• 19.
    Une convalescence agitée.
    <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p>De cette époque tragique, je me souviens surtout de mon éviction du Cercons que je vécus comme une dégradation publique alors qu'elle ne fut que fort peu publiée.
    Mais c'était là le signal adressé à tous, la fusée bleue. 
    La veille, présenté dans « les médias » comme l'un des plus sûrs espoirs de l'Union pour le Rassemblement, et promis aux plus hautes spécialités fromagères nationales et même bruxelloises, l'affront que j'avais fait à Gérald Sopalin et mon postillonage jugé comme éstrémisse par la direction du parti commençait de me fermer des portes.
    Par bonheur, étant de vieille extrace parisienne et borguéso-combinarde, acheteur de biens nationaux sous tous les régîmes, je bénéficiais des protections paternelles et maternelles
    Mère, si elle ignorait avec méticulosité son fils, connaissait tous les recoins de braguette de la rive-gauche, elle publiait beaucoup, elle avait toujours beaucoup plus publié qu'écris.
    Chez elle tout était publique, elle en avait fait des volumes, sa sexualité d'abord, dont je n'étais qu'un des avatars et sans doute pas le plus intéressant, elle se souvenait avec attendrissement de son premier curetage mais point de ma première dent,   surnommée Paule Bourgéte ou Dupanlouve par la critique clandestine, elle était surtout l'auteur officiel du manuel de féminisme à l'usage des sous-officiéres et kaporales du corps de troupe et de  livres qui entre confession et slogans, tags et pensées dévotes, interdits new-looks et préjugés commodes, ressemblaient à des terrains vagues, où elle détaillait sa moralité de naufrageur, obscure, puante et asphyxiante comme un feu de pneus, et comment elle couchait avec de jeunes gens outillés en proclamant que c'était là sa liberté et que cela seule comptait et méritait oraisons et bout de l'an.
       Une liberté qui dépendait de l'arrivage de la marée du soir en jeunes auteurs arrivistes et des cours du jour du coupon du souvenir soixante-huitard, la rente Geismar, très décoté par rapport au cours d'introduction mais conservé en portefeuille par une clientèle de rentiers, de fonctionnaires de la pub institutionnelle et de pensionnés des administrations  du culte, une manière de rente Pinay intellectuelle, indexée non point sur l'or poinçonné mais sur la fumasserie militante, l'héroïne base et l'imbécillité satisfaite.
       Devant la quasi péremption de ce lectorat fidèle, la prochaine extinction de la « génération du feu », madame ma mère avait su se reconvertir et faire face en se gagnant chaque jour de nouveaux clients dans la marée montante des fières combattantes de l'ozone, foutriquets cyclistes et autres phobiques, concernés, profiteurs et... cocus puisque lecteurs de madame ma mère.
    C'est qu'elle avait un truc à elle pour faire passer sa morale dépurative et fortement chargée en huiles lourdes, scories d'usinages, déchets d'arrière-cour et arriéres-pensées militantes de l'autre siècle: délaissant sa brosse rase de lesbienne croisée elle s'était convertie au chignon avec quoi elle ressemblait maintenant à sa grand-mère, et rassurait diablement la clientèle.
    Un chignon à un coup modèle 1898, armement par la gueule, canardière à connards, connardiére brevetée.
     
    Au vrai elle n'avait jamais été qu'une couventine dévote de son seul plaisir, elle avait mené petit train, égoïste et servile et aurait pu intituler ses mémoires: souvenirs de la petite ceinture.
    <o:p> </o:p>Malgré tout, elle me fut loyale, ayant placé sur mon conseil, une partie de l'héritage de ses tantes Guichard en valeurs betteravières, il n'était pas mauvais d'avoir quelqu'un dans la place.
     
    Quant à monsieur mon Père, le fameux Président Régis Cardemeule, après un rapport fort remarqué sur les retraites, où il préconisait de limiter le nombre de retraités par des pratiques humanistes et responsables et en usant de moyens naturelles ou chimiques mais toujours éthiques (crédit d'impôts pour les héritiers qui se chargeaient eux-même d'administrer l'aïeul et cartouches anti-taupes fournis gratuitement en mairie), père donc, lui même titulaire d'une bonne quinzaine de pensions et rentes diverses et administrateur d'autant de sociétés, décida pour occuper sa retraite et payer d'exemple de commencer à soixante-dix ans passés une carrière dans les appareils de chauffe en prenant la présidence du conseil de surveillance de La Compagnie Générale de Fonte Thermique Belge sise à Knokke-le-Zout.
    Vieille et solide entreprise familiale fondée en 1726 par Asdrubal Van Der Konf et devenue  à force de labeur familial le consortium leader des chaufferies mazout familiales en Europe frileuse. Elle était la propriété de trois vieilles dames, les sœurs Van Der Konf, toutes trois célibataires, octogénantes et actionnaires à titre principale.
    Ah je crois bien qu'il les avait envoûtées mon papa, il faut dire qu'il avait toujours bien présenté, son côté lieutenant de lancier valseur.
    Sa première décision de visionnaire en chef fut de transférer les chaînes de production à Oulan-Bator, le siége social de Knokke-le-Zout à Ibiza et  de diversifier les activités de fonte thermique en se lançant dans la production discographique et plus particulièrement dans le « errandbi » et le rap agonistiques ainsi que les casinos, entertainements and resorts, Letroncheur avait même obtenu, « business as usual » la construction d'un ensemble omnipolymultithalassoculturels à vocation lucrative à La Conche à la place du vieux casino de la jetée des parisiens :
    -Cela rajeunira l'image de marque de la société tout en conservant sa philosophie sinon tous ses préceptes: la chaleur et l'esprit de solidarité transgénérationnelle qu'elle crée.
    La solidarité transgénérationnelle dans les chaudières ? Je demandais à voir. Bref il déconnait plein pot mon papa-zouli mais cela avait l'air de leur plaire aux vieilles dames quand même un peu octogénées. 
    -Ah il faudra aussi changer le nom !
    -Oooh !
    Ce fut un cousin de La Branlaye, junior media planner editor  soit sous-rédacteur de seconde classe d'une agence de com' parisienne qui proposa pour remplacer l'antique, estimable mais par trop défensif C.G.F.T.B, le beaucoup plus offensif : Taartagle !
    Ces dames furent enchantées :
    -Et cela veut dire ?
    -C'est un mélange d'anglais et de français exclamatifs un métissage heureux mais ils le sont tous et qui  sonne comme une promesse. Expliqua le cousin La Branlaye.
    <o:p> </o:p>*
    <o:p> </o:p>   Hélas Père trop occupé par ses activités alchimiques et musicales, il passait ses fins de semaine à Haôlivoude dans la compagnie de chanteuses et de starlettes à peine nubiles quoique déjà conquises, ne me fut d'aucun secours lorsque le gouvernement se proposa à la suite d'un rapport opportuniste de mon secrétaire général de regrouper, un samedi, les filières betteravière et salades de saison en un organisme unique dont mon sus-nommé secrétaire général prit la présidence.
    Je ne dis pas, cela allait sans doute dans le sens de l'histoire mais quand mâme me faire ça à moi ! Ah le sale petit con !
    Le soir mâme l'investiture me fut retirée, mon détachement administratif supprimé, je réintégrais mon corps d'origine, la Cour des Comptes (de ménage) où l'on me chargea d'astiquer l'argenterie et de recompter les petites cuillers préfectorales.
    <o:p> </o:p>*
    <o:p> </o:p>Je débarquais dans les préfectures à six heures du soir et l'on m'enfermait d'office à l‘office, il y avait des consignes de l'Elysée-Matignon, j'étais un dangereux déviationniste, un fachisse, marrant de voir  tous ces bourgeois bornés, repus et profiteurs, raisonner et s'exprimer en  bas-marxiste, comme aux temps médiévaux la curaille crottée en bas-latin, la seule différence étant que le marxiste haut ou bas n'a jamais été une langue de civilisation.
    Je demeurais en tête à tête avec le maître d'hôtel cégétiste, pernophile et sympathisant, qui me prenait en pitié très vite, bien entendu il en manquait toujours de ces foutues cuillers, alors pour se redonner du courage on se relançait au Pernod ou au « vin de noix de parrain ». C'est terrible le vin de noix de parrain ! :
    -‘tin ch'uis con ! La belle sœur qui les a ! ‘les lui ai prêtées pour la communion du neveu !
    -Ah mais c'est formellement interdit, je me vois obligé de consigner le fait dans mon rapport monsieur Poupard.  
    -Appelles-moi Raymond, tiens on va changer un peu il a reçu du blanc l'aut' con à la dernière foire agricole, ‘l est même pas au courant ...
    -Ah non, non... recel... de blanc sec préfectoral c'est trop grave...
    -Mais si ça rince le blanc... et p'is il en boit jamais ça lui fout la migraine !
    -Un p'tit alors monsieur... Raymond, j'ai déjà trop bu... bien sûr si vous pouviez les récupérer... je pourrais peut-être... à tître ecque-éché-ch'pionel...
    -Les récupérer, ça va pas être facile... qu'elles soyent pas déjà vendues...
    -Co...comment ça vendues !
    -‘faut comprendre quand j'ai vu qu'elle avait un peu de mal pour boucler le réveillon, les cadeaux des mômes tout ça, j'ui ai dit à Aïcha, c'est la belle sœur, t'as qu'à les bazarder ils se rendent compte de rien ici, je leur ai repassé ma ménagère en inox et voilà !... il est bon hein, il vient de chez Bouchardier un voisin au beau-père à la Côte-Salins...
    -Fa... fameux. Elle les gâte dis donc les mômes, c'était du massif restauration de chez Odiot tu sais...ah elle est brave ta belle-sœur, mon Raymond ! Ah vrai je vous aime bien moi !
    <o:p> </o:p>Le plus souvent je terminais ma tournée comptable dans des états innommables et c'était la femme du préfet qui m'évacuait en douce avec l'aide du chauffeur de permanence:
    -‘ma'me la préféte z'êtes gironde... tout plein... si'ou permettez ‘ous mettrez bien ‘z'une ‘tite cartouche...
    -Plus tard, plus tard vous allez manquer votre train monsieur La Gaspérine.
    Elles étaient maternelles les préfètes mais elles ne pouvaient s'empêcher de me contempler à la dérobée avec quelque effroi, il fallait les comprendre elles se souvenaient de m'avoir vu à la tévé, repassé, moulé de frais, ciré de la tête au pied, la raie au milieu et les chaussettes en fil d'Ecosse breveté aux mollets, entreviouvé avec complaisance par quelqu'une ou quelqu'un de nos coquettes journalistiques vieillissantes aussi indéboulonnables que des ballerines septuo-bréjnéviennes du Bolchoï, et ces braves tévéspectateuses me retrouvaient, vautré dans mon abjection, puant le vomi et agitant à la fenêtre du train leur petite culotte que je leur avais dérobée sur le vif, un tour qui venait du grand Vate Marcel Chéchignac et à quoi son fils m'avait initié depuis son lit de douleurs, recouvert d'album de Bibi Fricotin et des Pieds Nickelés.
    <o:p> </o:p>*
    <o:p> </o:p>Ah c'est qu'il m'en apprenait des trucs depuis qu'il avait des loisirs, il passait sa convalescence à La Bégude, devenue son quartier général et sous la protection du personnel du restaurant, de drôles de type d'ailleurs tous ces garçons, célibataires et vivant à demeure dans l'immeuble, une sorte de confrérie priante et déconnante, en armes sinon toujours en guerre, contre quoi ?
     Il semblait que pour le moment la mobilisation se fut faite contre quelques tribus albanaises, descendues de leurs montagnes et montées à Paris avec en tête de prendre le contrôle des cercles de jeu parisiens et de l'approvisionnement de la place de Paris en cigares et cigarettes de contrebande, activités dans lesquelles Walter Chéchignac quoique breton partageaient de solides intérêts avec des corses :
    -Et vous ne trouvez pas cela immoral de faire de l'argent avec vos produits dégueulasses?
    -Vous rigolez mon petit vieux les tabacs bravadiens ont une renommée universelle et si le tabac en vrac est réceptionné nuitamment en Gréce où les cigarettes sont roulées, je vous le fait remarquer dans des manufactures d'état aux normes sanitaires et sociales  européennes et bien les cigares eux sont faits à la main et mouillés à la chatte à La Bravade par les meilleures cigarières du monde...
    -Ainsi ils n'emploient véritablement que des femmes dans leurs manufactures, je croyais que c'était une légende ?
    -Nullement, pour ça qu'il faut se méfier des cubains qui utilisent du personnel mixte d'où le goût souvent trop prononcé du cigare cubain, ils bouffent pimentés là-bas... oui je vous disais... et puis cela fait des devises et ils ont en bien besoin.
    -Cela fait aussi un solide bénéfice pour vous ?
    -Tout travail mérite salaire.
    -Et la fameuse Fumita ? La Fuma Chuma ?
    -Ma foi j'avais bien pensé un temps en importer en Europe, après tout  avec tout ce qu'ils se mettent ici dans le groin comme saloperies diverses et chimiques au moins ça c'est naturel, malheureusement ils fument toute leur récolte sur place, il y a même, c'est de tradition, une fête locale la Voudastocca où l'on fait un énorme fagot des feuilles de Chuma ramassées et séchées, ils y mettent le feu et tout le monde en profite même l'étranger de passage, ils enfument des vallées entières comme ça nourrissons compris, je crois que cela vient d'une mauvaise tradition orale, en oralité ils ne sont pas très calés les bravadiens comme l'a remarqué mon ami l'ethnologue : Lévis-Cooper, je vous en ai déjà parlé mais si le vendeur de télés du muséum, en ce moment il est là-bas, il fait une étude, je lui ai trouvé une subvention de l'Unesco.
    Et chaque année c'est la même chose, tout part en fumée et en nausées et il ne reste rien à exporter. Mais assez parlé de moi, parlons un peu de vous, j'ai eu des nouvelles de vos deux... collaborateurs, ils ont demandé l'asile politique au gouvernement bravadien...
    -Et alors ?
    -Alors j'en ai référé avec avis favorable et l'asile politique leur a été accordé... pour emmerder Paris, et à l'heure où je vous parle ils devraient avoir fini de vider ma cave. Et votre campagne mon cher, comment se présente votre campagne ?
    Je n'avais trop rien oser lui avouer de mes récentes humiliations administratives, et puis j'étais atrocement gêné car la belle Merry était là, prés de son homme, aux petits soins pour lui, elle était de plus en plus belle, mais je lui en voulais un peu, si elle n'avait pas été là le jour de... de mon coup de folie patriotarde, j'aurais eu encore quelque avenir dans l'administration d'occupation.
    -C'est que ... je vais... je vais retirer ma candidature.
    -Ah oui et pourquoi ça ?  
    -Voyez-vous dans la vie... mon cher Valter... il faut savoir mettre ses con... ses cons-cons...vixjou...broumu... shmurk...
    Je n'allais pas plus loin, je regardais la belle Merry et j'éclatais, je me dispersais en sanglots, je me répandais en chialades, morvages et hoquetis divers dans ses bras où elle m'accueillit sans réticences.
    -Allons... allons il a eu un gros chagrin mais papa et maman sont là mon petit...
    -Je t'en prie Walter !
    Walter se moquait mais la belle Merry, elle, cherchait à me consoler, c'était là le principal, et ce que l'on était bien dans ses bras, en son sein généreux et exbaumant, j'en bavais de contentement.
    Rien à voir avec tout ce que j'avais connu jusque là dans le genre opposé sinon ennemi: pimbêches hallebardières et factionnaires offensifs de la cause des femmes, bornées comme des gradés d'artillerie et sans mystère aucun qui se lançaient dans d'ignominieuses bordées de troufions à l'occasion mais vous rappelaient le manuel (de madame ma mère, le seul officiel) à la moindre incartade et vous débitaient le règlement et les attendus qui allaient avec:
    -De quoi sont les femmes ?
    -Les femmes sont l'objet... pardon, je veux dire le sujet de...
    Des scolaires et des récitantes voilà tout ce que j'avais rencontrés au long de mes années d'étude et d'apprentissage, alors bien entendu la belle Merry c'était autre chose.
    <o:p> </o:p>*
    <o:p> </o:p>Très vite, je l'avoue, elle fut mienne. Bien sûr j'avais un peu le sentiment de trahir le Cher Valter qui ne m'avait toujours montré que bonté et bienveillance mais la chair parlait... et je n'étais pas mécontent de le faire cocu, sans compter qu'il n'était pas en état et qu'en quelque façon je le suppléais et lui épargnais des efforts coûteux pour sa santé déficiente.
    Tout de suite entre nous ce fut passionnel, le duo de nos peaux en un crescendo molto impetuoso comme aurait dit Mère dans ses livres impubliables et surdiffusés, mais à la vérité le truc pas racontable surtout par une bonne femme, le moment de jungle.
    Il n'y avait que cette manie qu'elle avait de faire ses comptes de tête pendant nos étreintes pourtant passionnées et interminables.
    Un côté bougnat, elle était d'Issoire la belle Merry, qui me gênait mais quoi dire sinon qu'elle m'émouvait.
    <o:p> </o:p>*
    <o:p> </o:p>Au milieu de tout cela le Chef ‘von le Gueuzec débarqua :
    -Ah mon petit Valter, mon petit Valter si tu savais !
    Je n'étais pas retourné à La Conche depuis un mois, mais je savais par La Branlaye et Martial Médpeu qui m'étaient demeurés étonnamment fidèles et me faisaient rapport depuis la cave du consulat de Chéchignac où ils saucissonnaient en qualité de réfugiés politiques que la campagne de mon ex-condisciple à Jensors-de Saillie s'avérait calamiteuse.
    -Il ne mord pas !
    Il n'aurait plus manqué que ça !
    Et puis il y avait son affichage qui ne collait pas et même déroutait l'électeur : 
    « Noyeux Joël » en grand, en plein été personne ne comprenait.
    Bref j'avais conservé une certaine légitimité, même Letroncheur le reconnaissait quand il s'était interrogé en plein réunion du Politburo du Parti :
    -Et le mousse qu'est-ce qu'il devient, au moins avec lui on rigolait bien !
    Mais il n'avait obtenu aucune réponse, la consigne étant que je n'existais pas et même que je n'avais jamais existé, on retouchait toutes les photos officielles où j'apparaissais et même l'on reécrivait l'histoire de la betterave républicaine pour en évincer l'apostat.
    -Le remplaçant... Noyeux Joël il est mort noyé en allant aux moules. Version officiel. Nous lâcha enfin le Chef ‘von le Gueuzec après avoir vidé son verre de fine.
    J'étais présent aux côtés de Walter Chéchignac qui se rétablissait sans empressement, il paressait dans ses douleurs, il avait quitté son lit et se baladait maintenant en fauteuil roulant autonome, gonflé et préparé par un sien ami garagiste, ses blessures se refermaient, comme à regrets. Il était entouré, par le cher Bédoncle, que tout le monde ici appelait Collégiateur, ce que je supposais être un grade chez les barmen, de fait il ne manquait pas d'autorité shaker en main, garçon étonnant, un peu bellâtre certes mais barman virtuose qui surveillait son établissement depuis son rade et m'enseignait le Martinibuki l'art du cocktail qui est tenu au Japon pour un art martial authentique tant il demande de soins, de maîtrise de soi et de réflexion au moins dans la phase d'élaboration puis de dosage, la consommation restant à l'appréciation de chacun.
    Il y avait aussi la belle Merry dont je cherchais la main sans cesse et les seins et les fesses mais qui montrait devant Valter une pudeur estimable.
    Et puis il y avait moi, loyal, quoique calculateur, mettons raisonnable, rationnel, peut être le cher Valter sortirait-il de l'épreuve quelque peu diminué et pourquoi pas impuissant ? Alors elle serait à moi, définitivement, exclusivement, quotidiennement, assidûment.
    -Comment ? M'exclamais-je en lâchant la main de Bédoncle, souriant, Merry s'étant dérobé une fois de plus, à mon empressement.
    -Oh c'est pas le pire ! S'il n'y avait que ça !
    Quand même je revoyais la tête de ce pauvre Noël... je veux dire Joël, mais au fait à quoi ressemblait-il maintenant?
    Je ne me souvenais plus de ce qu'« ils » en avaient fait je le revoyais gamin, à Jensors de Saillie nous faisions de la gymnastique corrective ensemble, entre cinq et six, décrétés tous deux mal foutus, honte de la race et de l'idéal laïcard, il était toujours perdu, naïf, appliqué le scolio mais jamais convaincu, allant d'affectation en affectation, du cours de sciences-naturelles à celui d‘anglais sans y prendre jamais aucun plaisir, courant après le programme, ne le rattrapant pas et alors, toujours, il se rassurait en prenant mon pas, que ne l'avait-il quitté.
    J'étais ému. Il était mort enfant, j'en pouvais témoigner.
    Valter vit ma peine et fit signe au Chef ‘von le Gueuzec de baisser le volume de sa trompe à couenneries.
    Mais le messager s'en fichait bien, il était dans l'inspiration et il annonça que non seulement ça coinçait dans les cols mais aussi:
    -L'une des sœurs Dartemont a disparu !
    Je vis le visage de Chéchignac se cristalliser, devenir presque translucide et ses mains serrer les accoudoirs de son fauteuil et articuler comme en faisant craquer ses mâchoires :
    -Laquelle ? Laquelle a disparu?
    -Belcourt... Dartemont-Belcourt... on ne l'a pas revue depuis trois jours !
    Alors comme un miraculé du jour, Walter Chéchignac se dressa, se mit debout, je ne sais pas, il avait comme une vision, ç't'homme-là, une inspiration, il marchait sans peine sinon sans douleurs, il ne marchait pas avec ses jambes ou ses pieds, dans ces instants il marchait avec sa tête, au vrai on aurait cru que comme le fantôme de son père il s'était soudain dématérialisé et pas à pas se déshabituait de soi et de ses souffrances.
    -Bon aaaaallons-y !
    Et le plus étonnant: nous y aaaallâmes. (à suivre...)
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  • Une expérience mystique au Monastère de la Pierre qui branle par notre estimé directeur J.P.Chassavagne.

    <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p>Dans une vie même la plus chaotique et incertaine il vient un moment où s'imposent à vous les grandes interrogations métaphysiques quant à la validité de notre existence sur terre et de son utilité mâme et tout ce genre de choses. Un jour récent du printemps dernier cette expérience m'est arrivée et je voudrais la raconter ici.

    J'étais dans ma voiture, au petit matin, perdu dans la vastitude complantée de la campagne Chauvignonne, et je cherchais un raccourci (que d'ailleurs (après bien d'autres) jamais je ne trouvai), tout semblait m'abandonner, même mon GPS (saloperie de bagnole coréenne !) qui n'émettait plus qu'en coréen des messages incompréhensibles sauf pour le coréen moyen ce que je ne suis point quant à mon téléphone suédois d'un naturel renfermé il demeurait muet, la prochaine fois j'achèterai un italien au moins c'est causant .

    Je sortais d'un dîner d'affaire très arrosée qui à ma surprise (générale) s'était poursuivie sous la conduite de la représentante du Syndicat de la Librairie locale en une manière d'expédition punitive dans la boîte à partouzes du chef-lieu. A l'ordinaire je prise peu ce genre de divertissement où l'odeur de chaussettes se marie à celle du parfum à trois balles largement répandue par le tenancier de l'établissement, où les consommations sont hors de prix, les consommées hors d'âge et les bols de cacahuètes plein de poils de provenances diverses .

    Dans ma tête embrumée j'eus la vision  infernale de la petite madame Chauvirot (Librairie Générale Chauvirot, 27, place de la Mairie au Chauvion ) qui venait à moi quasi nue (sauf les bas à varices et le string enfoui profond ) avec le cervelet et ses environs fourmillant d'arrières pensées offensives  envers l'auteur parisien.        

    Je crois bien qu'elle fut passablement déçue par ma défense un poils trop souple et élastique.

    Certains, à me lire, diront que j'avais le plus grand besoin d'un réforme morale. Certes oui j'en ressentais la nécessité mais plus encore celle d'une bonne carte d'état major.

    Je ne sais comment, je ne sais pourquoi je me retrouvais sur un chemin de terre où je m'embourbai.

    Je poursuivis la route à pied sur deux kilomètres au moins avant d'apercevoir un panneau où il était indiqué: Monastère Confiturien de la Pierre qui branle 3 KM. Retraite spirituelle- Séminaire-Nôces & banquets.  

    3 bornes de mieux et allez donc, j'arrivais tout boueux et frappais... à l'interphone.

    -Oui.

    -Je... je suis en panne... et j'aurais voulu...

    -Mais bien sûr entrez mon fils.

    La porte était électrifiée et l'accueil digne d'une auberge de bon luxe avec bien entendu cette méticulosité des maisons religieuses, ici l'on pouvait sans crainte ni réticence manger à même le carrelages ciré ou comme je faisais se repaître au bar de biscuits apéritifs imberbes, j'en étais à rêver d'une boite à partouzes tenue par des bénédictins, ça aurait été quelque chose, quand le frère portier vint m'avertir que le père supérieur m'attendait dans son bureau.

    Marié une fois à l'église mais divorcé deux fois au tribunal, depuis mes études chez les Frères Dévoirant de la rue de Ponssac à Villeneuve, je n'avais plus guère fréquenté les chapelles.

    Le supérieur, le Père Marie Charles (nous voilà!) était un type haut et aiguisé, il faisait assez inquisiteur fiévreux, hors les yeux verts et le calme rayonnant.

    -Bonjour Monsieur Chassavagne l'on m'a dit que vous aviez des problèmes de voiture ? Voulez-vous que je demande au Frère Barthélemy de voir ce qu'il y a à faire, c'est lui qui s'occupe de notre atelier de mécanique, c'est maintenant un spécialiste des coréennes.

    -Je vous en serais reconnaissant mon père... 

    -Bien, souhaitez-vous, en attendant l'heureuse issue de vos problèmes mécaniques, séjourner un temps parmi nous ?

    -Mais... mais j'en serais heureux mon père.

    -Re-bien nous pouvons vous proposer des temps d'animation ou de ressourcement spirituels : retraites, récollection, accompagnement, personnellement je vous conseille le stage ressourcement/soins de jours à 899 avec forfait labours intégral et stage poterie grégorienne... voici une brochure vous pouvez la consulter et vous donnerez  votre bulletin d'inscription au frère Clémentin.

    Il appuya sur un bouton, un tonsuré hilare passa la tête par la porte.

    -Le frère Clémentin va vous montrer votre chambre.

    L'entretien était terminé.

    En fait de chambre, il s'agissait d'une ancienne cellule chaulée remise aux normes civiles et donc tout à fait confortable, il ne manquait pas même le mini-bar ou la salle de bains, et la haute fenêtre donnait sur un beau parc méticuleusement entretenu.

    Mes valises arrivèrent après quoi le Frère Barthélemy vint me prévenir qu'il avait trouvé la panne mais qu'il n'avait pas la pièce et que le repas du soir allait être servi dans le réfectoire.

    Cette salle immense du réfectoire me rappelait d'assez pénibles souvenirs purée-poulet mais les effluves bienvenus qui venaient des cuisines n'avaient rien des relents de rata que j'avais respirés des années durant chez les Frères et les confitures, spécialités de l'ordre depuis sa fondation en 1134 étaient délicieuses.

    Mon voisin de droite était un architecte connu : Jean Ressent, il traversait une crise existentielle, juste récompense pensai-je pour l'ensemble de son œuvre, à force de couvrir la France de murs de chiottes fissurés il inclinait à se prendre pour une grosse merde prétentiarde, mon voisin de gauche était un avocat de gauche, Maître Watefer, franc maçon et combinard, spécialiste des affaires de presse et qui avait l'habitude de venir ici après chaque contrôle fiscal autant dire qu'il avait son couvert mis à l'année, il lui aurait été sans doute plus simple de changer de comptable ou de se faire résident monégasque mais il préférait les complications métaphysiques,  tous deux avaient comme moi choisi le stage ressourcement/soins de jour et dés matin nous nous retrouvâmes dans les champs du monastère où nous nous exerçâmes sous la conduite de frère Clémentin à tracer des sillons, nous pouvions en tracer autant que nous le désirions (forfait intégral), c'est fatigant certes, surtout derrière une mule rétive et qui braque mal, mais je découvrais combien à force de tourner tout son esprit et je dirais mâme tout son être vers un travail aussi noble ( le sillon ça connote tout suite germination, naissance de la vie, droiture du geste et de l'esprit, la terre qui ne ment pas, Maréchal nous re-voilà... qu'est-ce que je raconte moi !) l'on s'extrait de nos sédimentations quotidiennes et médiocres ; bref à la fin de la matinée nous étions tous également crottés et bienheureusement éreintés.

    Frère Clémentin, toujours rigolard, en nous distribuant nos paniers repas nous rassura en nous disant que l'après-midi serait toute assise car consacrée à la poterie grégorienne.

    Maître Watefer protesta qu'il voulait encore en tirer une dizaine (des sillons ) à fins d'en avoir un bien rectiligne.

    -Au début je m'inscrivais au stage terrassement/gros œuvre/rétroplanningue minceur mais je n'ai jamais été foutu de monter un mur droit et puis on imagine pas combien c'est fatigant ! Me confia l'architecte en mordant dans son pain.

    Nous tournâmes de la glaise tout l'après-midi, l'architecte voulu emmener son ouvrage un bol à balayette de style corinthien  pour l'offrir à sa maman à la prochaine fête des mères, je laissais pour ma part  mon œuvre sur l'étagère de la postérité anonyme.

     

    Le soir vint, apaisant et bienvenu. Dans le réfectoire, marchant au pas des autres, avec tous les autres, je ressentis soudain comme un rassemblement de tout mon être, mais je ne repris pas de confitures au grand désappointement de frère Clémentin. A dire le vrai, je sentais confusément que l'affaire devenait sérieuse, je me rendais compte que toute ma vie j'avais cherché cette sérénité confiante que je venais de découvrir au détour d'une colonne, à cet instant je formai le projet de demeurer ici le restant de mon existence, loin de ce Paris chaque jour un peu plus grotesque, babylonien light, Sodome hypocalorique.

    Oui, je me couchais enfin apaisé et conscient.

    Je me réveillais au milieu de la nuit, nulle bruit autour de moi, mais comme une présence, je me dressais et vis sur le mur crayeux une figure resplendissante, souriante et...barbue :

    -Est-ce vous Seigneur ? Murmurai-je sans même je crois bien articuler les mâchoires.

    Il était là ! La réponse était là, elle me faisait face... juste au dessus du mini-bar.

    -Seigneur ô Seigneur que dois-je faire ?

    -Dé-gage !!!       
    <o:p> </o:p>

    Bon le lendemain je réglais ma note, avec les suppléments plus la réparation, la pièce étant arrivée assez miraculeusement au matin, leur véquinde d'animation spirituelle m'avait coûté la peau des fesses.

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  • Certes l'addition était modique mais cela n'excusait pas tout et surtout pas l'inexcusable : le doigt dans le bouillon. Nous  rejoignîmes nos vélos respectifs avec chacun en tête la même obsession: faire cesser ce scandale au plus tôt ! En passant devant un restaurant thaïlandais je regardais songeur et à regrets la carte des spécialités traditionnelles, je connaissais bien la Thaïlande dés que j'avais un week-end prolongé j'en profitais pour aller y passer trois semaines. Peuple admirable, parmi les premiers à avoir initié le tri sélectif, je me souviens encore d'un restaurant le Radada Patpang qui servait un délicieux Shapout Durom à base de Bergasol fermenté aux poils de foune, eh bien il y avait toujours deux poubelles à l'entrée l'une pour les déchets de cuisine et l'autre pour le plat du jour en libre service. 

    Le lendemain au bureau je me mis au travail délaissant la rédaction d'un rapport pourtant fort important que j'avais en cours sur le développement d'une pédagogie sociale contraignante à l'égard des locataires non fleurisseurs de rebords de fenêtre qui par leur indifférence voire leur hostilité à une pratique sociale pourtant gratifiante défavorisent  les insectes butineurs et participent par là-même au réchauffement climatique sus-mentionné (annexe III G). J'envisageais un barème de sanctions et d‘amendes ainsi que des stages de rééducation en milieu fermé (camps dans des deltas marécageux, Camargue par exemple) et je préconisais dans le même  temps une grande politique de  prévention des chutes de pélargoniums en pot qui avait l'année dernière occasionné une moyenne (corrigée bien entendu des variations saisonnières et des entrées maritimes) de 8.79 décès pour 100000 habitants. Peut-être même pouvait on envisager une campagne de sensibilisation et d'éducation auprès des populations de pélargoniums urbains voire des stages parachutistes.

    Je commençais par interroger différents fichiers centralisés courants  à fins de savoir si mon auvergnat y figurait :

    Le fichier des détenteurs de sacs de caisse en matière plastique,  des obèses et consommateurs de corps gras, des chasseurs de Bougrindubourg et autres espèces protégées, des délateurs assermentés de conjoint divorcé, des auteurs de conduites sociales à risques (exemple: tourner les pages d'un magazine est une conduite sociale à risques : on peut enrhumer son voisin !), des individus sujet à addiction (exemple : regarder tous les jours le feuilleton de la 3 à 20 heures est une addiction (et aussi un signe de couennerie ! note de la rédaction)) des détenteurs de poêle sans queue (milieux sado-maso), des détenteurs de queue sans poils (cabinets ministériels), aussi le fichier des non-téléspectateurs de plus de dix-huit ans ayant fait l'objet d'une non condamnation pour non consommation de ménagères de moins de trente ans dans les vingt-sept derniers mois enfin le fichier central des personnes n'émargeant à aucun fichier : FICPNAAF (elles ne sont plus que 114 actuellement sur le territoire mais sont tenues pour particulièrement dangereuses : déviance d'évitement social et sont donc particulièrement surveillées .)

    Vers dix heures du soir (la première fois que je restais aussi tard au bureau mais c'était une veille de véquinde et j'en profitais pour faire connaissance avec un monde étonnant que je ne soupçonnais même pas: le concierge sri-lankais aidé de ses nombreux cousins avec la rapidité et l'organisation d'une unité du Génie avait transformé les bureaux en atelier de chaudronnerie où un personnel nombreux et incessant s'affairait déjà à la réparation de mécaniques Toyota. Je le félicitai pour son sens de l'initiative et son esprit d'entreprise. Décidément ces non-français sont formidables !), oui je disais donc que j'avais découvert enfin quelque chose : un signalement de l'auvergnat. Fait par un agent de la circulation officiant devant l'école de ses enfants et qui avait remarqué que le cadet qui accompagnait l'aîné dans les bras de son père jusqu'à la porte du collège ne portait point de chaussettes malgré les froideurs de Novembre, le fonctionnaire de police avait suspecté de possibles maltraitances et envoyé un signalement circonstancié en trois exemplaires (trois fois le même mail au même service concerné quoi ! Oui il y a encore du travail de formation à la modernitude à faire dans la police.) Des enquêtes de voisinage et de paramétrage social avait été diligentées par les services sociaux durant 17 mois, le père fautif convoqué, son domicile perquisitionné et une réserve conséquente de chaussettes pour enfants découverte, ce qui l'innocentait en partie d'autant qu'il avait pu prouver qu'il s'était garé juste à côté de l'école. Bien heureusement le dossier du signalement n'avait point été « déconservé » car une autre conduite antisociale grave avait été relevée: il avait garé sa camionnette sur les clous. Mais là encore déception il avait réglé son amende et même fait son autocritique publique et dénoncé son beau-frère au cours d'un stage de  récupération de points.

    Je relisais l'épais dossier (14064 pages quand même !), j'avais quelque mal à me concentrer à cause du bruit et de la musique et puis la porte s'ouvrit et trois filles blondes déboulèrent dans mon bureau enroulées autour d'un type à peu prés saoul :

    -C'est bien ici la Bombita ! Dit l'une des filles en allumant une cigarette... la boîte de nuit quoi ?

    Je demeurais coi mais elle me désignait d'un doigt insistant l'enseigne lumineuse et clignotante de trois mètres de haut que le concierge venait d'installer au troisième étage.

    -Eh bien on dirait... C'est au troisième ?... c'est à la Compta... mais... mais éteignez cette cigarette il est interdit de fumer dans les bur...

    Ils étaient déjà partis et dans le même temps où ils claquaient la porte j'eus comme une illumination :

    -La route du mégot il faut couper la route du mégot !

    Je tenais mon auvergnat.  

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    J'avertis dés le lundi matin les collègues de la Brigade Antifumage à la Préfecture de police, je les mis au courant  de l'industrie coupable exercée par l'auvergnat ils firent une descente un samedi soir le restau était plein, c'était tous des clients qui attendaient leur soupe au mégot. On saisit plusieurs cartouches de Gauloises chez lui dont certaines entamées, son beau frère le dénonça ainsi que son plus jeune fils qui venait de subir un entraînement de dix jours à la lutte anti homophobique anti tabagisme anti poêles qui collent et bouchons dans l'œil à l'école Maternelle Cyril Collard de la rue Charlie Gaul.

    L'auvergnat essaya bien de négocier mais en vain. Fermé six mois, à la réouverture, à peu prés sevré, il proposa « une soupe aux bonbons mentholés à l'ancienne », mais sans grand succès il exhuma une vieille recette de « soupe au panaris mariné du commis à ma façon. » mais ce n'était plus ça, les habitués ne retrouvaient plus l'ambiance un peu clandestine et coupable  que l'on appréciait lorsque l'on venait s'encanailler ici dans le temps, quelques fois on retrouvait même dans ses préparations culinaires une patcheux anti tabac flottant sur le bouillon, bref c'était vraiment devenu n'importe quoi.

    Finalement l'auvergnat reçut le coup de grâce avec un courrier du fisc qui lui demandait le remboursement d'un trop perçu à la suite d'un trop payu :

    -Fumiers de fonctionnaires !

    Il venait de comprendre que son monde n'existait plus et se pendit au réverbère devant son restaurant avec l'un des bas de sa femme.

    <o:p> </o:p>

    Je crois pouvoir dire aujourd'hui que cette affaire fut rondement menée et j'en aurais retiré une pleine, entière et légitime satisfaction si son dénouement heureux n'avait été quelque peu gâchée par ce qui s'ensuivit : d'abord  la découverte que je fis au cours de mon enquête en croisant, la routine, les fichiers des détenteurs de produits d'épargne indexés en roubles convertibles avec celui des inscrits maritimes du 18° arrondissement : Jean-Nick, dont la famille est d'origine bretonne, apparaissait sur les deux fichiers, poursuivant mes investigations je découvris qu'il achetait régulièrement des insignes militaires allemands du troisième Reich sur des sites  wouébes russes et les revendait avec force bénéfice à de pauvres occidentaux inconscients, je fus dans l'obligation de faire un signalement aux services concernés.

    Jean-Nick est actuellement détenu à la quatrième section, cellule   478  de la prison de Fresnes.

    J'occupe la cellule 480, juste avant d'être incarcéré, Jean-Nick avait découvert que j'étais un lecteur régulier d'Urbane Tattack et il avait fait un signalement aux services concernés (non pas les mêmes, d'autres, mais tout aussi concernés !) et je suis en attente de mon jugement, j'espère qu'ils seront assez sévères, c'est pas des trucs à faire, d'ailleurs pour m'occuper je travaille à une campagne de sensibilisation contre.

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  • 18.
    Réveil parisien.
    <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p><o:p> </o:p><o:p> </o:p><o:p> </o:p>Nous avions quitté La Conche très tôt, à l'heure où les pêcheurs impatients réveillent leurs femmes en cassant le vase de belle-maman  avec leur gaule.
    Je me taisais, à côté de moi, Walter Chéchignac conduisait, en silence, lui aussi, très vite, très bien sans doute, mais trop vite, trop bien et... trop seul. Son individualisme, son indépendance m'exaspéraient tout autant que la sollicitude intéressée qu'il me témoignait.
    Il avait ressorti de ses collections, l'un des ces bolides Scalextrix des années soixante et dix avec quoi il moquait la gendarmerie locale, une Chapparal avec un aileron de deux mètres de haut et à son bord il se faisait fort de rallier Paris en moins de deux heures et douze minutes, son record personnel, nous étions dans les temps et sans doute avec les dizaines de photos-flashs des radars que nous avions déclenchées sur notre passage aurions-nous eu de quoi garnir un bel album de vacances.
    Mais aujourd'hui Son Excellence s'en fichait bien des souvenirs.
    Il avait des soucis et ce n'était pas tant les événements récents survenus à La Conche et dont le total de bilan atteignait une dizaine d'assassinés qui l'occupaient que ses affaires parisiennes.   
    Pour ma part, il me fallait changer d'air, je ne supportais plus La Conche sur Ponche et son climat grand-guignolesque, où les égorgements succédaient aux décapitations et devant quoi je craignais malgré tout de perdre sinon la vie au moins une bonne part de ma raison .
    Et puis j'avais à faire à Paris, d'abord me montrer à la filière champignons-pomme de terre... non c'était pas ça ! La filière... betteravière voilà merci, c'était bien l'avenir de la betterave à nœuds qui occupait toutes mes pensées, ensuite il me faudrait passer prendre quelque fonds au Parti pour mon début de campagne, il tardait à me les débloquer et les extravagances vénériennes et comptables de Médpeu et La Branlaye avaient aggravé l'ulcère de mon contrôleur financier, aussi je comptais bien y trouver les éclaircissements et les apaisements nécessaires.
    Enfin et c'était là mon dessert, j‘avais rendez-vous chez mon éditeur afin d'y signer les exemplaires d'envoi de mon dernier ouvrage. J'avais écrit en effet un roman, pendant mes rares heures de loisirs, que j'avais confié à l'un de mes camarades de promotion qui l'avait présenté à l'un des camarades de promotion de son oncle qui pantouflait depuis le golf de Saint-Claoud à la présidence de la filiale française de Toxicals corp. (Toxics and Chemicals wolrlwide Medellin's Cartel corporation) et dirigeait pendant ses heures de loisirs, le travail de son swing lui laissant encore quelques heures de détente, une collection chez un éditeur parisien, camarade de promotion et de klubeu-ahousse.
    Ce n'était certes pas la première fois que j'étais publié, les bulletins du Cercons et divers essais en faisaient foi dont un très remarqué:
    « En side-car vers l'Europe nouvelle »  un abrégé bilingue de collaboration active et passive et un Manuel pratique de réglementation simplifiée en douze volumes rédigé avec un camarade de promotion, obscur administrateur civil :  Guillaumerde (son père à lui s'était toujours montré exactement sobre mais il aurait résolument préféré une fille) Dondla, entièrement sur papier réglé et en trois exemplaires, ouvrage qui m'avait valu un réel succès critique et universitaire, d'ailleurs en ces matières l'on disait maintenant le « La Gaspérine » comme dans le temps le Mallet-Isaac ou le Larousse-Encouleurs.
    Mais comme le pauvre Encouleurs le cher Dondla était passé à la trappe. C'était d'autant plus injuste que sur les douze volumes, je n'avais rédigé que l'introduction du premier tome et la conclusion du dernier, mais enfin il faut croire que mon nom et ma personne attiraient assez bien la lumière, d'ailleurs le cher Dondla s'en fichait et il préparait une suite à notre œuvre commune, une manière de vingt ans après :
    -Avec les mêmes personnages ? Lui avais-je demandé avec  quelque ironie.
    -Oui, oui sans doute. Il entendait mal l'ironie, ce n'était pas sa langue natale, peu de gens la parlent il est vrai de nos jours.   
    Quand même avec tout ce qu'il s'était pris sur la gueule grâce à nos bons conseils, le héros de l'ouvrage : l'usager passait assujetti, contrevenant puis ci-devant au mérite devait être passablement fatigué.
    <o:p> </o:p>Mais cette fois, pour ma part, on le comprendra il s'agissait de toute autre chose, une œuvre plus intime et personnelle, certes c'était un roman, une histoire simple et très actuelle, un jeune homme moderne et parisien, fin et sensible, pesamment diplômé et travaillant dans un combinat d'état se faisait voler sa bicyclette, un cadeau de mère d'ailleurs, su' le Pont de l'Alma, devant se rendre à un rendez-vous de la plus haute importance et où son avenir personnel et administratif risquait de se décider, il avait dû se résoudre dans l'instant à en emprunter une autre, bien entendu, cela n'était pas allé sans lui causer un grave problème éthique d'autant plus effrayant que le vélo dérobé appartenait à un immigré africain d'ethnie toumgou, qui l'avait rattrapé après cinquante mètres et lui avait infligé « dérrréchef » une correction sévère.
    Je ne vais pas raconter toute l'histoire bien entendu, je laisse à mes possibles lecteurs le soin de la découvrir, mais je peux dire qu'elle n'était pas sans intérêt et très contemporaine, abordant les grands problèmes de notre époque: le manque de garages à vélos à Paris en particulier, d'autant que très vite une relation quasi-amoureuse, au moins très fusionnelle, s'ébauchait entre le jeune toumgou immigré et le jeune parisien amoché et qu'ensemble ils se lançaient sur les traces d'un réseau d'extrême droite, de la pire blondeur, qui dérobait nuitamment et avec force violences les vélos de jeunes immigrés méritants et sans défense.
    Certes il y avait là-dedans quelques éléments autobiographiques, je peux bien dire que dans la réalité le cher Aboubacar frappait beaucoup plus fort que dans le livre mais pour l'essentiel, et je la revendiquais pour telle, il s'agissait d'une œuvre d'imagination qui se déroulait dans une grande métropole de nos jours, l'un ces lieux magiques, de mélange des cultures et de métissage bienvenue où tout peut arriver, loin, très loin de la province ethno-centrée et franchouillarde, concho-ponchaine, poncho-conchaine ou autre où il ne se passe jamais rien.
    J'avais pensé pour le titre au « Voleur de bicyclette », cela enchanta mon éditeur classé et swingueur mais la petite secrétaire intérimaire quoique renseignée sinon cultivée nous dit que c'était déjà pris, alors je m'étais rabattu sur « Le vélo » je prisais ce genre de littérature minimaliste où tout est dit en peu de mots.
    Ce crétin de Walter Chéchignac appelait ça :
    -... la littérature anorexique d'une époque sans faim où des petits cons prétentiards avec des petits riens réussissent à faire  pas grand chose.
    Il en était resté l'imbécile à « the english bravour » , antique géographie sentimentale: l'île au trésor prés du phare Dickens. 
    Il me lâcha prés de la chambre des députaillons, place Otto Abetz* où étaient les bureaux du Parti.
    <o:p> </o:p><o:p> </o:p>-Bon, on se retrouve à midi à La Bégude, c'est un restaurant tenue par des amis qui se trouve rue Lucien Van Impe prés du Boulevard Zootelmelk... allez à tout à l'heure mon petit vieux.
    Il démarra sous les injures haineuses des cyclistes que son dix cylindres rageur venait d'enfumer.
    Quant à moi, en le regardant s'éloigner très vite, trop vite et encore plus seul, je regrettais un peu de l'avoir insulté (mentalement) tout le temps de notre voyage, c'était la première fois qu'il me donnait du « mon petit vieux » et je devinais qu'il se rendait lui aussi à un rendez-vous important et autrement dangereux que ceux qui m'attendaient.  
    <o:p> </o:p>*Homme de gauche et syndicaliste. Propagateur du vélo à Paris
    Gérald Sopalin le délégué national aux délégations me fit un peu attendre, mais il recevait un militant me renseigna sa secrétaire, et dans ces moments il régnait à l'étage et dans les bureaux un silence religieux. Le militant c'était la denrée rare au Rassemblement pour l'Union. Sur les fichiers hors nos 156298 élus locaux, départementaux, régionaux, européaux et galacticaux abonnés d'offices, pensionnés mais non cotisants, nous en comptions 321589 de militants de base et encore le chiffre comptabilisait-il un bon nombre de trépassés ressuscités par le seul verbe républicain de notre maréchal-président-tricard à vie mais dans la réalité il n'y en avait de réels, de terrestres et matérialisés sur la place de Paris que onze, c'est dire que l'événement était d'importance: la visite d'un militant de base, qui plus est électeur et votant, la merveille ! ( l'un des derniers avec le fameux Père Jaunet des Batignolles qui depuis 36 n'avait pas raté une élection, le con!).
    -Il était prévenu ? Demandai-je à la secrétaire dans le recueillement.                                                                                                                                                                                                                                                                                                                             
    -Justement non, il a débarqué comme ça, en  revenant de faire son marché. C'est Marcel Grougnard de la section Capucines.
    -Ah ça a dû lui faire un choc au cher Gégé.
    La porte s'ouvrit, le Gégé, il était blanc et raccompagnait le pépère porteur de cabas d'où dépassait un poireau avec les égards qu'il aurait servis à un premier-ministre en visite d'état.
    -... je suis content... vous êtes bien installés... je repasserai...
    -Je vous recevrai toujours avec plaisir mais la prochaine fois prévenez-moi, on aurait pu se rater monsieur Grougnard... vous imaginez      
    Il ne se le serait pas pardonné le cher Gégé de rater l'occasion historique, le passage de la comète électorale, il lui aurait fallu attendre 643 années avant d'en recroiser un.
    <o:p> </o:p>*
    <o:p> </o:p>-Ah mon cher La Gaspèrine, alors vous voilà redevenu parisien, cela me fait plaisir, j'espère que vous n'allez plus vouloir nous quitter de sitôt ? Vous n'êtes pas fait pour la province, je vous l'avais bien dit.
    J'hésitais, titubais, défaillais presque, j'étais pourtant certain de ne pas avoir manqué le début, l'ouverture et même d'y avoir poussé quelques arias.
    -Je... je ne comprends pas. Je... je dois retourner à La Conche... c'est chez moi... mais si... pour être élu...
    Je me laissais tomber dans le fauteuil visiteur.
    Il actionna son interphone :
    -Madame Moineau cognac vite !
    J'essayais de reprendre mes esprits sans assistance alcoolisée.
    -Mais... mais La Branlaye et Médpeu m'ont dit... ils sont revenus...ils...
    -Ah ils sont chez vous ces deux-là, on les cherche partout... enfin pas moi... le juge d'instruction Larance-Lerouge surtout... ils ne vous ont pas dit, ils ont été inculpés dans l'affaire des sous-marins fictifs Boliviens...
    Une vieille affaire, des sous-marins que l'on avait vendus à la Bolivie, que l'amirauté bolivienne avaient réglés franco de port (ports dont ils étaient d'ailleurs dépourvus mais c'était en prévision de la revanche contre les chiens chiliens (difficile à dire !) qu'ils les avaient commandés) mais qui n'avaient jamais été livrés, le préposé ayant prétexté d'une sonnette défaillante.
    -Alors ils se sont réfugiés chez vous ces deux saligauds...
    -Mais comment... mais pourquoi eux ?
    Je reprenais un peu de vigueur et la colère devant une telle injustice me raviva les sangs :
    -Vous savez bien que tout le monde a touché là-dessus même la dame pipi de chez Lipp.
    -Taisez-vous, pas de nom je vous prie ! C'est tombé sur eux voilà tout, pour l'ensemble de leur œuvre, souvent nommé jamais récompensé, une inculpation d'honneur en quelque sorte, et je peux vous dire qu'ils ont intérêt à bien se calfeutrer parce que les boliviens sont très ... très colorados en ce moment. Mais parlons plutôt de vous, je vous ai enlevé un belle épine du pied.
    -Alors je ne suis plus candidat ?
    -Mais non et c'est l'un de vos camarades de promotion : Joël Noyeux  qui va vous remplacer dans ce pays de sauvages, vous devez être soulagé ? Contre Letroncheur il n'a aucune chance pour la mairie. La négociation a été rude, enfin il n'a pas été chien et il a consenti à lui laisser une place au conseil général et un pourcentage sur les cantines scolaires. D'ailleurs votre remplaçant doit rejoindre son affectation cette nuit... enfin si le plafond n'est pas trop bas. Mais comment vous n'étiez pas au courant ?
    -J'ai dû manquer la première.
    Je vidais les deux verres de cognac que nous apportait la môme Moineau au grand désappointement de Gégé-ex machina ex-alcoolique anonyme, et je me levais, j'étais plus grand que lui et salement remonté, il battit en retraite prudemment derrière son bureau long, rangé et incontournable comme une barricade d'imprimeurs. 
    -Noyeux ! ‘l'est même pas breton me surpris-je à lui rétorquer racisse et déçu. Et puis merde, j'y suis j'y reste. ‘fallait pas m'y envoyer !
    -Allons mon petit vieux reprenez-vous et puis vous ne perdrez rien au change, vous pouvez m'en croire, monsieur le secrétaire général pense à vous soit :  pour le poste de commissaire général aux chantiers de jeunes ?
    -Je n'ai aucune envie de faire carrière en short long dans le bâtiment. 
    Ma réponse abrupte l'obligea à relancer très fort :
    -Soit pour occuper les fonctions de Résident Général en Seine Saint-Denis.
    Bougre ils y allaient fort, me proposer un tel poste à mon âge.   
    Il sentit qu'il avait mis en plein... en plein dans l'orgueil Gaspérinien :
    Il ajouta :
    -Malgré votre jeune âge et en toute honnêteté vous en sentiriez vous capable ?
    -Je me connais assez pour savoir que je ne serai pas z' inférieur à la tâche qui me serait confiée, bien sûr je n'ignore rien des... des « événements » en cours, les attentats du Front de Libération Neuftroâsien (F.L.N) ainsi que les rodomontades de l'A.L.N  (Armée de Libération Niquetaracienne) sur la frontière Seine et Marnaise mais je saurais, je pense, engager une politique de dialogue constructif z'entre les communautés pouvant déboucher, je ne privilégie z'aucune voie bien entendu mais je n'en exclue non plus z'aucune, à moyen... ou court terme sur l'indépendance pleine et entière.
    -Ce sont aussi les sentiments de notre premier ministre : une politique de fermeté soit mais sans hochements de menton ou obstination obtuse. 
    -Je saurais me mettre, ou me faire mettre par des conseillers choisis, dans le sens de l'histoire en préservant bien entendu tous les intérêts... mettons la plus grande part... au moins une petite partie... enfin il faudrait et je ne transigerai point là-dessus que la si longue présence française ne fut point oubliée du jour au lendemain en ces départements qui nous furent si chers non plus que mes droits à retraite (je levais les bras au ciel, que j'avais très grands, les bras pas le ciel, vrai je devenais gaullien dans l'exercice du tombé de pantalons), je les veux  préservés et confortés par une indemnité compensatrice et un éventuel reclassement à valeur indiciaire équivalente en... en métropole.
    -Vous les aurez, connaissez-vous Plombières ?
    -Mère y va prendre les eaux quinze jours à la saison.
    -Fort bien et mieux encore si vous y avez des souvenirs heureux ?
    -De mère fort peu, en fait je crois presque aucun, depuis l'enfance nous nous sommes croisés quelques fois mais rien de plus, la création : sa peinture, ses livres, ses amoures mâmes, l'occupe tellement.
    -Oui, je... je comprends. Non je vous demandais cela parce que nous avions pensé à cette agréable station thermale pour y mener les premières négociations avec le Cheikh Choupinot et les délégués du Gouvernement Provisoire.
    -Plombières fort bien.
    Je ne pouvais m'empêcher de penser: quelle drôle de manie nous avons, nous autres français, de déshonorer ainsi avec obstination toutes nos villes d'eaux.  
    <o:p> </o:p>*
    <o:p> </o:p>J'arrivais à La Bégude de fort bonne et décidée humeur, Diable ce n'était pas tous les jours que l'on vous annonçait de telles nouvelles, c'était de ces dates qui comptent dans une carrière, Père, pour les intimes le Président Régis Cardemeule qui, au temps de Giscard et alors qu'il était chef de cabinet de quelqu'un de ses sous-ministres, avait décolonisé les Nouvelles-Hébrides à lui seul, au bénéfice exclusif des anglais et en empochant une honnête commission au passage ainsi qu'une prîme de rendement exceptionnelle, oui Pére lui saurait me renseigner sur les conditions, tarifs et remises consenties au décolonisateur modèle.
    Car à dire le vrai, j'apercevais même quelques possibles profits pécuniaires si comme on le murmurait l'ex-sultanat de Brunei  finançait le gouvernement provisoire.
    Que l'on ne voit surtout pas de pareilles spéculations sous un mauvais jour, l'indépendance apparaissait à tous les observateurs sérieux comme inéluctable et nous permettrait peut-être de garder la Seine et Marne, si l'O.N.U bien entendu ne s'en mêlait pas de trop prés... et ne nous bombardait pas de trop haut. 
    <o:p> </o:p>J'arrivais donc gai et enjoué dans la maison du malheur.
    La Bégude était de ces restaurants parisiens années 50, confortables et non sans agrément mais  anonyme et où les serveurs tous quinquagénaires dataient autant que la carte et où le menu du jour semblait de l'avant-veille. En salle quelques fumeurs de cigares faisaient le siége patient de leur digestion à petites lapées de Grande Chartreuse 1904 mais je cherchais en vain parmi la clientèle le cher Valter, j'étais dans de telles dispositions d'esprit que j'étais prêt à lui pardonner mes énervements de ce matin devant son individualisme régnant sinon souverain.
    Les serveurs me paraissaient assez éteints, même s'ils accomplissaient un service parfait mais tout de même je fus un peu étonné quand à l'entrée un peu vive d'un client impatient ou affamé le demi-chef de rang à côté de moi sortit un pistolet-mitrailleur de sous la cloche en argent de la table roulante.
    Oh certes il se hâta, devant l'innocuité offensive de l'arrivant, de reposer l'arme dans le canard au jus mais quand même, dans une maison bourgeoise telle que celle-ci, c'était là un geste d'artilleur... qui détonnait.
    Je me renseignais auprès d'un maître d'hôtel morne et hautain, sans doute un peu trop cinéphile .
    -Hum ! Hum ! Je crois que monsieur Chéchignac a réservé une table pour deux.
    -Son Excellence a sa table réservée à l'année, je vais vous conduire si vous voulez bien.
    <o:p> </o:p>Je lui pris le train mais très vite après avoir remonté les salles, sans nous arrêter, nous nous retrouvâmes dans le Privé et plus loin, plus haut plutôt, puisqu'il nous fallut suivre un escalier en colimaçon nous traversâmes deux bureaux meublés de téléphones en bakélite, de canapés ronflants et de meubles dans le style IV° flamboyant, reconstruction lourde qu'affectionnait si fort le cher Valter.
    Enfin le maître d'hôtel frappa à une porte, il était midi mais la pièce était dans l'ombre, il y avait des perfusions et tout un appareillage électronique autour du lit sur lequel reposait son Excellence Walter Chéchignac, le torse et un bras bandé endormi ou anesthésié ?
    Quelque chose en moi me hâta le cœur et les sens, et d'imaginer cet homme dont au vrai je ne savais rien, en péril de mort me causait une peine importante et désordonnée.
    -Il... il est mort ? Demandai-je à l'un des deux types qui le veillaient.
    -Non, non ne vous inquiétez pas il en a vu d'autres.
    Mon trouble était visible, je levais la tête vers mon interlocuteur qui se présenta :
    -Je suis Bédoncle, je suis le taulier, vous êtes le fameux La Gaspérine c'est ça ? Venez passons à côté, il va dormir un peu, se reposer. Il en a besoin, je lui avais bien dit que la vie de province c'est usant.
    Il me montra un sourire rescapé d'une grande inquiétude.
    Ce n'était assurément pas la vie de province qui l'avait à moitié tué, le cher Valter mais bien ces quelques heures parisiennes qu'il venait de passer sans grande prudence dans l'intimité de quels crimes !
          
    Dans la pièce d'à côté deux femmes parlaient à voix basse, l'une était une bonne sœur, en noir, l'autre une grande brune moins sœur mais en rouge, plus très jeune, dans les trente-cinq ans, mais d'une beauté surprenante, tout de suite agissante, à l'ancienne, très allurée, un charme de cocotte mais avec une autorité de sociétaire.
    J'avais la même sensation devant ce genre de beauté très femme que quand je me promenais en forêt enfant et que soudain une source m'apparaissait, une joie physique et brutale, l'instinct renseigné et comblé et dans le même temps la découverte de l'éternité sensible.
    Bref dans l'instant j'en tombais amoureux. Pourtant elle avait pleuré, elle s'était inquiétée, triturait son mouchoir comme un chapelet de veuve à venir, mais rien ne pouvait la gâter.
    -Ma chère Merry je vous présente Monsieur La Gaspérine.
    Elle se tourna vers moi, elle avait les yeux verts et d'une infinie patience, rien ne me trouble plus que cette patience chez les femmes, ce pas plus long, plus accompli, ce temps qu'elles ont en plus, je n'arrivais même pas à parler et je me montrais presqu'aussi ridicule que le cher Valter devant Dartemont-Belcourt.
    Les esprits déductifs et autres psychologues de terrain me diront que je sublimais comme un puceau redoublant devant la nouvelle maîtresse des septièmes.    
    Mais à ceux-là je dis merde tout hautement !
    Car ce que j'avais devant moi, je le savais, c'était bien la grande Merry tenancière des escarpées et douteuses affaires parisiennes de Chéchignac, peut-être avait-elle été pute en quelque antique pratique, mais  sa vocation était bien maintenant là: dans l'éternité et en cet instant elle m'apparut comme la France incarnée, non pas l'intérimaire, l'ignoble pouffiasse, Marianne de mes fesses, jument éructante, dépoitraillée et vérolée  que l'on se plait à exhiber à la relève montante et sacrifiée mais la belle Merry, Jeanne ou Geneviève, inquiète, survivante et patiente.
    Et c'était elle que cette petite ordure de Sopalin et tous ses pareils à l'âme servile voulait que j'enchaînasse et menasse aux marchés aux esclaves la solder aux barbaresques.
    A ce moment de haute exaltation mon téléphone portable sonna, c'était Gérald Sopalin qui m'invitait à un dîner informel sinon clandestin à Matignon avec quelques intellectuels concernés, forcément concernés:     
    -Ah vous voilà vous ! Eh ben il peut bien venir votre Cheikh Choupinot, je vais te lui refaire le coup de la prise de la smala mouais à ce con-là! Et quant à vos putains de Nouvelles-Hébrides vous pouvez compter sur moi je te les reprendrai  aux britiches !
    C'était d'autant plus ridicule que j'aurais été bien incapable de les situer ces îles modiques que mon père coupable avait cédées à vil prix à notre concurrent historique en matière de plantation de drapeaux et de confiscation d'îles introuvables.
    Comme un cosaque ivre, je balançais mon portable dans la cheminée, heureusement éteinte et je marchais à elle, la belle Merry pas la cheminée bien sûr, je pris son visage dans mes mains et la baisais sur la bouche, longtemps, elle se laissa faire, longtemps.
    L'éternité vous dis-je... et avec tous les suppléments encore. (à suivre...)
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  • La dernière lettre de Guy Hoquet à lire dans les écoles (de commerce) :
    <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p>   Mon cher papa, ma chère maman, ma mémé, mon pépé, ma petite sœur chérie et mon gentil chien Rataplouf que j'aime tant,  tout à l'heure les allemands vont me fusiller contre un mur c'est vraiment pas chic de leur part après tout ce que j'ai fait pour eux, même s'ils m'ont dit que je pourrais choisir mon mur.
    Ils me reprochent de leur avoir loué une kommandantur avec seulement des douches et sans baignoires ce qui leur pose des problèmes administratifs d'après ce que j'ai compris j'ai eu beau leur espliqué que dans le coin l'hygiène était rudimentaire et que c'était déjà beau que les gens de la Gestapo puissent disposer d'un coin toilette  mais va te faire voir, rien à faire ah quand ils ont une idée dans la tête ceux-là !
    Là dessus est arrivé le problème du mur à fusillés, le Père Grenot me louait son mur jusque là et moi je le sous-louais aux allemands pour qu'il puisse fusiller sans avoir à se déplacer dans le centre-ville et voilà pas que le vieux Grenot proteste qu'y en a marre qu'ils lui salopent tous son bien et qu'y-z-ont qu'à aller s'en chercher un autre, le Hauptman Gruber (garçon très korrek soit dit en passant) va pour le réquisitionner et l'autre vieux forban décide d'abattre son mur dans la nuit avec ses garçons. Colère des allemands qui sont obligés d'aller fusiller en ville (ils ont bien essayé contre les murs du cimetière mais ils étaient trop bas et ils ont perdu deux pelotons qui s'étaient pas rendu compte qu'ils se faisaient face !) et arrestation des Grenot père et fils et de votre petit Guy.
    En cette heure ultime je pense bien sûr... à  mon chien Rataplouf, ce qu'il pouvait être rigolo quand il lapait l'eau du bocal du  poisson rouge.  

    Bon vous direz à bonne maman de dire à Tati Loulette d'enlever les juifs du grenier de la Rue de Constantine pour les mettre au sous sol de l'appartement du square Montholon en leur demandant un supplément parce qu'il y a l'électricité dans la cave.

    <o:p> </o:p>

    Quand même j'ai bien du regret de faire « fusillé » alors que j'aurais tellement voulu faire « agent immobilier ». Non mais  imaginez rien qu'avec les armées d'occupation le passage qu'il y a quand je pense qu'on annonce les américains, ils ont débarqué en Normandie à ce qu'on dit, sans doute qu'ils vont chercher à se loger ces gens-là, normal non et j'ai justement en portefeuille une kommandantur impeccable à Caen avec 75 chambres et une reprise minimum si l'affaire est faite rapidement, les anciens locataires qui sont là depuis quatre ans sont très Korreks eux aussi parce que c'est rudement bien installé: tout confort moderne, baignoires même dans les caves, piscine, barbecue et batterie de D.C.A  dans le jardin, il y a juste à refaire les peintures (vert de gris pas terrib') et changer quelques tableaux.

    Ah oui si j'avais vécu je serai monté à Paris, je crois qu'il doit y avoir de l'avenir là haut! J'ai jamais compris pourquoi ils voulaient tous habiter dans cette ville de suicidé mais  je te leur aurais loué, moi, à tous ces couillons des deux pièces sur cour cafardeuse au prix d'un château en Auvergne giboyeuse. Ah vrai c'était la fortune assurée.

    Au lieu de quoi il faut que je me choisisse un mur, d'un autre côté comme ça je reste un peu dans l'immobilier. Je crois que je vais prendre le grand en briques qui est juste en face de la cathédrale, c'est passant et il est bien exposé, il y a pas de frais à faire et il conviendrait très bien à une jeune couple de résistants jeune mariés communisses ou à un martyre héroïco-gaullard comme moi. Ah merde c'est vrai il y aura ces cons de Grenot, à quatre de face on risque de devoir se tasser et forcément je serai moins héroïque!

    Bon je les entends qui arrivent, c'est pour nous, ma dernière pensée aura été:  finalement j'ai bien fait de prendre le chandail à trous que m'a tricoté bonne maman sans ça j'aurais pas su quoi mettre je sais toujours pas si c'est une exécution habillée ou pas et comme c'est ma première... et ma dernière...

    <o:p> </o:p>

    Merde !... mais... on dirait... mais c'est plus les allemands... ouais c'est les américains ! Bon, je vous quitte, bises à tous.

    <o:p> </o:p>

                                                     Votre petit Guy qui pense à vous.

    <o:p> </o:p>

    De ce jour Guy Hoquet n'a plus jamais écrit... il s'est fait installer le téléphone.

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