•  

    7 Septembre

     

    J'embarque donc, certes à regrets mais mon esprit de sacrifice est tout entier aux commandes de mon âme. On m'a proposé de voyager en brise-glace atomique en classe économique, j'ai préféré l'avion, en classe affaires, c'est plus rapide, plus confortable somme toute... et moins dangereux.

    Je pose devant les photographes en haut de l'échelle dans un chaud et épais manteau de fourrure et à l'escâle de Reyjkavik je découvre dans les journaux que m'apporte l'hôtesse des Nordnmark Airlines que je suis à nouveau source s'un scandale fabriqué de toutes piéces par les journalistes et les ligues de vertu écologistes, tous m'accusent d'avoir arboré un magnifique manteau de fourrure en peau de Panda, ce que je ne nie pas mais je ne vois pas où est le scandale? Il fait froid là-bas m'a-t-on dit, auraient-ils voulu que j'y débarquasse en slip?

    J'arrive enfin à Kloonberg la capitale du Brümnland. Notre Boeing a tourné pendant une heure, à cause de la brume il ne trouvait pas l'aéroport. C'est l'été il fait froid, l'hiver il fait inhumain. Le gouverneur actuel du Brümnland m'attend à la descente de l'avion... avec ses valises, il tient dans une main une torche enflammée pour se repérer et dans l'autre, ses raquettes de tennis et ses cannes de golf.

    -Ah Monseigneur!

    -Vous pouvez m'appeler "Sous-Altesse ou vice-majesté" maintenant j'y ai droit.

    C'est qu'avec tout ça j'ai pris du grade, à propos de grade, il ne m'en reste plus qu'un à franchir, on l'aura remarqué mais re-chuuut !

    -Ah oui... comme il plaira à Monseigneur, quel plaisir de vous voir sous-Altesse je vais enfin pouvoir rejouer au tennis!

    Il fait signe de sa moufle droite à la fanfare de majorettes en jupettes de fourrure de jouer le "Humpfkë unt Pumpfkë" me salue et monte l'escalier à toute allure et enfin claque la porte du Boeing. Sur ce que le seul journaliste présent, le correspondant du "Kloonberg-Soir" me prend en photos. J'ai l'impression que les adductions de paparazzi n'ont pas encore été installées ici, enfin une heureuse nouvelle.      

    Le conseiller du gouvernement pour les affaires Brümnlandaises m'explique le tempérament et la complexion mentale des habitants de l'endroit dans la chenillette qui nous emméne au palais du gouverneur vice-roi.

    De son long exposé voilà ce que je retiens: les Brümnlandais boivent leur quatre litres de Krüppen par jour, le Krüppen est un alcool fort tiré d'une ancestrale recette à base de jus de couille de phoque pressé et fermenté, ils battent leur femme, violent leur fille quand elle est en âge, jouent de la corne de brûme avec quelque virtuosité, certains hasardent même qu'il en sont les inventeurs, font des embarcations défectueuses avec quoi ils bravent la mer par pure inconscience, éthylisme chronique ou surestimation de soi, pêchent la morue en bande ou périssent seuls en mer selon l'humeur du jour, érigent des tumulus à tous les croisements  de chemins, se suicident plus souvent qu'à leur tour et font leurs courses au supermarché du chef-lieu chaque samedi bref pour résumer: de vrais bretons ces Brümnlandais!

    Le chauffeur arrête la voiture:

    -Nous sommes arrivés? S'enquiert le conseiller.

    -Non panne d'essence!

    Les brumes nous environnent, toutes sortes de brumes, je l'ai dit ici ils s'en font une spécialité.

    -Le mieux c'est de finir en raquettes.

    Nous chaussons donc les raquettes et en route. Kloonberg est sans doute une ville charmante mais nous n'en voyons rien, à un carrefour nous voulons demander notre route à un agent de police en manteau de fourrure qui se révéle être un ours polaire qui fait son shoppingue dans les poubelles du centre-ville.

    -Les putes doivent avoir un mal fou ici? Interrogeai-je le conseiller.

    -Avec un bon sonar à morue on s'y retrouve Majesté.

    -Là-bas une lumière! Nous crie notre chauffeur à pied en nous désignant un clignotement au milieu de la tempête de neige qui commence à hanter la brume, nous faisons aussitôt route vers la lumière et après dix minutes de marche contre le vent nous débarquons dans un ... sex-shop esquimaud.

    C'est très étonnant car les esquimauds étant quoi qu'on en pense frileux, au moins toujours chaudement vêtus, ils ne se mettent jamais tout à fait nus, même pendant leur nuit de nôces et pour eux le sommet de la pornographie est de montrer ses oreilles, on imagine la débauche d'oreilles de toutes tailles le plus souvent congestionnées et mouilléesqu'arborent les jaquettes de films. C'est étonnant mais à force cela en devient troublant et j'en rougis un peu.

    La tempête se calmant nous quittons l'établissement et après trois bonnes heures de marche nous arrivons enfin au palais, malheureusement impossible d'y pénétrer à cause des congères qui en bouchent toutes les entrèes. 

    -Il faut grimper jusqu'au cinquiéme étage, c'est là qu'est la lôge du concierge, mais moi je peux pas je sors d'arrêt maladie. Nous explique le chauffeur.

    Le conseiller se déclarant sujet au vertige et donc fort peu volontaire pour une grimpette, me voilà parti, par la face est, la plus difficile dit-on, à l'assaut de mon propre palais vice-royal., élégant batîment de style "guillauminien triomphant".

    A-t-on idée aussi d'installer le concierge au cinquiéme et pourquoi pas sur le toît?

    Malgré les engelures et sans l'aide d'un quelconque ustensîle alpin j'aborde au cinquiéme, réveille le concierge afin qu'il précipitât une cordée de secours pour mes camarades dans le même temps où je me fais connaître et lui demande le chemin de mes appartements, il m'y conduit sans plus de formalités ni d'égards et derechef  j'entre en fonction et commence à vice-régner en vidant le frigidaire, j'ai une de ces faims moi, l'altitude ça creuse!

    (à suivre...)

     

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  • Cinq Septembre

     

    C'est la rentrée, les vacances sont finies, je prépare mes affaires. Ma Poupetkë m'a fait une jolie surprise, pendant notre absence elle a commandé la remise en état du pavillon au fond du Parc du palais d'Hubertsbörg.

    Je lui en suis gré quoique je me m'interroge sur ses motivations réelles, ne serait-ce point un moyen de m'éloigner de la vie quotidienne du pouvoir, l'on parle d'une intervention qu'aurait fait auprès d'elle ce salopard de premier ministre afin de me caserner en dehors de toute influence politique, en quelque sorte des arrêts de réserve, moi qui me suis toujours cantônné à ce rôle ingrât de prince consort tout cela  ne fait que me renforcer dans mes projets que je céle à tous pour le moment, tout ce que je peux en dire c'est que le cher Eriktkë le Mauve vient d'acheter pour quatre tonnes d'armements divers au Bravmekistan Antérieur, mais chut! J'en ai déjà trop dit.

    J'y prends donc mes quartiers avec le fidéle Pezzolino qui m'a suivi dans mon exil non sans m'avoir distrait quelques objets en prenant le prétexte du déménagement, je m'en ouvre à lui lorsque je ne trouve plus mon second mocassin en peau de parlementaire, un cadeau du cher Eriktkë (c'est très agréable à porter le cuir de parlementaire et je ne comprends pas que l'on ne l'utilise pas plus dans l'industrie des accessoires de mode?):

    -Au moins quand tu me voles des chaussures, vole-moi la paire sans quoi cela ne satisfait personne.

    -Oh je vous remercie Monseigneur! Me répondit-il en raflant le second mocassin.

    Ce garçon a décidément toutes les audaces mais il m'est utile, le cher Eritkë le mauve m'a appris qu'il était correspondant de plus d'une soixantaine de services secret étrangers, je ne vois pas où il prend le temps pour les renseigner tous utilement et dans le même temps brosser mes vêtements, il faut dire aussi que mes costûmes sont si mal brossés qu'il me faut parfois m'en occuper moi-mâme.   

    Second indice qui prouverait assez bien une volonté de la Reine de parfaire mon éloignement, l'ignoble Urinald Fun Froeben vient me prévenir dans un sourire que l'on m'expédie au Brumenland comme Lieutenant Général, représentant de la Reine. Le Brümenland comme on le sait est notre dernière possession ultra-marine, terre large et glacée peuplé de 40000 esquimaux (tous parfums !) tous plus ou moins alcooliques et qui jouxte la partie septentrionale de l'amérique. Cette amérique qui guigne notre possession de longtemps avec son bel appétit de vautour nouveau-né. Le Brumnland tient son nom de cette particularité qu'elle recéle en toutes saisons au dessus de sa tête d'épaisses brumes, qu'il y neige perpétuellement et que l'on s'y géle d'abondance

    Voilà donc la vie d'un prince consort que l'on nous veut faire accroire insouciante et sans contraintes à force de presse. Un jour envoyé sur l'équateur à se rôtir la couenne sous un soleil inhumain parmi des sauvages et le lendemain ou presque propulsée en quelque contrées caverneuses ou iglootesques parmi des peuplades mêmement primitives, c'est bien simple j'ai dans mon carnet d'adresses tous les emplumés, chefs tribaux et autres primitifs antediluviens de la planête... avec leurs numéros de téléphone portable et celui de leur agent artistique aux Nations Unies.   

     

    Cette promotion me trouble, je vais voir le cher Baron Eritkë le Mauve,  dans sa circonscription du Thöf, je le trouve dans le parc de son chateau des Kingoöfzethöf s'entraînant avec ses camarades, tous en unifôrmes

    -Regardez Monseigneur les grenades "def "chinoises que j'ai eu en solde...

    Il s'amuse comme un enfant pendant que le clairon résonne toutes les cinq minutes, il n'y a que lui qui raisonne d'ailleurs ici d'où ma question:.

    -N'y aurait-il pas eu des fuites concernant nos préparatifs. 

    -Vous rigolez Monseigneur nous sommes des professionnels! Dit-il en balançant une grenade chinoise qui explose en délivrant beaucoup de fumée, nous suffoquons tous un bon moment:

    -Vous vous êtes fait refilé un lôt de fumigênes mon cher baron.

    -Salauds de gniaks!

    -Vous les avez achetées où?

    -Dans un magasin Bomborama de Beyrouth je vais me les faire rembourser, c'est remboursé ou satisfait sur leur pub. S'exalte-t-il en me montrant un dépliant publicitaire en anglais, en arabe et en couleurs

    -Votre avis mon cher baron consens-je ou ne consens-je point? D'autant que le Brumenland ça n'a quand même rien de très attrayant.

    -Ah je ne crois pas, c'est très agréable au contraire, c'est comme le Thöf... avec les brumes en plus.

    Je regarde autour de moi la plaine rase, boueuse et emmoustiquées car nous sômmes en été, ce n'est guère un encouragement à accepter dolemment mon exil.

    -Voyez moi à votre place Monseigneur j'accepterais mais à vos conditions et surtout je demanderais que sa Majesté vous accorde le tître de Vice-Roi du Brumnland, cela ... comment dire? Oui cela habituerait les gens si vous voyez ce que je veux dire....

    Ce garçon est un fin politique sous ses emportements de brûte expéditive.

    Je me rapatrie donc à Upschloüt et dicte mes conditions, il faut croire que l'on a tant envie de se débarasser de moi car elles sont toutes acceptées, quand même j'ai quelque regrets de découvrir que ma Poupetkë se sépare de moi sans réticence ni regrets, car enfin même si le Brumnland est desservi par l'avion, c'est un éloignement quand même, c'est le cher John Branke, rentré lui aussi dans la capitale qui me livre les raisons de ma disgrâce: les américains ont communiqué au Palais des photos infrarouges de notre expédition punitive contre le relais de télévision du Mont Pipard, de vraies pipelettes ces gens-là, mentalité de bonnîches ils surveillent la planéte entière, on ne peut même plus pisser contre un mur sans être géolocalisé, photographié et dénoncé sinon emprisonné. De plus c'est ce cher Petcho Larigaïe qui m'en informe, la Reine aurait appris le mariage catholique de notre douce Klopilde et s'en serait formalisé, c'est d'autant plus ridicule que l'on n'a jamais trop de bénédictions formées sur le bonheur d'un couple, enfin je pars en exil vice-roi d'un pays brumeux et en espérant en revenir un peu mieux que cela mais chuuut!

    (à suivre...)
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    25 Août

     

    Ah non décidément ce dîner officiel à l’Elysées ne s'imposait pas, il nous a fallu quitter shorts et tongs pour nous sangler interminablement dans nos atours officiels.

    Fun Froeben lui est ravi, il va pouvoir papoter avec ses collégues français même s'il les tient en piètre estîme, il ne prend pas trop au sérieux nos traditions républicaines sur ce point je suis d'accord avec lui il est toujours ridicule de devoir inventer ce que l'on n'avait qu'à recueillir, la France fut grande, sûre d'elle et pérenne sous nos rois depuis la révolution, elle s'improvise des destins successifs et le peuple français ressemble à un auto stoppeur au bord de la route le doigt ou le poing perpétuellement levés et ne sachant où il couchera à l'étape sur un galetas ou dans un lit de plûmes, le plus souvent d'ailleurs il se réveille au lendemain de quelque aventure sur la paille et dépouillé de promesses et d'espérances.    

    Pour ce jour je ne fais pas l'effort d'endosser l'unifôrme je me contenterai d'une queue de pie toute diplomatique et de quelques décorations françaises, la reine est Grand-Croix de la Légion d'Horreur je ne suis que commandeur du Mérite Agricole sans doute du fait de mon grade d'Adjudant Général du Génie Rural  et de mon travail inlassable sur mes terres de Bonpéze, l'étiquette a bon dos une fois de plus l'on me compte les honneurs, alors pour défier Fun Froeben et d'autres je n'arbore ce soir que mon "poireau" et ma Médaille de Sauvetage obtenue à dix-huit ans à Saint Kassek’h, modeste station balnéaire de la côte bretonne où je passais alors des vacances studieuses (quoique venteuses)  après avoir échoué une seconde fois (de presque peu) à mon bachot.

    J'avais été décoré en sauvant avec mon brave chien Rataplouf un magnifique Terre-Neuve de haute race, une baigneuse allemande d'une noyade inéluctable, il faut dire que j'avais transpercé son matelas gonflable alors que nous nous livrions à des débordements que seule notre jeunesse pouvait excuser et  bataillant au plus profond de son âme amoureuse j'éperonnais dans le même temps de tout mon jeune tempérament l'ustensile pneumatique qui se dégonfla très vite nous livrant à cette mer que l'on dit cruelle et qui se révéla en sus profonde car sans nous en rendre compte, trop absorbés par nos jeux, nous avions dérivé jusqu'au large et même un peu au delà.

    La pauvre Helga, elle s'appelait Helga, se raccrochait à moi et quoique puissant nageur, je me raccrochais autant à elle victîme d'une crampe d'après crampe fort mal venue, bref nous coulions ensemble dans beaucoup de cris et d'insultes mais bien heureusement le brave Rataplouf qui écoutait la radio sur la plage en sirotant un Coca, entendant nos cris ou guidé par son seul instinct sauveteur et son attachement à ma personne vint à notre secours en s'engouffrant dans les flôts et en nageant sur plus de quinze cents mètres à l'aller comme au retour, je remerciais le ciel d'avoir opté pour un Terre-Neuve plutôt qu'un Saint-Bernard quand marraine m'avait demandé de choisir entre les deux races pour mes étrennes quelques années auparavant, je ne crois pas qu'un Saint-Bernard eût montré le même atavisme nautique.

    Ramenée sur la terre ferme la donzelle pour faire bonne figure devant ses parents et expliquer ma présence à ses côtés, ou plutôt juste au dessus, me présenta en héros à la presse locale tandis que je mettais modestement en avant le fidéle et robuste Rataplouf et ensemble nous fûmes à l'honneur tous les deux et décorés en même temps sur le front des inscrits-maritîmes de Saint Kassek’h par le contre-amiral Lepontantec'h.

    Par la suite j'appris qu'il il avait fallu un certain nombre de rustines pour colmater... ma baigneuse, le matelas gonflable étant lui compté pour définitivement perdu.

     

    Mais assez parlé de mes exploits maritîmes revenons sur terre, notre bonne terre de France, nous arrivons donc dans la cour de l'Elysée, le chef du protocole nous annonce que la fanfare et le détachement militaire prévus pour nous rendre les honneurs sont en gréve, de fait nous voyons des militaires assis sur le perron et des musiciens la grosse caisse en l’air vautrés sur les graviers. J'ai honte, dans le temps le Général aurait fort aimablement fait fusiller tout ce petit monde mais la mode de la grandeur est passée dirait-on, le président français nous en administre très vite une nouvelle preuve, il n'a invité que des sportifs suédois, et des artistes norvégiens, l'on dira qu'il n'est certes pas passé loin mais quand même. Seule tête connue Charley Bédouani mon « manageure » que je m'étonne de trouver là :

    -Bah bah bah! Je suis venu respirer un peu l'air du pays et prendre des contacts pour notre petite affaire et puis je connais bien le petit, je l'ai connu tout petit... oui enfin encore plus petit que ça ... si on m'avait dit qu'il ferait un jour président celui-là...  

    -De la discrétion monsieur Bédouani, surtout de la discrétion. Nous ne nous connaissons pas.   

    Je regrette de ne pas avoir emporté d'imperméable de soirée et de lunettes noires de cérémonie.

    -Bon j'ai commandé des pizzas au caviar pour tout le monde... la pizza tout le monde aime ça! Nous annonce le Président français tandis que nous prenons place, un peu étonné, autour de la table de 150 couverts.

    De fait moins d'un quart d'heure après arrivent dans la cour du palais une noria de mobylettes et de scooters et des dizaines de livreurs de pizza entrent dans la grande salle de réception le carton à la main.

    -Quelle idée originale! S'extasie la reine très diplômate quoique tout à fait dégoutée.

    A ceux qui n'ont jamais eu devant les yeux et les narines une pizza au caviar, je préfére n'en rien dire, une telle recette ne peut germer que dans un esprit malade, c'est parait-il le plat préféré de notre hôte il la déchire à grandes dents, il s'en met partout sur son smoking de videur de boîte de nuit, sa chemise à jabôts de guitariste manouche et jusque sur l'unifôrme de notre Koonradt constellé de noyaux d’olives et qui toujours très à cheval sur le réglement se retient pour ne pas le prendre par le fond de sa culôtte et le propulser promptement sur les pelouses. 

    J'ai re-honte. Dans le temps un type comme ça aurait fait une brillante carrière dans les cuisines, à la plonge ou en julôt casse-croûte aux Batignolles mais sûrement pas dans le 8° arrondissement.

    Il vérifie longuement les notes, demande leurs papiers à quelques livreurs étrangers, en fait mettre en garde à vue une bonne dizaine. Quel vil flicaillon!

    Au dessert pour lui remettre les idées en place je fais venir Fun Froeben, il porte, un peu gêné, quelques bonnes bouteilles de mon vin de noix.

    Je suis adepte de la vieille théorie stratégique de la riposte graduée, aprés sa pizza au caviar, je saute le Chateau Bonpéze 2005 pourtant l'un des plus redoutables crus de ces dernières décennies et je passe direct au vin de noix, pas de quartiers, Dieu reconnaîtra les siens.

    On n'imagine pas ce que cela peut-être offensif le vin de noix.

    Plus encore que Chateau-Bonpéze il est l'objet de tous mes soins, mon vin de noix, c'est une vielle recette du Père Beignalous dont j'ai longuement parfait la mise au point.

    -Monsieur le président vous goûterez bien de ce vin de noix que nous élaborons sur notre bonne terre de Bonpéze.

    Il me répond qu'il ne boit jamais d'alcool pendant qu'un maître d'hôtel apporte à la Reine, dans une soucoupe, l'addition.

    L'ignoble gnôme explique à ma Poupetkë qui lui demande des explications que c'est comme ça maintenant avec les petits pays de l'Europe mais que les cafés sont pour lui.

    Je vois ma Poupetkë blanchir de colère et passer la soucoupe à cet imbécile de Fun Froeben qui met sa carte de crédit dans la soucoupe et la regarde s'éloigner avec un gros regret vers la caisse nouvellement installée en fond de salle derrière laquelle trône une grosse femme fardée et en fourrure.

    Alors la Reine ouvre l'une de mes bouteilles et remplit le verre du nabot:

    -Les ligueurs sont pour moi.

    Il est bien forcé de siffler le gobelet. 

    Après quoi nous nous levons pour la petite déclaration à la presse et à la télévision.

    Au début il tient le coup, mais très vite il tient surtout le pupitre devant lui, s'y accroche, bredouille, remercie le gouverneur de Caracas, crie "merde aux belges!", salue les pingouins libres du monde entier, décroche subitement et s'étale de tout son... court. (à suivre...)

     

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    23 Août

     

    Le temps passe, en vacances, plus vite encore qu'à l'extérieur, l'extérieur des vacances, donc l'intérieur de toute existence civile autant qu'humaine. La reine a fini par convaincre notre Klopilde d'accepter une seconde cérémonie de mariage plus protocolaire et simplement réglementaire qui se déroulera en grand apparat en Septembre en la cathédrale protestante d'Upschloüt. Jusque là leur union n'a été que modestement bénie à Las Vegas par un pasteur de rite Elvispresleyien  peintre en batîment dans le civil.

     

    Intérieurement je pense qu'il faut à ces enfants quelque chose d'un peu plus sérieux, aussi convoquai-je prestement et secrétement le Père Fulmance des Emplettes qui est en pélerinage sentimental en son village natal, et sur ses terres familiales des Emplettes-Chezlopéze, pas trop loin de Bonpéze donc afin d'organiser secrétement bien sûr une bénédiction toute apostolique et romaine Très vite mon confesseur nous rejoint et avec le Père Prosper-Théobald nous organisons la cérémonie, que nous voulons la plus discréte possible mais sans omettre bien  sûr nulle rubrique du saint sacrifice, le cher Lopeck étant polonais donc catholique accepte volontiers l'idée bien qu'il soit déjà deux fois marié:

    -Mais jamais devant prrrrêtre pas con Lopeck!

    Nous crie-t-il en inspectant le dessous de l'autel qui aurait bien besoin selon lui d'une petite révision avec remise à niveau des burettes. 

    Les préparatifs se déroulent dans la plus grande discrétion et le plus parfait anonymat chez le père Fulmance, il nous a trouvé une charmante petite église: sainte Clozette, au bord de la Gerbouille, la rivière qui sinue de village en village et passe au bord de Chateau Bonpéze, le titulaire de la chapelle, le curé des Emplettes-Chezlopéze le père Jean-Plaude Kluc, moderniste post-conç à la manière des années 70, un grand nostalgique donc du concile Voudstock II, des goûters du jeudi  et de la Piste aux étoiles, nous propose d'abord "de faire ça à la salle municipale, au moins c'est climatisé." Nous lui répondons que  la salle municipale n'a point toute la sacralité requise par la cérémonie.

    -Ouais tout ça c'est plus de notre époque, vous y croyez vous encore à ces gamineries? Le baigneur en croix, le coup de l'ascenseur et des petits pains farceurs tout ça il faut le dire ça parle plus aux jeunes. Et vous voudriez  faire ça quand ?

    -Eh bien nous avions pensé que dimanche prochain...

    -Ah non, non, pas question je travaille plus le dimanche, moi, l'église est fermée le dimanche, de toutes les façons on faisait plus un rond, même pour les quêtes j'y allais de ma poche.

    -L'on m'a dit que vous aviez des oeuvres mon père.

    -Tu peux m'appeler Jean-Plaude mon gars comme tout le monde, oui je m'occupe d'une communauté brésilienne d'anciennes miss de plage devenus prêtres transexuels de Sao-Paulo.

    -Oeuvre admirable à laquelle je serais heureux d'apporter ma contribution. Dis-je en sortant mon carnet de chéques (je suis demeuré fidéle à mon CCP d'étudiant , ainsi la Reine ne vérifie pas mes relevés de compte, elle prend leurs correspondance sur papiers chiottes recyclés trois fois et leur publicité pathétique type social-traître/ tiers-monde qui veut se monter, pour une oeuvre française d'aide aux bengladeshis dans la desh.) 

    L'accord est vite conclu, il nous laisse la disposition de la chapelle Sainte Clozette pour notre cérémonie, quelque peu clandestîne.

    En effet on l'aura compris, il me faut apporter le moins de publicité possible à cet événement pourtant si réconfortant moralement, la Reine elle-même (et je ne parle pas de la reine belle-mère!) doit ignorer tout des préparatifs et de leur sainte conclusion aussi résolus-je que la bénédiction sera donné aux premières heures du matin.

     

    Le jour dit il nous faut user de stratagêmes nombreux et adroits pour ne point éveiller l'attention de ce saligaud d'Urinald Fun Froeben toujours aux aguets et des deux reines (fille et belle-mère) consignées aux quartiers. J'ai donc organisé une partie de pêche, exercice qui comme on le sait se pratique aux aurôres,

    Nous partons donc tous au petit matin avec nos cannes à la main, Lopeck en salopette, il ne la quitte jamais, ma chère et douce Klopilde en capiteuse et spectaculaire robe blanche malgré que son capitale de pureté sinon de candeur me semble sérieusement amputée, elle cache incomplétement sa parure resplendissante sous un imperméable de même que notre cher Koonradt en grande tenue de colonel, il tient de moi ce goût pour l'uniforme.  

    Au moment où nous faisons mouvement tous ensemble et nuitamment voilà pas que la belle dôche arrive avec son épuisette:

    -Attentez-moi les envants je fiens avec vous.

    Difficile de s'en débarasser, avec le cher Uurtikrn nous l'emmenons au bord de la Gerbouille la petite rivière qui borde notre propriété de Bonpéze, nous l'installons là sur un pliant:

    -Mais où zont les z'audres?  

    -En contrebas mais vous serez mieux ici sous les saules.

    Elle prend ses aises sort deux bouteilles de Smörgg de ses pôches immenses quoiqu'en proportion de l'animal impressionnant qu'elle est.

    Nous faisons un peu de figuration avec le cher Uurtikrn, agitant nos gaules sous ses yeux pendant qu'elle commence à biberonner en attendant que nous fassions appel à ses talents de d'épuisettière.

    -Achzz il vait pon izi! Somnôle-t-elle.

    Quand elle a terminé sa deuxiéme bouteille de Smörgg, elle commence à ronfler et je fais signe à Uurtikrn que nous pouvons faire mouvement.

    Nous arrivons avec quelque retard à Sainte Clozette, les Pères Prosper-Théobald et Fulmance nous attendent, Lopeck qui a emporté sa caisse à outils est sous le grand orgue en train de réviser la soufflerie qui donne des signes d'épuisement.

    Certes tout le monde baille un peu, il est très tôt, malgré quoi la cérémonie se passe magnifiquement, ma douce Klopilde rayonne dans sa robe immaculée et Lopeck, dans sa salopette qui l'est beaucoup moins, fait malgré tout bonne figure, les "ouis" sacramentels sont prononcés sans effort et même avec un bel élan et quand nous sortons sur la parvis de Sainte Clozette le soleil nous arrive en renfort, seule  fausse nôte au même moment la belle-mère ex-régnante passe en ronflant devant nous au fil de la rivière qui coule devant l'église. Sans doute sera-telle tombée à l'eau après sa quatriéme bouteille de Smörgg. On la repêche et quoi faire d'autre? Grâce à Dieu elle n'a point trop souffert de son immersion, en vérité elle ne s'est rendue compte de rien, je la crois bien insubmersible, l'animal.   

    (à suivre...)

     

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    17 Août

     

    Notre petit Koonradt est arrivé ce matin, il ne m'a pas reconnu, il faut dire qu'il m'a fallu me raser entiérement la tête poils et sourcils inclus, je ressemblais à une mine marine, ce qui a provoqué quelque étonnement de ma Poupetkë et de toute la famille. J'ai pris la chose avec désinvolture:

    -Petite réfôrme morale et physique dis-je en remettant mes lunettes noires, malheureusement il m'a fallu aussi dans l'affaire sacrifier ma moustache de pronunciamentiste en puisssance.

     Koonradt a eu une permission de son capitaine, cela ne l'empêche pas d'être en uniforme de colonel  de son régiment, il l'a eu à sept ans, son régiment, sept ans l'âge de raison, comme tout prince héritier de la courônne de Nordnmark,  son frère cadet mon bon Uurtikrn fut déçu de ne pas en avoir un, de régiment, lui aussi pour son anniversaire l'année suivante. Devant les cris et les disputes et sa déception, j'avais proposé à la Reine, pour qu'il n'y eut point de jaloux, de lui en attribuer un, de gendarmes à pied ou d'assistantes sociales à cheval, n'importe quoi pour amuser l'enfant mais bien entendu l'on ne manqua pas l'occasion de m'humilier une fois encore, depuis mon romantique Uurtikrn déçu dans ses espérances militaires cultive un pacifisme vestimentaire et moral qui m'apparait comme son seul vrai défaut.   

    Et puis notre Koonradt n'est guère prêteur, il tient ça de sa mère (concédons-le!) et chaque fois que le bon Uurtikrn voulait s'amuser à conduire son régiment au Zoo ou au square, son frère prétextait une sortie ou des manoeuvres pour lui en confisquer le plaisir.

    Alors pendant que mon bon Uurtikrn porte son  triste uniforme de grunge notre cher Koonradt bien que faisant son temps militaire dans l'aviation arbore plutôt que la tenue d'aspirant de seconde pompe un éclatant costûme de Colonel du 11° régiment de Renkeyser de la reine, le tître est un peu pompeux, d'abord parce que l'on aurait peine à trouver les dix régiments qui le précédent sur le papier et qui sont tous symboliques maintenant et ensuite parce que l'on pourrait traduire ce substantif  de "Renkeyser" par conducteur de rennes. Il est gardien de rennes quoi!

    J'ai dit l'attachement que le nordmois a pour le bestiau sacré, sans doute parce que pendant des siécles le renne l'a nourri, vêtu  et permit de commercer avec les autres sauvages  habitants de ces contrées tardivement et incomplétement (constatons-le honnêtement!) civilisées mais cette considération qu'il a pour ces animaux a de nos jours viré à l'idolâtrie et à une manière d'animisme anémié car sans sacrifice humains ni festivités un peu colorées.

    Le renne est un ruminant, un animal maussade et fataliste, tout comme le nordmois et il partage avec lui la même qualité dominante et précieuse en ces pays: il n'est pas frileux.  

    Malgré tout je suis heureux de revoir mon enfant. Un bonheur n'arrivant jamais seul le cher Sir John Branke Strikeman nous rejoint dans l'après-midi, je le découvre dans un champ alors qu'il est en train de replier son parachute:

    -Ah tétesse, jieu passais par là par hasard et l'idée m'est véniou de venir vous présenter mes respects amicaux et parachutistes... où est mon chapeau?

    Il m'apprend le retour de son chapeau décroché d'un arbre en même  temps que celui de son épouse à l'ambassade conjugale.

    -Heureuse nouvelle donc!

    -Point complétement elle a beaucoup perdu en bourse, sans doute pourquoi son français l'a quitté. A propos de français l'on me dit que vous allez rencontrer the little shit... je veux dire le président français ...

    -Dîner officiel tout à fait superfétatoire à mon goût.

    -Et au mien donc cet homme est d'une goujaterie, lors de son dernier voyage officielle chez nous il n'a cessé de tripoter la reine, enfin a-t-on idée même son époux y a renoncé depuis bien longtemps. Entre nous Altesse, les américains sont très fâchés contre lui suite à de récents bombardements stratégiques aux Pepsico Islands tout à fait hors de propos et il veut se refaire il va essayer de vous vendre des chasseurs-bombardiers tactiques.

    -Ah tiens don' mais nous n'en avons pas l'usage, il me semble. Mais pour bombarder qui nous sommes en paix avec tout le monde?

    -Oh pour ça on trouve toujours, regardez les américains, il s’invente des ennemis tous les jours, le jour où ils ne s’en trouveront plus ils tomberont de cheval et on en parlera plous! Et puis votre flotte de chasse dâte quand même des années cinquante.

    -Et cela se remplace tous les combien une chasse?

    -Mettons qu'il serait temps de vous débarasser de vos avions à pistons.Vos aviateurs y pensent aussi d'ailleurs, vous avez le plus fort taux de perte de l'alliance atlantique.

    -Ah quand même nous sommes champion de quelque chose! Mon Dieu et notre Koonradt qui sert dans l'Armée de l'Air.     

    -Je vous le dis il serait temps de s'en inquiéter. Or une proposition va être faite par le consortium Fairthrope-British Teapot-Aircraft-Drumman Corporation dont je suis le représentant exclusif pour le Nordnmark, mais cela ne doit compter pour rien bien sûr dans vos réflexions, c'est malgré tout un marché de plusieurs milliards de Brelotkë sur quoi mes amis américains insistent pour qu'un pourcentage de 5 % au moins aille abonder vos oeuvres Tétesse en particulier votre Fondation d'Art Post-Contemporain qui les intéresse au plus haut point.    

    -Ah tiens don' je ne voyais pas vos texans aussi ouverts à l'Art Post-Contemporain. Mais mon cher vous accordez, je le crains, trop d'importance à mon faible pouvoir d'influence.

    -De ce que j'ai compris, tout devrait se jouer lors de la prochaine réunion de l'OTAN à laquelle vous représenterez sa Majesté la Reine. Une déclaration de votre part après une démonstration en vol de notre WC 29 Shootnuns aurait pour nous valeur d'engagement.

    -Vous oubliez mon cher John Branke que dans ma poitrîne bat encore un coeur français

    -C'est bien cette fidélité à vos principes qui m'inclinent à penser que vous ne pourriez décemment faire prendre des risques à vos jeunes pilotes nordmois dont le jeune prince Koonradt or le nouveau chasseur bombardier français Razfoune à rétro-pédalage furtif et décollage oblique, s'il montre des solutions élégantes sur le papier n'est absolument pas au point et même dangereux d'usage le dernier prototype parti du Bourget s'est crashé sur une sanisette de la campagne de Reims même si l'affaire a été adroitement tenue secréte.

    -Nous verrons mon cher John Branke. En attendant nous ferez-vous le plaisir de déjeuner avec nous.

     

    *

     

    Plus étonnant, deux heures après alors que nous venons de raccompagner Sir John Branke au car pour Londres, qu'elle n'est pas notre surprise de voir arriver un second parachutiste, celui-là vise semble-t-il la grande pelouse, deux hectares quand même, et tombe avec grâce au milieu de la piéce d'eau. 

    C'est avec plaisir que je reconnais... là-dedans ce cher Petcho Larigaïe.

    -Je m'ai penché, je m'ai tombé... nous explique-t-il en se débarassant des nénuphars et autres plantes d'eau.

    Une fois séché et réconforté avec une vieille prune hors d'âge et alors que nous nous promenons malgré mes douleurs de pied, mes doigts sont toujours dressés et comme sur le qui-vive, dans la campagne sous une petite pluie pas désagréable, passent au dessus de nous trois chasseurs à réaction fort bruyants:

    -Oh mais diantre ne serait-ce point de nos nouveaux chasseurs bombardiers tactiques Razfoune, oh Monseigneur voyez quelle belle allure ils ont!

    -Je ne vous connaissais pas cette attirance pour les avions de chasse, mon cher, vous un littérateur, un poête, un homme d'esprit et de réflexion!

    -C'est justement cela la figure du chasseur-bombardier tactique dans la littérature contemporaine est sous-exploitée Monseigneur, je rêve de faire un grand poême là-dessus.  

    -Ah tiens don'!

    Il ouvre sa musette:

    -Voyez Monseigneur j'ai quelque documentation ...

    Il sort force illustrés en couleurs puis ce qui lui semble être quelques solides arguments de vente:

    -... d'autant que le gouvernement français m'a-t-on dit voudrait faire profiter Monseigneur de son offre spéciale tiers-monde: je m'équipe en Avril et je commence à toucher dessus en Mars... plus les mémoires en bandes dessinés de notre président... plus la compil' discographique de la présidente doublée dans le langage des signes... plus la photo dédicacée... plus le tee-shirt et la casquette coordonnée... plus le bandana...

    Bien sûr, son patriotisme excuse son activisme commercial au service des Armes françaises mais j'ai tôt fait de le démonter.

    -Je vous arrête tout de suite mon cher je n'ai que peu d'influence dans le traitement de ce genre d'affaires industrielles, j'y prends même assez peu d'intérêt.

    -Oh comme je vous comprends Monseigneur... moi-même... pourtant si vous vouliez toucher quelques mots à la Reine...

    Il est tout essouflé au dessus de nous les avions font une véritable démonstration, la Reine est sortie sur la terrasse et observe tout cela avec grande attention, soudain deux missîles partent de l'un des aéronefs, l'un va percuter la sanisette sur la place de l'église, l'unique sanisette de Bonpéze de style Jaclang triomphant et classée Monument Hystérique  pendant que le second détruit l'abri-bus Jeanclaudedecauxnien tardif à la sortie de la bourgade qui n'était pas même à l'inventaire supplémentaire mais s'avérait fort utile surtout l'hiver.

    -C'est... c'est  vous l'aurez noté, Monseigneur, actuellement le meilleur chasseur d'abri-bus et de sanisettes en capacité tout-temps du bloc Atlantique!

    -Impressionnant en effet autant que bruyant mais je crains que ce genre de divertissements enfantins ne soit plus guère de mon âge... et si nous allions aux champignons!

    (à suivre...)

     

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  •  

    Quelques heures aprés nous gravissons nuitamment le Mont Pipard, Maître Bourmous (ici on prononce Bourmouss) et moi portons tout le matériel en tant que derniers intronisés, nous voilà « cul de patte » encore une fois. Cette fois nos bannières restent en poche. Il s'agit de ne pas se faire signaler par quelques patrouilles de la maréchaussée. Dans le temps c'était les douaniers qui tenaient les crêtes, il y avait force contrebandes avec l'Espagne tout prôche.

    Jacky Chombard marche en tête, il a des lunettes infrarouges qu'il ne prête à personne et avec quoi il nous ouvre le chemin.

    Aprés deux heures de marche éprouvante nous arrivons enfin devant l'émetteur.

    Le père Prosper-Théobald veut se soulager mais Jacky le rappelle à l'ordre:

    -On ne bivouaque pas mon père il s'agit de pas laisser de traces.

    Ce cher Jacky a tout prévu, nous portons combinaisons, sur-chaussures, fausses semelles et capuche étanche. 

    -Bon à vous de jouer! Dit-il à l'adresse de Maître Bourmous et de moi-mâme toujours désignés d'office eu-égard à notre peu d'ancienneté dans le grade le plus modeste, nous ne sommes pas même encore au bureau directeur des Joyeux Autonômes du Beaufinois qui au total ne compte que cinq adhérents c'est dire.

    -Et n'oubliez pas on coupe le grosse tresse rouge du haut et surtout pas la grosse tresse bleue du bas et on pense à amorcer l'enfumeur.

    L'enfumeur c'est une vieille recette de passionaria qu’il tient de José Bové avec qui il est resté enfermé dans les toilettes d’un Mac Donald plus de trois jours et dont il a gardé un souvenir ébloui, je disais l’enfumeur donc est une sorte de bombe à gaz bricolée avec force lessives enzymatiques et anti-nucléases genre Bonux et tout un tas d'autres bonnes choses qui dégradent les possibles traces ADN et enrhûment définitivement les pandores, fussent-ils breveté psychologue selon Jacky qui par goût de la farce sémera  en sus quelques poils de cul allogénes sur les lieux .

    -Mais d'où viennent-ils mon cher Jacky et surtout de qui?

    -Ah on les a pris à la source, je les ai par Maïtresse Josy.

    -Diantre elle officie toujours au chef-lieu.

    Je l'ai connue, dans le temps, mon jeune temps, une nature, un tempérament cette Josy et le souci du travail bien fait.

    -Elle m'a refilé des extraits intîmes, pour ainsi dire des "condensés" du député-maire, du colonel de la brigade de gendarmerie et de quelques autres personnalités "qualifiées autant que représentatives" on va rigoler.

    Sur ce que quoi Voualtère Brummeliche (même le dimanche) force la porte de fer et coupe les circuit de protection et de surveillance pendant que le Père Prosper-Théobald nous bénit d'abondance.

    Nous voilà avec Bourmous dans le batîment, des fils électriques ce n'est pas ce qui manque, il y en a partout.

    Je laisse faire mon compagnon qui a toujours eu une bonne mémoire, on ne naît pas notaire par hasard.

    -Tiens-moi ça tu veux La Guenuche pendant que je prends les tenailles.

    J'avise une grosse tresse verte par le milieu.

    -Tu es bien sûr que c'est la grosse tresse bleue d'en bas qu'il a dit de couper et pas la grosse tresse verte du milieu?

    -Ben tiens, aussi sûr que je suis Maître Bourmous fils de Maître Bourmous! Proclâme-t-il fiérement à ma face interrogative.

    Il agite ses tenailles et cela fait:

    -Shhhlooouuupspaooouffcht!

    Et nous restons soudés ensemble traversé par une vibration puissante et vraiment dépaysante qui nous immobilise et semble nous vider de toute intimité.

    Heureusement Jacky Chombard vient aux nouvelles et nous dégage adroitement de ce champ électrique sans doute funeste à long terme pour notre métabolisme:

    -Alors ça va? Vous êtes bien sûr que ça va? Vous venez quand même de vous prendre quelque chose comme 80000 volts.

    La secousse nous a secoués c'est certain et quelque peu transformés.

    Phénomêne étonnant nos cheveux et poils roidis, fondus et durcis par la décharge électrique ont transpercé nos capuches de plastique et en partie haute nous ressemblons à des oursins fraichement pêchés, plus déplaisant encore en partie basse nous bandons ... des doigts de pied, ils sont étonnament relevés et tendus à l'extrême, c'est surprenant à voir ce priapisme pédique mais très gênant pour marcher:

    -Mais qu'est-ce que vous avez foutus...

    -Oouupfsss! On ne sait plus! Marmonne Maître Bourmous confus et plus tellement assuré de sa filiation non plus que de son existence terrestre.

    -C'est raté! Déplorai-je.

    -Raté, tu rigoles Monseigneur, regardez plutôt.

    La vallée est dans le noir, au moins jusqu'au chef-lieu.

    Sur ce la bombe explose avec une belle éloquence et rase très proprement le bâtiment.

    -J'ai dû foirer un peu les proportions de Perchlopermangazoate de Turlubenzéne!

    -La prochaine fois demandez donc à mon maître de chais de vous renseigner là-dessus, il est incollable en chimie amusante.

    Nous redescendons bras dessus bras dessous Maître Bourmous et moi vers la vallée avec de  grandes difficultés à cause de nos  satanés doigts de pied en érection sans compter que l'on pique, c'est effrayant.

    (à suivre...) 

     

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  •  

    16 Août

     

    Ai-je rêvé de cette soirée quelque peu agitée, je me souviens  que ce cher Jacky Le Chombard m'a raccompagné tôt le matin dans sa Citroën Méhari orange, mais du reste hormis une forte migraine...

    Je m'habille... enfin Pezzolino m'habille:

    -Sa Seigneurie a eu une soirée agitée?

    -Occupe-toi de tes pizzas veux-tu. Tu as brossé mes cheviottes?

    -Oui Monseigneur.

    -Eh bien alors sors-moi un costume de velours.

    Je descends à presque onze heures, ce qui n'est guère dans mes habitudes, je croise dans l'escalier Urinald Fun Froeben le Grand Chambellan de la Cour:

    -Qu'est-ce vous foutez chez moi vous! C'est pas assez de nous emmerder à l'année il faut que vous veniez encore me casser les noix en vacances! Allez donc chambeller ailleurs mon vieux!

    -Sa Majesté m'a convoqué. Je défére à ses ordres. Aboie-t-il en claquant des talons.

    -Eh bien déférez.... mais sans bruits j’ai un de ces mal de tête! 

     

    Ma Poupetkë m'informe que nous avons reçu une invitation du président français il nous convie à un dîner officiel la semaine prôchaine à l'Elysée, la barbe, nous sômmes à Bonpéze en séjour privé quelle mouche le pique? En mesure de rétorsion pour cette invitation mal à propos je me promets de lui apporter quelques bonnes bouteilles de Chateau-Bonpéze.

    Etrangement la Reine-Mère m'accueille amicalement et me sert d'autorité deux Alka-Seltzers bien tassés. 

    -Ah fotre ami avec une gueue de chwal, Jacky vous cherchait dout-à l'heure! M'informe-t-elle.

    Jacky Le Chombard ne porte pas une queue de cheval mais une paire de couettes.

    Je le regarde elle semble rêveuse comme une jeune mariée... du corps des dragons.

     

    Jacky Chombard est venu au chateau prendre de mes nouvelles et s'entretenir avec moi, c'est un garçon qui gagne à être connu. Hors cette propension qu'il a d'élever des loups en pays d'élevage. Un peu intimidé il s'est d'abord adressé au père Beignalous:

    -Le Cagadou? Oh il va bien, aussi couillon qu'il est solide!

    C'est dit sans malice et il vaut mieux être tenu pour couillon en ce pays que clairvoyant en bien d'autres contrées.

    Il s'en allait avec discrétion quand je suis arrivé:

    -Eh bien mon cher vous avez fait forte impression sur la Reine-Mère.

    Il rougit, tressaute, perd ses moyens:

    -La... la Reine-Mère vous voulez dire que j'ai...

    Il est effondré et en même temps comme apaisé:

    -Je ... je ne sais pas comment cela s'est fait, j'ai vu un jardinier qui taillait ses rosiers...

    -Mes rosiers vous voulez dire!

    -Je lui ai demandé si vous étiez là... et il s'est jeté sur moi... et j'ai cru qu'il... c'était donc madame votre belle-doche...

    -La Reine-Mère en personne ce qui est vous l'avez remarqué assez considérable.

    -Ah Dieu quel engin! Quel monument! Quelle... quelle femme! Je ne sais que dire Monseigneur.

    -Dîtes Raoul plutôt que Monseigneur et continuez mon garçon, vous avez sur elle une influence toute bienfaisante et apaisante.  Décidément l'éleveur de loups montre une attirance étonnante pour les grands carnassiers, réussir à dresser le dragon jusqu'à le faire manger dans sa... braguette voilà qui reléve de l'exploit.

    -Mais vous vouliez m'entretenir mon cher Jacky?

    -Oui, oui Monseigneur... euh Raoul... l'opération est pour ce soir.

    -L'opération quelle opération? On va vous opérer? Vous êtes souffrant?

    -Mais non l'opération contre l'émetteur tévé du Mont Pipard, nous agirons ce soir.

    -Ah! Dis-je assez laconiquement je le concéde.

    Maintenant il me revient le souvenir de quelques serments secrets solennellement prêtés dans la cave du Baltou et aussi de Maître Bourmous se promenant en tutu et montrant ses fesses aux clients de passage venus déranger notre cérémonie clandestine et de ce cher Voualtère Brummeliche (de plus en plus) entonnant quelques chants sonnants et soldatesques en tudesque dans le texte, bref je devine qu'il y eut  du mouvement  et de l'engagement mais de là à participer à la destruction d'édicules appartenant à l'état français, il y a un pas.

    -Et ma participation à l'événement est requise?

    Le cher Jacky qui est un romantique recule devant ma possible défection:

    -C''est à vous de voir Monseigneur.

    Je lui tapôte l'épaule:

    -Il ne sera pas dit qu'un Bonpéze revînt jamais sur sa parole!

    Son visage s'empourpre, je les connais mes gaulois, l'âme au bleu et le coeur au clair.  

    (à suivre...) 

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  •  

    15 Aôut

     

    15 Août: Fête nationale de notre vieille France. Fête de l'assomption de la très sainte vierge. Que de souvenirs j'ai de ces processions à travers la campagne de Bonpèze où enfants de choeur nous défilions aux côtés de l'Abbé Pellefigues derrière la statue de notre Sainte-Mère et au milieu des bannières et des chants.

    Je retrouve dans une armoire mon vieil uniforme de chef scout, je le mets, j'y rentre encore, le temps a passé je ne suis certes plus ce jeune homme de quinze ans assez étincelant d'après mon souvenir, ou d'après d'autres ce "guenuchon neurasthénique" c'était là mon totem, à l'époque  je montais aisément aux arbres (je ne fréquentais point encore les dames) et je traversais de longues périodes d'apathie morale mais ne nous apitoyons pas, le short n'est pas trop short. Je mets les bas de laine aussi et le sifflet et le chapeau et les pataugas et je descends comme ça, très réglementaire sinon tout à fait élégant, sur la terrasse où les enfants, ma Poupetkë et la belle-mère prennent le petit déjeuner et me découvrent en cet étonnante tenue qui marquent de manière éclatante, quoique assez peu confortable cela me sert aux cou...des, la fidélité à mon passé et à ma foi.

    -Et où allez-vous ainzi aggoutré mon ami?

    -Faire un petit tour ma chérie.     

    -Moi jé té dis qu'il est gomplétement fondu ce gon-là! Commente la reine-Mère en se resservant en alka-seltzer.

    Je rejoins la procession sur la place de l'église. Le curé de Bonpéze le père Prosper-Théobald Obouduban-Oujustandsou  un solide congolais, fier buveur et qui posséde une très belle voix de basse, est fort désappointé, l'un de ses enfants de choeur n'est pas là:

    -Je crois bien que ce petit saligaud est-t-allé-z-aux putes à Sainte Peyre! Il me manque un porte-bannière, vous marchez avec nous Monseigneur?

    -Je suis tout à votre disposition mon père, cela me rappellera ma jeunesse.

    La vérité est que j'ai longtemps rêvé de porter bannière mais c'était toujours Jean-Pascal Bourmous, le fils du notaire, le préféré de l'Abbé Pellefigues qui y avait droit.

    L'abbé s'adresse à nous avant le départ:

    -Et si vous êtes bien sages les enfants vous aurez des pains-z-chocolat au goûter. Et n'oubliez pas on tient la ligne, on lâche rien et l'on ne marche pas sur les aubes.

    Je regarde mes collégues enfants de choeur, ils sont comme moi très concentrés, il s'agit de ne pas se louper pour décrocher les pains-z-au chocolat.

    Bien entendu on l'aura compris il s'agit là d'une revanche que je prends sur l'élément protestant de notre famille car la procession tourne traditionnellement trois fois autour du château .

    Quand nous arrivons en vue de château Bonpéze je hausse le son, les cantiques s'enchaînent et je hisse un peu plus haut nos couleurs sacrées.  

    Voualtère Brummelich (liche tant qu'il peut le bien nommé!) le patron du Baltou qui est correspondant du Beaufinois Libéré prend des photos.

    -Achtung! Bittë On zourit! Dankë!

    Premier tour, ça bouge sur la terrasse, les enfants me font des signes, deuxiéme tour la belle-doche monte en ligne et s'agite, troisiéme tour ma Poupetke rappelle tout son monde. Quelle autorité! Qui n'a jamais vu ma Poupetkë commander un demi en terrasse ne sait pas ce que c'est que l'autorité.

    Ah ça chiffre tout de suite les processions dans le coin, nous n'avons pas loin de vingt kilométres dans les jambes quand nous nous attablons enfin sur la place de l'église où trêteaux et bancs ont été installés, je régle trois tournées supplémentaires de pains-z-aux chocolats et de chocolat-t-au lait à mes collégues et quelques autres surnuméraires de pastis à tous les autres, le boulanger apporte aussi des Bouffles ce sont des gros pains farcis de cailloux en praslines, dans le temps c'était des vrais cailloux, avec cela que l'on se rendait aux champs, cela vous lestait pour la journée, le Beaufinois était un pays pauvre et les jacqueries se terminaient souvent par des festins païens et assez inconvenants, j'ai eu quelques ancêtres Bonpéze ainsi mis en brôche et dévorés par des paysans sans égards pour les dépositaires de l'autorité qu'ils étaient. Sans compter que d'un simple point de vue diététique cela ne devait pas être bien fameux.

    -La Guenuche! Béh mais qu'est-ce tu fous là?

    Je me retourne vers le quadragénaire et demi flanqué de deux gamins qui m'apostrophe :

    -Bourmous, le fils du notaire, tu me remets pas? Gerboise Indomptable, la 1° Bonpéze .

    -Bourmous ça alors! Mais ce n'était pas plutôt Gerboise Honteuse...

    Je dois à la vérité historique de ne point celer ce détail, car le cher Bourmous avait gagné ce surnom parce que sitôt repas pris il allait se cacher dans les bois pour "gerber".

    -Non pour les gamins c'est "gerboise indomptable", je préfére.

    -Tu en as combien comme ça?

    -Sept .

    -Bravo.

    -C'est plutôt toi qu'il faudrait féliciter, alors t'es altesse pour de bon. Comment faut-y- t'appeler Monseigneur?

    -La Guenuche, ça va bien et ça me rajeunit.

    -Alors Monseigneur La Guenuche t'as fini par la décrocher ta bannière, je suis arrivé trop tard, j'avais encore du travail à l'étude.

    -Tu as repris l'étude de ton père?

    -Qu'est-ce que tu veux, la tradition, je suis la neuviéme génération de Maître Bourmous notaire à Sainte Peyre de Clerc en Beaufinois. Quelques fois j'ai l'impression d'être un portrait de famille, d'être déjà peint.

    -Bah bah bah ! Rien de plus honorable que de poursuivre la tradition familiale. Ton fils la continuera, le mien aussi et nous pourrons nous mettre hors du coup et parfaire notre salut au large.

    -Tu as sûrement raison  et puis j'ai jamais eu trop d'imagination pour m'inventer un destin comme toi Monseigneur La Guenuche.

    -Maître Bourmous, je vous le dis, avec la meilleure volonté du monde, l'on ne devient jamais au mieux que des personnages.

    "Conversations entre Monseigneur La Guenuche et Maître Bourmous" ce pourrait être le titre du tableau, nous ne sommes que des enfants grimés qui essaient de se faire le plus ressemblant possible à nos rôles. Vanités et fards de l'humaine destinée.   

     

    Peu à peu d'autres personnages nous rejoignent sous les quiets tilleuls de la place Césarin Pébre qui semblent bayer au soir, l'abbé Obouduban-Oujustendssou vient de dire sa dernière messe et a fini sa journée, Jacky Le Chombard passait par là et Voualtère Brummeliche a quitté son comptoir et délégué la conduite de son bar à son épouse Marilyne née Cabressous second bien fessue et qui tient ferme au cap.

    Est-ce échauffement naturel entre grands mâles, effets de l'alcoolémie ambiante ou influence pernicieuse des exhalaisons mellifiques des tilleuls sus-cités nous en arrivons à la conclusion unanîme que l'époque n'a guère de vertu et qu'il convient de la punir pour son impudente outrecuidance.

    -Il faut lui foutre au cul!

    Jacky Le Chombard nous montre la place maintenant vide:

    -Savez-vous où ils sont tous ? Devant leur foutue télé! Et il est où le lien social? Carbonisé le lien social!

    Ce garçon me semble s'exalter un peu vitement, mais l'on aura noté que mes réflexions antèrieures sur l'influence maléfique de la télévision  rejoignent d'assez prés ses préoccupations.

    Maintenant tout en confiance il m'avoue avoir mené quelques actions  symboliques quoiqu'illégales tout à fait dans nos idées, il a même saboté un relais de télévision et revendiqué derechef la paternité de l'attentat au nom d'un groupe activiste: les Joyeux Autonomes du Beaufinois qu'il a monté avec le patron du Baltou et le curé de Bonpéze tous deux opposants à la tévé par vocation sacerdotale.

    -Les joyeux autonomes du Beaufinois, ça fait pas un peu société d'aviron? M'interrogeai-je.

    -Ah moi ça me plait j'en suis! S'exalte Maître Bourmous, très rutilant  en acquittant sa première cotisation.

    Je pourrais opposer au principe de mon adhésion secréte à leur association que ma position officielle ne m'autorise pas à m'affilier à un groupe terroriste non reconnu d'utilité publique (commes le sont groupes de pressions, écologistes, féministes ou homosexuels) mais l'attrait de la nouveauté occulte en moi tout souci de prudence et je m'engage à leurs côtés dans les pas de Maître Bourmous

    Le cher Voualtère Brummeliche  réussit même à me placer en supplément une carte de pêche.

    (à suivre...)

     

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  • La paix enfin revenue dans notre foyer, belle-maman point encore dessoûlée ronfle dans ses appartements,  je me dois de constater que le 49 est bon, en effet, et bien meilleur que la cuvée de l'an dernier, je m'en ouvre au Père Beignalous qui en convient:

    -Celui de l'an dernier il est imbuvable tu veux dire.

    -Et comment se fait Père Beignalous?

    -Aïlle Cagadou y a le terroir qu'a changé, depuis qu'y nous ont installés l'élevage industriel de poulets et après la même chose pour les porcs, et puis les campingues industriels et tous les stalags à parisiens, forcément ça chie tout ce monde-là  alors à chaque fois on essayait de corriger les offenses faites à la terre, on remettait du souffre et des polysulfites, et puis il y avait les directives de Bruxelles, il voulait bien donner des subventions mais seulement si c'était hygiénique, interdits les nougats des saisonniers pour presser le raisin, pourtant le jus de panards pas lavés de trois semaines, tu peux me croire ça donne du goût à l'assemblage, mais maintenant y faut tout faire en atmosphère confiné, le pinard aseptique t'avouera, alors on a utilisé le Hexasulfabite de Bromopétagêne et ensuite pour équilibrer le tanin au protoxyde pernodyhidrophosphorique et après... oh c'est bien simple aujourd'hui on pourrait se passer de la vigne pour les vendanges et les faire directement en laboratoire.  

    -Mais ce n'est pas ce que je veux, je veux  au contraire revenir au vrai Chateau Bonpéze?

    -Ah ouais, je vois, maintenant... 'mon avis il faudrait qu'on se trouve deux ou trois tonnes de Tétrafulminate de bétachlorosol pour retrouver le petit goût de noisette mais le problême c'est que c'est classé en armes bactériologiques... tu pourrais peut-être toi avec tes relations...

     

    *

     

    Conversation fort instructive la mentalité elle-même du paysan me semble bien changée, je discutais l'autre jour avec le vieux Pignadous de la Ferme des Brenets, il pleuvait à torrents et nous nous tenions abrités sous l'un de ses antiques noyers:

    -Ah et ça va pas s'arranger ils ont dit à la tévé que la sécheresse continuerait comme ça chez nous tout l'été et même que ça s'aggraverait...

    Je le regardais en pensant qu'à son âge: 94 ans il commençait à, osons le mot: rouler sur la jante et même: usiner le moyeu, l'herbe était drue et moussue, nous nous enfoncions comme dans de l'éponge saturée d'eau et l'autre vieillard de continuer:

    -Les sols sont secs et même que le préfet a commencé les restrictions d'usage comme en 42

      Et puis je compris qu'il avait été convaincu d'une autre réalité que celle vérifiable qu'il avait tous les jours sous les yeux, sous ses pas, à portée de main, la réalité de la télévision manipulatrice, politique et maléfique. Il croyait à ce monde de rapport qu'on lui inculquait jour à jour où il fallait serrer les fesses, se contraindre, se restreindre, perdre toutes ses aises et avec elle sa liberté de vivre et d'être.

    Je lui désignais une forte colline en face de nous, appelée le Mont Bégou, l'un de ses versants s'était à moitié écroulé:

    -Qu'est-ce qu'il est arrivé au Bégou?

    -Ah ça c'est à la fonte des neiges! Des torrents, il en giclait de tous les bords, ça lui a  tout changé la figure... vouaïlle ça m'inquiéte bien ce réchauffement qu'y cause à la tévé... y faudra aussi que je fasse couper ces foutus noyers, y nous servent plus guère! Aïlle Cagadou!

    Et il s'en alla sous "la sécheresse" qui tombait à cordes.

       

    Je dirais que nous vivons là un réel changement civilisationnel, le paysan français a jusque là et depuis des siécles toujours été guidé par un bon sens et une tempérance de jugement, un quant à soi imperturbable, eh bien pour la première fois dans l'histoire du monde le paysan français est en train de devenir  con.

    (à suivre...)
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  •  

    14 Août

     

    Le bon air de Bonpéze a tôt fait de me remettre en forme, une bonne nuit là-dessus et il n'y parait plus, oublié Griffon Griffu et marais péteurs, qui n'ont d'ailleurs rien de surnaturels, on les appelle ainsi  du fait d'émanations gazeuses produites par la  décomposition de plantes..

    Sitôt levé et alors que toute la famille fait la grasse matinée, hors le cher Lopeck qui est déjà sous l'un de nos tracteurs en train d'en graisser la boîte de vitesses, je m'en vais saluer mes gens qui sont au travail dans nos vignes. Ils taillent, trient, éclarcissent, nous sômmes plantés principalement en Mouchpif et en Dézingosse, cêpages robustes et fortement tanniques qui donnent des vins heureusement charpentés qui ont du retour mais mieux vaut de ne pas le faire à pied: le retour et ne sont pas précisément destinés aux jeunes filles, je m'assois sur un muret en pensant tout en finissant de me nettoyer les ongles, la boue s'insinue partout:

    "Quoi de plus magnifique que le labeur humain! "

    Vrai j'en suis ému jusqu'à la moëlle.

    Et quoi de plus délassant aussi comme spectacle.

    Le vieux Père Beignalous notre métayer vient me présenter ses respects, il est en salopette et sueur:

    -Alors comme cela se présente cette année Père Beignalous?

    -Mal, v'là la vérole qui nous revient...

     

    Il me désigne un énorme 4X4 anglais qui vient de s'arrêter au ras de nos vignes, dont sort un jeune homme en chemises à fleurs que je ne connais pas et un autre en costûme et cravâte, attaché-case à la main. Celui-là, je le remets, comme l'on dit par ici, c'est Jean-Fulme de la Pinardhière notre nouvel oenologue-chef de chais, diplômé du Chestnuts ans Coconuts College of Industrials farm products of New-York et de la Heavy Farms Ingeenering University of Stuttgart, c'est la reine qui l'a engagé pour essayer de commercialiser le Chateau Bonpéze en amérique du nord et rentabliliser ses investissements importants.

    De fait lorsque l'on sait ce que coûte le moindre tonneau.

    Elle lui a donné pour consigne de mettre le chateau Bonpéze à la mode et "si possible de le rendre buvable au moins consommable... enfin moins nocif !"

    Bien entendu ce sont là des allusions malheureuses qu'excuse seulement une méconnaissance de la terre, ma chère Greta n'y connait rien en vignobles, ce n'est certes pas au Nordnmark que l'on puit cultiver l'amour de la vigne.

     

    -Oh my lord I justely vouantid to meet you...

    -Parlez françois mon vieux, où croyez-vous que nous sômmes ici?

    -Ici mais en zone south west europa pourquoi?

    Le Père Beignalous aére son béret .

    -Nous sommes en vieux pays français mon cher alors speak white please.

    -Vous savez Monseigneur je suis né en Suisse ou père était en poste, ma mère est suédoise, ma nurse était cap verdienne lusophone, j'ai été élevé aux Etats-Unis, sans GPS embarqué j'ai quelque mal à me situer entre les frontières, je me sens surtout citoyen du monde.

    -Il ne va pas nous faire deux rounds le citoyen du monde. murmure le père Beignalous en revissant son béret.

    -Oui je voulais vous entretenir donc Monseigneur des réformes que j'ai planifié pour l'exploitation de Chateau Bonpèze, sa Majesté a insisté pour que je vous tienne un minimum au courant de nos développements alors voilà: tout d'abord nous attellerons par deux: mâle/mâle ou femelle/femelle les ouvriers agricoles, en évitant toute déperdition sexuelle la productivité augmentera considérablement, d'autant que nous allons faire venir des mauritaniens pralablement stérilisés afin de réduire les coûts sociaux, dans le même temps bien sûr il nous faudra installer des caméras de surveillance dans les vignes et des contremaîtres moldaves dans les miradors. D'autre part nous allons tout replanter avec des nouveaux plants OGN  ZZ44 à têtes multiples de Farmerkonzern gmbh. qui nous permettront de mener concurremment une culture de salamis hybride à haut rendement, enfin...

    Il se tourne vers le jeune homme au torse pavoisé de fleurs:

    -... avec Jean-Luc Pointard qui est Dark-Planner chez Pointard consulting nous allons ouvrir les vendanges à l'heure de NY City en pleine nuit et en direct sur la toile dans une contextualisation de type enjoying people grouping...

    -Groupinnegueux? Intéressant... very interestinnegueux... et à plus long terme, jeune homme vous n'avez pas d'autres projets? Plus personnels j'entends?

    -Ah ma foi je me lancerais bien dans la peinture contemporaine, il y a de très bons rendements à l'hectare ou alors la culture extensive de pizzas OGN, en amérique latine ils font ça sur des milliers d'hectares.

    -Des milliers d'hectares de pizza ce doit être joliment impressionnant. Eh bien faîte çà  jeune homme car si je vous vois, vous ou cette jeune personne toute refleurie tourner autour de mes vignes... pardon...

    Je prends le fusil que me tend fort obligeamment le père Beignalous:

    -... je me ferais un plaisir de vous plomber le train!

    -Mais... mais... mais Monseigneur... vous n'y pensez pas...  mais... mais... mais ce sont les ordres de sa Majesté!

    La preuve que je ne m'étais guère éloigné de mon pays d'enfance, j'en parlais encore la langue:

    -Paoooumpf! Paaooooumpf!

    Ah il faut les voir courir sous les hourras des paysans et mes coups de fusil, et s'enfuir sans excès de dignité.

    Le vieux Père Beignalous m'embrasse:

    -Bravo Cagadou! Tout le monde se demandait comment tu pouvais accepter ça sur ta terre. Mais comment tu vas te débrouiller avec ta bonne femme maintenant? Téh la voilà qui arrive avec la belle-doche, je te laisse fiston, y faut que... que j'aille sulfater les fraises.

    Il faut dire que en mouvement ma Poupetkë qui n'est pas à proprement parler un petit saxe et sa mère qui a elle tout du grand saxon ne laissent pas d'impressionner les populations locales surtout  lorsqu'elles marchent comme là de front.

    -Qu'est-ze qué engore zette hisdoire! Le jeune Jean Fulme mé téléphone que fous oufrez le feu sur sa berzonne!

    -Mais tivorce-don' Greta zans guoi il a bas fini dé nous faire chier zé gon-là! Renchérit son adorable maman que sa tempérance forcée rend d'autant plus vindicative.

    -Venez ne nous donnons pas en spectacle allons... dans la cave!

    L'idée lumineuse a germé dans mon esprit contrarié certes mais encore fertile.

    Pendant que je m'isole avec ma Poupetkë pour une discussion serrée, le "il faut qu'on parle" que je trouve ridicule chez les autres couples tant cela ressemble à quelque conciliabule administratif est vite remplacé dans notre couple par d'autres débats plus sensibles et moins abstraits, l'attraction physique est demeurée la même qu'au premier jour, ce qui m'a attiré chez elle c'est toute cette viande de premier choix en vitrîne, sportive accomplie, déesse exercée elle est une maîtresse copieuse et profuse, à dire la chose je la qualifierai de monument du sexe, tout de suite j'ai ressenti pour elle un appétit de baffreur, inextinguible, dont je ne suis toujours pas rassassié, en l'étreignant pour la première fois et ce sentîment ne m'a jamais quitté, je me répétais comme un gamin que tout cela était à moi, j'allais mettre des années à tout parcourir, tout posséder: grottes et montagnes, à battre sentes et traverses, visiter tous les points de vue et faire retentir l'écho de ma jubilation en ses gorges sonores.

    Car lorsque l'émotion et le plaisir gagne ses cuissots vikings ses seins si haut, hissés comme à sueur de Dieu nordique depuis quelque wahalla, quand sa peau marmoréenne se colore sous mes doigts je me sens tel un sculpteur animant enfin un marbre parfumé... et bientôt bruyant.

    Quant à elle, je le sais, elle ne peut se départir de moi, elle a aimé dans ma personne d'abord mon côté lieutenant valseur, sabrant et térébrant, la longue lame pointu que l'âge n'a point émouché. Mais elle a découvert aussi que le français aime de taille et d'estoc c'est bien là ce qui fait sa supériorité sur tous les autres, il aime complétement, il entoure, il cerne, il comble, il cantonne, il investit et aussi il célébre au chevet, l'amant français sacre, il courônne et décourônne à sa seule volonté, il... il... bref je l'aime bien ma Poupetkë, même si quelques fois elle peut être fatigante, surtout accompagnée.

