• Pour ceux que la littérature pétassophone actuelle débecte, un vrai roman d'homme à l'ancienne: Walter Chéchignac par H.T.Fumiganza est en vente dés à présent au prix de 11 euros port compris aux éditions  L'Urbaine Des Arts / Noveling Press

    Walter Chéchignac par H..Fumiganza est aussi disponible en ebook sous plusieurs formats différents ici:Lurbaine ebooks/Walter Chéchignac 

    N°6192 A 

    ISBN 2-916006-19-2

    EAN 9782916006192

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    30.
    Re-Dimanche en famille.
     Un Dimanche encore, le dernier, un dimanche beloté et paresseux, propédeutique au gigot-flageolets, déplorations sur l'époque et confiance renouvelée dans l'enfance providentielle et purificatrice.
    Ils entraient dans l'hiver océanique à petits pas. Les vagues mordaient la jetée comme une jeune meute harcelant un chien de ferme.
    Un Dimanche prorogé où une bourgeoisie loyale espérait après quelque restauration convenable, ou à défaut une fin du monde dans ses prix.
    Sans doute la première fois où La Gaspérine ressentait ce trouble d'être le spectateur de son existence, il avait longtemps cru avec quelque prétention être de son temps et le seul capitaine  de sa vie, il s'y était appliqué par la force du principe et du préjugé et il se découvrait un figurant de leur époque, un hallebardier de début de tableau, en acteur de complément. 
    Leur compagnon, leur confident, leur contemporain, l'ami de la famille, déjà jauni, posant en canotier, rapportant quelques nouvelles du Paris décadent, faisant admirer aux enfants sa 40 chevaux Levassor et refusant une autre prune, il avait à conduire: La Conche vers le progrès humain, son destin au mouillage et la belle Merry en leur lit conjugal.
    Rien ne le réjouissait plus maintenant que ce gros lit bi-place et ventru, haut sur pattes et profond, enrubanné de lavande, de toute la naïveté de son épouse exercée. Dans leur équipage il n'était que le mécano, parfaisant les réglages de leur double-corps, Merry virtuose conduisait, les emmenait très loin les ramenait toujours.
    -Je reprendrais bien un peu de prune, elle est délicieuse.
    Maintenant son épouse se laissait aller, légitime et titrée, titrant de plus en plus d'ailleurs, la prune et l'air salin, forçant sur l'innocence, riant comme une jeune fille avec ces dames qui lui trouvaient maintenant des manières, une complicité d'amie d'enfance.
    Les sœurs Dartemont régnaient et c'était un doux règne nombreux.
    Régence bienfaisante, encensée, bénissante.
    Elles avaient le temps, dix générations derrière, dix devant, long comme un train de munitions, Dartemont sœurs, indispensables au front et dans les sports d'agrément : la messe chantée, la communion sensible et la tendre plaisance de nos corps perpétuels.
    Bénissantes.
     La paix du soir plombait les âmes, rameutait le sentiment et sur la terrasse leurs bonshommes de la section d'artillerie fumaient, les imposants cigares bravadiens Montristécho double clemenceau distribués par le cher Walter, en admirant le tableau.
    L‘océan s'était retiré, avec le tact d'un vieux serviteur de  famille, et les cirés multicolores des chasseurs de crustacés perfectionnaient le motif : La Conche sur Ponche au seuil des grandes marées.
    Ce fut La Gaspérine qui, abandonnant son cigare, au bord de l'écœurement, rompit le silence. Une question l'empêchait de dormir depuis quelque temps : 
    -Et le comptab...  le ballon ! Quand même le ballon on l'a passé à profits et pertes mais enfin il a bien existé ce compta... ce... ce ballon... au moins jusqu'à ce qu'on l'assassine !
    -Tssuut ! Tsssuuut ! Lui intime le chef ‘von le Gueuzec. Sans plus relever la faute de goût.
    -Teeurh ! Teuurh ! Je ne vois pas de quel... ballon vous voulez parler ? Confirme Hulme de Chambeulac un peu gêné et tousseur.
    Walter Chéchignac qui n'écoute pas fait celui qui n'entend pas.
    La Gaspérine sans plus se soucier de l'inconvenance de ses propos insista :
    -Oui, il a bien un assassin ce... ce ballon, mais plus personne ne semble s'en soucier. Tous les autres coupables sont connus sinon punis mais de celui-là tout le monde s'en fiche !
     -Vous voulez parler de l'assassin du comptable cher monsieur La Gaspérine.
    La voix sacrilège vient de l'intérieur, c'est celle de Belcourt, frileux et fumeur de pipe.
    Infusant dans son gilet de laine, la pipe au bec assis dans son fauteuil, le cruciverbiste se dévoile pour ce qu'il est véritablement : un verbicruciste rongeur dégustant ses raisins à l'eau de vie, son plaisir dominicale, en inventant des définitions de mots croisés  et le fin mot des histoires.
    La Gaspérine imaginait que tous lui cachaient quelque secret volumineux sinon encombrant et que l'innocent Belcourt allait trahir sans le savoir la conspiration du silence.
    Mais la vérité est plus simple et pratique, il y a seulement que tout le monde l'a oublié le décapité et a passé par pertes et profits ce reste comptable.
    D'ailleurs l'annonce par Belcourt de la communication du nom du coupable ramène dans le salon les sœurs Dartemont et les fumeurs que la fraîcheur du soir et le déclin de leurs puros bravadiens renvoient au foyer de l'immeuble Dartemont-sœurs.
    -Oui vous disiez monsieur Belcourt à propos de...
    -L'assassin du comptable ? Mais c'est votre camarade Guillaumerde Dondla?
    La Gaspérine aurait voulu sinon rire à tout le moins s'exclamer mais comme devant un danger pressant il se retrouva aphone et incapable mâme... même de sortir quelque étonnement un peu sonore.
    Belcourt avait relevé la tête de ses mots croisés et regardait par dessus ses lunettes demi-lune et avec ironie le spectacle de l'effroi mutique et catatonique de La Gaspérine.
    -Mais oui votre nègre monsieur La Gaspérine, petit fonctionnaire obscur des lettres et de l'administration réunies qui outre sa gnose administrative publie sous un pseudonyme sinon vendeur  au moins acheteur : H.T. Fumiganza de bien mauvais romans à vocation policière et sociale, ne cherchez pas plus loin, c'est bien lui qui a fait disparaître le comptable, pour cela que l'on n'a retrouvé aucun indice.
    -Mais... mais pourquoi ? Articula enfin La Gaspérine que la curiosité venait de délivrer de son mutisme et qui étrangement, on l'aura remarqué, était le seul à s'exprimer au passé.
    -Mais parce qu'il le faisait chanter, il avait découvert la curieuse manie de l'auteur qui à la suite d'une correspondance plus ou moins longue choisit de venir résider quelque temps chez l'un de ses lecteurs parmi les plus fidèles, et un beau matin de le faire disparaître, le plus souvent il le décapite avec un couteau à beurre et l'on ne retrouve que la tête... et un peu de beurre.
    Le pauvre comptable venait de réchapper de ses agissements coupables et il avait pris la fuite, pour quoi notre cher Hulme se fourvoyait en pensant qu'il s'agissait d'une fuite passionnelle, il n'a détourné l'argent de son entreprise que pour échapper au plus vite à  cet être détestable et dangereux.
    -Mais comment pouvez-vous...
    -Rappelez-vous à l'hôtel qu'avez vous trouvé dans ses affaires ?
    -Je ne sais plus... ah si trois romans policiers...
    -Et vous les avez conservés ?
    -Euh oui, je ne sais pas pourquoi, sans doute parce que je n'ai jamais pu me résoudre à jeter un livre, même mauvais, je crois que je les ai donnés au chef ‘von le Gueuzec.
    -Je confirme, d'ailleurs ils sont à côté dans mon bureau, je m'étais promis de les lire à l'occasion d'une filature mais vous savez il ne m'ont pas l'air bien fameux !
    -Allez les chercher, je vous prie.
    Le Chef ‘von le Gueuzec, profitant de la bonne glisse des parquets encaustiqués de la veille s'élance à pleins patins sur les pistes et revient tout aussi vite munis des ouvrages en question :
    -... de... Fumiganza : « Poker pénible à Bagnolet »... encore de H.T Fumiganza : l'inspecteur Gertrude et la majorette sans tête et ... toujours du même : la supérette maudite...
    -Lisez ces ouvrages vous serez édifiés par toutes les ressemblances et coïncidences  avec notre affaire. Et surtout comme les modes opératoires se ressemblent. Non croyez-moi nous avons à faire là à un criminel d'envergure.
    -Un tueur en série ?
    -Pire encore... un tueur en parallèle ! 
    La révélation glace l'assistance d'effroi, la porte-fenêtre étant restée ouverte.
    -Mais il faut faire quelque chose... prévenir la police... Articula enfin La Gaspérine, homme responsable et légaliste.
    -La police toujours la police... il fait un métier difficile, il a droit à quelques distractions ç't homme-là ! Plaide avec bonté notre cher Walter.
    -Bien sûr vous ne risquez rien, vous ne lisez pas ! Remarqua cette petite teigne de La Gaspérine à l'adresse de notre cher et bon Walter.
    -De romans Dieu m'en préserve ! Prostitution profane comme dirait l'autre.
    -Vous pensez Walter... enfin monsieur... Chéchignac qu'il est préférable de n'en rien dire.
    -Il me semble oui Marie-Maude... enfin madame... Belcourt.
    Même le Chef ‘von le Gueuzec paraît disposé à une certaine apathie sinon à l'indulgence :
    -Personne n'aurait une aspirine ?
    Quand tout soudain Madame Dartemont-Chambeulac se lève :
    -Non Hulme... non revenez...
     Hulme de Chambeulac ? Je n'y pensais plus à çui-ci... où qu'il est  encore passé ç't corniaud-là ?
    -Il va à la gendarmerie, il dit que la justice doit passer.
     La justice, elle repassera... Mademoiselle Br... on fait les valoches et on se tire...
    -Bien maître. (... Fin. )

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  • 29.
    Election
    <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p>Merry insista pour que nous ayons un mariage religieux en sus de notre union civile qui me semblait bien suffisante:
    -Et pourquoi pas un vin d'honneur tant qu'on y est ! Tes singeries municipales je m'en fiche bien mais je ne monterai pas sur un bateau qui n'a pas été béni par monsieur le curé.
    Il demeurait chez elle je ne sais quel fond de superstition chalutière.
    <o:p> </o:p>Ce fut donc, et sur la proposition de Bédoncle, cet étrange et imposant bonhomme aux cheveux en brosse, son oncle des Espiasses que tous appelaient Patrate qui nous unit à Sainte Trahoudulde.
    Fort peu concerné par la cérémonie désuète et pour tout dire hors de propos, qui tentait d'imiter nos si belles traditions républicaines mais il y manquait quelque chose, je ne sais pas, une présence, peut-être celle du pompier de service, pour être tout à fait vérifiable, j'en profitais pour prendre les dimensions de l'édifice et imaginer le parti qu'en pourrait tirer un créateur contemporain tel Jean-Marcel Vilchiotte, vrai nous pouvions avoir là l'une des plus modernes vélothéques d'Europe accompli dans une geste architecturale d'importance...
    -... oh hé garçon...je te cause : tu veux ou tu veux pas prendre pour épouse la belle Merry ? M'houspilla l'oncle des Espiasses en me réveillant de ma rêverie d'une robuste bourrade qui m'envoya rebondir contre un pilier.
    -Euh... oui monsieur.Répondis-je en me massant l'épaule.
    Je ne savais pas que dans l'église catholique qui est en France, depuis quelque temps déjà, m'a t-on dit, les barmen avaient vocation à bénir les unions.
    <o:p> </o:p>Au matin bien entendu nous étions passés devant monsieur le maire ou plutôt car ne pouvant pas me marier moi-mâme, cela serait allé contre une certaine tradition républicaine, après avoir présidé à l'union fort émouvante du fils Chotard avec son berger belge Rinquinquin avec lequelle il vivait maritalement depuis quinze ans, je cédais mon écharpe à gland à mon premier adjoint qui s'en acquit fort bien sous les aboiements de la belle famille du fils Chotard venue tout exprès de Bruxelles. 
    Heureux présage, que notre nuit de noces passé comme en pèlerinage à l'Hôtel de la Chaudasse ne démentit pas, hors cette manie qu'avait Merry de me compter tous les suppléments, il est vrai que j'en étais friand, et de vider le mini-bar.
     
    *
    <o:p> </o:p>La pluie avait repris sur La Conche, comme souvent, mais cette pluie-là tombait telle une bénédiction pour la destinée qu'il me restait à courir, je commençais d'aimer le terrain lourd.
    Chéchignac lui s'occupait les mains, il avait fomenté grève sur grève au La Conche's Taartagle Resort and Entertainment, la derniére revendication portant sur le trop grand nombre de numéros à la roulette et les conditions de travail déplorables des croupiers qui en découlaient, monsieur le consul général organisait en sous-main le désordre local et... international.
    Il avait même mis sur pieds un comité d'intellectuels qu'il avait logé tous frais payés pendant un mois aux grand Hôtel des Belges de La Ponche avant d'en envoyer un régiment monté à La Bravade.
    Conscrits de la raison impure qui depuis les plages Bravadiennes climatisées (au Prukhménistan, les champs de betteraves étaient chauffés même en été malgré tout la destination était moins courue) et en toute indépendance d'esprit pondaient pétitions et appels au génocide propret, dénonçant le racisme viscéral, héréditaire, de ces salauds de Prukhmen et dont la conclusion humanisse et toute empreinte de l'esprit des lumières était : « ...on n'y peut rien y  sont pas comme nous ! ‘y comprennent que la trique ces animaux-là ! ‘faut les bomber sévères ! »
    Il lança même un grand mouvement nationale avec l'aide d'Edgar Letrouble, épicemard compulsif et désintéressé, qui sommait les ci-devants tévo-consommateurs de venir apporter des rouleaux de papier toilette et des préservatifs de préférence non usagés ainsi que des boîtes de sardines (avec le double des clefs dans la boîte à gants) pour les réfugiés bravadiens qui manquaient de tout (et d'abord de libertés) et les tévéspetateurs avaient réagi magnifiquement en apportant dans les centres Letrouble des rouleaux de papier toilettes et des préservatifs de préférence usagés ainsi que des boîtes de sardines dont ils avaient paumés les clefs.  
    <o:p> </o:p>   Car le conflit Bravado-Prukhmen faisait la une des journaux parlés. La haine et le ressentiment montaient dans les deux camps, à Prukhmout-city l'antique capitale Prukhmen dont le métro avait été inauguré dix neuf siècles avant tous les autres l'on brûlait des cigares bravadiens et à La Bravade de la betterave à nœuds prukhmen.
    L'intercession de Monaco en faveur de son ancienne colonie, qui lui proposa un leasing sur une flotte de pédalos de combat furtifs, n'arrangea pas les choses.
    La Russie se rangea du côté de son voisin et vassal en proposant au gouvernement prukhmen douze ogives thermonucléaires pour le prix de onze port compris et payable en trois fois sans frais avec la carte boum-boum.
