuite si tu veux, c’est bien simple ça leur économise une guerre et c’est important pour BBO surtout qu’il est un peu à court en ce moment rayon Tomahwaks il en a tellement balancé sur les civils pakistanais et yéménites pour fêter son prix Nobel de la paix qu’ils sont en rupture, il vont pouvoir attaquer les Nouvelles Hébrides ou le Guatemala dés qu’ils sauront où c’est et qu’il les auront repérés sur une carte.

     

    Pineulope a fini de me coiffer et elle m’a dit :

    -Allez puisque tu as eu de bonnes notes, tu peux regarder le télévision ce soir.

    D’habitude on regarde jamais TF1, ce doit être la même chose pour les types qui gavent les oies, ils bouffent pas de foie gras, là c’est pareil sauf que c’est les cons qu’on gave, et forcément  quand on sait comment c’est fait, eh ben ça coupe l’appétit, mais ce soir-là je sais pas pourquoi, sans doute parce que j’aime souffrir, on s’est retrouvé sur l’émission spécial avec Laurence Dacia et Jean-Pierre Perniflard et alors là le choc, la révélation.

    Avec Pineulope on a été ému, enfin elle pas tellement mais moi beaucoup, j’étais comme les autres et j’avais pensé jusque là que mon maître redouté n’était qu’une saloperie d’arriviste surbaissé préparé à toutes les compromissions et apte à toutes les bassesses et putasseries et il nous est apparu un saint homme, capable de miracles, il pouvait marcher sur le peuple sans y tomber et se noyer dedans.

    Oui comme tout le monde j’avais découvert la vraie nature de mon maître incommensurable, un humain plein de compassion et d’humilité qui soulageait de sa main l’incontinent et rendait la joie de vivre au chômeur clochardisé et rayé des listes.

     

    Quand je suis arrivé le lendemain à l’Élysée vrai j’étais encore tout impressionné de ce que j’avais vu :

    Il est venu à moi les mains jointes, j’ai bredouillé :

    -Oh ton émission... oh c’était beau comme le retable qu’il y a au-dessus du maître autel à la Cathédrale Sainte Blenneaux de Pathétique-sur-Navrant

    -Ah oui et ça représente ?

    -Sainte Ségolène branlant l’handicapé moteur sur le plateau d’Arlette Chabot. Oh vrai je t’ai découvert, excuse-moi...

    Et je suis tombé en pleurs à ces genoux, je m’y suis même vautré abondamment, délicieusement, voluptueusement.

    Il m’a tendu les mains et derrière lui ça rayonnait de partout, j’en prenais plein les mirettes :

    -Relève-toi ami ... ainsi homme de peu de foi tu as donc douté de moi, il est vrai que ton esprit était livré tout entier aux apparences... tu ne pouvais pas savoir que quand je me rendais au Fouquet’s c’était seulement pour apporter un peu d’humaine tendresse à la dame pipi qui a eu bien des malheurs. Et sur le yacht de Bolloré que de marins philippins, galériens des temps modernes, j’ai soulagé de peines, de paroles tues et de douleurs cachés. Ils se sont confiés à moi, et nous avons parlé comme l’autre soir avec les gardés à vue...

    -Quels gardés à vue ?

    -Eh bien les gardés à vue de TF1, ceux qui étaient sur le plateau.

    -Ah parce qu’ils étaient en garde à vue ?

    -Ben oui comme tout le monde.

    -Et les journalistes ? 

    -Eux aussi c’est plus démocratique et comme ça on est sûr de pas être emmerdé. Mais ami tu voulais me parler.

    -Ben oui j’ai apporté mon dernier plan d’action, le 74 bis corrigé 110b pour arrêter la paupérisation accélérée des classes moyennes.

    J’en étais assez fier il faut dire que pour le rédiger j’avais utilisé que mon double décimètre, mon stylo quatre couleurs et des idées simples, d’ailleurs je crois pas qu’il y en ait de compliquées, en tout cas j’en ai jamais croisées personnellement en quarante années de vie politique. Comme disait le grand Alain Poher: « il faut faire simple et con, c’est ça qui plait à l’électeur! »

    Il s’est assis sur une chaise toute droite, il était dépouillé et vibrait intérieurement, il avait tourné quasi janséniste:

    -Marche je t’écoute Ami .

    -Première mesure: hausse des salaires nominaux de 30 %... obligation faite au patronat de...

    -Oui... oui... non je t’arrête ami... nous allons suivre les recommandations de soeur Christine des Finances plutôt que les tiennes.

    Il avait retrouvé son petit sourire de gamin vicieux pour m’annoncer ça et là j’ai compris qu’une fois encore il s’était foutu de notre gueule... et j'ai joui.

    -Et quelles sont-elles ces recommandations s’il te plaît !

    Je lui ai répondu un peu sec, vrai j’étais remonté d’un coup.

    -D’abord développer le pouvoir d’achat, permettre aux gens d’acheter (le dimanche de préférence) les chaussures ou les gants à l’unité plutôt que par paire, c’est trop souvent une dépense superflue, parce que c’est bien connu le pied droit s’use toujours plus vite que le gauche, ensuite mettre sur le marché des succédanés bon marché, qui a vraiment besoin de manger des pâtes aux oeufs quand on peut en consommer d’excellentes à la sciure. Le poisson pané, sans poisson, de toutes les façons c’est la panure que les mômes adorent et la confiture d’ersatz sans sucre ajouté c’est tellement meilleur pour la santé... il y en a comme ça des pages et des pages, de recommandations et d’idées astucieuses je sais pas où elle va chercher tout ça, elle me dit que c’est en observant sa bonne, c’est incroyable ce que ces gens-là peuvent jeter, enfin bref toute une série de mesures de bon sens et pas coûteuses... ah il y en a une qui te concerne, elle a compté les cheminées de Matignon, il y en a 113, à partir de maintenant tu te chaufferas au bois, c’est une énergie renouvelable et écologiquement neutre, de toutes les façons je t’ai fait couper le gaz, non... non ne me remercie pas Ami et casse-toi en paix.

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