• Nordnmark one point ! Journal intîme du prince consort Raoultkë de Nordnmark by H.T.Fumiganza 14...

    27 Juin

     

    Muni d’une fausse barbe, d’une perruque, d’un imperméable, de lunettes noires mais beaucoup plus noires que d’habitude, d’une canne sabre télescopique je m’en vais à travers la ville incognito. J’ai pris rendez-vous avec un professionnel reconnu, français qui plus est, qui vit maintenant en notre belle ville capitale pour se reposer d’une longue et trépide carrière parisienne. Je ne me suis confié à personne j’ai regardé dans le bottin à la rubrique  « artisses managère  » et je suis tombé sur ce nom le seul de sa rubrique: Charley Bédouani. Il me parlait. Où l’avais-je rencontré ? Je me suis souvenu enfin: il m’avait été présenté lors de l’inauguration d’un festival des traditions et folklores à Upsalup, il manageait une troupe folklorique : Herk Trahüdertkë à forte teneur en grandes blondes mamelues. Une merveille, quoique leur prestation, eut été quelque peu dérangée par les dissipations de l’ourse polaire qui était sensée les accompagner dans leur chorégraphie et avait fini par s’échapper et éventrer le Groombler-solo (il joue du Groomble, une sorte de cornnemuse à double-panse et dont il sort un son qui imite quelques fois celui de souris que l’on écrase, d’autres celui d'un lavabo qui se vide ! Un bon instrumentiste peut réussir des merveilles avec cet engin qui ressemble un peu à une énorme paire de testicules (c’est étonnant comme en ce moment le sujet revient dans mes écrits, j’y vois comme un intersigne du destin.). C’est très curieux ! Pas désagréable mais au bout de six heures de Groomble on a envie de lui crever la panse, c’est dire si l’intervention de l’ourse polaire avait été pour moi plutôt une délivrance. ). (a-t-on remarqué que dés que je me lâche un peu la bride ma phrase se fait proustienne, un critique littéraire à écrit que quelques fois dans mes écrits l’on se croirait invité à une fondue ! J’ai pris cela pour un compliment bien sûr.).

    A la fin de la représentation il avait tenu à me présenter ses artistes, toutes magnifiquement douées, j’avais d’ailleurs eu une liaison avec… les choristes (il y en avait quatorze, mon record personnel est de 22, toute une ligne de caissières dans un hypermarché que j’avais inauguré en province, j’étais plus jeune alors, et la Reine moins jalouse, heureux temps.)

     

    Ses bureaux se tiennent dans le quartier du Port, pas le plus sélect donc, mais plein de vie et de passage. Au septiéme sans ascenseur, sans doute la vue sur le port doit-elle être particuliérement remarquable pensai-je pour m’encourager, je suis décidé à prendre les choses du bon côté.

    Arrivé, essoufflé, malgré ma pratique quotidienne des sports, on le serait à moins, sur le palier du septiéme étage, je respire un temps, je m’apprête à sonner quand j’entends des voix, une discussion, presqu’une dispute derrière la porte :

    -Ah Mauricette tu me fous bien la paix ma fille, je rentrerais quand mon avocat me dira que je risque plus rien, moi aussi je me fais chier dans ce trou pourri mais j’ai pas envie de retourner en taule ! Entre les douânes, les impôts et les trafics du beau-frère tu crois pas qu’ils vont me laisser en paix. C’est les poucettes dés ma descente d’avion ouais !

    A l’accent, aux intonations je reconnais la gouaille d’un natif d’Algérie, quelque pied-noir babelouédien très haut en couleurs et propre à animer la grisaille de notre capitale nordique!

    Je toque à la porte :

    -Qu’est-ce que c’est encore quoi merde ?

    Il m’ouvre, l’homme a dans la soixantaine et quelques et il porte une perruque blonde et chevelue de travers et de grosses moustaches postiches dans les mêmes teintes, l’on pourrait croire qu’il s’est déguisé en viking fausse-blonde, ou en supporter de football.

    -C’est pourquoi ?

    -Je vous ai téléphoné, j’ai pris rendez-vous je suis monsieur Hank Dedank…

    -Ah ouais c’est vous l’artisse de variétés,… venez allons dans mon bureau… permettez je dis un mot à ma secrétaire…

    J’entends :

    -Mauricette merde !

    Son bureau tient plutôt du cagibi, il me rejoint, replie vivement la planche à repasser et balance le chat dans le vide ordures:

    -Vous avez un accent ? Vous êtes belge ou quelque chose comme ça ?

    -Je suis français.

    -‘pas possible, ça alors ça fait plaisir un pays et qu’est-ce que vous venez foutre dans ce pays de merde ? Ah oui vous m’avez dit de la variété. Vous tombez bien j’implante un bureau ici, j’ai décidé de m’ouvrir à l’international, en ce moment je lance un groupe de pop blonde, deux barbus blondinets et deux pétasses d’anthologie c’est de l’ukrainienne d’importation, diplômées de Mathématiques et de Physique Appliquées, je les ai eues pour rien mais sans mentir on croirait de la caissière suédoise,  OBBO ça s’appelle, vous saisissez le concept, on importe les chansons de Roumanie et les chorés de Moldavie, là-bas la main d’œuvre est bien moins chère, on a un parolier/plongeur pour 80 Brelotkën et un musicien/arrangeur/ qui sert en terrasse pour moins de cent. Ce qu’il nous faudrait ce serait d’être sélectionné pour l’Eurovision mais ça c’est magouilles et compagnie… il y a des choses que Charley Bédouani ne fait pas…

    J’aurais bien voulu savoir lesquelles ? Mais trêve de jugements moraux il me semble être l’homme de la situation: un professionnel.

    Je m’assois, retire barbe, perruque et lunettes :

    -Et ce groupe folklorique Hërk Trahüdertkë vous ne vous en occupez plus ?

    -J’ai eu des problêmes avec le bétail, je les ai vendus à l’export à un collégue libanais qui s’occupe de la remonte de blondes pour les émirats… mais…mais on se connaît… vous… vous êtes… oh misère !

    -Pas de nom je vous prie !

    Je lui explique dans le détail ce que j’attends de lui et il convient de la justesse de mon analyse :

    -Vous avez raison, il faut professionnaliser la fonction. Regardez en France le Président qui a été nommé ! Il est professionnel, dynamique lui ! Il est éclaboussant de classe !

    -Oui mais il tâche un peu non !

    -Bah ça c’est normal… quand on éclabousse on tâche toujours un peu !

    -Quand même je voudrais quelque chose de moins tapageur et puis j’ai besoin d’une attachée de presse qui…

    -Mauricette !

    -Plaît-il ?

    -Ma fem… secrétaire est une ancienne attachée de presse, elle fera très bien votre affaire.

    -Fort bien, convenons d’un rendez-vous… mettons le 18 en 15.

    -C’est  noté Mons… Monsieur Dedank. Je vous raccompagne.

    -Charley oublie pas de descendre les poubelles et de remonter le chat ! Crie sa secrétaire, la charmante Mauricette, ma future attachée de presse.

     

    Sur le trottoir je le quitte rasséréné, ai-je tort, l’avenir en décidera. (à suivre...)

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