    En réaction les Etats-Unis apportèrent leur soutien à leurs voisins bravadiens et levèrent  discrètement l'embargo qu'ils leur imposaient depuis trente-cinq ans.
    In fine les Nationzunies intervinrent et pour mettre tout le monde d'accord décidèrent de bombarder avec une parfaite équanimité les deux parties mais ils se trompèrent largement et bombardèrent, dans l'ordre :
    La Barbade, le Turkménistan ornemental, le Baloutchistan occiputal, lesgrandsmagasinsduprintan et Prunel Tristan habitant du Val de Marne, secrétaire perpétuel de l'Union Bouliste locale.
    Protestations de tout le monde et remerciements de la veuve Prunel qui envoya une grosse boîte de chocolats au secrétaire général de l'organisation lequel convoqua, derechef,  une conférence internationale dans un pays froid et neutre et surtout pas membre des Nationszunis.
    <o:p> </o:p>   Le colonel Doubinskoï qui était retenu en otage à La Bravade fut enfin libéré et put prendre le bateau du retour, à son arrivée à La Conche, bon joueur, il félicita chaudement ce cher walter toujours farceur qui lui remit un cadeau pour se faire pardonner sans doute.
    -Troudli ! Troudla ! Troudlo ! Papa a pas coulo ! ‘tain le couteau suisse il est chouetto !
    <o:p> </o:p>   Pour ma part, témoin privilégié de cette affrontement artificiel qui avait menacé la paix du monde, je ne pus retenir plus longtemps mon indignation et livré le fonds de ma pensée à Walter Chéchignac.
    -C'était bien là tout ce que vous vouliez pour ce foutu casino et arranger vos petites affaires personnelles  vous étiez prêt espèce de salopard à créer un conflit thermo-nucléaire !
    -Je n'ai eu mon cher depuis le début de toute cette malheureuse histoire qu'un but: restaurer les intérêts du pays que j'ai l'honneur et la charge de représenter, il me fallait lever l'embargo, c'était la mission que m'avait secrètement et personnellement confié Adamsen Pinocevic notre Maréchal-président urinoir à vie, nous l'avons fait, pour le reste mes intérêts personnels comptent peu ... mais ils comptent.
    <o:p> </o:p>*
    <o:p> </o:p>   Il avait réussi au delà de ses espérances, le département d'état américain ayant ouvert une enquête sur les actionnaires de Taartagle Corp., les autorités boursières américaines, la même chose mais en double exemplaire, pas mieux avait dit le département du Trésor . 
    Tant et si bien que les méchants réactionnaires belges avaient jugé préférable de débarquer mon père le visionnaire, avec toutes les indemnités et les excuses d'usage en le remerciant d'avoir en moins de dix mois réussi à mettre sur la jante une compagnie trois fois séculaires. Les sœurs Van Der Konf repassèrent avec soulagement leur habits de chauffe.
    <o:p> </o:p>   Avec ses indemnités plantureuses et défiscalisées le Président Régis Cardemeule, papa pour le non-intime que j'étais, se lança dans l'industrie de la variété, il avait toujours rêvé de faire starlette et même à ses débuts au conseil d'état il avait monté avec quelques collègues maîtres des requêtes un groupe de rock : « Zi indoumptabeuleuss ».
    <o:p> </o:p>*
    <o:p> </o:p>   Walter Chéchignac put donc mettre la main sur le casino de La Conche, que j'inaugurais une deuxième fois mais cette fois au premier rang et en tenant les ciseaux sacrificateurs en ma qualité de maire de La Conche.
    Chéchignac avait bien fait les choses, il y eut Yvette Horner, Mireille Mathieu, les petits chanteurs à la croix de bois, et un bal musette monstre avec des accordéonisses, plein de types bourrés et des filles en jupes, en seins et en fesses et un feu d'artifice qui mit le feu à la caserne des pompiers, en bouquet final on a rossé les gendarmes quand ils ont débarqué et on a tous fini noirs comme des loirs et sacrément d'humeur au 10/18.
    <o:p> </o:p>-Ce pourrait être un bel établissement ! ‘ça ce qui manque une taule de classe dans ce bled  tu trouves pas Walter ? Constata la jeune mariée, ma douce Merry avec des intonations que je ne lui connaissais pas et en reprenant une quatrième fine à l'eau sans eau.
    Cela tombait bien Tintin voulait céder le fond et ses dames songeaient à prendre leur retraite proportionnelle.
    L'affaire fut vite conclue, malgré mes réticences, je m'imaginais mal en taulier d'établissement échangiste, tranchons le mot : de boîtes à partouzes, dans la ville mâme dont j'étais l'édile.
    -On mettra l'affaire au nom de la marquise.
    -La marquise ? Quelle marquise ?
    -La Marquise de La Gaspérine.
    -Qu'est-ce que vous racontez là ?
    -Oh c'est vrai j'tai pas dit mon bouchonnet... le cadeau de mariage de Walter... il m'a offert un titre de marquise tout ce qu'il y a d'officiel, avec le diplôme et comment la marque de fabrique, l'écusson tu vois...
    -Les armoiries !
    -C'est ça. Oh mais il ne t'a pas oublié, toi il il t'a fait camérier secret du Pape.
    -Le Pape ? Mais quel Pape ?
    Qu'est-ce que c'était encore ces histoires, je n'avais pas épousé une marquise mais une put... enfin une femme moderne et convenablement libérée, je ne lui avais rien demandé à cet imbécile de Chéchignac.
    -Je suppose qu'il faut que je vous remercie ? Et peut-être mâme vous dois-je quelque chose ?
    -Bah je mets ça sur votre ardoise avec le reste, vous me réglerez tout en même temps.
    En prononçant ces mots il avait l'un de ces sourires clinquants et affûtés qu'il n'exhibait qu'en de certaines et cruelles occasions et qui m'impressionna, malgré tout je balbutiais :
    -Mon... mon ardoise ?
    -Sur votre compte si vous préférez, le compte de notre amitié,  je vous aime bien moi mon petit vieux. Allez je vais me coucher, demain j'ai deuil.
    Il s'alluma l'un de ses énormes cigares bravadiens torsadés, noirauds et puants le suint et l'étable, respira le petit matin sur le seuil, rangea ses lunettes noires dans la pochette de son veston, et d'un geste de fonctionnaire du répertoire de boulevard s'arracha sa moustache, qui n'était donc qu'un postiche et s'en fut à son pas, solitaire et sonneur.
    <o:p> </o:p>   J'interrogeais ma jeune épousée qui dessinait du bout des doigts dans le sucre ses armes de marquise rêveuse et encore naïve.
    -Vous... vous avez vu sa moustache... pffuuuit ! Mais enfin j'y croyais depuis le début moi à sa moustache ! En voilà des manières ! Et son deuil qu'est-ce que c'est que ça son deuil ?
    -A ce moment de l'année Walter quitte toujours La Conche, c'est en Octobre que son père est mort, alors il se décrète quarante-cinq jours de deuil et s'en va dans La Creuse, il a une boulangerie-buvette-bureau de tabac qu'il a mise en gérance la-bas dans un coin paumé, il y fait les tournées et il aide au fournil, il fait d'ailleurs un très bon pain, tu sais. Je crois que c'est par là qu'il a débuté...
    -Par les tournées ?
    -Non par le bon pain.  
    Après tout cet homme-là était peut-être bien mon ami, le seul que j'aurais jamais, quel dommage que je n'y comprenne rien, à lui autant qu'à notre amitié. (à suivre...)
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  • 28.
    Nomination.
    <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p>Mais pour l'heure l'important n'était point la situation internationale mais bien les combinaisons locales, je n'aurais su dire comment mais Chéchignac me communiqua les résultats juste avant l'ouverture des bureaux de vote :
    -Vous passez dés les premier tour, cela m'a coûté assez cher mais je me suis dit que cela vous ferait plaisir.
    Bien entendu je n'en croyais rien, cru à une saillie et passais une très mauvaise journée dans l'attente et l'angoisse des résultats certifiés, je retrouvais l'anxiété et la constipation fidèle compagne des grands jours des concours.
    Force me fut de reconnaître que les chiffres définitifs ne différaient pas des siens et que la municipalité m'était adjugée à 62,56 % plus les frais soit à peu prés la côte Boitel.
    Pendant l'interviouve que je donnais au Conchois Libéré je me libérais avec tant de bruits sonores que le journaliste dut regretter de ne point travailler à la radio.
    -Excusez-moi... l'émotion.
    -La preuve que vous êtes en train de devenir un vrai conchois. Et puis j'ai l'habitude les soirs d'élection Letroncheur reçoit les journalistes assis sur la lunette. Vraiment une très belle élection.
    -J'espère que votre article sera bon ?
    -Oh mais c'est juste pour les archives, il ne paraîtra pas, ordre de Paris.
    Ce fut l'avis unanime, le silence.
    Je regrettais seulement que monsieur mon père n'eut point jugé bon de prolonger son séjour conchoponchain d'un jour afin de voir triompher son fils unique.
    Très sportivement le candidat de Paris reconnut là sa défaite et s'inclina devant le choix des... des conchieurs et conchieuses (il n'avait pas pris le temps de se mettre au courant des usages toponymiques et appellations d'origine contrôlé) avant que de sauter dans le premier train blindé en partance pour Paris en compagnie du sous-préfet qui préférait faire son rapport de vive voix à ses supérieurs.
    J'aurais aimé voir leurs têtes d'ailleurs en ce moment aux sus-dits supérieurs.
    <o:p> </o:p>*
    <o:p> </o:p>Je passais la semaine qui suivit mon élection comme sur un nuage, en une manière de voyages de noces électoral et sentimental quoique sédentaire dans la compagnie de mes nouveaux administrés, je les aimais déjà et leur trouvais des qualités que je ne leur soupçonnais pas mâme la veille au soir, et surtout j'étais auprès de la belle Merry qui nous avait rejointe, à la demande de Walter, j'avais deviné qu'il entretenait avec elle des rapports plus amicaux  et tendres que passionnels et que notre liaison non seulement ne lui portait point ombrage mais qu'il l'avait même encouragée dés le début, s'il ne l'avait pas provoquée.
    D'apprendre cela, aurait pu m'éloigner de cette femme souvent incompréhensible mais dés notre première nuit je compris que mes sentiments à son endroit étaient intacts, ma concupiscence à son envers toujours aiguisée et l'amble de notre désir tacitement reconduite.
    <o:p> </o:p>Au début d'Octobre je demandais donc à Walter à quel guichet m'adresser pour demander sa main, avait-elle de la famille ?
    -En France non personne de joignable dans l'immédiat, même avec les remises de peine, mais plus loin oui c'est possible... en Amérique latine il me semble... Alors vous voulez l'épouser pour de bon ?
    -Pour de bon ? Bien entendu qu'est-ce que vous imaginez ? Vous y voyez quelque inconvénient ?
    -Au contraire c'est ce qu'il peut vous arriver de mieux une fille comme ça, elle a les pieds sur terre la belle Merry et vous enlèvera peut-être des abstrusions de votre logique absurde de directeur comptable de stalag.
    -Je ne vois pas à quoi vous faites allusion dis-je en recomptant  les fenêtres par où risquait de se clore notre conversation car depuis quelque temps Walter cultivait la manie, au demeurant assez malsaine, de vouloir et quelques fois mâme de tenter de me passer par la fenêtre, sans se soucier de l'étage où nous nous trouvions.
    Il est vrai que nous nous opposions sur quantité de sujets et mâme sur une certaine vision de l'humain, mais malgré quoi  cela me semblait de sa part l'aveu d'une réelle faiblesse dialectique que de n'envisager pour terme de nos contradictions et controverses que ma preste défenestration.
    <o:p> </o:p>*
    <o:p> </o:p>Pour le reste j'effectuais une rentrée fort satisfaisante et même je me découvrais lors des séances du conseil municipal une autorité que je ne me soupçonnais pas
    Mes seuls soucis venant de ma majorité et d'abord de mon premier adjoint. Il faut dire que le poste était occupé par ce Jean-Tonio Pericolosi, proxénète aussi corse que notoire que Chéchignac m'avait collé quand il s'était agi de former ma liste, bien entendu j'avais été aise de le trouver alors mais  lors des séances du conseil municipaux et prés des survivants de la municipalité Lucien boitel que j'avais peu à peu incorporés à mon équipe, il faisait tâche, d'abord il était honnête le  Pericolosi, j'entends bien : à sa façon, mais enfin de fait il ne touchait sur rien et cela gênait tout le monde, et puis il était fort économe et alors que n'importe quel élu y compris de l'opposition vous votait sans regimber et avec tous les suppléments, les investissements importants nécessaires à l'érection du parc d'éoliennes souterraines (P.E.O.S) ou du métro aérien conurbain (M.A.C), lui refaisait laborieusement les additions quand il ne s'opposait pas tout à fait :
    -C'est de la folie pure !
    Car j'avais décidé qu'il y aurait un métro aérien à La Conche, après tout à La Ponche ils avaient bien un tramway, et puis ce n'est pas aussi cher qu'on le pense un métro aérien, il était d'ailleurs prévu de le rembourser en moins de six siècles grâce à une surtaxe payée sur la  redevance additionnelle à la  majoration annuelle de la contribution exceptionnelle des impôts locaux, sans compter que cela dynamiserait le tissu urbain et c'était bien là tout ce que je voulais, en quelque façon ma mission en ce pays obscurantiste encore trop bridé par des traditions d'un autre âge, le dynamiser, le confronter à la modernitude soit pour le principal à l'irruption du vélocipède dans nos pratiques réitératives urbaines.
    Quand je m'en étais entretenu avec ce cher Walter j'avais lu dans ses yeux une certaine incompréhension et puis très vite autre chose comme de la colère, aussi n'avais-je point insisté, les explications viendraient après, pour le moment j'avançais, et  proposais, à l'initiative de l'évêque (de rite catholique il me semble) de La Conche, un sexagénaire très ouvert, un certain Jean-Pierre Edébrouettes qui voulait qu'on l'appelle Jean-Claude et que personne n'appelait plus, de transformer la cathédrale de la ci-devante Trahoudulde en un fort utile et même nécessaire garage à vélos qui s'insérerait idéalement dans le visionnaire Plan Unifié de Développement Urbain Concerté (PUDUC) que je préparais dans une solitude laborieuse et après m'être longuement et démocratiquement concerté avec diverses associations de grands mutilés de l'âme (GMA) et moi-mâme .
    Car, je puis en témoigner, la démarche de ... de Machin, l'évêque supposément catholique était authentiquement moderne :
    -C'est des superstitions d'un autre âge comme leurs saloperies de calvaire je comprends pas que l'état fasse rien contre ça quand on pense au nombre d'accidents que ça cause encore chaque année, et encore il y a peu notre regretté frère Lucien Boitel, surtout que pour se situer correctement maintenant, j'entends moral... éthiquement, on a le G.P.S. et le J.T c'est bien simple on peut plus se perdre ou alors il faut vraiment y mett'du sien, croyez pas.
    De fait Jean-Truc outre une solide et originale personnalité humaniste à base de tolérance sectaire et d'imbécillité allégée en matière grasses parlait souvent utilement, sa proposition de raser tous ces édicules inutiles était de bon sens et j'en aurais volontiers fait la promotion auprès de la Répression Routière ou de tout autre organisme gouvernemental via le Cercons si j'en avais encore eu la possibilité, hélas je n'avais plus aucune influence parisienne, j'avais la nostalgie de cette époque où je n'étais point un proscrit et goûtait le bonheur simple d'être dans la moyenne du théorème de Manganec, base de notre république sociale selon lui: la somme des possibles par la moyenne plafonnée des ressentis. 
    -Bon ouais je vous disais pour le « hangar » Je vais demander à l'état de le désaffecter 'en ai plus le besoin alors si vous en avez l'usage ?... Ouais pour ce que ça sert, c'est tellement grand, on le remplit trois fois l'an, et puis vrai je me sens pas chez moi là-dedans, c'est inchauffable, le soir quand c'est tout à fait vide et que je baisse le rideau, je suis pas rassuré, j'ai toujours peur de faire une mauvaise rencontre derrière un pilier !
    Oui je disais don' que lorsque je m'étais ouvert de ce projet à Walter Chéchignac, sa réaction fut des plus... réactives: il avait tenté de m'étrangler proprement et c'était grâce à toute l'énergie du capitaine Kelbonbec et de son équipage qui s'était fort utilement interposé que je n'avais pas suffoqué, depuis passée une aphonie de quelques jours, une certaine froideur s'était installée entre nous.
    E puis cette manie qu'il avait de me défenestrer pour un oui ou un non m'inclinait à éviter sa compagnie.
    Il est notable qu'à la suite ma trottinette électrique de fonction connut quelques avaries et sabotages divers mais bien entendu je n'accuse personne.
    <o:p> </o:p>*
    <o:p> </o:p>   Un autre incident eut lieu en séance au moment du vote des subventions pour les associations culturelles. J'étais bien décidé à mettre en œuvre une politique culturelle d'importance à La Conche et d'encourager toutes les formes de création contemporaine et de métissage intellectuel malgré une sensible disette financière que certains, mal intentionnés ou peu informés, qualifiaient un peu vite de banqueroute, aussi proposais-je de revendre le cimetière municipale au complet à une usine d'engrais bio et avec l'argent recueilli de  doubler les subventions allouées aux différentes associations.
    Ce me semblait une mesure hardie mais nécessaire et privilégiant l'avenir plutôt qu'une nostalgie et des pratiques d'un passéisme pour tout dire assez incompréhensible.
     
    Malgré cet effort louable, j'eus la surprise de voir débarquer en plein conseil municipal le collectif des animateurs socio-culturels emmené par Prxo Tartoukich le directeur-fondateur du Théâtre du 13 Septembre (c'était son anniversaire) et sa compagne Josiane Poupinot qui dirigeait l'ensemble Josiane Poupinot de transe contemporaine.
    Deux figures emblématiques de la vie culturelle à La Ponche et j'ajoute tout à fait sympathiques.
    Tartoukich était l'un de ces garçons attachants comme il y en a tant dans ce milieu, en catogan et jean rebelles malgré ses bientôt soixante ans et son statut de fonctionnaire culturel, directeur de centre traumatique national il n'avait point abdiqué son idéal de jeunesse: diriger un théâtre authentiquement subventionné en bas de chez lui. Je l'admirais pour cela aussi.
    Quant à la chère Josiane, sexagénaire péremptée, elle n'avait point encore tout à fait raccroché les chaussons et chacune de ses créations dont les dernières en date : « Varices II » et « Phlébite IV » lui valaient des critiques élogieuses et des hospitalisations prolongées.   
    Afin d'appuyer leurs revendications légitimes ils avaient organisé une sorte de happeningue, manifestation pleine d'imagination et de couleurs, vrai l'on aurait dit une... un...
    -Un spectacle de fin d'année d'une école maternelle de république démocratique de province. Constata cet imbécile de Kelbonbec, qui ne comprenait décidément rien à la transe contemporaine.
    A la fin de la prise d'otages... je veux dire de l'impromptu scénographié et alors que la chère Josiane Poupineau très en forme se proposait de « me passer par le trou des chiottes » si je ne faisais point droit à leurs exigences, je pris la parole et avec quelque énergie je me ralliais à leur point de vue, annonçais un doublement du doublement des subventions et proposais d'organiser ensemble une « grande manifestation contre » sur le Boulevard des Belges.
    Mais la chère Josiane me gardait quelques rancune et après avoir annoncé qu'avec la nouvelle subvention elle allait faire un spectak contre la montée du fassisme à La Conche en une relecture de l'opéra de quat'sous qui passerait pour l'occasion à quat'euros, elle rappela son compagnon qui sirotait un baby devant la table où était dressée la collation d'après conseil.
    -Allez aménes toi grand con t'as assez picolé comme ça.
    Le calme était revenu et en même temps, je l'espérais, une renouvelée connivence avec les milieux intellectuels de La Conche.
    -Mais c'est vous le fassiste en question, il me semble ? Irrupta dans la sérénité retrouvée mon premier adjoint indigné que l'on put s'en prendre ainsi en séance à un élu en chef.
    -Moi ? Ah bon, vous croyez... oooh !
    Je rougissais, sincèrement, mais je me reprenais aussi vite.
    -Il y a un malentendu entre nous et je le regrette car j'ai de l'estime pour ces gens et tout ce qu'ils représentent de valeurs humanistes, tolérantes et progressistes, mais malgré tout le combat contre l'estrémisme et l'intolérance est un combat tellement nécessaire que je propose au conseil de re-re-doubler la subvention que je-nous...
    Je-nous n'alla pas plus loin car, Walter n'assistant pas à la séance, le Capitaine Kelbonbec, mon adjoint aux sports, tenta alors de me passer par la fenêtre close, c'était à croire qu'il y avait quelque permanence ou tour de rôle d'organisée entre eux, mais Mademoiselle de Plombelec qui servait de secrétaire de mairie, rappela tout le monde à l'ordre.
    -Assoyez-vous tous et plus un bruit ou vous restez en retenue pendant la récréation !
    Pour quoi je l'avais maintenue à son poste, elle avait une autorité étonnante sur les populations défenestratogénes du coin.
    Quand même je risquais de devenir l'élu le plus défenestré de France si les choses continuaient ainsi. (à suivre...)
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  •    Au milieu de toute cette agitation, je remarquai dans la foule inaugurale, un quadragénaire joufflu, enneigé sur le sommet mais encore roux par endroit, quand il prit mon papa par l'épaule et lui dit sur un ton tutoyeur que mon papa d'habitude n'appréciait pas trop d'ordinaire venant d'un subalterne.
    -Bon Régis tu nous vires tes pédés maintenant et on va faire la comptée au sec !
    Il causait rudement bien français l'américain !
    -Normal c'est un parisien pur sucre : Jackie Rouquette dit la Mouillette ! Me renseigna la Excellencia.
    -Vous... vous le connaissez ?
    -Peut-être, il me semble, il y a longtemps, un camarade de jeunesse, nous avons fait les quatre cents coups ensemble...
    -Et quelques agences bancaires... Précisa le chef ‘von le Gueuzec  attendri et railleur
    -Allons chef si vous commencez à donner dans toutes les mythologies et épopées de comptoir... oh la Mouillette !
    Le rayé se retourna et sortit de dessous son costume rayé un objet métallique qui pouvait aussi bien être un pistolet automatique Beretta 95 S calibre 9mm para qu'un étui à cigares 15 coups :
    -Quoi ? Qu'est-ce que... Oh putain... putain la Gaufrette ! La Gaufrette ! Ah ça si je m'attendais ! Mais qu'est-ce tu fous là toi !
    -Ben tu vois comme toi j'inaugure !
    C'était l'évidence La Mouillette et La Gaufrette cela avait dû être un numéro connue à l'époque de leur jeunesse.
    A voir le bonheur qu'ils avaient à se retrouver dans leur âge  presque mûr.
    Le rayé rangea l'objet métallique dans son étui ad-hoc.
    -On m'a dit que tu avais quitté pour l'Argentine après... ton histoire cannoise...
    -Ouais... ouais j'ai vu du pays...
    Ils parlaient à demi-mots mais la fréquentation de Chéchignac m'avait enseigné sinon le Merlotin ou le Gallosylvien au moins à entendre le « Demimot » presque aussi bien qu'une langue natale, et je compris vite qu'il était question d'une héritière de casino séduite et abandonnée quinze années auparavant par le sus nommé Jacky dit la Mouillette en baie de Cannes avec des semelles en béton compensé aux pieds, sans doute la mode de l'époque.
    -... ‘pas comment elle a pu remonter... j'aurais dû forcer sur la granulométrie... murmura-t-il avec comme un regret de compagnon du devoir dans la voix.
    -Bah y faut plus y penser, le métier qui rentrait. Et alors toujours dans les casinos ?
    -L'entertainement y z'appellent ça, ah y savent utiliser les compétences, ‘pas à me plaindre.
    -Et au juste tu bosses pour qui, la calabro-new-yorkaise ?
    -Penses-tu l'albano-prukhmen, on a fait une jouinte-ventchure le produit qui monte, on arrête pas de prendre des parts de marché à ces enculés de ritals et à ces pédés de cubains, si je te sortais les chiffres du mois dernier, rien qu'avec les produits dérivés... enfin... et toi t'es toujours dans...
    -Non, non je n'y suis plus... s'empressa son excellence... mais alors plus du tout, import-export c'est ma seule devise maintenant.
    -Intéressant on pourrait monter un turb' ensemble si t'as un peu de surface je te présenterais à mes boss, c'est des jeunes, des types ouverts, entreprenants et qui en veulent, tu savais toi que les prukhmen avaient inventé le moulin à légumes deux milles ans avant le reste du monde ?
    -Ah ben non ça !
    -Vrai je te dis, des mecs étonnants, y a que question mentalité c'est des fois limite mauvais goût, ah y pleurent pas la roquette mais enfin ça évite de s'encroûter s'pas... bon dis on se voit tout à l'heure.
    -Ce soir si tu veux quand tu auras couché les petits.      
    -Charges pas ils sont polyglottes ces cons-là !
    -‘paraît-y même qu'y'z'auraient inventé la méthode assimil cinq mille ans avant que ça paraisse en kiosque, allez à ce soir ... La Mouillette.
    -Adieu ma Gaufrette, ‘ce soir.
    Le rayé regagna les premiers rangs avec les autres rayés.
    -Décidément mon cher Walter vos relations sont d'un pittoresque ! Remarquai-je avec quelque causticité.
    -Bah pour ce qui me concerne c'est du passé mais pour monsieur votre père elles sont hélas bien présentes et même un peu trop à mon goût.
    Il avait raison, je n'y avais point réfléchi, comment Diable Père pouvait-il frayer avec de tels gens.
    -Vous jugez qu'il se compromet trop avant avec eux ?
    -Je pense qu'il est préférable de ne pas être la mule de ces gens-là. Vous savez ma petite querelle parisienne c'est avec les collègues de bureau de Jacky la Mouillette que nous l'avons vidée, et leur goût immodérée pour les artifices et leurs manières vulgaires m'ont coûté quelques costumes et ... enfin elles m'ont coûté assez cher pour vouloir les épargner à votre papa si cela est encore possible.
    -Vous pensez que La Ponche sur Conche est pour eux une sorte de tête de pont ?
    -Je ne vous en avais pas parlé pour ne pas vous inquiéter mais j'avais été étonné de découvrir que votre papa, du moins la société holding qu'il préside et les capitaux qu'il gère sont pour une part importante le soutien de ces gens dans leurs entreprises parisiennes... et maintenant concho-ponchaines.
    Je tombais de haut . Comment imaginer que le Président Régis Cardemeule put être au départ de tous les ennuis à quoi ce cher Walter et moi-mâmes avions été confrontés depuis trois mois, tous ces assassinats et menées sordides.
    Sans doute avaient-ils voulu éliminer en la personne de ce cher Walter leur seul concurrent sérieux sur la place et pareillement n'avais-je dû ma nomination calamiteuse de candidat qu'à leur désir de tenir le père par le fils. Le monde civilisé et moquetté glissait sous mes pieds, la terre accélérait sensiblement sa rotation.
    Je regardais mon père, encore très grand, très droit, très maigre,  il était en smoking mauve de soie sauvage de leader de groupe de rock anglais années soixante-dix, entourée de jeunes filles ouvrières dans la pop‘ dont quelques unes fraîchement diplômées de diverses académies de la Tévé réalité et pas tellement plus réelles dans la vie. Devant les caméras de tévé du monde entier il venait de se sacrer d'une gâpette à l'envers et s'essayait à l'imitation des artistes maison.
    Il était ridicule.
    Au vrai il réalisait là tous ses rêves de jeunesse. Il avait eu vingt ans dans les années soixante, fait le voyage initiatique aux Indes mais pendant ses congés, il préparait l'Ecole ça ne l'avait pas empêché au retour de se marier dans son milieu, mieux dans son quartier. Durant sa scolarité à l'Ecole il avait milité pour et défilé contre, mais pendant les heures de travaux dirigés, après il avait travaillé dur dans les cabinets... ministériels certes, les cabinets, mais enfin cela restait des cabinets, ‘pas ce qu'il y a de plus agréable n'est-ce pas quand on connaît la mentalité et les manières de parvenu de ces cochons-là !
    Il avait présidé des trucs et dirigé des machins qui la plupart du temps étaient sans utilité et ne servaient à rien qu'à permettre à des types comme lui de présider sans avoir eu à entreprendre et de diriger sans nécessité de réussite. Bref il avait du temps à rattraper, il vivait là une seconde jeunesse, plus canaille et délurée que la précédente, tellement plus abondante aussi. Car il y avait le sexe pris en compagnie nombreuse et shampouinée, autre chose que les étudiantes en psycho crasseuses de son jeune temps et l'argent dépensé sans remords aucun  puisque ce n'était pas le sien mais celui de vieilles femmes réactionnaires, quelque part, pas très loin, et même juste à côté il faisait œuvre révolutionnaire.
    -Vous... vous croyez qu'il est au courant ?
    -Je ne sais pas. Le mieux serait de le lui demander et vous êtes le mieux placé pour cela il me semble.
    -Vous avez raison je vais essayer de m'entretenir avec lui.
    A ce moment de notre conversation les trois sœurs Van Der Konf passèrent devant nous, à la file indienne comme une colonne de trappeurs belges quittant en grande hâte le pays iroquois,  en bon ordre et avec encore leur scalp, mais  quelque peu traumatisées par ce à quoi elles venaient d'assister.
    -Peut-être faudrait-il songer à protéger les trois vieilles dames.
    -Elles sont elles aussi en danger ?
    -« Périmètre de sécurité » pour parler gendarme,  mon petit vieux autour de monsieur votre père, je vais demander à notre ami Bédoncle de veiller sur elles.
    Je pris place dans le rang des notabilités locales et Papa nous passa en revue, même le commandant des pompiers, avec un mot pour chacun, toujours le même et en anglais encore, il ne parlait plus qu'anglais et il souriait avec un drôle d'accent aussi et des dents qui étaient pas à lui :
    -... geulade tou mite iou !
    Vrai il m'était passé devant sans même me reconnaître, moi son seul fils unique.
    Je me tournais vers Chéchignac qui sembla gêné, lui dont le père faisait l'enfer buissonnier pour revoir son fils bien aimé:
    -Mais vous avez vu ça c'est mon papa à moi et il m'a même pas reconnu.
    -Il est occupé, vous pensez bien une inauguration comme celle-là !
    Occupé à tripoter de la nymphette pop star, à répéter des niaiseries dans un mauvais anglais d'occupation et à contempler son œuvre visionnaire exaltant le divertissement industriel, les vertus maffieuses et le n'importe quoi pourvu qu'il fut exactement contemporain du n'importe comment.
    Mais le rayé en chef me prit par le bras, avec quelque énergie, il  me sortit du rang et me présenta gentiment ... à mon père.
    -... the next mayor of La Conche !
    -Gueulade tou mite iou!
    -But... but it's your son!
    -Maï sonne? Are iou chaoére direste Timeo?
    -Oh fucking you frogie that's your fucking son !
    The fucking family était presque au complet.
    -Oh yéa ? Bute...Yéa innedide iou are raïght maï dire, zat is aouére sonne! Et mais  qu'est-ce que vous fichez là toi... maï boï ?
    -Footing électoral ! Lui expliqua Chéchignac.
    -Mais enfin l'on nous avait dit que tu ne vous présentais plus !
    Peut-être à la suite de trop de conseils d'administration transnationaux avait-il perdu l'usage de sa langue natale en même temps que celui de ses affections tutoyantes dans tous les cas ses vousoiements et nousoiements de majesté me compliquaient un peu plus l'abord d'un homme qui me demeurait un parfait inconnu.
    Nous étions côté à côte tels deux vaisseaux cousinant sur la vague, nous éloignant, nous rapprochant selon l'humeur de la houle, nous parlant depuis nos bords en même temps que nous ordonnions de charger à mitraille pour faire le plus de bruits ou de dégâts possibles, le moment venu, s'impressionner l'un l'autre et fuir le peu de souvenir que nous avions en commun.
    Chéchignac restait perplexe devant cette relation compliquée.
    -Je peux vous parler père, seul à seul.
    -Et pourquoi non, allons don' nous asseoir... tenez devant cet océan-là. 
    Il y avait un banc et l'océan qu'il regarda comme en prend la mesure d'un subordonné rétif.
    En quelques phrases je le mis au courant... de ce qu'il savait déjà :
    -Décidément vous autres... français...vous êtes resté très provincial, vous ne vous ouvrez pas à l'avenir, leurs pratiques transactionnelles sont au contraire très modernes et parfaitement éthiques, sans compter qu'ils ont du goût pour l'exercice et le culte de la performance, vous raisonnez avec une étroitesse d'esprit de gendre provincial, tout cela est révolu, il faut penser global...
    Penser global mais dans les clous, manger global mais allégé, baiser global mais avec une capote su'le bout, je n'aurais su dire pourquoi mais son discours de fonctionnaire défroqué, d'ex-français passé international à l'ancienneté me désolait, peut-être parce qu'il disait assez bien le monstre, sans attachement, tradition, ni honneur qu'était Régis Louis le quatorzième... de meule.
    <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p>*
    <o:p> </o:p>Je ne racontais pas tout de notre conversation à Chéchignac mais il comprit très vite que l'on n'en sortirait pas du moins par ce bout-là :
    -Pour les virer d'ici il n'y a qu'un moyen. Il faut mettre la pression sur le gouvernement Prukhmen.
    -Quoi vous voulez donc que la Fran... enfin la future ex-France déclare la guerre au Prukh...
    -Qué la France mais non je parle du gouvernement bravadien que je représente ici... et ailleurs.
    -Mais il n'y a pas de frontières communes. Il y a 4800 kilomètres de distance entre les deux pays. Ils ne donnent même pas sur le même océan. Il n'y a pas de frictions, pas de conflit possible.
    -Que vous dîtes. Le Colonel Doubinskoï n'est-il point ressortissant prukhmen, un espion donc, du moins c'est ce que j'ai indiqué dans les télégrammes chiffrés que j'ai envoyé à l'occasion de son embarquement, ils vont donc le retenir en otage... dés qu'ils auront déchiffré les sus-dits télégrammes, cela prendra un peu de temps... Mademoiselle de Plombelec est une chiffreuse hors-pair mais très... personnelle et très à cheval sur l'orthographe et la syntaxe codées.
    -Et cela ne vous gêne pas d'envoyer en prison un ami.
    -Qué ami ? Le cher Doubi n'est pas un ami  mais une ex-relation de travail qui m'a arraché lui-même avec son couteau suisse tous les ongles de mon pied droit au Tchad en 79 où il était conseiller culturel à l'ambassade soviétique et ce lors d'un interrogatoire d'ailleurs fort divertissant, je me souviens qu'en lever de rideau il y avait un numéro très amusant du chef des services de renseignements libyen, sur la personne de son sous-chef du personnel qui était parti avec la caisse vous n'imaginez pas tout ce que l'on peut faire avec un simple cure-dent.
    Non et je ne cherchais pas même à l'imaginer.
    Cet homme était d'un machiavélisme sans doute prohibé par toutes les conventions internationales. (à suivre...)
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  • 27.
    Inauguration.
    <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p>Le complexe Transcontemporain Andréï Gromiko était sans complexe, haut de prés de trente mètres bâti dans un style stalinoïde amphibie mélange de totémisme kulturel et d'idolâtrie  productiviste.
    Les associés de papa portaient des costumes à rayures, des lunettes aux verres fumés et blindés et des chapeaux en kevlar sur-taupés pour se protéger du soleil hautain de cet fin d'été sans doute, ils fumaient d'énormes cigares en lutinant les artistes et les trois demoiselles Van Der Konf suivaient le train des officiels en serrant fort leur lourd sac à mains noirauds et en se demandant combien toute cette... cette chose avait pu leur coûter et ce qu'en aurait pensé leur papa.
    Outre le musée d'art Contemporain le 1287 ° du département il y avait un lieu muséal fort intéressant sur le Bletznec, sa vie son œuvre.
    On allait lui attribuer un statut protégé international de non proie qui lui permettrait à l'instar des rennes septentrionaux d'émarger aux assedics, les indigènes avaient eu beau protesté comme quoi le Bletznec c'était rien que ‘h'une belle saloperie qu'il avait fallu en bouffer pendant des siècles quand il n'y avait que ça, que maintenant et même au jour d'aujourd'hui avec les zypermarchés ils préféraient s'empiffrer d'agglomérats de résidus de poissons, panés à la sciure, mais que quand même c'était une tradition et une coutume que la pêche au Bletznec et « ...que rien que pour que, ç'la méritait le respect quoi merde ! »
       Mais les protestations indigènes n'y avaient rien fait et l'officier de l'indigénat dépêché par les instances bruxelloises, un jeune allemand, charmant d'ailleurs, enfin au moins très « korreck », avait pris toutes les mesures nécessaires, un satellite espion et deux hélicoptères surveillaient en permanence les lieux de pêche et un régiment de bavarois campait en ville.
    On pourrait s'étonner de cette sollicitude soudaine à l'endroit d'une telle poiscaille pestilentielle et quasi inutile mais des chercheurs suédois de l'université Gretagarbique de Malmoe l'avaient étudié pendant cinq ans avec force moyens humains, scientifiques et financiers,  détaillant ses mœurs, ses habitudes et ses humeurs.
    Et ils en étaient arrivés à la conclusion que cet être infumable, immangeable, élastique, sans caractère ni moralité, cannibale, mangeant ses petits, violentant ses nièces et se mordant la queue en permanence, haineux, sectaire, grégaire, déshonnête intellectuellement, désolant de préjugés et de conformisme social, vivant en meute, feignasse et scolaire, s'attaquant toujours en nombre au plus faible, aux isolés ou aux seuls caractères, oui ces scientifiques exercés  en étaient arrivés à la conclusion, à force de kilomètres d'observations millimétriques, que le Bletznec était un authentique poisson rouge... non point  l'un de ces êtres purement décoratifs que l'on promène de bocaux en plateaux de tévévision, mais un poisson de gauche, et oui un être éthiquement pur au même titre que la hyène putridophone des Balkans et le tigre boulimique du Bengale et qu'en conséquence il méritait respect, protection, hommages et commémoraisons.
    <o:p> </o:p>*
    <o:p> </o:p>   Il y avait aussi et ce me fut une consolation un espace de création contemporaine avec en cours un accrochage posture/imposture d'un plasticien franco-prukhmen où des caniches morts avaient été accrochés au mur comme autant de Christ en croix. C'était courageux.
    Et questionnant aussi.
    Oui tous ces caniches morts, il y en avait cinquante-quatre même s'ils puaient un peu, d'ailleurs le plus réflexif était ces vers qui grouillaient dessus, le vivant naissant du mort dans un comploiement incessant. Le créateur (en second) Kurt Zmlamay nous expliqua que devant se battre, tous les après-midis avec le pompier de service et la femme de ménage qui mettaient un coup d'insecticide le matin sur « ces saloperies », il en eut vite assez et pour les empêcher de censurer son œuvre auto productible car c'était bien de censure dont il fallait parler : censure prolétarienne mais censure quand même, et prolonger l'œuvre, il les avait exposés tous deux dans une cage qu'il avait intitulé « Répression ! » et fermés à cadenas et toute la bonne bourgeoisie conchoise tournait autour de la cage avec ravissement en se demandant lequel allait bouffer l'autre, la femme de peu ou l'homme de rien.
    <o:p> </o:p>   Quand ils en eurent terminés de leur ronde d'avant-garde ils se dirigèrent vers le buffet.
    Surprise ! Il était allégé on y servait du champagne light et du caviar d'algues c'était une adroite initiative de l'incomparable Le Radégoual, qui en avait la charge, malgré tout très vite il y eu un commencement d'émeute, une mutinerie de mondains, les plus terribles.
    C'est qu'en province arriérée l'on bouffe encore ! Et notre cher Le Radégoual fut à deux doigts d'être dévoré tout cru et sans garniture, pour plus d'authenticité sans doute, quand le chef de meute l'ober-hauptman füerherin régionale aux droits de la femme se rendit compte après lui avoir mordu dans la fesse droite que question vérité du produit il n'était pas plus comestible que ses « élaborations grotesques d'affameur prétentiard » dixit Chéchignac.
    Les amis de papa qui commençaient à la sauter appelèrent leurs chauffeurs-garde du corps, des types énormes, enjoués comme des incinérateurs industriels à fœtus.
    Ils remirent une bétonnière en marche, laissée là par les ouvriers et le cimentèrent sur place Le Radégoual, avec l'ordre de préparer « good food ‘nd hurry up asshole! » sans quoi ils te le balançaient dans la mer et même un peu plus loin jusque dans l'océan. (à suivre...)
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  • Walter Chéchignac 26/2  

    Je regardais au matin, très tôt, El Consolador s'éloignait dans le levant emmenant  vers des îles inédites le trio électoral, prés de nous la famille du colonel agitait des mouchoirs, une sensible coutume prukhmen pour éloigner les mouches à pleurs qui ne ratent aucun départ et ses enfants entonnèrent un doux chant de leur pays qui disait assez bien, quoiqu'en Prukmen, toute la nostalgie que ressentaient  ces exilés :
    « ...Papa n'est plus là pour nous botter le train ! Youpaïdi ! Païda ! Païdo !  Il va prendre la bateau et peut-être qu'il va coulo... »
    Bref c'était très émouvant et c'est à ce moment que ce cher Walter me confia que s'il n'était pour rien dans l'enlèvement de Letroncheur qui avait été organisé en représailles par les savoyards éconduits, il avait, renseigné par le cher Doubi, organisé son évasion.
    -... une bonne chose de faite, ils vont s'aérer et nous revenir avec de bonnes couleurs.
    -La vie là-bas est si facile que vous la leur avait décrite ?
    Il avait été lyrique et inspiré pour parler de las Islas Bravadas y Perditos.
    -Comme partout, dans une arène si vous êtes le fauve la vie est plus facile sinon... avec les renseignements que j'ai fournis sur leur compte aux autorités bravadiennes sitôt descendus du bateau ils partent direct pour le camp de rééducation !
    L'indignation me sum... sub... sumbergea :
    -Vous... vous avez fait ça ! Mais quel genre d'homme êtes-vous don' !
    -Petite farce entre amis, ils vont passer quelques mois à casser des cailloux et puis je câblerai que je me suis trompé de dossier, allez je réparerai c'est promis. Ils commençaient à m'emmerder ces cons-là ! Letroncheur surtout !
    -Ce n'était certes pas une raison pour... enfin pour Letroncheur d'accord mais le deux autres ne vous avaient rien fait !
    -Rien fait ? vous voulez rire. Et le devoir de mémoire pour mes chiottes vous l'oubliez . Vous en faîtes à vos aises mais c'est Médpeu et La Branlaye qui ont fait sauter mes chiottes !
    -Qu'est-ce que vous racontez là ?
    -Le Chef ‘von le Gueuzec a enquêté et eux-mêmes me l'ont avoué un soir de beuverie, et c'est vous qui étiez visé, tout était prêt, Tintin des R.G, vous savez le patron du 10/18 leur avait passé la bombe, ils l'avaient posée, pas au bon endroit heureusement et voilà pas que cet imbécile de Martial Medpeu est pris d'un besoin pressant, il va se soulager et tire la chasse par réflexe et poum ! La chiasse d'un publicitaire parisien qui vous a sauvé. Bon toujours à propos de chiottes dîtes-moi mon petit vieux on aurait intérêt à se presser sans quoi nous allons rater l'inauguration des vôtres. Il faut vous faire voir, j'ai convoqué les photographes, n'oubliez pas que c'est Dimanche le premier tour !
    Pour ma part, je n'avais aucune envie de me rendre à l'inauguration tant attendue du nouveau casino de La Ponche sur Conche mais Chéchignac avait raison, la route était dégagée.
    -Et puis vous verrez il y a une petite surprise qui vous y attend.
    Les surprises, je détestais cela depuis l'enfance, les surprises c'était surtout pour moi des changements d'affectation, d'une pension l'autre, j'ai été un enfant muté, déjà une vraie carrière de môme fonctionnaire au service de la paresse sentimentale et de l'égoïsme revendiqué de mes bourgeois de parents révolutionnaires.  (à suivre...)

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  • 26.
    Abdication
    <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p>Nous tenons réunion dans le bureau de Chéchignac au consulat. L'ordre du jour est fourni car le premier tour de l'élection  a lieu dimanche . Pourtant le front électoral est calme.
    Le nouveau candidat envoyé par Paris et investi volontaire par le Parti,  informé de la sinistre réputation de cette circonscription maudite, ne bouge pas de la sous-préfecture où il s'est retranché en compagnie du nouveau sous-préfet qui est lui aussi d'un naturel craintif,  Letroncheur se planque, on dit qu'il a un nouveau contrat au train, La Branlaye et Médpeu n'en parlons pas d'ailleurs nous devons préparer aujourd'hui mâme leur exfiltration vers Las Islas Bravadas à bord du cargo mixte bravadien El Consolador qui doit faire escale ce matin à La Ponche, opération qui devrait être conduite sous la direction du colonel Doubi.
    Je le contemple, il est très calme le prukhmen, épanoui, il a fait ce matin la rentrée de ses mômes, et réouvert sa pizzeria grâce au renfort de quelques collègues rameutés par Bédoncle, muni de son nouveau passeport bravadien le cher Doubi est bien décidé à se faire conchois, il vient d'ailleurs de mettre à sa carte de spécialités aux côtés du fer à dessouder à la façon grand-mère et des brodequins du chef une pizza au Blétznecs qui ne semble pas moins redoutable.
    <o:p> </o:p>Bref je suis le seul à battre campagne... sous la protection des amis barmen de  Chéchignac, certes, mais enfin on me voit et mieux encore le R.C. La Conche ayant commencé une campagne flamboyante en coupe de France le soutien voyant et audible que je lui ai toujours apporté me vaut un surcroît de popularité, les mauvaises langues disent que ce cher Walter achète les matches les uns après les autres quand il ne fait pas rentrer sur le terrain quelques joueurs surnuméraires, le Lokomotiv Nœuds les mines a d'ailleurs déposé un recours à l'issue du dernier tour, ils auraient comptés treize joueurs conchois sur la pelouse, au plus fort de notre domination, bien entendu c'est une affabulation de mauvais perdant qui ne fait pas  honneur à leur esprit sportif puisque nous étions quatorze, ce cher Walter étant superstitieux
    Mais enfin les choses m'a-t-il dit vont s'arranger au mieux, il est à tu et à toi avec les plus hautes instances du fouteballe académique, d'ailleurs  ma campagne commence à lui coûter fort chère mais il est d'une nature généreuse et puis, mais cela je l'ai compris de longtemps lui aussi a quelques vieux comptes à régler avec Letroncheur, je ne sais encore lesquels et d'ailleurs, j'en fais volontiers l'aveu, je ne comprends trop rien à tout ce que l'on veut me cacher et non plus à ce qu'il se passe sous mes yeux-mâmes.
    J'étais venu à La Conche sur Ponche pour y planter ma tente en province ennuyeuse et bien à l'arrière du front parisien, et je me suis retrouvé en plein tumulte, où d'antiques tribus et de subodorées puissances se livrent à des batailles souterraines, aussi absurdes que sanglantes et jamais définitives.
    <o:p> </o:p><o:p> </o:p>J'en suis là de mes réflexions quand Mademoiselle de Plombelec entre dans le bureau de son Excellence :
    -Mon petit il y a encore un de tes clochards qui veut te voir ! Il insiste.
    -Vous voulez dire un ressortissant bravadien ?
    -Je ne sais pas d'où il est ressorti celui-là, il est dans un état :
    -Eh bien mais faîtes le entrer... vous m'excuserez messieurs, les devoirs de ma charge.
    Ces messieurs comprennent et excusent, Médpeu et La Branlaye  en baskets odorantes, maillot de corps du R.C La Conche et short vacanciers lisent en buvant leur cinquième Ricard de la matinée et en se grattant les poils de la poitrine des brochures versicolores printed by the pipole of democratic republic of Bravados and Perditas Islands sur du papier chiotte recyclé, en se demandant où ils établiront leur camp barbare en arrivant là-bas, ils ont repérés un gran Hôtel de la Contençion où ils pourraient prendre une demie-pension et la liste de tous les bordels d'état, géré par el ministério de la Copulaçion Nacional, ils partent en confiance, ils ont une lettre d'introduction de Chéchignac auprès du Maréchal Clignotant à vie qui fait valoir leur indéniables qualités professionnelles.
       Pour ma part ce contretemps me gêne, je sens que je peux réussir un gros coup, je ne dis pas conquérir la mairie d'entrée mais enfin sinon prendre pied, bloquer la porte avec la chaussure, personne ne voulant monter avec moi, croire que j'ai quelque maladie honteuse, la composition de ma liste s'en ressent, elle est certes un peu hétéroclite, composée comme elle l'est de clochards, d'ivrognes, de l'équipage de la Détestation au grand complet et des amis de Chéchignac dont au moins l'un est un proxénète notoire. Malgré tout, j'ai confiance.
    A ce moment de mes renouvelées réflexions Walter Chéchignac qui était allé accueillir son compatriote revient dans la pièce, il n'est pas seul, prés de lui le ressortissant bravadien annoncé par Mademoiselle de Plombelec baisse la tête, il est vrai que le pauvre garçon est dans un état assez repoussant, sanglant, brûlé, tuméfié, les vêtements déchirés, et à l'évidence brisé sinon émietté.
    Oui, hirsute, hagard et haletant, Letroncheur pleure.
    Car c'est bien Letroncheur qui est là devant nous, ou plutôt un Letroncheur épave; lui qui triomphait il n'y a pas quinze jours sur le dos de deux honorables fonctionnaires parisiens, lui qui cravachait monsieur le substitut du procureur de la république en gueulant : « Hue  poupoule ! », lui qui me... lui qui m'a...
    Walter le fait asseoir et Mademoiselle de Plombelec apporte les pains-z-au chocolat et les bonbecs rituels en signe de bienvenue compatriotique malheureusement le pauvre hère n'a presque plus de dents en activité et ses lèvres sanguinolent à l'unisson de ses blessures  sur les tapis constructivistes de son excellence.
    -‘alu'p ! Ah la ‘alup ! ‘hup ! Ah la ‘alup !
    -On dirait du lapon ! Hasardai-je en réponse à l'interrogation muette de ce cher Valter !
    A ma sortie de l'Ecole j'ai été en poste deux mois en pays lapon à Upsala capitale de la Laponie Extérieur, j'en garde d'ailleurs un fort mauvais souvenir, ayant été rapatrié sanitaire par le Quai à la suite d'un malentendu, j'avais compris Japon et après avoir débarqué en chemisette en plein hiver sur le tarmac de l'aéroport d'Uppsala, et découvert avec effroi qu'en outre je n'étais point attendu, j'avais raté mon avion et pris le vol suivant, j'avais injurié une paire de rennes qui  traînaient à la cafétéria de l'aéroport où je noyais ma déception en dégustant des harengs bismarcks or là-bas cela ne se fait pas, les rennes sont sacrés, ils ont même un numéro de sécurité sociale et bénéficient des congés payés et d'une convention collective.
    <o:p> </o:p>   Avec cette extrême humanité qui le caractérise autant qu'elle m'agace, le cher Valter parvient à confesser Letroncheur utilement.
    De tout ce fatras mal articulé, de toute cette boue de mots et de sanglots il ressort :
    Premièrement : que le ci-devant Letroncheur Marcel François Emile a été subrepticement enlevé à la sortie de l'une de ces grotesques réunions électorales par un personnel rompu à toutes sortes d'exercices.
    Deuxièmement qu'il a été lui-même rompu par le sus-mentionné personnel rompu et détenu trois jours durant, sans que le boire ni le manger ne lui fussent apportés et en se faisant, puisque entravé, caca et pipi dessus abondamment, de fait il pue tout aussi abondamment.
    Troisièmement qu'il s'en est évadé par la seule force de son tempérament excessif que sa détention n'avait point tout à fait anéanti.
    Quatrièmement qu'il en tremble encore de cela et aussi des suites qu'il imagine que cette affaire pourrait avoir sur ce qu'il lui reste d'intégrité physique :
    -Quelle affaire précisément ? L'interroge son Excellence avec quelque insistance.
    -‘asino ‘eu l'ai concédé deux fois !
     Il s'agit donc de cela, d'une nouvelle histoire de con... cessionnaires, il a cédé le monopole des jeux de La Conche à la fois à une compagnie belgo-mongolo-ibizo-américanoïde The Taartagle Resort and Entertainement de mon papa et à une société albano-savoyarde à capitaux trinidado-tobaguien.
    Je ne cache pas ma jubilation, d'autant que si je comprends bien pour que Letroncheur ait même songé à trouver refuge chez son ennemi le plus intime et constant, el consoul rénéral Chéchignac, c'est sous premièrement : qu'il ne savait où allait et que sa sécurité n'était assuré nulle part ailleurs qu'ici et sous deuxièmement : que son affaire de con... cession des jeux se présente bien mal et risque fort de lui interdire toute figuration lors de nos joutes électorales à venir et ...
    -Frère La Gaspérine vous n'auriez pas des aspirines, beaucoup, tout ce que vous pouvez trouver. Me supplie-t-il en dévorant son quinzième pain-z-au chocolat .
    ...et sous troisièmement je l'emmerde le frère Letroncheur, non mais qu'est-ce qu'y se croive encore çui'là!
    Non c'est vrai quoi ! Rien que de le regarder, d'imaginer... de me souvenir... enfin il me donne envie de vomir.
    <o:p> </o:p>Malgré tout je lui obéis, moins par compassion que par observance hiérarchique, il est quand même sous-premier de la voûte alors que je ne suis moi-mâme que Douloureux de seconde classe .
    Chéchignac le réconforte copieusement, c'est vrai que quand il ne sourit pas il est plutôt réconfortant et amical ce garçon.
    -Demain vous prendrez le bateau et vous voyagerez en compagnie de nos amis La Branlaye et Médpeu qui eux aussi ont un grand besoin de vacances.
    -Oui, je suis au courant... mais vous êtes sûr qu'il y a pas de risque...
    -Vous serez en sécurité le Colonel Doubinskoï et quelques uns de mes amis veilleront sur vous.
    Un colonel, cela le rassure, il retrouve des couleurs autres que le rouge et le mauve qui ornent son visage supplicié et recommence d' articuler des paroles et sinon des idées, au moins quelque pensées compréhensibles.  
    -... vous restez là-bas le temps que j'arrange votre affaire... et vous reviendrez après quelques mois de vacances au soleil de La Bravade, les populations mettront cette éloignement sur le compte d'un surmenage bien compréhensible.
    -Vous... vous êtes un vrai frère Chéchignac !
    -Dieu m'en garde !
    -Ouais façon de parler, parce que les autres ils m'ont bien fraternellement laissé tombé... ouais mais... mais la mairie ?
    -Elle revient de droit à notre ami La Gaspérine, d'ailleurs pour faire les choses au mieux, il est nécessaire que vous signez ce papier... c'est votre désistement en sa faveur...
    Ah le coup a été rudement bien amené, je suis aux anges, sacré Walter, il a joliment manœuvré, me voilà élu et sans avoir même eu recours à l'électeur, c'est quand même moins vulgaire et sensiblement plus démocratique.
    Letroncheur prend le gros stylo Diplomat que lui tend son Excellence mais il hésite encore :
    -Le mousse... ouais... pourquoi pas ?... après tout... Enfin c'est quand même un sale petit con non ?
    -Le principal n'est pas là. Ne croyez–vous pas qu'il soit le plus méritant et le plus capable en votre absence de... de vous représenter... j'entends moralement ? Et puis vous le jugez bien mal, notre ami a d'authentiques qualités humaines...
    -Ah bon lesquelles ?
    -Eh bien... ma foi... il... il est... il a... enfin  il ne manque pas de... de sincéri... tude.
    Cela a été difficile,  mais c'est quand même mieux que rien n'est-ce pas.
    -La hyène aussi est sincère, tempéra Letroncheur, ricaneur édenté, enfin puisque c'est la condition que vous posez.
    -La seule vous l'aurez remarqué.
    -C'est comme vous voulez Chéchignac, mais il vous chiera dessus dés qu'il aura la place, je vous aurai prévenu.
    Et Letroncheur premier des Conchois signa là son acte d'abdication municipale. (à suivre...)
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  • 25.
    Dartemont-sœurs
    <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p>
    Chéchignac ayant droit eu égard à sa participation dans Dartemont-Sœurs à deux administrateurs au conseil d'administration, il m'avait coopté afin que je me tinsse un peu au courant des affaires conchoises, et de fait quel meilleur observatoire que cette maison séculaire et demie pour comprendre la mentalité conchoise et connaître tout des histoires compliquées, grotesques, scandaleuses ou grivoises du pays concho-ponchain. Avec Walter nous passons des après-midi entières aux archives, qui se trouvent dans les grandes caves de l'immeuble Dartemont-soeurs.
    Tout y est consigné depuis la première vérole de l'ancêtre de mademoiselle Martineau libraire portuaire jusques aux nombreux avatars extra-conjugaux et donc naturels de feu Lucien Boitel, le regretté député-maire.
    Le plus étonnant ce sont les compte-rendus et rapports de mission effectués au début du siècle dernier par les enquêteurs moustachus de la maison,
    Et d'ailleurs le Chef ‘von le Gueuzec quand il vient nous visiter de retour de ses filatures se laisse lui aussi gagner par une certaine nostalgie :
    -... ah quand on pense que dans ce temps il y avait plus de cinquante enquêteurs à demeure... souvent d'anciens gendarmes, passés virtuoses du constat d'adultère et des affaires de mœurs où ils savaient montrer tout le doigté et le métier nécessaire, ce n'était pas à eux qu'il fallait faire le coup du garde-champêtre ou du trousse-veuve... ouais une bonne cinquantaine plus les correspondants... aujourd'hui je suis le seul permanent et nos correspondants se font vieux... ils font comme moi ils se préparent à la retraite... tiens j‘en parlais encore tout à l'heure avec Jean-François Précaillon...
    -Comment va-t-il le cher Jean-Françouais ?
    -Il va... il va comme moi vers la sortie, lui aussi a du regret...
    -Allons chef, pas de défaitisme, vous savez bien qu'il suffirait de pas grand chose pour relancer l'affaire... si ces dames consentaient à passer la main à la rentrée, je serais prêt à investir dedans et...
    -C'est là que tu te goures mon petit Valter, Dartemont-sœurs sans les sœurs cela n'existe simplement plus c'est pour le coup que tous nos correspondants raccrocheraient pour de bon !
    -On en prendrait d'autres, on pourrait doubler les postes, même à l'étranger.
    -Oh je connais tes idées, on pourrait même changer de métier, mais ce serait plus ça, la confiance ça compte et puis tu sais elles ont le don, c'est de famille, même la Chambeulac, l'affaire du trafic de Bletznecs congelés à la conserverie Seigneur il faut voir comment elle t'a démêlé l'affaire. C'était le beau-fils qui maquillait les connaissements et avait monté une filière d'export parallèle, le vieux Seigneur a préféré laissé filer le coup pour s'éviter le scandale
    -Pourtant le trafic de bletznecs, cela devrait être sévèrement réprimé ! Intervins-je déjà connaisseur et prévenu quant à la dangerosité du produit.
    -S'pas c'est ce que je lui ai dit au vieux, il y en avait quand même pour quatorze briquettes...
    -Cent-quarante mille francs ? Cela fait combien en t'euros ?
    -Aucune idée de toutes façons je vous parle en énefs, un mi-yard et quat' cents mi-yons !
    -Un milliard et... bien dîtes donc cela doit en représenter des milliers de tonnes de poissons...
