• Moulin Jean retraité des assurances.

    <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p>-Moulin collabo le peuple aura ta peau!
    Maintenant ils emmenaient même les mômes de l'école maternelle Richard Durn défiler sous les fenêtres de son pavillon, le député-maire shtroumpfiste était bien entendu en tête de cortège.
    Moulin Jean en s'appuyant sur sa canne pyrénéenne et noueuse cadeau de son petit Marcel alla fermer la fenêtre.
    Barbewra Spurce, la journaliste américaine qui attendait de terminer l'entrevue s'impatientait, elle marchait elle aussi à fond là-dedans et il pouvait bien lui raconter n'importe quoi, lui rappeler son passé exemplaire d'homme de gauche, de combattant de la cause des peuples et de groom du F.L.N, elle demeurerait juchée sur ses préjugés autant que sur la pointe extrême de sa fesse... gauche, comme elle aurait fait si elle s'était trouvé en présence de Hitler Adolf, dans son nid d'aigle, en fait de nid d'aigle le pavillon à un étage modeste et ciré du Plessis Bouchard manquait quelque peu de hauteur et d'altitude, malgré tout elle ressentait ici le vertige comme au dessus de quelque béance, n'avait-elle point devant elle, l'un des ultimes démons de la seconde guerre mondiale. Et puis il était vieux, bien trop vieux, c'était pour elle et ses vingt-cinq printemps, tous américains, déjà un pêché contre l'hygiène.
    Le vieil homme, tenta de plaider encore et maladroitement:
    -Faire ça à un centenaire!
    Elle regarda ses fiches, de fait il allait fêter son premier siècle quelques jours après.
    Il dénoua et renoua son écharpe autour de son cou décharné de vieille volaille, il ne faisait pas trop chaud.
    -J'ai dû m'enrhumer hier en allant au commissariat.
    Depuis sa libération, pour raison de santé et à cause de son grand âge il était astreint à se présenter chaque semaine au commissariat de son quartier, c'était aussi dans ses fiches mais ce geste de vieillard ne l'émut pas plus que le reste, elle avait en mémoire la photo tellement choquante et indécente où on le voyait en manteau ajusté, chapeau penché et écharpe dandy, jeune et sautillant préfet de Vichy qui avait exécuté sans état d'âme les ordres de son gouvernement infâme, avec un scrupule et une sévérité qui lui avaient valu l'estime des allemands, la photo était non seulement dans ses fiches mais aussi depuis plusieurs mois à la une de tous les journaux.
    Il ne manquait que le chapeau. Vrai elle avait tellement de haine pour ce type que la nausée lui venait. Mais c'était peut-être aussi à cause de la salade huileuse et du plat du jour graisseux qu'elle avait mangés à midi dans l'un de ces bistrôts sâles qu'affectionnaient ses confrères français, les autres journalistes instructeurs de l'affaire Moulin.
    -Comment et où avez-vous connu le Capitaine Morland ?
    En prononçant ce seul nom elle sentit les forces lui revenir.
    Il n'y avait pas eu que des ordures collabos en France, il y avait aussi eu de purs et authentiques héros de la résistance aux nazis,  des âmes désintéressées et sincères tel le mythique Capitaine Morland : Mitterrand François pour l'état-civil. 
    L'autre en face, quitta son sourire gâté.
    -Je l'ai rencontré le 14, j'avais un nouveau rendez-vous avec  Charivaud-Poildeux l'un des adjoints de Fresnay trois jours après, j'ai eu le malheur de lui en parler quand je suis allé à Vichy pour faire valoir mes droits à pension, je l'ai croisé dans un couloir, il avait des dossiers plein les bras et jouait au monsieur important et occupé, et de fait il avait réussi à faire son trou dans l'administration de Vichy, il venait de recevoir la Francisque...
    -Il jouait le jeu double.Ce n'était pas une question, elle récitait sa leçon.
    -Je ne sais pas quel jeu, il jouait, mais c'était très certainement, selon son caractère un jeu à petite mise et gros gains...-Il est mort en héros !
    -Disons plutôt en maladroit.
    Barbara Spurce avait très envie de le gifler et d'arrêter là l'entretien, mais son éthique journalistique si elle ne lui interdisait pas de faire saigner du nez les suspects qu'elle interrogeait, lui défendait d'écourter une exclusivité pour l'édition de17 heures 19 heure GMT du Shooshanooga Times.     <o:p> </o:p>
    -Je lui ai dit que je sentais que les choses tournaient, il a froncé les sourcils, il en était inconscient pourtant c'était l'époque où nombre de jeunes fonctionnaires de Vichy, brillants, ambitieux et jusque là assidus à la Révolution Nationale, demandaient des congés maternités ou des détachements en Espagne et ailleurs. Nous avons parlé il m'a invité à prendre un café aux nèfles dans un bistrôt. Au début il m'écoutait et ne m'interrompait que pour sortir une fois des authentiques bas de soie en poils de cocker mercerisé une autre fois des paquets de tabac en résidus phosphorés, des boîtes de lait condensé Suisse fabriquées à Limoges ou des bâtons succédanés...
    -Vous voulez dire qu'il s'ébrouait dans le marché noir ?
    -Bah, bah, bah, il se débrouillait comme tout le monde à l'époque, vous êtes jeune, vous n'avez pas connu cela,  mais à mesure que je lui rendais compte de l'entretien que j'avais eu avec Fresnay il écoutait avec de plus en plus d'intérêt. A la fin il s'est levé, a réglé avec ses tickets les consommations, il savait être généreux quand cela pouvait lui rapporter et il m'a dit :
    -Viens je connais un type qui fait un alcool clandestin fameux... a propos tu as vu mes sandales !
    -J'ai baissé la tête il portait  de ces sandales ouvertes pour estivant, vous voyez ?... :
    -Ils ont en eu 40000 paires au ravitaillement, je pourrais t'en prendre une paire si ça t'intéresse, elles sont en moleskine et liége de bouchons, quasi increvable.
    -Et insubmersible. Ai-je ajouté.
    Il a ri, ce pouvait être un charmant compagnon.Mais je dois confesser qu'avec son costume droit d'important cela jurait un peu ces chaussures de pensionné.Nous sommes allés dans ce bar clandestin prés des thermes et de fait l'alcool que l'on y servait était fameux malheureusement vous connaissez les effets de l'alcool de chou-rave ?
    Non elle les ignorait complètement, peut-être les mêmes que la salade à l'huile de vidange qui lui était resté sur l'estomac.-Je ne savais plus trop ce que je disais, sans doute ai-je trop parlé... toujours est-il que le lendemain il contactait Charivaud-Poilard  et trois jours après il embarquait pour Londres dans un Lancaster des lignes régulières clandestines.
    -And... ?
    -La suite vous la connaissez comme moi, il a eu son entretien avec le Général, étant donné le poste important qu'il occupait à Vichy, son ralliement pesait plus que celui d'un petit préfet en disponibilité... pourtant j'ai la carte de Membre de la France Libre numéro: 0000000000000057 alors que lui n'a que la 0000000000000061...
    -Vous n'avez jamais pu la produire à votre procès ?
    -Perdita... je l'ai perdue dans l'un de mes nombreux déménagements, je n'ai pas beaucoup d'ordre voyez-vous Mademoiselle. Et ces salauds de gaullistes n'ont jamais voulu chercher dans leurs archives ! Ce doit être un beau bordel ça encore ! Ce pays est fichu !
    -Revenons au capitaine Morland et à l'entretien avec Jénral Di Gaulle ?
    -Ce que j'en sais par Polissard-Grodon qui était membre de son cabinet c'est que l'entretien a été plutôt aimable, De Gaulle avait besoin d'un type comme ça pour ficher le... le bordel... excusez le terme... dans la résistance intérieure qui lui échappait, il faut dire que ce n'était que cagoulards et factieux tous ces types, des  nationalistes qui bouffaient du schleu depuis l‘autre guerre, des fascistes, d'ailleurs le Mitteurand était un fasciste comme eux, les authentiques républicains ne s'y sont mis qu'après... enfin un peu plus tard... ah pour ça il a parfaitement réussi sa mission, à la fin tout le monde détestait tout le monde, tout le monde dénonçait tout le monde, les allemands arrivaient plus à ouvrir tout le courrier qu'il recevait...
    -Est-ce donc vous qui l'avait dénoncé au moment de la réunion de Bourgoin-Jallieu ?
    -Non et je vais vous dire pourquoi... je l'ai d'ailleurs dit au procès: je n'avais plus de ticket de salive, il me restait un ticket de timbre et une enveloppe en papier toilette usagé et recyclé... j'ai préféré l'utiliser pour répondre à mon petit Raymond qui m'avait envoyé un fort joli mot de Suisse où il faisait du tourisme routier à vélo... j'en ai profité pour lui envoyer un pneumatique... en bois, il avait crevé de l'avant. Mais sans quoi vous pouvez me croire ç'eut été avec plaisir... d'ailleurs tout le monde l'a dénoncé ce type...
    -Who ?
    -Mais je ne sais pas moi, faîtes votre travail, cherchez...
    -The communists ?
     Il se leva sans aucun craquement avec une souplesse et une rapidité de sportsman séculaire qui étonna Barbewra Spurce.
    -Pourquoi toujours les communistes ?-They don't lave him ?
    Il avait marché jusqu'à la fenêtre, dans la rue, la section Nautique de l'Olympique Plessis Bouchard avait rejoint les manifestants et chantait avec eux devant le cordon de gendarmes mobiles :
    -... Moulin en prison... Moulin t'es foutu les nageurs sont dans la rue...
    -... ouais c'est ça... on va te trouer le cul !...
    -Oh vos gueules les mômes ! Moulin t'es foutu les plongeurs sont dans la rue...
    -N'importe quoi !
    Il ferma la fenêtre au moment où Jesuilta sa bonne portugaise entrait dans la pièce, son chiffon de laine à la main, elle ne perdait jamais une occasion de lui casser l'un de ses bibelots:
    -Il y a le monchieur d'hier qui est là auchourd'hui... dans la piéche à côté...
    -Ah oui j'y vais. Vous voulez bien m'attendre mademoiselle quelques minutes, voulez-vous un thé avec quelques toasts, vous n'avez sans doute pas eu le temps de déjeuner.
    -No... j'ai mangé... à le Café des Sports...
    -Et ce n'était pas fameux, je vois, vous êtes un peu barbouillé... Gésuilta apportez donc à mademoiselle un grand verre d'eau... d'eau de Vichy...c'est bon pour la digestion.
    Il sortit et Borbora Spiurce pensa: quelle ordure ce type! Il est décidément incorrigible. Il n'a aucun regret.



    Lulu Forestier attendait à côté, il allait sur ses quatre-vingt-quinze ans, le Parti avait décidément du mal à renouveler ses cadres.
    -Bonjour Moulin.
    -Bonjour Forestier.

    Soixante et quelques années qu'ils se connaissaient et ils avaient encore du mal à se tutoyer, dés le début le Lulu Forestier  tourneur-fraiseur chez Gnôme-Rhone avait été impressionné par le maintien du licencié en droit, pour lui la pédérastie était un luxe bourgeois, mais quand même quelques fois, comme une rivière de diamants ça brillait tellement qu'on était bien obligé d'en prendre plein les mirettes et de marquer comme du respect.
    A la manière de deux vieux mariés ils ne se voyaient pas en vieillards, d'ailleurs ils ne se demandaient jamais des nouvelles de leur âge, leur pays d'exil mais aimaient se souvenir de leur patrie commune: une jeunesse d'avant-guerre.
    -Vous avez du monde ?... je te dérange peut-être ?
    -Non, non... une journaliste américaine aux pieds plats... au moins aussi plats que ses idées. Vous avez... tu as eu un retour sur le message que je t'avais confié ?
    -La consigne n'a pas changé, le Parti ne bougera pas...
    -Je te fais remarquer que tout est parti de vous.
    -La plainte contre toi du camarade Vichinsky était une initiative individuelle, il a été sanctionné depuis.
    -A qui veux-tu faire avaler ça ? Ou alors c'est bien la première fois que le Parti encouragerait l'initiative individuelle ! Mais enfin flûte ce n'est pas possible qu'est-ce que je vous ai fait ! Vous étiez bien content de me trouver quand vous aviez besoin de mes services pendant et après la guerre!
    -Tes états de service ? Tu veux vraiment qu'on en reparle !
    -Ah non pas encore cette vieille histoire ! C'est pour ça que vous avez déclenché cette campagne ignoble... mais oui ! C'est pour... pour... pour une fichue valise en carton bouilli à quarante sous!
    -Une valise à quarante sous qui contenait 400 mi-yions en or !
    -Tu vas pas me faire croire que c'était toutes... toutes les économies du Parti des travailleurs !
    -A l'époque ça comptait, les camarades algériens ont été obligés de bouffer des nouilles à l'eau pendant six mois
    -Ils se sont bien rattrapés depuis.
    -Ouais... ouais... peut-être... mais ils ont raté le strike à l'Otomatix par ta faute parce que tu ne leur as pas livré la bombe... et puis sans compter qu'aujourd'hui ces 400 millions... même anciens ça nous dépannerait bien.
    -Qu'est-ce que j'y peux si le notaire du Parti s'est enfui avec votre rente Pinay.
    -Celui-là on le retrouvera, les camarades le pistent, il serait du côté d'Ibiza le cher maître Raveu. On le retrouvera et on le  clouera sur la porte des chiottes du Comité Central, ça aussi ça a été voté. Tu vois que tu n'as pas trop à te plaindre de ton côté.
    -Mais moi je n'ai rien volé... juste égaré... perdu... ça arrive quoi chose ! Grand Dieu il y a quarante ans de ça ! Vous êtes pire que le Saint Office de l'Inquisition ! Ah on ne devrait jamais rendre service !
    -Enfin c'est sûr que si tu faisais un petit effort...
    -Je n'ai plus rien, ils m'ont tout pris, pension, économies, tout, même mes décorations.
    -Même ton ordre de Lénine de poète combattant de troisième classe ?
    Il se foutait de lui mais l'autre y croyait à ses talents mêlés de poète et de combattant et s'il n'avait obtenu que la troisième classe c'était parce qu'à l'époque, en 47, le camarade Staline notait vachement sévère.
    -Non pas ça quand même. Mais c'est pas avec 40 roubles par semestre que je peux vivre... même en banlieue rouge... ah si j'avais encore mon petit Marcel...
    Ces histoires de « tantes » le mettaient mal à l'aise le Lulu Forestier, aussi avait-il entrepris de se relever du fauteuil club années cinquante en cuir râpé, a moitié effondré, il lui fallut presque dix minutes, il avait été un authentique travailleur, lui et quand il se mettait en mouvement il craquait comme un pendu.
    Il lui tendit la main, ‘pas sûr qu'ils auraient l'occasion de se revoir, quand le parti voulait la mort de quelqu'un, il l'obtenait, il attendait ce qu'il fallait, que la bête soit faible ou blessé, ou isolé, le Jeannot Moulin était à point, le vieil apparatchik allait être dévoré par la meute de bureaucrates édentés, ou ce qu'il en restait, pour une connerie d'il y avait quarante ans.
    Lui il y croyait, pas tant aux talents de combattant de Jeannot Moulin qu'à ses explications, il l'avait paumée la valoche le poète, voilà tout. <o:p> </o:p> 

     Moulin Jean allait repartir vers le pensum de sa conversation avec la méthodiste aux pieds plats quand il aperçut une lettre sur la console de l'entrée. Il n'ouvrait plus son courrier, à quoi bon se salir les mains avec des insultes et des fautes d'orthographes anonymes, c'était le cabinet de son avocat Maître Jolimon qui s'en chargeait et il ne lui retournait que le courrier personnel.
    Celle-ci venait de la Fédération Nationale des anciens agents d'assurances branche autonome, signée par le Président « branche autonome » lui-même, il l'informait par la présente, qu'il était rayé du  rôle des retraités de l'assurance branche autonome, que son portrait d'ancien Trésorier général branche autonome serait brûlé en place publique et son dessert au banquet annuel jeté aux chiens. Qu'il était réconfortant de voir qu'en ce doux pays qu'était la F.D.R (Frankreich Demokratische Republik) un si sensible unanimité pouvait encore régner.
    -Et en plus j'avais voté pour ce crétin à la dernière assemblée générale !
    Il se décida enfin à affronter la si terrible Bwabawa Sproutce, il était décidé à tout dire puisque tous l'avaient abandonné.<o:p>  </o:p>  
                                                      
    L'entrevue avait repris, le jour baissait en même temps que l'ardeur et l'inspiration des manifestants au dehors :
    -... Mounin gros prout de merle... 
    -... et donc de Gaulle qui se foutaient pas mal de la résistance intérieure, lui avait laissé la minorité de blocage, les clefs du coffre et les recettes de la buvette. Mais au  Mitteurrand cela ne lui suffisait pas, il avait décidé de reprendre l'affaire à son compte en dénonçant les principaux actionnaires, les membres fondateurs puis de revendre le réseau par appartements aux communistes qui arrivés en retard cherchaient à emménager, un petit quelque chose mais dans le centre de la résistance et pourquoi pas dans un immeuble historique comme Combat.
    Vous pensez bien que les autres n'avaient aucune confiance dans ce type, il suffisait de le voir cinq minutes pour respirer l'arriviste prêt à tout, aurait-il survécu, je peux vous dire qu'il ne se serait pas fait père blanc mais affairiste en chambre... des députés plus sûrement. Bref ils se sont tous fait excusés pour la réunion de Bourgoin-Jallieu, qui avait une assemblé générale de son réseau à la Mutualité, qui un mariage en province conquise, cela sentait un peu trop le piége, el trapacon comme disent nos amis espagnols. Il n'est resté que le Commandant Jeanblanc et Marcillaud-Berlerac, pas des épées mais de braves types, genre officier de réserve, ce sont souvent les braves types qu'on sacrifie dans ces cas-là, en pensant à tort que c'est facilement remplaçable.
    La réunion devait avoir lieu chez le Docteur Poissac, un chirurgien-dentiste a-t-on idée aussi ?
    Quand Mitterrand a vu débouler les allemands il a couru dans le cabinet et s'est assis sur le siége d'autorité :
    -La molaire là dans le fond à gauche docteur !
    Le docteur Poissac s'y est mis, c'est Marcillac-Berleraud qui m'a raconté ça après la guerre, lui il était avec le Commandant Jeanblanc dans la salle d'attente.
    Les allemands sont entrés enfin, ils étaient colère ils avaient eu une panne de bagnole d'où leur retard fatal à Morland qui pensait débarquer une fois le travail terminé, mais vous connaissez les Tractions-z- avants :
    -Zalopérie dé foiture frouanssaises ! Papieren toute lé monde !... auzzi lé bébé und lé chien ! Papieren shnell !
    Jeanblanc a sauté par la fenêtre en criant:
    -Vive la France et hop !
    On l'a ramassé sur le tas de fumier voisin avec une entorse.
    Le Mitteurrand a voulu profiter de la diversion ainsi crée pour s'en aller promener:
    -Herci hocteur. Ahez pas hu mon hapeau hocteur ?
    -Ach ! Ach ! Fous être prise Hauptman Morlande ! Afouez mézieur Morlande ?
    C'était le fameux Klaus Barbant, le tortionnaire vedette du département du Rhône qui venait de le reclouer au fauteuil :
    -Mais ahouez quoi her monsieur ?
    -Ach zé gué fous foulez pourvu guè çé soite en drei exemplar und ché fous emméne... und on fa pien ricoler ! <o:p> </o:p>
    Ce sont les sœurs Kessler qui à l'époque étaient auxiliaires et rodaient leur numéro dans les pays conquis qui l'ont interrogé.
    Klaus Barbant préparait d'ailleurs lui aussi un numéro de ventriloque qu'il a tourné après la guerre, cela mettait un peu de gaieté dans l'interrogatoire des suspects, les américains d'ailleurs le lui ont demandé pour Las Vegas et puis la Bolivie plus tard.
    C'était un garçon sensible et attachant d'ailleurs d'après ce que m'en a dit mon petit Hardtmut que j'ai connu à Baden après la guerre.
    Mais revenons-en à Marcilleau-Bellréac, le seul survivant du trio comique, lui qui m'a raconté l'interrogatoire éprouvant.
    Elles se le renvoyaient de l'une à l'autre le Mitteurrand et il paraît qu'elles avaient une poitrine dure comme du marbre, elles lui foutaient des coups de canne, de talons aiguilles et de chapeau-claque et puis quand il a vu qu'on lui préparait un bain, il a eu les foies et voilà comment on entre dans la légende... en sortant par la fenêtre.
    Après... après vous connaissez la suite pendant que jeune pensionné je m'engageais résolument dans la voie des assurances et plus particulièrement dans ce qu'il est convenu d'appeler: la branche autonome...
    -What ?
    -Je... je vous expliquerai plus tard... bon disons que pendant que je végétais dans une résistance administrative, je n'ai jamais frappé au bon bureau, vous connaissez l'administration française, les communistes, ces salauds, et les gaullistes, qui les valent bien dans l'imposture et les sports de glisse, ont monté en neige toute cette épopée du Capitaine Morland héros de l'ombre, vierge et martyre de la république sainte et laïque, il y a surtout eu cette cérémonie pitoyable montée par ce crétin de Giscard au Panthéon-folies parisiennes, avec l'allocution de ce pauvre couillon de Malraux alias Colonel je ne sais plus quoi ? Ricard ou Gras... un nom d'apéritif anisé ?
    -Bergère ?
    -C'est ça comme les folies du même nom pour rester dans le musc-hall, à l'époque ce cher Dédé il ne pouvait plus trop lever la jambe, il ne faisait plus illusion avec ses vérités absconses de critique impuissant, il avait du mal à la vendre sa camelote. Vous savez l'imposture est une discipline littéraire en France et l'on peut y faire carrière, aussi bien que comme poète élégiaque ou allocuteur de vin d'honneur. Je l'avais connu en 26 quand je l'avais engagé dans notre réseau clandestin du Komintern, il prenait tout le temps la voiture de service pour promener ses pouffiasses... alors qu'il n'avait même pas le permis.  Berbéra, se souvenait elle de ce discours émouvant du grand écrivain, qu'elle avait vu sur des bandes d'actualité, il lui revenait par bribes :
    -.... Aaaourchtac te voili chez toi z'ici... François heurgh Miteurand... brrouiiiznac... faudra vérifier la literie et puis aérer un peu, ça pue t'ici... ooooooooh toiouuaaaaahhhh soldat de l'ombre, qui sergent la veille se réveilla au matin capitaine... l'était que capitaine... ‘suis colonel moi-même... dans les chars, là que j'ai fait la guerre... bas de plafond les chars... shnourkmpheux !... mais haut d'espoir... et puis la Bavière, nous avons fait toutes les villes d'eaux... j'avais fait l'Espagne en 35 en bombardier léger... c'est à voir mais alors la Bavière en char Patton dans l'hiver... et dans la faim... ‘pas dit d'ailleurs que cet été je refasse pas l'Espagne... y z'ont des tarifs imbattables... on était descendu il y a quatre ans avec Louise, trois semaines au camping municipal de Saragosse... un prix... dîtes un prix : 857000 pesetes à quatre, excursions en car et paellas incluses sans compter que le camping chez eux c'est autrement sérieux que chez nous... y a  pratiquement pas de vol, ah y sont tenus ! Mais allons don' c'est ça qu'y faut un régime à poigne ! C'est pas la chienlit comme chez nous avec tous ces zippies qu'on sait jamais si c'est h'une femme ou t'un homme !
    Il s'adressait ainsi tout au long du discours au garde républicain de gauche impassible qui flanquait le catafalque sur lequel on avait posé le chapeau légendaire, la relique sacrée quoique un peu cabossée. Et cette étrange aparté ajoutait encore à l'émotion aussi bien que les deux infirmiers qui attendaient de pouvoir ramener le grand homme en maison de din... de repos:
    -... moins fort le pick-op quoi merde! Oui je vous disais les chars... et puis ça puait surtout quand le chef  Merlinon enlevait ses chaussures, c'était lui qui conduisait, je n‘ai pas le permis moi-mâme... ah merde v‘la que ça me reprend :... ouuaaarrrrmph capitaine Morland héééééééros de France... ou bien d'ailleurs... vous qui ne parlâtes point sous la trique nazi... dire aussi qu'il n'avait pas trop de conversation... garçon brillant mais abominablement convenu... aaarkhshmurp nous voilà devant toi le sauveur de la France... mais qu'est-ce que je raconte moi...faîtes escuse m'sieur-dames une vieille chanson qu'on chantait dans les chars... 
    -... oui voyez-vous chère mademoiselle ...
    Ce fut la voix éraillée du vieil homme qui releva la blonde étasunienne de ses évocations héroïcommémoratives :
    -... tout cela prendra place un jour au répertoire du vaudeville parisien, épopée bourgeoise et grotesque, lamentable histoire de cocus dont nous sommes nous autres français tellement friands... un général de passage engrosse la bonne communiste et elle engendre une république bourgeoise de démocrates crétins et de socialos-tripatouillardo-colonialistes...  
    Qui est coupable de la mort du Capitaine Morland ? Ce peut être aussi bien la cocotte du troisième gauche que l'officier de santé du cinquième droite...
    -Monsieur m'a appelé ?
    -Mais non Jésuilta... mais qu'est-ce que vous avez à la main ?
    -Béh mon plumeau... ah cha c'est oune valige que j'ai trouvée sous le lit de monchieur... rudement lourde...
    C'était bien une valise, d'un modèle modique et démodé, en carton bouilli imitant le crocodile de carton-pâte, fermée d'une ficelle roussie par le temps.
    Ce n'était pas une valise, c'était « la valise », celle qui prouverait son innocence de loufiat modèle de la cause des peuples. Non il n'avait pas dérobé l'argent du Parti frère, non plus que contrevenu à son devoir internationaliste. Demain il serait blanchi, réhabilité, en grandes pompes... tiens dans les lavatories du Comité Central du Parti, l'un des lieux saints de la lutte prolétarienne où tant de secrétaires généraux avaient été désignés...
    Et qui sait peut-être serait-il décoré ? Mais non rien de tout cela n'existait plus,  jamais il ne passerait poète hors classe peut-être serait-il fait prolétaire honoris causa de quelques cellules de l'est parisien.
    Il n'y tenait plus, tremblait des quatre membres, sortit de la poche de sa robe de chambre en authentique laine des Pyrénées, son authentique couteau suisse offert par son petit Gérard, délicieux enfant, l'américaine et la portugaise le regardait s'agiter comme un gamin sur un cadeau d'anniversaire, il n'y arrivait pas, la ficelle résistait, il secouait de ses dernières forces la chose, lui donnait des coups de pied, de poings comme dans le ventre d'une bête morte, enfin elle s'ouvrit, l'or, du Napoléon de rentière, se répandit sur le parquet ciré et la bombe éclata, quarante années qu'elle attendait de jouir enfin, et de tuer et de maudire.<o:p> </o:p> 
       On découvrit trois jours plus tard prés de la frontière belge le plumeau de Jésuilta. La bonne conscience en bon béton méthodiste de Portland (iou.éssse.é) de Barbara Spurce transformé en bolide par le souffle énorme et propulsif, l'haleine mortelle, prit une orbîte basse et digestive qu'elle n'a toujours pas quittée mais de Moulin Jean retraité des apparences on ne retrouva rien.
    Partager via Gmail Delicious Technorati Yahoo! Google Bookmarks Blogmarks Pin It




    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique