•  

    Putschez pas derrière !1/1 by Lofti Benayak

     

    Chronique du Conquennat

    Journal de la France de pendant par François.F. soumis

     

    Pineulope était allé me chercher un quatrième bottin pour me mettre sous les fesses j’arrivais toujours pas au micro, le réalisateur mettait au point, Pujadas apprenait par coeur les questions et les réponses que je lui avais préparées, la maquilleuse rajustait ma mèche, l’accessoiriste arrangeait le drapeau derrière moi pendant que son assistante passait un dernier coup de fer sur mon uniforme, un chouette uniforme de sapeur d’empire que Pineulope avait trouvé dans les greniers de Matignon oui tout allait bien quand mon maître futurement  débarqué... a débarqué.

    On avait tout prévu sauf ça, normalement il était en voyage officiel en train d’essayer son Airbus présidentiel Air Gland One dans le ciel des Bahamas.

    -‘utain de zinc de merde ! On avait pas si tôt décollé qu’on a perdu un moteur, une erreur humaine de l’ordinateur de bord à ce qu’il paraît, il voulait vider ma baignoire au dessus de Roissy et ce con a balancé un réacteur dans les champs, il a dû faire des heureux tiens !...

    Il était tellement en colère qu’il n’a rien remarqué tout de suite et c’est en me voyant dans son fauteuil qu’il a ouvert les yeux :

    -Qu’est-ce tu fous là toi ?

    -Eh ben... tu vois... je te remplace... comme d’habitude quand t’es en voyage officiel et je ... heu... J’ai heu...bafouillé... heu...

    -Qu’est-ce que c’est cet uniforme grotesque ! Et qui c’est qui t’a permis de prendre mon prompteur et ma maquilleuse... je t’ai dit que je supportais pas qu’on touche à mes affaires ! Il a gueulé en débranchant le prompteur et en poussant la maquilleuse et le journaliste de France 2 dans le placard où il range les journalistes de la télé d’habitude avec l’aspirateur quand ils servent pas, il faut dire que le Pujadas il est bien commode il tient pas de place on a même pas besoin de le plier et le fil de l’oreillette il se rembobine tout seul en tirant sur la cravate.

    -Mon... mon... mon allo... lo... locution... j’ai mon allo... locution dans cinq minutes...

    -Qu’est-ce que c’est que cette histoire, tu allocutes toi maintenant ! Et qu’est-ce qu’elle fait la télé là ? Alors dés que j’ai le dos tourné c’est le grand bazar et où qu’ils sont mes collaborateurs.

    Je pouvais pas lui dire qu’on les avait enfermés dans la cave. Heureusement qu’on avait encore tondu personne.

    -Casse-toi de là tu veux !

    J’ai obéi, à nouveau, c’est quand même bon, et je me suis levé avec mes papiers que j’avais préparés pour les questions du journaliste après mon allocution où je déclarais à la nation françouaise, que j’assumais dorénavant et à partir de maintenant la plus haute charge de l’état et que en ces heures troublées où le pays menaçait de sombrer à nouveau (il faut dire qu’il sombre à peu près tous les vingt-cinq ans) je faisais le don de ma personne (compris la mèche et mes petits souliers cirés) à la nation afin d’atténuer sa souffrance... et le ridicule dont elle était l’objet partout à l’étranger.

    Je détaillais aussi les premières mesures que j’avais décidées, enfin c’était Raffarin qui avait fait la liste après son retour d’un voyage d’étude en Thaïlande, d’abord l’armée (ouais ce qu’il en restait quoi, le mal qu’on avait eu à trouver une dizaine de chars qui perdent pas leurs chenilles !) occuperait Radio Nostalgie et le Comité Miss France (il avait prévu Jean-Pierre et j’en avais approuvé le principe, je suis légitimiste, la restauration de Madame de Fontenay.) ensuite pour plaire au populo on passerait par les armes quelques footbôleurs socio-traîtres et le rejeton Arthus-Bertrand qui casse les bonbons à tout le monde avec ses pignolades aéro-mondaines et sa morale de bourgeoise, mi-effrayée, mi-émoustillée, par le travailleur du tiers-monde en sueur.

     

    Puis rassemblement au stade de France pour un grand jamboree carcéro-festif de toutes les personnes suspectée d’accointances avec l’art contemporain  ou la commission européenne.