    -Vous plaisantez au japon il le cigle au prix du béluga le bletznec ! Non vrai  mon petit Valter et regarde... même les gamines, elles n'ont pas hérité que du réchaud et de l'appétit de leurs grandes tantes, elles te l'ont coincé leur satyre pudique et il est vite passé aux aveux. Non crois-moi elles ont le flair et du goût pour ça.
    -Et pour le reste ? Vous avez pensé au reste chef ?
    -Elles s'y mettront, petit à petit je la mets au courant la petite Belcourt et elle répond bien crois-moi.
    Du reste, je n'en saurais pas plus et je ne cherche pas à en connaître le détail mais il n'est pas difficile de comprendre que c'est ce reste des activités de Dartemont-sœurs... et compagnie qui intéresse au plus haut point Walter Chéchignac. (... à suivre...)
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  • 24.
    R.C. La Conche
    <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p>-... allez le Raacinegueue...
    J'encourage tant que je peux notre équipe, pour suivre au mieux les conseils de Martial Medpeu et La Branlaye. Car ce sont bien eux, les deux résistants, fondateurs du réseau Copulation Ouest qui ont eu cette idée lumineuse de me faire revenir dans le jeu électoral et l'affection des populations conchoises par le foutebale et un soutien voyant et même fanatique au R.C. La Conche. Ils m'ont habillé des pieds à la tête de tous les ustensiles du supporter, écharpe bannière aux armes du club, « tifo » phosphorescent, casquette à oreilles et trompe deux tons. Il faut dire aussi que j'ai eu tout ça à moitié prix car c'est le père de Walter qui a fondé le club dans les années cinquante avec quelques collègues druides et toucheu' de cuir et c'est son fils qui en est l'actuel président  à vie .
    -... ouais... ouais c'est ça... plus haut... vas-y le racinnegueu !
    Le cher Walter réfréne mon enthousiasme :
    -Arrêtez d‘encourager le racing mon vieux, c'est ceux d'en face  le racing.
    -Mais comment... mais R.C. ça ne veut pas dire Raciingueue Cloub ?
    -Mais non R.C... c'est pour R.Con... l'R.Con La Conche une facétie de papa quand il a fondé le club... et le cri de guerre ici c'est « allez les Blétznec » en hommage à la denrée ...
    Le Blétznec, j'en ai goûté, chez Jacky Le Radégoual, une adresse moderne et créative sur le port, cela pourrait être intéressant il les cuit à la troncha dans un grand bidon d'huile Motul sur un feu de pneus (Michelin de préférence, c'est une maison de qualité !) mais il les farcit tête comprise avec une maniére de purin d'algues au goût très prononcé, alors certes l'on sent bien le produit, mais sans doute un peu trop car à la cuisson il s'en dégage une maniére de fumet de chaussettes de sportif après l'effort qui ne met pas trop en appétit. 
    En plus, il faut le cuire très longtemps, le Blétznec, tant c'est élastique, bien compter trois heures de cuisson... et quatre journées d'hospitalisation, car c'est plein d'arêtes et on passe son temps à les cracher, de préférence sur l'étranger de passage sans doute en guise de bienvenue.
    D'ailleurs Jeanine le Bollec la restauratrice préférée de Chéchignac à La Ponche, à la question rituelle de Walter, à chaque fois que nous nous présentons chez elle avec quelques beaux spécimens fraîchement pêchés:
    -Alors Jeanine comment vous allez nous les faire ce coup-ci ?
    -Quoi encore d'vos saloperies de Conchois. Mais c'est pas mangeab' ç't' engeance ! Même le chat s'en écarte !
    Elle les passe, elle, très simplement, à la poubelle, avec quelques pelures fraîches dessus, des nouilles figées au jus et un mégot en sauce pour faire joli.
    Il paraît que les japonais en raffolent.
    <o:p> </o:p>Sur le terrain Guértemullerc le buteur titulaire tatane tant qu'il peut sans le moindre bénéfice arithmétique au tableau d'affichage, le R.C. La Conche ce n'est pas vraiment l'académie du beau jeu, fidèles en cela aux principes immortelles de Chéchignac selon quoi tant qu'à pratiquer un jeu de con... chois autant le faire avec des cons de choix, même d'adoption, il prend un soin malicieux à ne recruter que les éléments les moins doués mais les mieux décidés, ses p'tis gars ne lâchent rien et mettent la semelle même quand ils sortent en ville, il vient d'ailleurs d'engager à prix d'or un brésilien, le seul de son peuple qui n'entende rien à l'art foutebalistique mais comme ancien adjudant international de lutte gréco-romaine excelle dans le travail au sol. Il est en train de faire une torsion avec clef (de huit) sur la personne de l'arbitre qui n'en peut et siffle tout ce qu'il peut tout en dessous comme un pigeon adultère roucoulant sous sa secrétaire.   
    Très vite nous avons deux... trois... cinq expulsés et le score final de 9 à zéro s'il refléte notre valeur réel récompense mal nos efforts :
    -L'arbitre aux chiottes ! Vendu ! Ordure ! Queue de moule ! Enfroqué ! Aaaallez les Blétznecs ! Je m'emporte plus que de raison et quand le Martial Médpeu qui me télécommande incognito depuis les tribunes par talkie-walkie me suggére de m'en aller agresser l ‘arbitre de touche « un petit qui est dans vos moyens » j'obtempère à plaisir.
    L'autre carne se défend à coups de drapeau et de sifflet de gardien de la paix, ce qu'il est dans le civil et je bats en retraite  mais les supporteurs conchois envahissent le terrain à ma suite et très vite on me porte en triomphe, un patriote, un conchois un vrai, ils m'ont reconnu pour ce que je suis devenu, je capitalise comme dirait La Branlaye qui n'est pas venu au stade, mais il avait un mot de ses parents, d'autant que Letroncheur qui connaît la valeur et les mauvaises habitudes du R.C. La Conche n'a pas non plus fait le déplacement, excipant d'une vieille blessure électorale, datant de sa première campagne, qui le fait souffrir à l'occasion et l'empêche de s'asseoir. Vrai encore deux ou trois déculottées comme celle-là et je passe au premier tour.
    Ah les praves gens !
    <o:p> </o:p>*
    <o:p> </o:p>Letroncheur, je le retrouve le jeudi suivant à la réunion de la  loge de la Conscience Universelle et du Calvados réunis. Il y tient sa place en grande tenue, mais point toute sa place, il n'est là-dedans que sous-premier de la voûte, la grande maîtrise accessoire étant tenue par le fils Penault-Reugeot le grand concessionnaire automobile de La Ponche. D'ailleurs les tenues étant défrayées par les établissements Penault-Reugeot nous portons tous sur nos habits sacerdauto (dixit Médpeu), une publicité discrète pour cette maison de confiance.
    C'est La Branlaye qui m'a conseillé d'aller me faire introniser chez les adorateurs du genre humain, gens d'influence et de progrès conchylicole. Pardi cela ne lui coûte rien à lui, mais moi il va bien falloir que je paye de ma personne car voilà venu l'heure de mon intronisation.
    Jusque là je me dois de reconnaître que les débats ont été d'une belle tenue, après nous être prononcés en faveur de la promotion du triolisme libérateur en milieu rural sur un rapport remarquable et  fort bien documenté  (beaucoup de photos de son épouse) du pharmacien et adjoint au maire Lecornec nous nous sommes penchés sur le nouveau grand questionnement sociétal : lever le dernier tabou celui du cannibalisme clandestin, et instaurer un véritable droit à des pratiques apéritives (D.R.A.P.A.).
    Au Cercons, de mon temps, cela faisait déjà débat, j'avais même entre mon colloque de Mars : « Pour un barbecue citoyen ! » et celui d'Octobre: « Le bain moussant facteur d'intégration ? » prévu d'organiser sur le sujet  un grand débat démocratique entre ceux qui étaient pour et ceux qui n'étaient pas contre.
    Car enfin n'est-il pas normal d'adapter le droit à l'évolution des mœurs or quoi de plus naturel et comme indigène à notre société que l'anthropophagie, une anthropophagie ouverte, moderne et tolérante s'entend, il ne s'agit pas d'imposer à tous je ne sais quelle tradition condimentaire ou de mépriser les régîmes sans sel, non bien entendu.
    Et puis imagine-t-on combien de détresses et de souffrances se cachent derrière l'hypocrisie de la situation actuelle, les derniers chiffres donnés par le rapporteur de l'atelier, « le grand concussionnaire urbain », ce n'est pas un titre maçonnique il était seulement adjoint à l'urbanisme dans la municipalité Lucien Boitel, sont à ce propos rien moins qu'effrayants, le nombre de gens qui dans la clandestinité se mangent un doigt de pied sur le pouce ou entâme belle-maman sur leur table de cuisine en dehors de toutes règles d'hygiène est simplement effrayant alors qu'il serait si aisé, et d'abord par simple humanité, de développer une politique d'anthropophagie ouverte, laïc et responsable, et de mettre en place une réglementation éthique quant à la traçabilité des viandes et les dates limites de consommation (D.L.C.) afin hors de croyances limitantes comme dirait le petit-fils Manganec de donner à cette accomplissement tout humain un élan moderniste et humaniste en même temps que de lui restituer ses valeurs de solidarité festive, imagine-t-on seulement la convivialité que dans les cours d'immeubles de telles pratiques pourraient susciter ou ressusciter.
    En regardant notre assemblée, avec une certaine fierté, je pense à ce que me disait ce matin cet imbécile de Chéchignac :
    -Vous verrez  le bourgeois livré à lui-même se retrouve vite des nostalgies d'emplumé.
    Qu'est-ce que ce crétin peut bien entendre à la modernitude.
    Vrai la question me passionne et le rapport est approuvé après quoi  nous avons tous unanimement, enfin peut-être ai-je montré alors un peu moins d'unanimité que la moyenne en attendant avec quelque angoisse la suite, nous avons tous dis-je, mouillé et levé l'index en signe sacramentelle et murmuré la formule rituelle :
    -Jeunesse de la veuve, la fraternelle au train !   
    C'est le moment, c'est l'heure.
    Ainsi que me l'explique le « conseiller suprême de la tablée » maître Jeanneton, ci-devant notaire à La Conche  :
    -Cela va être à vous mon jeune ami, ne vous inquiétez pas, à l'origine il fallait prendre la formule au pied de la lettre si j'ose dire et subir l'assaut du grand maître accessoire, mais les temps sont changés bien heureusement et puis avec toutes ces maladies bref nulle crainte... préparez le second sous-gode adjoint de la  fraternelle félicité ! Retentit-il avec une ferveur que je ne lui connaissais pas.
    Mais personne ne retrouve l'ustensile sacrificateur à mon grand soulagement et à celui de monsieur le substitut du procureur de la république qui doit conccurement avec moi être reçu soit dés avant recevoir.
    -Bon Dieu... oh pardon les petits frères... acredéle qu'est-ce y ‘z'ont't'encore foutu du  sous-gode de la fraternelle.
    Avec monsieur le substitut qui attend dans la même posture que moi, le buste en avant, la tête en bas et toutes jupes relevées nous nous regardons avec quelque sympathie de conscrit.   
    Impossible de mettre la main sur l'objet sacré, quelqu'un de l'assistance, monsieur le receveur des impôts Gerbaise, propose bien son parapluie mais le Grand Maître accessoire tranche la question :
    -Eh bien messieurs nous allons revenir à la tradition... la tradition du progrès s'entend... quelqu'un veut-il officier, pour ma part, je ne sais pas, je n'ai pas trop d'allant... cette saloperie de choucroute de la mer aux bletznecs de midi peut-être... Proclame le con-cessionnaire de magistrature suprême... allez je fais dix pour cent de mieux sur toute la gamme loisirs à celui qui se dévoue... c'est pour l'humain bonheur et tout ça...
    -Croire que nous n'inspirons pas tellement ces messieurs ! Me susurre vexé monsieur le Substitut qui avait l'air de s'en faire une fête.
    -Moi grande courge si tu veux bien !
    Cette voix ! Cette voix si je la connais !
    -Monsieur le sous-premier de la voûte, je dois vous rappeler aux usages de notre assemblée.
    -Couillon, je t'ai connu tout mouffl' et tu voudrais... allez, bon, ça va j'y vais,  sans quoi, c'est pas toutes tes couilles molles qui vont nous les sacrer... et moi j'ai pas que ça à faire, j'ai une campagne en train moi les petits frangins, voy-iions comment les choses se présentent !
    Letroncheur, c'est bien Letroncheur qui se propose de se...  de nous... enfin de me ...
    Je cherche à me relever, vrai je préfère encore le parapluie du receveur des impôts, mais maître Jeanneton, l'aut' grand sublime de mes fesses pour les intimes c'est le cas de le dire, m'en empêche.
    Letroncheur s'approche, il tapote les fesses du substitut qui rosissent d'aise et...il m'investit.
    -Et hop ! Et une campagne hein ça n'attend pas, s'pas le mousse !  
    Je ne pense pas qu'il mette autant de conviction dans sa campagne que dans mon introduction.
    Ah le salaud ! Oh l'ordure ! Ah l'encu... leur ! (à suivre...)
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  • Dans le carré nous entourions Walter qui se préparait à donner ses ordres quand les proprios l'investirent, d'après ce que je comprenais de leur mauvais anglais ils voulaient présenter à Monsieur le Consul deux de leurs cousins .
    Qu'elle ne fut pas ma surprise en voyant s'avancer le couple Berthalot.
    -Tiens Marie ! Je ne savais pas que vous étiez de la famille. Lui dit Chéchignac en se cornant la moustache du pouce et de l'index.
    Marie Bertalot sourit, gênée. Elle avait fait des frais, s'était rasée partout et portait une robe décolletée sinon tout à fait parisienne, au moins très chef-lieu. Même La Rincée son abominable gras du bulbe était en habit de soirée et il y tenait presqu'en entier, il n'y avait qu'un peu de son imbécillité qui en débordait.
    Le Chef ‘von le Gueuzec délaissa les amuse-gueules pour faire les présentations nécessaires à la bonne compréhension de l'affaire.
    -Eh oui notre petite Marie est de la famille. Mrs Susan Scrotom était née Martine Suzanne Georgette Idraille mon petit Valter, la parenté ne m'est pas apparue tout de suite parce que la chére Suzie avait eu cinq maris d'où un état-civil compliqué et passablement trafiqué, c'est en  consultant les archives du Conchois Libéré, je suis tombé sur l'inauguration du monument au grand homme de la famille, le fameux Marsalin Bertalot, chimiste né à La Conche qui découvrit la salinité de l'eau de mer en noyant malencontreusement son Ricard avec l'eau des moules et dont notre bonne ville a  borné la mémoire en lui érigeant uns statue en Novembre 1953... tiens voilà la coupure...
    Walter Chéchignac prit l'article de presse que lui tendait le Chef ‘von le Gueuzec et retira ses lunettes noires :
    -... sur la photo tu reconnais parmi les descendants présents deux mignonnes gamines de cinq ans, deux cousines, l'une est notre petite Marie, Marie Bertalot, l'autre et la chére Martine Idraille,  elles ont plutôt l'air de bien s'entendre là-dessus...
