• Blondeur vagale by Lofti Benayak 1/1
    Journal de la France de pendant par François F... soumis

    Quand j'ai appris que mon maître vénéré s'était effondré dans un massif de fleurs du parc de Versailles, je me suis effondré à mon tour, mais sur les gravillons de Matignon pour que ça fasse plus mal.
    J'étais désespéré en me rendant à son chevet au Val-de-Grâce-Kelly en brouette officielle (il m'a supprimé le tandem parce que c'était encore trop polluant mais je m'en fous, j'ai pris comme chauffeur un jardinier culturiste de Matignon, un costaud pas croyab' qui vient du Chauvinois comme moi, Monsieur Blémont de Laturluthe-Poursanbal tout près de Pathétique-Sur-Navrant mon pays natal et avec lui je peux vous assurer qu'on lambine pas même dans les embouteillages et puis quoi de plus démocratique que la brouette même noire métallisée avec les vitres fumées !)
    J'imaginais que ça devait être grave, c'est pas dans les habitudes de mon maître vénéré de s'effondrer dans les massifs, je pensais que s'il était trop diminué, il ne me punirait plus jamais et que la vie deviendrait invivable, bien sûr il me resterait Pineulope qui en connait un bout question dressage mais quand même ce serait pas pareil.
    Je m'en voulais aussi, ces derniers temps j'étais très remonté contre lui, je m'étais même carrément rebellé et j'avais changé... ma mèche de côté, ni Pineulope, qui me coiffe pourtant tous les matins avant de me conduire à ... Matignon, ni mon maître vénéré ne s'en étaient aperçu, mais quand même je l'avais fait et pire encore je m'y étais tenu.
    Quand je suis entré dans la chambre il n'était pas seul, il y avait un monsieur et une dâme qui étaient en train de le coiffer.
    Le plus étonnant c'est qu'il m'a reconnu tout de suite, pourtant depuis le dernier remaniement on ne se voit plus que le mercredi.
    Il était souriant:
    -Tu es là toi... c'est gentil d'être venu, viens plus près... tiens tu as changé ta mèche de côté, tu as bien fait ça te va bien... je te présente Josy et Jean-Marcel tu vois je suis en train de me faire faire une couleur, c'est Carla qui en a eu l'idée, elle a que des bonnes idées...
    -Hum... hum... j'ai toussé, pas convaincu du tout.
    Mais ce coup-ci il ne m'a pas engueulé et il a commencé une véritable confession:
    -Il faut que les gens comprennent que je suis comme les autres, je suis très émotionnel, certaines de mes copines américaines me trouvent même:"glandularious", c'est vrai que tout part de là chez moi, il faut que je sois au top toujours bien dans mon corps, bien dans ma tête, j'ai essayé tous les régîmes, les dissociés, l'allégé complet avec juste des bols d'air toutes les deux heures, il y a que le régime pénitentiaire que j'ai pas encore essayé, il parait que ça marche bien les types qui se suicident pas y perdent en moyenne une bonne douzaine de kilos, je demanderai à Villepin quand il sortira...
    Il parlait un peu comme un article de fond d'un journal féminin, j'ai pensé à son évaporation pardon son malaise qui était lui aussi assez dans le ton, j'ai compris que j'allais penser mal et me moquer de la nature pétassogêne de mon maître admirable et pour me changer les idées j'ai regardé les bouquins sur la table de nuit:  
    -Oui je prends un peu de temps pour lire, ce que je préfère c'est les bouquins américains, il y a plus de pages mais c'est normal c'est plus grand l'Amérique mais j'aime aussi les romans français surtout ceux où ça se termine bien et que le héros finit en garde à vue, pour ça Émile Zorba et les Roujons-Macquards c'est bien mais il y a pas assez de garde à vue tu trouves pas... dis donc toi qu'est au courant c'est vrai qu'il était grec?
    Il y a eu un silence, les coiffeurs en avaient terminé et il était maintenant d'un blond éblouissant mon maître vénéré, il m'a pris le bras et il m'a murmuré:
    -Écoute j'ai fait un retour sur moi, j'en ai même fait plusieurs grâce à Carla qui connait un tour-opérator spécialiste du retour sur soi (et aller sur les autres), eh bien j'ai compris une chose, il faut mo-ra-li-ser.
    Ah là j'étais content, enfin il avait compris:
    -Ah bien on en parlait justement avec Pineulope, c'est ce que je pense aussi, toute cette putasserie klaxonnante ce n'est plus possible, les gens voient bien que vous vous foutez du monde et conduisez comme des maffieux susceptibles, ils en sont réduits à bouffer des ersatz pendant que les épicemards se font des fortunes comme leurs pères sous l'occup' bientôt les pères de famille s'échangeront des pneus de Traction contre des boîtes de lait condensé...
    -Eh bien alors ils s'adaptent, je vois pas le problème?
    -Mais vous vous rendez pas compte on va tous finir tondus et encore dans le meilleur des cas si c'est pas plutôt pendus aux lampadaires de la Place de la Concorde, le français c'est un côcu de naissance...
    -Et alors c'est justement ça, ça rentre tout seul pourquoi se priver...
    -Mais dans les belles histoires de cul c'est le cocu qui se congestionne soudain et se met à buter à tout va... mais enfin excuse-moi je t'ai coupé, oui tu disais que tu voulais moraliser... les pratiques financières scandaleuses d'abord je suppose ... 
    -Non mais tu n'as rien compris c'est le peuple qu'il faut moraliser, j'en parlais dernièrement avec des copains banquiers, ce n'est plus acceptable, on a été trop bon, on les a tolérés trop longtemps, pourtant j'ai été hu-main, j'ai fait de la pédagogie pour qu'ils comprennent, j'ai supprimé l'amnistie, installé des miradors... enfin des radars à tous les coins de rue, je les ai pénalisés, fliqués, verbalisés, adéhenisés comme du bétail, encartés comme des putes tout en laissant s'installer la violence quotidienne pour que pris entre deux feux ils puissent plus bouger une antenne et voilà pas qu'ils s'arrêtent de consommer ces salauds-là!

    -Mais je te dis qu'ils peuvent plus.

    -Qu'est-ce que tu racontes, consommer on peut toujours, c'est un devoir sacré, moi-même depuis que j'ai quatre ans j'ai toujours consommé, d'abord des roudoudous et puis des figurines Panini et ensuite des putes suisses à crédit et puis des montres en platine et... pas un jour où j'ai pas consommé, quand on veut on peut.

    Je ne pouvais m'empêcher de l'admirer, quel sens du devoir, quel dévouement... à soi!
    -Alors j'ai réuni une commission de moralisation du peuple, ici même, présidé par le patron de T F Huns qui a lui même une grande expérience dans les domaines du peuple et de la morale et il a été décidé quelques mesures simples et je pense efficaces. D'abord autoriser le cannibalisme en praïme-taïme de soirée, non c'est vrai pourquoi interdire à Bryan le dominant de dévorer Jonathan le dominé en direct parce qu'il louchait sur Vanessa la pute en chaleur, c'est une vision saine de la société et puis c'est un loisir simple, pas cher et familial, ensuite réintroduire la corvée seigneuriale le dimanche devant les établissements bancaires histoire qu'ils comprennent qui sont leurs maîtres, enfin rendre obligatoire le passeport intérieur biométrique, le collier bipeur et le servage à mi-temps afin d'améliorer l'employabilité chez les 8/88 ans...
    Il caressa longuement sa nouvelle blondeur avant de reprendre:
    -Mais attention cela ne va pas sans contreparties, s'ils font des efforts, leurs bons maîtres doivent en faire aussi alors j'ai décidé de réduire ton salaire de moitié, vrai tu t'en rendais pas compte mais ça la foutait mal tout ce fric que tu touchais pour rien!

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