      

    Nous nous roulons sur le sol nu pendant que la Reine–Mère musarde et commence à déboucher quelques bouteilles extraites de nos cuvées passées...

    .... elle attaque le 1949 quand nous nous relevons enfin.

    -'utain les z'enfants! Y a pas que la dringlette dans la vie! 'l'est fameux le 49... coûtez-moi za!

    Et elle s'écroule sur la terre battue et rebattue de tout son poids considérable.

    (à suivre...)

     

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  •  

    13 Août

     

    Je respire le bon air de Bonpèze comme un chien de chasse lâché aux fesses de quelque gibier courant, ah Dieu que voilà de la bonne liberté, me voilà chez moi enfin, sur nos terres.

    En traversant le village dans notre vieille Daimler venue nous chercher à l'aéroport, je reconnais les beaux visages de nos grands vieillards, qui reviennent de l'épicerie buvette... ou y retournent,  boire sans doute quelque apéritif anisé ou qui sait un godet de notre bon vin rouge de nos vignes de Chateau Bonpèze tellement robuste et revigorant.

    -Je crois que je vais aller un peu par la campagne... hugolai-je à l'oreille de ma chère Gretaetkë qui en ses instants n'est plus la reine de Nordnmark mais la tendre et soumise épouse de l'homme de la terre que je redeviens ici, le paysan même osons le mot.

    -Mais vous n'y pensez pas mon ami, il y a huit kilométres jusqu'au chateau.

    -Laisse Gretaetkë si ça l'amuse ce grand konktë  de plastronner au milieu de ses populations dégénérées. Déclare sa mère toujours aussi irascible et de plus en plus agressive.

    Je ne suis pas sûr que sa 49° cure de désintoxication soit une pleine réussite, d'ailleurs elle ressort un flasque de sous son manteau et s'en remet un coup derrière le col. Rude tempérament assurément, pénible aussi.

    Le chauffeur arrête donc la Daimler sur la place du village... et repart aussi sec, me laissant seul avec mes gens.

    Très vite je suis entouré, fêté, embrassé, nulle distance entre nous:

    -Lou cagadou! Agui lou cagadou tu és de retrou à nostrous pequito merdou!    

    "A nostrous!" "Chez nous" ah le beau mot, l'on ne pouvait me servir un meilleur accueil.

    -Aïllecon lou cagadou! Tu pagadous la tournéss de Ricardou?

    Il m'emméne, je me laisse emporter, tant est grande ma popularité ici, vers l'épicerie-buvette, haut-lieu de convivialitude du bourg.

    Chacun de vouloir me raconter les derniers événements du pays, les mariages, enterrements, maquignonages, réglements de comptes, homicides paysans bref tout ce qui fait la vie de cette petite patrie, oh ils en rajoutent bien sûr et en patois encore, j'avoue que je n'entends pas tout, certaines subtilités m'échappent, sans doute ne saurai-je jamais qui a violé la chévre du père Bidalou durant les deux mois d'hiver avec une assiduité quotidienne puis le gendarme que l'on avait placé en faction pour protéger les arrières de la suse-dite chévre.

    Les récits se terminent et tous s'esclaffent et il en repart d'autres, la bonne humeur ne s'arrête que lorsque je commande un nouvelle tournée générale:

    -Mais cette fois mon cher Voulatère servez-nous don' de notre vin rouge de Chateau Bonpèze!

    Le propriétaire du café Lou Baltou, Voualtère Brumliche con! (je le livre dans la prononciation locale)  un ancien légionnaire allemand venu s'établir dans notre pays si accueillant, s'essuie son front de l'est (je l'ai dit il est allemand) et bredouille:

    -Ach kon jéné zais bas z'il m'en restou!

    J'avise un tonnelet à notre marque de Chateau Bonpéze sur le bord du comptoir:

    -Mais si, tenez là...

    -Ach za z'est bour faire les kuivres kon!

    Etonnant ! Faut-il qu'il les aime ses cuivres!

    Je mets mes lunettes et regarde l'objet de plus près:

    -En plus c'est celui de l'an dernier il est fameux, je crois.

    Le discipliné Voualtère se décide enfin à servir tout le monde, enfin ceux qui restent, beaucoup ont soudain disparu, demandés par des tâches domestiques ou agricoles, la terre n'attend pas, le maire Maître Bézouillard est le premier a entonner son verre... le premier à tomber par terre aussi.

    On le ranime:

    -Eh quoi ça ne va pas bien Maître?

    -Ma faiblesse au coeur, j'ai accouru quand j'ai appris que vous nous faisiez l'honneur d'une visite Monseigneur.  

    Maître Bézouillard est huissier de justice il a saisi la moitié du village et l'autre moitié l'a élu pour services rendus.

    Il reprend son rang au comptoir et nous dégustons, sans avoir à signaler de nouvelles pertes, nos verres.

    -Il est réellement exxx-cellent! dis-je satisfait en clapant et re-clapant fier de mon enfant.

    -Il serait encore meilleur dans une salade de pissenlits. Affirme le père Bidalou.

    Entre à cet instant Jacky Chambard, c'est l'élu écologiste de la commune, barbu portant une paire de couettes, toujours très remonté, histrionesque, narcissique et revendicard, une sorte de N'Gutu N'Gutu blanc :

    -Un jusio do carottu plizou!

    Il s'est mis au patois mais il est encore loin d'y exceller, c'est un fonctionnaire parisien arrivé là au gré des mutations.

    Le fils Balazou, un garçon encombrant, au verbe haut et aux manières contondantes et velues, toujours déguisé en parachutiste crasseux; le prend à parti:

    -Dis donc Jacky le parisien je te préviens que si je vois encore un de tes foutus loups roder autour de mes chévres je l'allume avec le fusile!

    Le Jacky Chambard ne répond pas, il paie comptant son jus de carottes, aux parisiens on ne fait pas de crédit, léve le poing dans ma direction en criant "vive la république sociale! " et prend la porte.

    -Non c'est vrai con est-ce qu'on a idée lâcher des bestiaux comme ça dans une agglomération.

    "Une agglomération", l'on reconnait bien là le goût pour l'exagération de mes compatriotes, je fais une courte mise au point écologique:

    -Nous avons des quantités de loup au Nordnmark et il est très rare qu'ils s'attaquassent aux promeneurs dans les forêts, il est vrai que par moins 37 les vocations de cueilleurs de fraises et de flâneur sont rares.

     

    Je regarde l'horloge au dessus du comptoir, il est bientôt huit heures du soir quand je quitte la compagnie, on se propose de me raccompagner en tracteur mais connaissant leurs talents de conducteur et leur état éthylique, la combinaison des deuxm’incite à décliner les propositions.

    Et puis il fait si bon... les premiers kilomètres, après il me tombe dessus un orage d'apocalypse qui me trempe et même m'imbibe, enfin cela me tient éveillé, c'est déjà quelque chose car je me sens un peu hors de forme, ah nos vies citadines nous préparent mal à l'effort et puis les libations générales et successives m'ont quelque peu ... appesanti.

    Sous la pluie serré, je me réjouis intérieurement de bien connaître le pays, un parisien n'y verrait goutte, c'est le cas de le dire et s'égarerait dans... les... ma...ré...cages... Je regarde mes pieds de plus en plus lourds, ne les vois plus, j'ai de la boue jusqu'aux genoux, j'ai du quitter la route sans m'en rendre compte et me voici planté entre osières et roselières. Je commence à m'enfoncer légérement et au loin j'entends des hurlements... qui se rapprôchent...  je continue de m'enfoncer... la bête de se rapprocher... j'ai de la boue partout, sur la tête mâme, je parviens en sautillant à émerger à grand peine j'ouvre les yeux et je découvre un grand loup en face de moi assis sur la berge et je ne mentirais pas en disant que je vois à cet instant sur son visage comme... comme un sourire:

    -Help... I need some help! beattlai-je en anglais dans le texte.

    Et le plus étonnant c'est que la brave bête me secoure comme elle peut, bien posée sur ses fesses elle se met à hurler et s'en va sans attendre sa monnaie en toute discrétion... à pas de loup.

    A ce moment surgit d'entre les roseaux cet imbécile de fils Balazou, grotesquement déguisé en parachutiste obése et déclassé et avant même d'avoir pu lui parler, il murmure:

    -'utain le bestiau! Le griffon griffu!

    Il épaule et très simplement me tire dessus... comme ça sans façons.

    Je vacille et fais... Gloup! Je sombre dans la boue, avec je crois une certaine dignité, mais je sombre et l'autre gros ... imbécile d'exulter:

    -'Utain je l'ai-z-eu! J'ai-z-eu Griffon Griffu le monstre des marais péteurs!

    Quand je me réveille nullement au paradis mais encore dans notre pays de Bonpéze couché sur la plate-forme arrière d'une  Citroën Méhari orange haute époque, je reconnais Jacky Chombard penché au dessus de moi:

    -Bon ça va il y a pas trop de dégâts! Juste quelques plombs dans l'épaule. Ce gros connard...

    Il me désigne le fils Balazou, penaud et rosissant comme une fausse rosière démasquée.  

    -... ce gros connard vous a pris pour...

    -Je sais Griffon Griffu le monstre des marais péteurs, une vieille légende d’ici, il faudrait lui confisquer ses bandes dessinées sinon un jour il va croire que les martiens ont débarqué et vous anéantir la caserne de pompiers.  

    -Si le loup ne m'avait pas averti té! Vous auriez coulé et on vous aurait jamais retrouvé. Drôle de fin pour une altesse. Je vais vous raccompagner.

    -Tu peux me jeter chez le père, j'ai perdu le chien, et avec la nuit j'ai peur de me paumer? Ose le gros Balazou.

    -Te jeter, ah ça ouais tu sais bien que c'est toujours avec plaisir mon garçon que je te jette mais préviens l'heureux bénéficiaire quand même qu’il ne te tire pas dessus en croyant voir le couillon découillu.

    (à suivre...)

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