    -On était toute miôchettes. On s'entendait bien c'est sûr. La Marie Bertalot était bien décidée à faire face.
    -Alors pourquoi l'avoir assassiné ? Retentit le Chef ‘von le Gueuzec qui ayant l'affaire à sa main,  multipliait les effets odéonesques. Voilà comment je vois les choses... 
    <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p>L'ex-gendarme monté voyant les choses dans le détail il me semble préférable d'en publier un résumé à l'usage des abonnés de la ligne. Au départ de tout il y a cette croisière musicale sur le Nil à laquelle participe le quartet Van Der Meuh, le ténor Décato Vafanculi et la grande Margrath Coucourbitowa.
    L'américain décéde donc, naturellement ou pas? Toutes les hypothèses restent ouvertes, aussi bien l'empoisonnement que l'excès de musique de chambre. Sa veuve met le corps en cale, au frais et suivant les dernières volontés du défunt décide d'aller l'enterrer en Normandie prés de ses anciens compagnons d'arme, au passage elle s'arrête à La Conche comme ils avaient l'habitude de le faire quand ils faisaient le pèlerinage annuel de l'américain sur les lieux de sa jeunesse débarquée.
    Suzanne va visiter sa famille, enfin ce qu'il en reste soit sa cousine Marie. Elle lui apprend son veuvage, elle est seule, elle a de l'argent à n'en plus pouvoir et elle a décidé pour s'éviter le ridicule d'un sixième mariage avec un type de vingt-cinq ans d'adopter son gigolpince marseillais qui l'appelle déjà maman dans l'intimité.
    Notre Marie Bertalot qui avait toujours guigné un petit quelque chose au moment de l'héritage réalise alors devant la toile cirée  qu'elle n'obtiendra rien puisque fils il y aura. L'occasion est trop belle avec son bonhomme ils noient, à la fortune du pot, si j'ose dire, la cousine d'Amérique dans leur marais salant...
    Dans le même temps mon impeccable mécanique intellectuelle se mettait en marche avec quelques grincements  sans doute dus au sable et à l'air marin mais je me rattrapais bien vite :
    -Gadlu mais c'est bien sûr ! L'épouvantail dans le marais salant, le... le soir de mon arrivée à La Conche ! M'illuminais-je pour l'encourager dans sa distillation intellectuelle.
    -Un épouvantail dans un marais salant cela ne vous a pas étonné ! Ironisa le chef ‘von le Gueuzec.
    Je poursuis donc ma traduction simultanée du gendarme au français: or donc après la clôture des festivités en mon honneur, ils reviennent chez eux, dessalent la noyée et reprennent la route avec le cadavre et là le coup de malchance, ils rencontrent les musiciens en bord de route qui sont en panne, ils ont voyagé avec l'américaine, il se passe quelque chose, un incident...
    La Rincée nous éclaire sans se faire prier:
    -C'est pas ma faute... ce con de belge qui a ouvert mon coffre pour voir si j'avais un cric, tout ce qu'il a vu c'est le cadavre de la  vieille et...
    -Ta gueule on t'a dit cornard! Lui intime sa moitié mieux renseignée que lui à tous points de vue, pénaux et conjugaux.
    Bref  les imprévus s'enchaînant, La Rincée va donner alors toute sa mesure, si j'ose dire, en exterminant son premier quintette à vent. Mademoiselle Br... elle, grâce à sa formation classique de commando échappe au massacre avec l'intention évidente de faire chanter le couple d'homicidaire du dimanche. Ce qu'elle va faire adroitement en leur lançant dans les jambes le petit gigolo marseillais. Et c'est à ce moment qu'entre en scène Letroncheur, La Rincée qui est son ancien chauffeur et travaille toujours à la mairie va se confier à lui un soir de vin d'honneur, une vrai confession républicaine.
    -Il faut toujours qu'y cause de trop ce con-là ! Nous précise la Marie Bertalot.
    -Ta manie aussi de me faire buter le monde ça me travaillait du dedans... ‘fallait que ça sorte, j'avais pensé... j'aurai bien-t-été à la tévé pou' me raconter mais fallait monter à Paris et puis un soir j'ai croisé not' maître et j'uis ai tout sorti comme ça !
    -Il faut dire que notre ami sur sa lancée, venait d'égorger le possible héritier. C'est donc sur le conseil et avec la bénédiction du révérend-frére Letroncheur que notre ami a déposé le cadavre du gigolo dans la chambre de monsieur La Gaspérine.
    -Afin de compromettre un concurrent dangereux ? M'enquiers-je avec un peu d'orgueil électorale retrouvée.
    -Je crois plutôt que c'est son côté farceur qui a pris le dessus, ‘voir comment vous vous dépatouillerez de ça. Ce que notre petite Marie n'avait pas prévu c'était la paire de rombiers, la seule famille du mari et déterré par quelque avoué new-yorkais trop zélé et les voilà qui rappliquent... après un moment d'abattement notre petite Marie ne peut s'empêcher de penser qu'il ne lui reste plus qu'une marche à gravir et c'est le pactole aussi si je peux me permettre une question indiscrète : où et quand aviez-vous prévu de les mettre en l'air...
    -Je... je causerai qu'en présence de mon avocat votre honneur... articule péniblement l'homme des bois qui regarde trop la tévé .
    -Toi ta gueule crétin ! Réplique fièrement la Marie Berthalot bien meilleure dialecticienne, c'est h'une ancienne cadre du parti (sans laisser d'adresse) communisse. ‘Faudrait encore voir à le prouver tout vot' beau roman !
    Walter Chéchignac prend avec un grand naturel la relève du chef ‘von le Gueuzec exténué comme un vendeur d'aspirateur à crédit après une démonstration en nature:
    -Le prouver pour quoi ? Pour qui ? Nous ne sommes pas des flics ou des journaleux ma petite Marie, non plus que Jupiter punissant, nous ne jugeons ni condamnons tout cela ne regarde que votre conscience, le seul coupable que je recherche depuis le début c'est le criminel qui a fait sauter mes vouatéres, celui-là si je le tiens, il a commis l'irréparable, s'attaquer à des chiottes c'est s'en prendre à... la base... au fondement mâme de notre civilisation occidentale ... le chef ‘von le Gueuzec vous a innocenté de cet abominable forfait, fort bien, pour le reste, ma chére enfant, sachez que je m'en bats le poulpiot... malgré tout je ne saurais trop vous conseiller en bonne amitié d'arrêter là votre série, c'est aussi le diplomate qui vous parle, ma petite Marie, aussi je vous le  demande pour la bonne tenue des relations bravado-américaines...
    Et plus bas à l'oreille de la Bertalot
    -... sans compter que les deux vioques sont vioques n'ont pas de mômes et qu'ils clancheront bien un jour... et s'ils s'éternisent un peu trop je vous donnerai des adresses d‘artisan tueur qui ont encore l'amour du métier. 
    Ayant surpris l'aparté, le chef ‘von le Gueuzec s'emporta :
    -Alors là vrai, je ne te comprends pas, il y a quand même tes amis musiciens, mon petit Valter, il me semble que cela vaut un peu mieux que ça ! Tes préceptes chrétiens : on ne juge pas et on pardonne c'est bien commode je te leur en foutrais moi, je suis libre penseur, ce serait un peu facile, à ce tarif tout le monde pourrait étrangler sa brignole sans risquer d'embarras gastrique !
    <o:p> </o:p>   Il aurait bien voulu lui que ça tombe un peu quand même, ‘pas les motifs qui manquaient : noyation de quintette, assassinage de citoyenne américaine, recélement de piano de concert sans autorisation préfectorale, récidivure d'élégie nocturne, égorgeaison de gigolo en dehors des dates d'ouverture  et défaut de disque de stationnement sur une zone de livraison .
    -Oui sans doute n'avez-vous pas tout à fait tort chef, mais enfin ne dramatisons pas... je vous rappelle que ce n'était que des  musiciens... pire des interprètes !... vous n'imaginez pas ce qu'ils ont pu faire à ce pauvre Shubert !
    -Votre Choubert je l'emmerde ! ‘connais même pas, c'est h'une question de principes c'est tout !
    Maintenant le Chef ‘von le Gueuzec boudait, ah pour une soirée réussie, c'était une soirée réussie.
    <o:p> </o:p>*
    <o:p> </o:p>   Ces problèmes administratifs réglés à la satisfaction des uns et à la désapprobation de l'autre, la question du cadavre homicidaire demeurait, il fallait s'en débarrasser et sans se salir les mains encore ni compromettre notre santé, nous interrogeâmes le couple de proprios, la cérémonie était pour l'après-midi du lendemain au cimetière américain de La Ponche sur mer.
    -Si encore il était hindouiste, on ferait un chouette feu de bois sur la plage et on chanterait des chants scouts et fffflllt ! ‘Sûr qu'il était pas un peu hindou le moutardier ? Voulez-vous traduire mon petit.
    Le petit-fils Manganec s'étonna :
    -Quand même pour un diplomate, vous ne parlez pas même un peu d'anglais.
    -Aucune langue étrangère. Je ne pratique que le Gallosylvien  et le Merlotin que papa a réintroduit dans les années et quelques...
    -Le gallosylvien ?
    -Une maniére de gaulois des bois, je parle aussi le latin classique et le Grandgaullard, le français éternel quoi... demandez lui don' aussi dans quelle arme servait son petit cousin pendant la guerre ?
    -Marines corps, je semble croit-eux. Rendit compte le polyglotte.
    -Ah ça ! Ah tiens don'. Dîtes-moi chére petite ma'âme et si nous allions relever quelques casiers .
    -What ? Casi ?
    -Tipically brittany'customs.
    -Vous oubliez mon cher Valter les recommandations de votre papa.
    -Loin de les oublier elles me fortifient au contraire dans ma résolution de prendre la mer et de rendre à notre libérateur les honneurs maritimes que nous lui devons mon petit La Gaspèrine.
    <o:p> </o:p>Cédant au caprice consulaire, les ordres sont donnés d'appareiller dans les meilleurs délais.
    Et à trois heures du matin nous quittons le port de La Diguedondac'h, serré de prés par La Détestation, armée en guerre.
    Je ne peux m'empêcher de me demander avec quelque inquiétude si ce cher Walter ne chercherait pas une victoire navale à bon compte sur les américains?
      
    *
    <o:p> </o:p>Je m'étais endormi sur un anglaise bourrée et même dans une anglaise bourrée qui m'avait invitée dans sa cabine et qui tout soudain  se met à croire à la résurrection du beefsteak et tout ce genre de choses, et de m'encourager à la posséder plus avant, mais outre que je suis au dernier cran de ma gaule télescopique, force m'est de reconnaître que ce ne sont point mes appétits qui se sont réveillés mais bien plutôt la mer qui nous remue et avec quelle force tutoyante et ... pénétrante.
    C'est bien simple il y a presque un demi-mètre d'eau dans notre nid d'amour.
     
    Je me retire avec le flegme du gentleman britannique qui se rend compte au petit matin de ses noces, God Damned ! que c'est une femme qu'il a épousée.
    -Sorry miss.
    Je parvins en titubant jusqu'au pont où Walter Chéchignac et le Chef ‘von le Gueuzec disputent une ultime main de Bertille.
    -Ma Ford GT 40 !
    -Le souvenir de mes femmes !
    Dire s'ils jouent gros jeu.
    -Messieurs je crois bien que nous coulons.
    -Il semble oui.
    -Tout le problème de ces rafiots ritals, c'est parfait pour se bronzer la couenne  mais ça vaut rien devant la vague.
    Et ils se marrent, nous sommes en plein naufrage et eux rigolent.
    Alors je comprends... je comprends que ces salauds-là ont sabordé le yacht !
    -Mais c'est de la piraterie pure ! M'exclamai-je. Mais sans grand retentissement sur les consciences car la tempête montre sur le point de la conversation une toute autre éloquence que moi-mâme.
    Je regarde autour de nous entre deux paquets de mer envoyés franco de port.
    -Mais... il n'y a plus personne...
    J'imagine avec effroi qu'ils ont dû passer tous les jet-seters à la planche : 
    -Où... où sont-ils tous passés ? Qu'en... qu'en... qu'en avez-vous fait ?
    -Bi britiche mon vieux ils sont à bord de La Détestation on a pas voulu vous déranger pendant que vous tiriez votre coup mon cher. A propos si vous en avez terminé il serait peut-être temps de faire monter votre petite fiancée, enfin c'est à vous de voir... vous avez encore gagné chef...
    <o:p> </o:p><o:p> </o:p><o:p> </o:p>*
    <o:p> </o:p>Nous nous éloignons à force de rames en regardant le beau yacht bleu qui coule avec une certaine tenue, la tempête s'est un peu calmée mais la mer est encore bien remuante, soudain j'aperçois quelque chose, une présence humaine, mais oui, quelqu'un nous fait des signes depuis le bateau en perdition :
    -Mais... mais regardez don' bon sang de bois il y a encore un homme à bord !
    -Ah merde y va falloir qu'on s'en retourne ! S'exclame le Chef ‘von le Gueuzec en ajustant ses jumelles de cavalerie... oh mais non... mais c'est le petit sous-préfet !
    -Vous m'avez fait peur La Gaspérine. Me réprimande gentiment le cher Walter en tirant un peu plus fort sur les gaffes.
    -Mais comment ... mais on ne fait rien... Walter enfin quoi !
    -Pas le temps, j'ai un apéritif dansant à La Conche pour midi.
    Le Chef ‘von le Gueuzec me rassure :
    -Ne vous tourmentez pas monsieur La Gaspérine c'est un petit trou du cul, il m'a sucré deux fois mon permis. ‘va la race est féconde, ce ne sont pas les vocations de flics qui manquent ... et puis peut-être est-il bon nageur !
    Les journaux du lendemain nous apprirent qu'il ne l'était point.
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  • 23.
    Pratiques confiscatoires et croyances limitantes en milieu aqueux.
    <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p>-Dîtes-moi Kelbonbec c'est quoi ce type là-bas ?
    -C'est un universitaire, un chercheur en ethno-sociologie qui prépare une thèse sur le rapport à la mer et la nidification chez le marin-pêcheur.
    -Il n'est peut-être pas utile capitaine si nous sommes amenés à quelque confrontation  de s'encombrer d'un possible témoin?
    -Lui ça risque pas. Il voit rien, il comprend rien et si ça rentre pas dans la grille ça n'existe seulement pas. Et puis c'est le petit-fils du Père Manganec alors... sans compter qu'en cas d'avarie il pourra toujours servir de poupée de bord à l'équipage.
    <o:p> </o:p>   Il n'y avait pas que le chercheur qui était en surnombre et point inscrit au rôle, je découvris une fois en mer que feu Marcel Chéchignac dit le Grand Vate était du voyage. Il jouait avec trois des marins de la Détestation  à la bertille, un jeu de cartes de terre neuvas qui se pratiquait le plus souvent sans cartes et quelques fois avec un couteau, chacun des joueurs s'arrachait quelques poils qu'il tenait dans son poing fermé et il annonçait trois poils,  cinq poils, les enchères montaient vite : deux ongles, un orteil, deux oreilles le sans couille étant la plus haute enchère et consentie seulement par nuit de pleine lune en doublant le cap Horn sans clignotant et à force de rhum. Ceux qui avaient réussi de telles paris étaient l‘objet d'un respect unanime et dûment appareillés se reconnaissait à un léger tintement à la marche.   
    Au temps de nos rois, le Cardinal de Richelieu avait interdit ce jeu de con...chois qui prenait dans sa marine en découvrant que La Bertille, le grand amiral des galéres joueur invétéré retentissait comme l'angélus en grand conseil. On lui en expliqua les règles il les jugea coûteuses :
    -A la mer il faut des couilles !
    -Les miennes sont du meilleur bronze éminence ! Lui avait rétorqué La Bertille qui devait se faire tuer la semaine d'après à la bataille de Méffenbourg sur Meuse en recevant en partie basse un boulet de 15 livres, cette greffe-là n'avait pas pris mais le jeu conchois depuis portait son nom.
    Le Père Chechignac ne jouait pas si grand jeu, économe de ses poils du cul il savait manœuvrer comme il fallait.
    Etonnant cette manière qu'il avait de hanter avec familiarité et désinvolture, la casquette en bas et les mains dans les poches comme en pensionné flâneur, en bouliste repenti nos existences terrestres... et maritimes. Ici tous l'appelaient «  Feu Père ».
    Son fils le regardait taper le carton avec la tendresse amusée d'un jeune papa qui découvre son dernier-né en train de chier dans le compotier offert par belle-maman.
    -Vous n'avez rien perdu mon cher Marcel ! S'exclama admiratif le bosco, quinquagénaire distingué quoique salé et boucané par la proximité du large où son métier le cantonnait quotidiennement. 
    Chéchignac m'avait dit qu'il avait été dans une autre vie ingénieur agronome et donc pourrait peut-être utilement me renseigner sur les derniers progrès et ce que serait la mode d'hiver en matière de betteraves à nœuds car j‘étais bien certain que la terrible Mademoiselle Br... n'avait point abandonné la partie, alors autant avoir un sujet de conversation lors d'une prochaine rencontre.
    D'ailleurs chacun des membres de l'équipage de La Détestation avait eu une existence notable avant leur destinée maritime, le cuistot était un ancien président de cour d'appel, Hulme de Chambeulac, qui venait d'être relâché, l'avait eu comme professeur et les deux marins ravaudeurs de filets avaient exercés quelques hautes responsabilités dans l'industrie semi-lourde.
    Tous connaissaient Bédoncle le barman de La Bégude qui n'avait pu nous accompagner car il recevait, à l'invitation des sœurs Dartemont, son oncle des Espiasses, qui voulait voir la mer et se reposer d'une année épuisante, et que tous appelaient « Patrate » ou « Expectance », c'était je crois des titres honorifiques, des espèces de magistratures morales chez les barmen et tenanciers. (voir "Les Oeuvres Probatiennes" en vente dans toutes les bonnes librairies!) 
    -La Bertille c'est comme le char à voile ça ne s'oublie pas mon gars! Remets-nous une bolée autant le rentrer avant le mauvais temps.
    -Oui n'est-ce pas cela vient sur nous ne dirait-on point ? Confirma le bosco avant que de se corriger « pour pas décevoir » en apercevant le petit blanc ethnologuant :
    -...  je va' nous cherchions une bouteille.
    Le bosco s'étant levé pour aller prendre du cidre conchois, qui à la supériorité sur tous les autres d'être élaboré avec du raisin et seulement le noyau des pommes,  je l'interrogeai.
    -Mais cela ne vous gêne pas, enfin de jouer avec... avec un mort ?
    -Béh non pourquoi cela ? Certes le bridge conviendrait mieux mais... une idée ça ! Il faudra que j'organise une table de bridge la prochaine fois que l'on va au Blétznec.
    Le raisonnement valait ce qu'il valait.
    -Je peux jouer avec vous ? Demanda le sociogéne intrigué par les plaisirs simples des spécimens à l'étude et soucieux de gagner leur confiance en s'épargnant les transes rituelles d'initiation et autres pratiques scarificatoires douloureuses .
    -Désolé la table est faite, et puis à cinq c'est emmerdatoire la Bertille.
    -Mais... mais vous n'êtes que trois ! Fit-il remarquer avec quelque aplomb comptable
    -Ah ouais... ouais mais on attend du renfort... ma belle-doche qui doit nous rejoindre à la nage... 
    Le sociogogue nota la remarque avec sa traduction sur sur son carnet d'observation : « ... attirance maladive et familiale pour l'eau et les exercices nautiques. Alcoologie compulsive... ‘se fout' de moi ces cons-là  ‘otudjuuu!  ‘va te leur fout' un motif moi ! »  
    Il était le seul qui ne voyait pas le fantôme, sans doute à cause de ses dons d'observation.
    <o:p> </o:p><o:p> </o:p><o:p> </o:p><o:p> </o:p>*
    <o:p> </o:p>Le commandant du yacht bleu avait annoncé qu'il relâcherait dans le petit port  très « high life » de La Diguedondac'h et quand nous fûmes en vue nous l'aperçûmes déjà à quai pelotés par d'autres bestiaux de même tonnage, un vrai concours milliardairicole.
    -Le mieux serait d'attendre la nuit. Décida le consul Chéchignac en repliant sa longue-vue et en faisant distribuer à l'équipage double ration de  cigares bravadiens et vieux calva conchois.
    <o:p> </o:p>A minuit la tempête prophétisée par le grand Vate n'était toujours pas là mais pourtant ça commençait à pas mal tanguer, même le sociotruc qui, enfin admis dans le cercle des joueurs de Bertille, se lançait dans des enchères insensées :
    -... cinq cacas de nez !
    -Tapis !
    -Mes... mes aaaamis....Aaah... aaaalons-y ! Commanda Chéchignac déjà bien écorné.
    <o:p> </o:p>Sur le port le yacht bleu était illuminé comme un transatlantique déroulant en plein pacifique et les héritiers qui semblait-il n'avaient point dessaoulés depuis quinze jours organisaient une énième fiesta en recevant force collègues milliardaires rameutés là par phonie satellitaire et instinct grégaire. 
    Nous nous préparâmes, mais à ma grande surprise nous n'enfilâmes point des tenues en néoprène de plongeur autonome mais des smokings en soie sauvage de mondain hétéronome :
    -Où don' avez-vous trouvé ça mon cher Valter ?
    -J'en garde toujours tout un assortiment à bord du chalutier. On imagine pas combien la pêche au Blétznec peut occasionner de mondanités... ah voilà  papa !
    Le grand Vate Marcel Chéchignac était demeuré en civil, il n'y avait de changé que la paire de lunettes de soudeur autogène qu'il avait passé sur le front :
    -Avec mes yeux bleus j'ai toujours craint la lumière et les éblouissements, le gamin est comme ça lui aussi, bon les gars vous m'amenez les bouteilles à bord s'pas. A tout de suite.
    Il enjamba le passavant et s'en alla à pieds sur l'eau épaisse et battante comme un flanc de mule.
    C'était vrai qu'il avait de très beaux yeux bleus le spectre, mais ça aussi ce ne devait quand même pas être très réglementaire.
    <o:p> </o:p>*
    <o:p> </o:p>   Nous n'eûmes aucun mal à faire monter notre délégation à bord du yacht bleu, Son Excellence le consul général Chéchignac connaissait tout le monde ou presque. Il saluait chacun tout en tirant très naturellement son petit chariot contenant les bouteilles et le chalumeau oxyacéthylénique.
    Le bosco se chargea de les acheminer jusqu'au grand mage dessoudeur tandis que les héritiers du propagateur de The Real  and Uncomestible  French Mustard me faisaient les honneurs de leur nouvelle résidence nautique.
    C'était un couple de septantenaires de Chicago, elle en layette à smokes rose bonbon, lui en smoking lamé bleu-pétrole, ils faisaient plus gagnants du super-maxi Bingoconno que vieux bostoniens et s'extasiaient sur toutes les saloperies coûteuses et les « pipoles » soldés qui ornaient leur nouvel intérieur.
    Après une bonne demie-heure de papotages incompréhensibles, ils ne parlaient pas français et j'avais obtenu seulement 19,5/20 à l'oral d'anglais du concours de sortie de l'Ecole, je fis appel au sociotrope qui avait passé une licence de coréen moderne et deux certificats de javanais d'affaires, par bonheur le Chicaguien se révéla être un heureux mélange des deux idiomes. Bref nous nous exprimions en un anglais coloré et gestuel, quasi divinatoire.
    Sur ce le grand Vate autogène vint faire son rapport à son fils.
    -Dis-moi mon garçon, le collègue en bas, le mort dans le congélateur il va pas bien du tout...
    -Je m'en doute père.
    -Non lui il se néglige  vraiment, ils l'ont collé dans un grand congélateur bahut publicitaire aux armes de Scrotom the real strawberry's french mustard .
    -Sans doute là qu'il mettait ses échantillons, il profitait de ses croisières pour visiter ses représentants paraît-il.
    -En fait d'échantillons j'ai plutôt l'impression que c'est ‘h'une belle collection de saloperies qu'il y a là-dedans, ton macchabée il est farci comme une oie de Noël mais pas avec de la truffe, avec des vers et des mouches et des puces et des poux et  d'autres bestioles encore enfermés dans des tubes de verre, je ne sais pas ce qu'ils préparent mais cela ne sent pas bon...
    -Vous voulez dire Feu Père que ce pourrait être de... de l'offensif ? S'inquiéta le Chef ‘von le Gueuzec qui déductivait à la paresseuse, le reptilien à la portière en s'empiffrant de toasts au caviar.
    -Ben ‘possible que c'en soye mon gars et du contagieux, j'ai bien fait de m'y coller, rien qu'à voir le titulaire il a une toute sale gueule tu peux me croire et c'est pas le mal de mer. Non vrai c'est pas de la réclame un cadavre comme ça et même ça fait du tort ! Conclut le Mage Chéchignac en pelant de ses gros doigts surnaturels quelques rondelles de saucisson conchois, le seul qui soit élaboré avec de la couenne de receveur des contributions de première classe.
    -Et dans deux jours ils l'enterrent en grande pompe au cimetière américain de La Ponche il y aura même un sous-secrétaire d'état américain pour la cérémonie.
    -Ma foi c'est pas tant la cérémonie qu'il faut redouter que ses suites. Et pas besoin d'ouvre-boîtes, ‘pas difficile de deviner qu'en le manipulant comme il convient au moment de la mise en bière les tubes vont casser et libérer en grand dans la nature toutes les saloperies ! Confirma feu le grand Marcel Chéchignac en se grattant les couilles, pour vérifier qu'elles étaient toujours comme aurait dit le cher Hulme de Chambeulac : « bien plésentement là ! »
    -Un mort qui vérole d'autres morts ? Ah le concept est intéressant, nous ne sommes pas loin du crime parfait mon petit Valter... mais décidément il n'y a  vraiment plus de respect pour rien.
    -Créer un foyer d'infection dans un cimetière, l'idée est généreuse. De fait entre les scolaires qui visitent avec leur instituteur et les familles qui viennent des U.S.A se recueillir sur les tombes des leurs cela ferait une bonne rampe de lancement, la contagion s'étendrait vite et un peu plus loin que l'arrondissement.
    -Les vers et les mouches ! Quelle saloperie ces bestioles-là ! S'exclama le grand Vate en lâchant ses charcuteries apéritives. Tu te souviens Voualtére au tout début de ma mort j'allais encore fleurir ma tombe quand je m'emmerdais, j'essayais d'aménager un peu le la chose de rendre ça joliet mais rien que de voir et de penser à ces trucs-là ça m'a coupé l'inspiration. Heureusement que tu t'en occupes...
    -A propos tu as vu p'pa le monument que j'ai commandé ? 
    -Le monu... oui très bien... un peu haut peut-être ?
    -Quarante-trois mètres cinquante père ! Record d'Europe ! Il a fallu que j'éclaire les yeux à cause des avions. J'ai fait venir de Corée du nord le sculpteur par malle diplomatique,  tu as vu comment il a réussi les boutons du veston et les lacets de tes chaussures !
    -Euh...Oui, très bien, un peu haut mais bien. Bon maintenant  je rentre il se fait tard, garde-toi bien mon garçon... tu as raison c'est peut-être bien contagieux pour vous aut' ç'te saloperie-là alors ce serait aussi bien de vous en débarrasser. Maintenant ce que j'en dis moi... ah aussi, j'oubliais, j'ai refait toutes les soudures et condamné les serrures... et encore un truc... les bouteilles sont vides, ‘oublie pas de les ramener elles sont consignées ! Puis aussi évitez de prendre la mer cette nuit ça va secouer ! Kénavo Chef ‘von le Gueuzec...
    -A se revoir Feu Père et bien des choses à tout le monde là-haut hein... si vous croisez mes femmes... Oh dîtes-moi vous auriez pas un tu-yau pour le tiercé de dimanche ?
    -Toujours le turf toi mon gars ! Le 17 et le 15, ils ont pas de poids et avec ce qui reste à pleuvoir  pour le vouiquinde ce sera du lourd, m'étonnerait pas qu'y soyent à l'arrivée. Allez bonne lunaison m'sieurs-dâmes !
    <o:p> </o:p>Cette fois le Grand Vate Turfiste Marcel Chéchignac s'évapora dans la nuit chaude sans éveiller l'attention des invités déjà tous passablement envapés. Les serveurs circulaient avec des lignes de cocaïne tracées à même les plateaux et chacun de sortir sa paille d'argent même monsieur le sous-préfet, personnalité invité s'en mettait un grand coup à la santé de la narine nationale.
    -C'était un brave homme ton papa toujours prêt à donner un coup de main à la manœuvre. Remarqua le bosco pris d'une nostalgie subite et vérifiable.
    Pour ma part je m'interrogeais sur la destinée de ce pauvre Joël Noyeux :
    -Dîtes-moi mon cher Walter vous croyez que c'est pour cela, j'entends à cause de la possible contagion que les autorités ont dépecé le pauvre Noyeux et soigneusement planqué sa peau ?
    -Peut-être, c'était le genre à faire tapisserie dans les raves-parties non ?
    -Plutôt oui.
    -Il s'emmerdait, il aura voulu visiter le bateau, il s'est paumé, retrouvé à fond de cale et là... ‘pas un peu cinéphile le collègue ?
    Décidément il m'épatait avec ses sherlocholmades le cher Walter.
    -Mais oui en effet quand il était gamin c'était un élève docile et mâme... bien mâme insignifiant mais il n'y avait que le jeudi matin qu'il s'animait, la veille il avait passé sa journée dans les cinémas de quartier à bouffer des esquimaux en regardant les nouveaux films sortis.
    -Eh bien alors il a ouvert le congélo pour se chercher un esquimau... un esquimau d'entracte comme dans le temps...
    -Et il aura suffit d'un... d'une puce en rupture de banc pour... Quand même quel destin incompréhensible !
    -Vous devriez faire une loi pour réglementer le destin individuel... Mais non croyez-moi c'est la nostalgie qui l'a tué. (à suivre...)
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