• Mouloud l'Afghan

    Mouloud l'Afghan
    ou
    L'ère du nougat 
    Propos recueillis par Lofti Benayak

    Maman avait connu M. le modique quand elle était en stage à la Mairie de Bezons.Il venait visiter un de ses bons copains à lui Etienne d'O. le député-maire qui était au bureau directeur de la S.F.I.O, le Parti socialisse de l'époque et qui voulait pas leur rendre le fric de la cantîne du parti. Roger H. qui accompagnait M. le merdique partout, il faut dire il était pas commissaire à l'époque, il lui a pris la tête au député-maire et il l'a flanqué dans le plat de nouilles bouillante de la cantoche parce que la friteuse était pas à température, et il lui a rajouté de la sauce tomate et après il y avait un discours pour l'inauguration d'une statue équestre de Jean Jaurés et le député-maire il a fait tout son discours avec des nouilles dans les cheveux et de la sauce tomate plein le veston et en tremblant de partout et dés qu'il y avait un bruit il se cachait la tête avec le bras. Mais quand même le fric de la cantîne il l'avait rendu, il faut dire aussi il avait eu les chocottes en voyant Gaston D. essayait de démarrer la bétonnière qui était devant le préau en réfection.
    -Béhquoi onlecoule j'lemetsdanslecoffre de ma D.S, arrivéà Marseillejeledémoule et onvalemouilleraularge t'enpenses mon ‘françois.

    Il parlait comme ça d'une traite comme il aurait pissé contre le vent Gaston D. et souvent quand il avait fini on avait l'impression qu'il s'était tout tâché avec ce qu'il avait raconté. Mais le Gaston D. il avait l'air de s'y connaître en travaux publics  rien qu'à voir comment qu'y portait bien son galure on comprenait qu'il était du batîment.

    -Allons, allons mes amis nous sômmes entre gens raisonnables il a fait M. le merdique.


    Mais en vérité raisonnable il devait pas l'être tout à fait, y avait qu'à voir comment qu'il godait quand l'autre avait la tête dans le plat de nouilles et que je te rajoute du greuillère et du sel et du poivre dans les yeux mais en loucedé comme il faisait toujours.

    <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p>Et donc après les discours avec son œil de teckel il avait repéré Maman, tout le monde banquetait dans la cantôche enfin personne n'avait trop d'appétit parce que les nouilles c'est déjà dégueu alors en plus mariné au député-maire c'est vraiment pas ragoutant.
    Sans doute pour ça qu'ils avaient tous forcés sur le rouge, il faut dire aussi du Haut-Brion 47 payé avec la caisse des Ecoles.

    V'là que le Miteuxrance il demande oùsque sont-ce les petits coins ? Vrai il causait commak. Pas vieille France, nobles messieurs-gentes dames, plutôt boutiquier, salaisons d'autrefois.

    Sûr qu'il y va, y séjourne, y respire une bonne fois l'odeur des chiottes, ça doit lui rappeler le bel autrefois et les branlettes chez les bons pères, toute sa vie tourne autour de la branlette, même quand il baisait çui-là on aurait dit qu'y se branlait d'après maman et puis il se perd  dans les couloirs du Collége Ernest Renan et justement Maman qui à l'époque travaillait à la mairie, parce qu'elle a de l'instruction Maman, elle a son bachot comme elle dit, Maman qui avait tout vu du guet apens des cuisines et n'en était pas encore remise, Maman était en train de faire des heures sup en même temps que des polycopiés pour le député-maire sur le compte du collége. A l'époque les photocopieuses ça n'existait pas mais le Miteuxrance qui sent la caille il va quand même réussir à lui faire le coup de la photocopieuse à maman, un précurseur, mettons qu'il lui a fait le coup de la polycopieuse.

    Il faut dire elle était jeune maman et ‘achement tentante, j'ai des photos et M. le Modique, il avait une manière de vous mettre qu'on s'en apercevait seulement qu'après et encore pas toujours, c'était pas le genre volumineux, passage en force, plutôt joueur de fifre et littéraire.

    Alors il l'a inaugurée Maman, comme ça sur la table de la salle des professeurs et vrai elle s'est pratiquement rendue compte de rien.

    Quand il a eu fini, comme il était pas jalmince et plutôt farceur, il est arrivé Pierre B. et il lui a proposé Maman, Maman elle a un peu renaudé pasque c'était quand même pas des manières et qu'elle avait pas le permis transport de troupes, mais aussi elle avait bien remarqué qu'ils étaient tous pas mal mûrs et elle s'en méfiait des alcoolos depuis que le pépé, Marhmoud l'ancien, avait foutu toute sa marmaille à la porte un soir de beuverie et puis comme elle dit : elle aimait bien la bite de ce temps-là et le Pierre B. s'y est collé sauf qu'il avait les chaussettes qui lui tombaient su' les chevilles et il bandait pas lerchouille, alors Charles H. a pris sa place :

    -Laisse-faire les hommes tu veux...


    Ah çui-là y baisait comme un gendarme à ce qu'il paraît.

    Gaston D. était vraiment trop bourré et il tirait sur son nœud avec un rien de nostalgie mais rien ne venait, sinon Jack L. par derrière qui a essayé de le mettre très proprement:

    Mais ça l'a tellement secoué le vieux Gastounet qu'il en a paumé son chapeau dans la polycopieuse.  

    -‘nonmaisç'vapasenoualadesmanières !‘tainfran'oissurveilleun peutes danseuses!

    A ce moment Roger H. qui avait tout cafté et qui aimait déjà ça de jouer les flics est arrivé avec Pierre J., un grand con avec des cheveux frisés en boule comme un black panther américain que l'on viendrait de retirer juste à point de la chaise électrique, Pierre J. il s'est mis à gueuler comme quoi que c'était un scandale:

    -Et avec une jeune arabe bien entendu ! Non mais vous vous conduisez comme des paras... des fassistes ! Vrai François voilà que cela vous reprend ! On se croirait revenu au temps de Guimollet !

    Guimollet c'était un socialisse maudit dont y z'avaient tous honte y z'en parlaient comme d'une vieille vérole dont ils essayaient tout le temps de se débarasser mais qui s'accrochait à leurs bites malgré tous les remédes de conscrit qu'ils avaient essayé. Chaque fois qu'ils se réunissaient d'ailleurs ceux-là c'était pour décider de quand ils allaient enfin défenestrer ou noyer le Guimollet.


    Et pendant que le Pierre J. leur faisait une leçon de conduite de classe et qu'il distribuait les punitions, le député-maire Etienne d'O. s'est pointé avec un polaroïd, et il a pris vite fait une photo de tous ces mecs le bénouze en bas qui venaient d'inventer la tournante parlementaire et il est allé s'enfermer dans les chiottes en gueulant que si on lui rendait pas l'argent de la cantine du parti il ferait paraître la photo en première page de l'Echo du Val d'Oise ou il la revendrait très cher à Roger F. le ministre de l'intérieur de l'époque qui était collectionneur à ce qu'on disait.

    <o:p> </o:p>2.<o:p> </o:p><o:p> </o:p>


    Et neuf mois après je suis né, entre temps Maman avait prévenu M. le Modique qu'elle était enceinte et sans doute de lui vu qu'il était le premier, il lui a fait répondre par un motard de l'assemblée nationale, ils ont toujours correspondu par des motards d'abord de l'assemblée puis de la présidence, il n'avait confiance que dans les motards M. le merdique, ouais une croyance très ancienne dans le motard.

    Qu'il m'a expliqué plus tard : « ce sont des gendarmes y sont donc très cons et obéissants et surtout pas curieux et puis la plupart ne savent pas mâme lire ! » Ce qu'il méprisait le petit peuple l'homo-gauchens c'était émouvant à voir. 

     Oui donc dans sa lettre portée il lui répondait que rien ne lui aurait fait plus plaisir que d'avoir un enfant de maman mais que dans la précipitation des événements l'on pouvait craindre que l'enfant ne ressemblât à l'un ou l'autre des nombreux participants et qu'il ne voyait pas la nécessité pour aucun d'entre les autres d'engendrer à nouveau ou de se reproduire enfin et que pour sa modeste part c'était déjà fait avec des résultats qu'il ne pouvait que déplorer.

    Certes il était opposé par principe à l'avortement mais comme par principe aussi il se refusait à imposer ses principes à d'autres même d'autres qui en auraient été démunis, de principes, il voulait dire les pauvres, il lui refilait deux billets de cinquante sacs et une adresse de bonne clinique suissesse où il avait son spéculum mis et table d'opération ouverte à l'année à son nom comme tous les bons bourgeois queutards et parisiens de l'époque.     

    Maman elle lui a écrit à nouveau qu'elle me gardait parce que c'était un pêché de ne pas respecter ma vie et sûr qu'à l'époque et sans trop le gueuler, pas oublié que j'étais en location, j'ai dû être soulagé et elle lui demandait de choisir un prénom pour leur enfant .

    Par retour de motard il lui a répondu qu'il lui faisait confiance et que l'islam ne manquait pas de saints hommes, pour le reste il s'en foutait bien. Maman elle aimait Jean comme prénom chrétien, elle s'y connaissait un peu, nous les kabyles on a quand même changé de religions une bonne dizaine de fois au cours et au décours de l'histoire, dire si on a fait le tour de la question, mais comme disait vieux Bob la religion c'est la vague sur la plage mais la foi c'est le tréfonds de l'océan, et elle a ajouté Mostapha en hommâge à mon oncle Mostaph qui venait de mourir à trente ans sur un chantier écrasé par une tonne à eau et qui était un mec bien, le seul qui nous avait nourri la gamelle pendant longtemps.


    Alors toutes ces formalités accomplies, je suis né, sous Pompidou, en 9 avant F.M. à Bezons comme tout le monde.

    <o:p> </o:p> *<o:p> </o:p>

    J'ai pas été élevé dans une cité, je sais que ça ferait mieux dans le tableau mais Maman elle en a jamais voulu d'une place en H.L.M. pourtant il y en avait une juste en face de chez nous : la Cité Félix Dzjerzinski c'était Etienne d'O. qui l'avait faite construire une fois où il était à court d'électeurs, ce qu'il était dépensier ce type-là, pas croyab', entre deux élections il en perdait toujours pas mal des électeurs mais il en empruntait ou en faisait venir de nouveaux, je crois bien qu'il se faisait élire à crédit.

    Oui on aurait pu y aller mais maman les trucs collectifs ça a jamais été son truc, ouais à part la ‘touze inaugurale où j'ai été conçu, j'entends, mais là elle y pouvait trop rien népa ?

    Sinon elle avait sa petite bagnole, souvent des trucs forains, jaunes et rouges avec des hauts-parleurs sur le toit que lui refilait  Gomez y Gomez un gitan qui se disait grand d'Espagne et qui en mouillait pour elle, il vivait avec sa famille, encore plus nombreuse que la nôtre dans un terrain vague pas loin de chez nous, elle avait aussi son petit pavillon,  maman, qu'elle avait acheté à crédit à une vieille dame chez qui elle avait travaillé qui avait son unique fils qui s'était fait tué en Algérie mais qui était pas rancunière, il faut dire aussi que c'était les gendarmes français qui l'avaient tué parce qu'il était  de l'O.A.S et puis maman époussetait la photo du fiston deux fois par jour pour lui faire plaisir à la mémé.


    Maman elle faisait son jardin, ses fleurs et son potager, on a vite était une dizaine là-dedans avec le beau-père, Marcel Shrezbnszky qui était chauffeur routier chez Mazzolini après avoir été CRS au début de sa carrière. Lui aussi il aurait bien voulu faire motard mais il était trop gros, et puis il savait lire.

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    L'école j'ai pas aimé, parce que c'était loin de la maison et Maman, qui avait son bachot, m'avait appris à lire et à compter avant que j'y entre. Pourtant j'avais de bons copains, Patrick Fiochi, Thierry Vaugrand dit Veaugras ou Hervé Pomallo qu'on appelait pomme à l'huile, il y avait qu'à la piscine que j'avais des problêmes parce que j'avais pas la même bite que les autres, tous ils se foutaient de moi, même Pomme à l'huile et Veaugras, pour faire comme tout le monde jusqu'au jour où il y en a un qui a dit :

    -C'est pas sa faute il est circonscrit, c'est un juif !

    Merde ‘manquait plus que ça je m'ai dit, v'là que j'étais juif ça arrangeait pas mes bidons mais en même temps j'étais flatté vu que des juifs il y en avait pas tant que ça, à l'école Léon Blum, je crois bien que j'étais le seul, j'ai gardé ça pour moi, j'en ai parlé à personne et pendant deux ans je me suis mis juif à mon compte, j'ai lu tout ce je trouvais là-dessus et ça m'allait bien, faut dire, la race élue, la solitude mais à plusieurs contre les gentils qui sont méchants et au milieu de tout ça entre les coups de trafalgar et les branlements de tonnerre, la mer rouge qui s'ouvre devant vous mieux qu'un tapis dans les tons, vrai je me prenais pour Charlatan Hestonne.

    C'est quand il est arrivé Moktar, un marocain à l'école et qu'y s'est foutu à poils à la piscine, que j'ai découvert que j'étais beaucoup moins juif que lui et autant arabe. Vrai ça m'a refoutu un coup.

    Pour moi les arabes c'était des emmerdeurs, les mecs qui sonnaient au portail pour nous vendre des tapis que maman leur achetait jamais, elle leur offrait le thé à la menthe, pas la piéce, à quoi bon blesser leur susceptibilité et puis basta. 


    Maintenant que j'étais plus juif, j'étais redevenu comme tout le monde, y en a bien un qui a essayé de me traiter de raton une fois mais ça a pas plu à Moktar qui était plutôt du genre encombrant et l'«un » a remballé son matériel en s'excusant.  (à suivre...)

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