    Réouverture du Bagne de Toulon pour les artistes subventionnés, les pipoles péremptés, les publicitaires et autres jeanf...decom’.

    Pathétique-sur-Navrant (mon pays natal) devenant capitale administrative du royaume... (non ça c’est pour plus tard !),du pays au détriment de ce Paris maudit classé zone interdite à décon... taminer.

    Transfert des cendres de Catherine Langeais et de Jacqueline Huet au Panthéon, aux speakerines (de mon adolescence branloteuse) la nation reconnaissante.   

    Retour immédiat à l’an 2000, au franc et à la croyance dans le progrès éternel.

    Réhabilitation du képi et distribution de gauloises bleues aux enfants des écoles...  

    -Passe-un peu tes papelards là ! Il m’a commandé d’un air soupçonneux.

    -C’est rien... c’est des idées en l’air que j’ai noté... je... je... c’était pour les voeux de... nouvel an...

    -Un 22 Août ! T’es en pleine Alzheimer mon pauv’gars !

    Et il m’a arraché mes papiers.

    Mais Pineulope revenait pas et j’étais à nouveau sous le pouvoir de cet être infernal.

    Il s’est assis dans son fauteuil et il a commencé à lire dans mes papiers. Il ouvrait des yeux étonnés à mesure qu’il découvrait ce qu’on avait décidé avec Jean-Claude (Gaudin), Jean-Pierre (Raffarin) et Pierre (Méhai...hai...hai... gnerie).

    Il faut dire qu’on avait fait fort. Pour la direction de la junte aussi on s’était partagé les rôles, Gaudin qui n’a jamais caché son penchant pour la marine avec mousse la représenterait il s’était déjà fait tailler... un uniforme d’amiral, Raffarin prenait l’aviation il en rêvait de tout môme, depuis qu'on lui avait promis qu'un jour il serait chef d'escadrille, Méhai...éééé...gnerie se chargeant de l’armée de terre où il avait fait valoir qu’y ayant grade de lieutenant-colonel de réserve il n’aurait qu’à remplacer ses barrettes par quelques étoiles et que ce serait autant d'économisé pour le budget, pour ma part outre le commandement en chef de la junte j’avais hérité, après confrontation de nos points de vue et un concours de bites finale pour nous départager des ... Eaux & Forêts.   

    -Mais qu’est-ce que c’est que ces conneries ! S’est exclamé mon chef re-révéré juste au moment où Pineulope ponctuelle  comme la cavalerie américaine arrivait enfin pour me délivrer en brandissant un vieux minitel:

    -Tiens, il y a pas une bottin dans ce taule, c’est tout ce que j’ai trouvé, tu t’assiéras le cul le-dessus ! Tiens il est là lui ! Elle a dit ma Pineulope avec sa grosse voix de quand elle est pas contente parce que j’ai pas bien fait mon lit ou que j’ai pas ouvert au chat.

    -Il est là et même un peu là. Ne vous en déplaise ma chère, je crois que je suis arrivé à temps, à un crochet de boucher je vous ferais tous pendre, bande de  traîtres ! Ah on voulait conspirer et dansmon dos encore eh bien...

    -Toi tu fermes ton gueule little boy ! Bon les pétites bonshommes maintenant shut-up vous va jouer dans le cour pendant que moi je vais le faire l’allocution...

     

    On est parti tous les deux, péteux, il faut dire que Pineulope quand elle est en rogne il y a pas grand chose à faire surtout qu’y restait dans le Palais juste une poignée de gardes républicains beloteurs, les autres avaient posé leurs congés ou des RTT et ils se bronzaient la couenne en famille à Argelés-Plage ou regardaient tomber la pluie en Bretagne, vous parlez d’une garde de fer.

    -Non je dis pas, mon François, il y a des trucs pas mal dans ton programme... il m’a dit mon maître punaisé pendant qu’on regardait l’allocution de Pineulope, elle se débrouillait très bien et elle, elle avait même pas besoin d’uniforme, ce que c’est que l’autorité naturelle quand même !

    Version imprimable

    Lurbaine Revue 

    Partager via Gmail Delicious Technorati Yahoo! Google Bookmarks Blogmarks Pin It




    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique