• 14.
    L'Auberge de La Chaudasse.
    <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p>   Dartemont-Belcourt en short et lunettes de soleil avait ressorti la vieille R4 du garage du Coin Maurin où elle avait été rapatriée après le tragique et démonstratif accident de ces demoiselles Dartemont et elle avait entassé là-dedans sa sœur  et leur descendance :
    -Nous allons à la plage. Nous expliqua-t-elle de sa voix haute  et assurée de meneuse de revue... de fin d'année à Notre Dame de Sion. 
    Ces dames après s'être concertées avaient décidé de passer les grandes vacances à La Ponche en famille mais sans délaisser pour autant la marche de la Maison Dartemont Sœurs. Chacun même étant tenu d'y apporter sa contribution, selon ses moyens.
    -Cela risque de tourner au Club des cinq en vacances, vous ne croyez pas Chef, si vous devez supporter toute la famille pendant vos enquêtes. Plaisanta Walter Chéchignac, visiblement embarrassé par la tournure absurde que prenaient les événements.
    Mais il était d'un avis différent le veuf double :
    -C'est de la vie mon cher Valter et j'arrive à un âge où l'on ne doit pas refuser la vie quand elle se présente à vous, le soir dans mon appartement, je mets quelques fois l'oreille au plancher rien que pour les écouter vivre en dessous.
    Le Veuf Double occupait les combles de l'immeuble Dartemont du Coin Maurin.
    -Et puis dans l'affaire Ernestine Le Gourvenon... mais si le parc à huîtres sanglant... c'est elle qui a trouvé le fin mot de l'affaire... le garde-pêche c'était bien lui qui avait étranglé le maître-nageur et tout ressemé en Belons.
    La Ponche l'été devenait une station touristique et la population se multipliait à la vitesse des petits pains dont il est question dans les Ecritures fameuses. Le touriste aussi était nourrissant. Pour ma part ce qui m'inquiétait n'était point la fréquentation touristique mais ma permanence brûlée et plus encore les intentions, sûrement mauvaises, que ce geste criminel dénonçait.
    <o:p> </o:p>Le capitaine de gendarmerie, un homme charmant, en tapant son rapport sur son ordinateur portable malgré les épais pansements qu'il portait aux mains, il s'était brûlé m'avait-il confié la veille en organisant un barbecue pour son escouade, ne m'avait point caché que l'enquête serait difficile.
    -Enfin on va croiser le fichier des pyromanes avec celui des pilleurs de tronc d'église et quand on aura le profil ‘sychologique on l'enverra à Paris. On vous préviendra.
    -Tant qu'à croiser les fichiers, me fit remarquer en sortant de la gendarmerie Walter Chéchignac, c'est plutôt celui des gendarmes de permanence et celui des grands brûlés que j'aurais croisés.
    -Allons don' vou plaisantez, mon cher Valter. Un service public que le monde entier nous envie.
    -Le K.G.B aussi c'était un service public.
    <o:p> </o:p>Dartemont-Belcourt, accompagnée de ses nièces déguisées en allumeuses estivales, après avoir souri comme en bienvenue à Walter Chéchignac qui lui bredouilla ses hommages, se tourna vers moi :
    -J'ai appris monsieur La Gaspèrine l'incendie de votre permanence électorale, j'espère que vous étiez bien assuré ?
    -Oh ce n'est pas tant cela qui m'inquiète chère Madame mais bien plutôt ce que ce geste peut augurer de violences et d'affrontements imbéciles.
    -Je sais le Chef ‘von le Gueuzec très occupé en ce moment mais voulez-vous que nous nous mettions avec ma sœur sur l'affaire... ou bien encore les jumelles, elles montrent beaucoup d'instinct et d'esprit de suite, savez-vous...
    -Ma tante, vous oubliez que Monsieur ‘von Le Gueuzec nous a confié l'affaire du satyre des plages, c'est du travail.
    -Quel dommage que vous n'ayez pas de chien chère Madame il nous aurait peut-être mis sur la piste... fit remarquer avec causticité Walter Chéchignac enhardi par la colère et la rage de piétiner en terrain même pas conquis.
    Elle enleva ses lunettes de soleil, pointa son regard bleu dans celui très noir de Valter, qui soutint l'échange et le prolongea comme à plaisir, il était certain qu'un fort potentiel passionnel existait entre ces deux-là.
    -Mon Dieu nous ne demandons qu'à rendre service, cher monsieur, dans la mesure de nos moyens, sans doute les vôtres sont-ils plus importants, il ne tient qu'à vous d'en faire le meilleur usage. 
    Il n'était pas difficile de deviner que son excellence aurait volontiers brossée l'impertinente sur le capot de la R 4, mais il y avait les enfants innocents, les vacanciers en shorts et les usages diplomatiques, alors il évacua la pression dans un sourire pirhanesque.
    -Vous avez raison, madame, nous allons nous occuper de ces malotrus.
    La Renault 4 démarra, puis cala, redémarra et s'éloigna enfin elle était à bout de potentiel et chargée à plein bord de rires d'enfants et de ballons de plage.
    -Elle me cherche, vous avez vu La Gaspérine. Commenta Valter en s'essuyant le front.
    Ils se cherchaient c'était l'évidence mais se trouveraient-ils ?
    Le Chef ‘von le Gueuzec demeurait soucieux.
    -Cette histoire ne me dit rien qui vaille... a propos on a retrouvé tes boliviens de l'autre jour... mon petit Valter... prés de Ventimiglia, sur un chantier, coulés dans des piliers de béton.
    -Assassinés ? Demandai-je.
    -Qu'est-ce que vous allez imaginer là ! Non ils auront glissés.
    Je détestais quand Walter Chéchignac prenait ce ton railleur, il en devenait vulgaire et populard.
    -C'est Guido Giannetti notre correspondant en Italie qui m'a téléphoné la nouvelle tout à l'heure. Tu vois ce qui m'inquiète c'est toute cette vaisselle qui est faite après une modeste expédition ratée. Une dizaine de morts pour un pétard mouillé.
    -Vous croyez toujours que c'est monsieur La Gaspérine qui est visé ?
    -Non, je peux comprendre que l'on veuille le tuer mais j'imagine mal que l'on y consacre autant de moyens.
    -Merci c'est flatteur.
    -Moi alors ? S'interrogea Chéchignac, qui avait sans doute quelques règlements en train.
    -C'est l'hypothèse la plus probable mais ce n'est pas la seule.
    -Et pourquoi pas vous chef, les suédois veulent peut-être venger l'affront que vous leur fîtes, jadis.
    -Ce sont des neutres, ils ont perdu l'habitude de l'honneur. Tes affaires parisiennes ne te donnent pas de souci en ce moment ?
    Le Chef ‘von le Gueuzec avait baissé de ton pour évoquer les « affaires parisiennes du consul » ce devait être encore du joli.
    -Ma foi non, c'est le grand calme. Il y a peu de touristes alors on fait le chiffre avec les habitués et les provinciaux, d'après le dernier reporting que m'a envoyé Merry.
    -Elle va bien Merry ? Toujours en beauté.
    -Elle tient le coup.
    Je me sentais maintenant mal à l'aise au milieu, c'était sans doute le terme le plus approprié, de cette conversation ornée de sous entendus et de souvenirs pris en commun. 
    Que faisais-je parmi ces gens et comment le Rassemblement pour l'Union ou l'Union pour le Rassemblement, je ne savais plus, enfin ce parti de merde quoique de gouvernement pouvait-il cousiner avec de tels personnages. Sans doute leur avaient-ils rendus de grands services dans le passé et encore à l'occasion se montraient-ils utiles, mais quand même.
    Quand ils en eurent terminé de leurs silences à œillades et de leurs propos clignotants, je dis :
    -Je crois que je vais prendre une chambre à l'hôtel. Je ne peux quand même pas vous envahir pendant six mois. Qu'en pensez-vous mon cher Valter. J'en ai vu un qui me semble très convenable prés de la Cathédrale.
    -Tiens don' il y a une cathédrale prés de cet hôtel de passe, je ne l'avais jamais remarqué ! Rigola en grand le Chef ‘von le Gueuzec.
    <o:p> </o:p><o:p> </o:p>*
    <o:p> </o:p>Malgré leurs avis contraires et argumentés: « ... ce n'est peut-être pas le moment de vous émanciper quand ça valse dans tous les coins !... vous avez bien le temps, la maison est grande et confortable et sous la garde de Dona Chupita Bonita y Gomez et du jeune Conchito, qui de fait est du matin,  vous ne risquez rien !... là-bas la patronne est irlandaise et les putes poivrées, venez pas pleurer si vous vous attrapez  une chaude pisse sans compter qu'elle a été plusieurs fois condamnée pour son haricot de mouton... allez quoi merde faisez pas le con La Gaspérine ! »
    Je demeurais inébranlable.
    Je crois que Walter Chéchignac préférait seulement m'avoir sous la main, je recouvrais ainsi toute ma liberté, d'ailleurs l'Auberge de la Chaudasse  me parut d'entrée fort convenable, agréable maison à colombages et torchis de... enfin bâtie selon les prescriptions et traditions locales, meubles cirées et service en vernis, mon appartement donnait sur la Cathédrale Sainte Trahoudulde.
    La patronne Mrs. Adam (comme le verre avait spirituellement remarqué Médpeu : le verre Adam... à dents !) était une irlandaise rousse  prospérante et agissante, son époux une espèce de cocu de serre  tardif et malingre, lui aussi anglogène, les servantes accortes, bien entendu et comme annoncées plus haut, mais si l'on mettait d'entrée le holà à leur familiarité commerciale et hors de propos, l'on pouvait trouver là le repos et même un certain confort.
    Bien entendu j'avais réquisitionné d'office deux chambres pour  La Branlaye et Médpeu, ils quittèrent la maison du consul Chéchignac à regrets mais prirent très vite leurs aises dans leur nouveau logis.
    -C'est... c'est charmant... et pour ce qui est des prix cela reste encore très provinciale, très raisonnable, quand on voit ce que l'on paye à Paris pour la moindre pip... je veux dire pour un service en chambre... décent j'entends.
    Nous étions réunis pour notre première soirée ici dans la salle à manger autour d'une Guiness et d'un homard au gingembre, éthiquement discutable, et encore avions-nous soigneusement évités, sur mon injonction, le haricot de mouton aux airelles. 
    Au dessert devant une jelly branlotante « cherry and juniper », La Branlaye proposa pour nous remettre de nos émotions gustatives d'aller boire un verre dans une boîte de nuit « tout à côté », je ne pouvais pas leur refuser un moment de détente surtout pris « tout à côté ». Je devais remobiliser mon équipe, les élections approchaient et ma campagne d'affichage avait démarré dans la sobriété sous une photo de moi en tricot de marin (pour faire oublier mon parachutage et me donner une couleur locale) à rayures molles (pour rassurer l'électorat flottant) et avec une gâpette de cap-hornier (histoire de montrer que malgré tout il y avait quelqu'un à la barre) : un slogan fédérateur choisi par mes conseillers:
    «  Jean-Thierick La Gaspérine un vrai vote de conchois. »
    N'est-ce pas que c'était assez con... chois ce que ces cochons-là avaient trouvé mais enfin il m'en garantissait les effets et s'engageaient à me rembourser mes frais de port si je n'étais pas élu, alors, pourquoi douter, vrai j'avais confiance.  
    Les premiers résultats étaient d'ailleurs fort encourageants puisque l'on se foutait de moi partout où j'étais affiché à travers la ville.
    -C'est bon... c'est très bon... comme une donzelle au premier rendez-vous, qui se défend, se moque mais qui est troublée... on va les sauter ils vous attendent, je vous dis qu'ils mouillent déjà !
    -Je ne suis pas Letroncheur Messieurs.
    -On sait... on sait...
    Et La Branlaye disait cela avec comme du regret. Je crois qu'ils n'étaient pas encore tout à fait convaincus de l'existence terrestre de ce Jean-Thiérrick La Gaspèrine qu'ils leur fallaient vendre à tempérament à des électeurs notoirement insolvables ou du moins point décidés à s'endetter pour de l'article de Paris.
    -Et puis il y a votre prénom breton cela rassure. Se rassura La Branlaye.
    A dire le vrai je tenais ce prénom faussement bretonnant non point d'une quelconque hérédité armoricaine mais parce que Monsieur mon père le ci-devant Président (il avait été président très jeune, de tout et de n'importe quoi) Régis Cardemeule s'était présenté fin cuit quand il m'avait déclaré à l'état civil de la mairie du XXII° :
    -Son prénom ?
    -Jean-Thierry-hips !
    -Jean-Thierrips ?
    -‘pa' ça ! ‘ean-Thierry-hic !
    -Jean-Thierrick  s'pas breton ça ?
    -Oui...ic !
    A quoi tient le destin... s'pas?
    <o:p> </o:p>*
    <o:p> </o:p>La boîte de nuit n'était pas « tout à côté » mais « tout en dessous » de l'hôtel et donc du niveau de la mer et la tenancière était aussi rousse que la patronne de l'Auberge de la Chaudasse, d'ailleurs... d'ailleurs c'était elle, elle mais en string de cuir et son mari en slip léopard déguisé en Tarzan tubard tenait le bar.
    -Dîtes donc vous vous foutez de moi vous deux ! En plus cela m'a tout l'air d'être une boîte à partouzes votre boîte de nuit !
    -Ah vous croyez... on ne connaît pas bien la ville mais maintenant que vous me le faîtes remarquer... c'est curieux en effet... enfin l'on doit pouvoir se faire servir trois babys sans trop de dommages.
    Médpeu s'en alla négocier au bar avec Tarzan pendant que je m'installais avec La Branlaye dans un recoin, le plus sombre, heureusement les recoins sombres ce n'était pas ce qu'il y avait de rare, il n'aurait plus manqué que je me fisse remarquer dans un tel lieu :
    -Vous craignez pour votre fleur ?
    -Je crains pour mon élection mon cher et je pense que cela vous concerne un peu.
    -Ils élisent pas une rosière. Mais puisque je vous dis que c'est dans la poche, détendez-vous quoi merde, il faut savoir mettre un peu de mou dans la bretelle de temps en temps sans quoi on ne fait pas une carrière politique, vous tiendrez pas le coup mon vieux déboutonnez-vous quoi 
    -C'est aussi un conseil politique ?
    -Mais tout est politique la bretelle comme le reste !
    -Votre formation gramciste qui vous donne des renvois.
    D'ailleurs du mou il n'y en avait pas beaucoup autour de nous, l'établissement était certes d'un standing infiniment supérieur à celui du 10/18, mais la grande majorité des consommateurs consommait et une minorité agissante regardait. Je crus même reconnaître parmi la distribution et dans les premiers rôles les deux jumelles Dartemont-Chambeulac très affairées à dresser une meute de mâles, elles avaient des fouets et les faisaient  claquer sur les fesses des fauves bedonnants et rôtants dans un très beau travail en férocité.
    -Ne serait-ce point ces demoiselles Chambeulac ? Interrogeais-je Cyril Médpeu qui nous revenait avec trois whiskys.
    -Ma foi, il me semble en effet... mais comment se peut-il... voulez-vous que j'aille me renseigner ?
    -Je ne vous le conseille pas, buvez vos verres messieurs et retirons-nous !
    A ce moment retentit un :
    -Bordel de merde qui c'est qui me fout la lumière dans les yeux !
    C'était l'organe considérable de Letroncheur, il n'y avait pas à se tromper, il était reconnaissable entre tous et l'ayant supporté toute une soirée il m'était devenu familier. Il était la nouvelle attraction de la soirée et Mrs.Adam braquait le projecteur sur la scénette charmante de Letroncheur au milieu des dames. Médpeu me détailla les protagonistes :
    -La blondasse de droite est la femme du notaire Maître Jeanneton, il est conseiller général vous lui avez été présenté, je crois, la brune qu'il saillit est Madame Lecornec la femme du pharmacien... d'ailleurs le pharmacien c'est le chauve à côté...
    Letroncheur comme en un jour d'ouverture, ne rationnait pas les cartouches, il en mettait même quelques unes au pharmacien et entre deux passées refroidissait le canon dans le seau à champagne.
    -Quel numéro quand même !
    Ils étaient fascinés par la vitalité du bonhomme Letroncheur, pour ma part j'en avais assez vu et commandait le repli :
    -Allons messieurs en route !
    A ce moment cette imbécile d'irlandaise gastronomicide envoya son projecteur sur notre mouvement tactique.
    -Mais putain c'est le mousse ! S'exclama Letroncheur en me reconnaissant.
    J'étais reconnaissable maintenant. Ah elle était réussie leur pré-campagne de notoriété à ces deux crétins
    Letroncheur avait dételé et se précipitait vers moi, l'arme à l'azimut en gueulant :
    -Nom d'une bite je vais te l'inaugurer moi le mousse ! ‘ va' te le faire mousser le parisien !
    Croire que je l'inspirais. Il ne pouvait pas laisser la marine tranquille, non.
    Je tentais de courir, d'échapper, ne pas connaître le même sort que le pharmacien, mais je butais dans un pouf ou une pouf', je ne saurais jamais et tombais le nez dans la moquette framboise parsemée de capotes usagées multicolores comme alpages au printemps.
    Letroncheur était pratiquement sur moi quand les jumelles Chambeulac, délaissant là leur... leur enquête, s'interposèrent avec une grande fermeté d'âme et dans de démesurés claquements de fouet :
    -ZiiiipSchlaaaaaaaac ! ZiiiiipSchlaaaaaaaac ! Au coin et vite !
    Letroncheur arrêté dans son élan, dégustait et paraissait même y prendre quelque plaisir, il ne rugissait plus :
    -Ouïlle ! Aïlle ! Mal, j'ai mal !Ouïllle plus fort c'est bon !
    Je me retrouvais, emporté par Médpeu et La Branlaye dans ma chambre.
    <o:p> </o:p>Je reposais encore convalescent de mes émotions sur mon lit quand ces demoiselles Chambeulac vinrent me visiter.
    Je les remerciais, bien entendu mais non sans m'étonner de leur présence dans un tel lieu :
    -Oh on rend juste service à Mrs.Adam, sa dominatrice titulaire Maîtresse Bertha s'est faite mordre par le receveur des postes, comme ça on se fait un peu d'argent de poche sans compter qu'on rencontre du monde et que ça fait bien avancer notre petite enquête sur le satyre... on soupçonne le pharmacien.
    Braves petites, décidément elles avaient la vocation, il me semble, non ? (à suivre...)
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  • 12.bis
    Garni diplomatique.
    <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p>Le Consulat Général se trouvait sur le port de La Ponche dans un vieil hôtel particulier d'armateur que Walter Chéchignac avait rénové avec adresse et un bon goût suranné, on se serait un peu cru dans l'un de ses films français de qualité bourgeoise des années cinquante. Las Islas Bravados y Perditas pouvaient être fières à bon droit de leur représentation en France.
    Il y avait une antique dactylographe posté derrière une machine à écrire Royal hors d'âge. Tout en tapant à deux doigts faiblards, et en remontant ses lunettes qui pendaient sur sa poitrine creuse, pour vérifier sans cesse sa prose, elle faisait aussi la police parmi les quelques ressortissants bravadiens échoués sur les canapés de cuir. Quand j'entrais elle tentait de chasser la fumée qui avait envahi la pièce en ouvrant en grand les hautes fenêtres :
    -Stoppa la fumita ! Je ne le répéterais pas deux fois, cela devient invivable ! Ah Dona Chupita a bien raison : quelle race infernale!
    Les autres se marraient.   
    -Et vous là !
    Elle s'adressait à moi comme une vieille institutrice d'antan aurait fait avec un cancre connu de ses services.
    -Vous n'êtes pas un représentant j'espère ? Son Excellence reçoit les contrebandiers en tournée, les trafiquants assermentés et les représentants en articles d'importation seulement le Jeudi .
    -Non madame je...
    -Mademoiselle !
    -Pardonnez-moi Mademoiselle je, je suis un... un ami de son Excellence, il m'a dit de venir le voir.
    -Vous avez rendez-vous donc il va vous recevoir, c'est bien... c'est bien assoyez-vous... je vous appellerai... votre nom?
    -La Gaspèrine.
    -Quelle classe ?
    -Euh... 6° B4... je redouble.
    -Tachez de travailler cette année. Je  ne vous conseille pas de voisiner avec toute cette pouillerie ou vous allez attraper de la vermine...
    Elle sortit une bombe désodorisante Brizznet de l'un de ses tiroirs et nous vaporisa en abondance de « senteurs du soir des îles caraïbes » qui tiraient plutôt sur le parfum de vécés collectifs, après quoi elle actionna un interphone qui devait sans doute marcher encore au charbon .
    -Mon petit Valter ton camarade est là... très bien je le fais entrer... oui, oui, je leur ai préparé leur petit goûter à ces vauriens... et toi tu ne veux rien prendre... je t'ai acheté des pains-z-au chocolat... bien comme tu veux... vous pouvez entrer. 
    Dans le même temps où elle me désignait la porte, je la vis sortir d'un placard des brioches au sucre, des barres de chocolat Milka et des bonbecs et commençait la distribution aux fumeurs hilares.
    -... trois par personne... ah ne commencez pas à chercher à me filouter ! Décidément des voleurs de poule voilà tout ce que vous êtes tous...
    <o:p> </o:p>Le bureau de son Excellence impressionnait par sa taille et sa hauteur de vue, des fenêtres on pouvait découvrir tout le port de la Ponche en plein labeur et plus loin l'océan passablement désœuvré. Aménagé dans le style quatrième république prospérante de meubles lourds et ministériels, l'on s'y sentait bien et surtout étonnamment à l'abri.
    Aux murs étaient accrochés des fresques stalino-roboratives représentant les principales réalisations en génie civile de ces dernières années « en Las Islas Bravados y Perditas », les barrages de Las Hermanas Nicas et d'El Gondolfo Coronito renommés pour leurs fissures géantes, un révolutionnaire pouvant y tenir debout sans retirer ses cornes, l'autoroute traversante A Uno y Basta, interdite au public, le Pont suspendu sur la Pelada y Gratos qui présentait de visibles signes d'affaissement et l'Usine de retraitement d'huiles lourdes de las Coyones actuellement en plein retraitement pour malfaçons congénitales. 
    -Bonjour La Gaspérine, l'air de Paris vous réussit, vous avez pris des couleurs !
    Il n'avait pas tout à fait tort je devais le reconnaître. J'étais allé à Paris pour obtenir des éclaircissements et des encouragements, je les avais obtenus et au delà et j'en revenais pleinement satisfait et rasséréné.
    A ce moment Mademoiselle entra comme une petite souris, elle trotta vitement à travers la grande pièce, déposa sur le bureau deux pains-z- au chocolat et repartit sans un mot.
    -Elle a de la suite dans les idées votre secrétaire. Elle vous aime bien, je crois, elle vous admire.
    -Mademoiselle de Plombelec ? Oui sans doute, c'était mon institutrice, elle m'aime bien mais pour l'admiration voyez plutôt Dona Chupita, c'est son héroïne.
    -Votre gouvernante est de là-bas m'a-t-on dit ?
    -Elle descend en droite ligne (de pêche) de l'amiral Chupito y Gomez héros de l'indépendance de Las Bravados y Perditas, qui à la suite d'une fausse manœuvre coula dans le port de Las Perditas son chalutier de combat empêchant pour partie le débarquement des troupes amenées par la flotte monégasque à fins de réprimer, dans le sang bien évidemment, l'héroïque insurrection du F.L.B, Front de Libération Bravadien. Selon les décomptes de l'institut Révolutionnaire de la statistique la répression colonialiste fit 79685 morts.Un pain-z-au chocolat mon cher ?
    -Oui, oui merci. Qu'est-ce que la flotte monégasque vient faire là-dedans sccroutch ? Interrogeais-je un peu surpris mon pygmalion, le cher Valter doncque.
    -Mais ami La Gaspérine, las Islas Bravados y Perditas était la seule colonie monégasque répertoriée. Lors du vaste mouvement de décolonisation et de libération des peuples c'est donc son aïeul qui fut couronné père de la patrie et en fit une démocratie populaire, réussissant dans la même semaine à diviser le niveau de vie par quatre-vingt-quatre, à doter dans les mêmes proportions sa fille unique et à faire lance-pierrer (ils n'avaient plus les moyens de fusiller) 79685 réactionnaires, que voulez-vous il était d'une nature comptable.
    -Non pas possible ?
    -La vérité diffère quelque peu de l'histoire officielle, la  flotte monégasque ne se composait que d'un navire océanographique commandé par le commandant Coustard, il s'était échoué en matant de trop prés des baleines bleues en pleine partouze estivale,  la  répression du pouvoir colonial fit seulement trois blessés légers, des gardes monégasques qui s'étaient reçus des pots de géranium dans la figure, là-bas, dans les cas d'émeute on ne dépierre pas les rues, on ne  lance pas des pavetons, on dégarnit les balcons et on balance des pots de géranium.
    -Chaque pays a ses traditions et elles sont toutes respectables.
    -Sur injonction du Prince Rainier régnant, le vice-prince délégué, l'adjudant Pierrot Bavallo signa l'acte d'émancipation et depuis le bonheur règne là-bas en même temps que la nostalgie monte. Au marché noir le Paris-Match coûte une petite fortune.
    A l'époque tout fut nationalisé, la société des bains de mer aussi bien que les matelas de plage; les night-clubbers, les putes, les plagistes et les milliardaires furent dorénavant nommés en conseil des ministres, l'avortement fut autorisé jusqu'à la quatre-vingt-septiéme année suivant la conception et l'euthanasie dés l'avant-veille. La réglementation fit des progrès fulgurants, aujourd'hui encore vous en pâliriez de jalousie mon cher, la respiration est rationnée, l'asthme ou plutôt les asthmatiques vaincus... Le progrès règne partout quoique la population stagne en bouffant des racines de coromel...
    -De... de Coromel ?
    -C'est une plante indigène, avec une crème brûlée, c'est divin! Malheureusement il n'y a plus de crème, et le feu même est contingenté.
    -Mais comment fait-on ?
    -On bouffe froid.
    -Et c'est ce pays que vous représentez ?
    -Ma foi il me semble, mon cher, que vous souhaitez en représenter un autre qui n'est pas moins fautif et ne montre pas autant de franchise, alors tant qu'à jouer à un jeu de con... 
    -Mais quand même la population ne fait rien contre un tel régime et ce tyran d'Adamsen Pinocevic de sinistre renommée ?
    -Pinocevic n'est point un tyran c'est un démocrate transgressif.
    -Pardon ?
    -Ils sont allés plus loin que vous et vos collègues, n'en soyez pas jaloux mais c'est un fait, vous êtes d'accord que la transgression est l'un des moteurs du progrès social et que sans vos grands ancêtres transgresseurs de 89 nous serions encore en monarchie autant dire dans les ténèbres et jamais quiconque n'aurait eu l'idée de se déplacer dans un véhicule automobile, s'élever dans les airs ou même inventer la pomme de terre?
    -Sans doute... oui sans doute...
    -Et bien Pinocevic transgresseur de la démocratie n'est simplement qu'une manière de créateur d'avant-garde, un démocrate cubiste si vous voulez, et si parce qu'il pratique la démocratie non-figurative vous l'appelez un tyran, je dis: attention au conformisme petit-bourgeois mon cher.
    J'étais ébranlé, quand même dans n'importe quelle soviet de maternelle française, le seul nom de Pinocevic révulsait les âmes simples de nos institutrices même les moins militantes et faisait lever du pot la jeune garde, ne disait-on pas qu'il avait même osé profaner des stades de foutebôle en y parquant des opposants dans les débuts de son régime militaire .
    -Mais... mais... mais...
    -Vous partez pour l'alpage ?
    -Mais c'est un régime  despotique ?
    -Ce n'est pas n'importe quel régime despotique c'est « le » fameux régime dissocié despotique : une alternance de médiocrité fanatisée et de monstruosité familière, mi-ogre, mi-bon papa, les gens aiment bien ça : qu'on leur tienne la main même si dans le même temps on leur serre les couilles au bleu : « Quand la merde monte dans l'étable la chaleur aussi », c'est l'un des dictons préférés de notre Maréchal Président Trou du cul à vie.
    -Vous voulez dire qu'il existe une réelle solidarité entre...
    -Je veux dire que chacun est le flic de chacun et vice-versa et puis leurs pratiques sociales sont d'une grande... « modernitad », d'ailleurs j'ai abonné le nouveau premier ministre Arrivistos Filandrosos, un technocrate d'origine indubitablement grecque, un peu dans vos tailles d'ailleurs, à votre estimé bulletin du Cercons, il en fait son miel croyez-moi, tenez, il y a peu, à la télévision, sur la Una j'ai assisté à ce qu'ils appellent une exécution sociale thérapeutique, le grand succès d'audience du samedi soir, le condamné, pardon le sociopathe récurrent, n'est plus exécuté au petit matin mais à la fin du journal télévisé, un travailleur social, le plus souvent un psychologue-barman souriant et avenant, vient lui proposer de lui parler de sa petite enfance, et à la fin de l'entretien il lui offre de prendre un Daïquiri Lithique ou de regarder le feuilleton social de la Una...
    -Et alors ?
    -Ils choisissent toujours le Daïquiri fatal...
    -L'alcoolisme sévit donc tellement sur vos îles ?
    -Il sévit moins que les programmes tévévisuels, eux rigoureusement imbuvables.
    -Mais enfin je ne sais pas il y a bien une opposition ?
    -Tout à fait elle est retranchée dans l'extrême centre-est du pays : la Sierra Bogart, de temps en temps quand les récoltes de leur fumette locale la Chuma, baissent ou que les prix du marché chutent ils tendent quelques embuscades aux milices gouvernementales ou mènent quelques actions d'éclats au accents viriles de leur chant de combat, le fameux : « Mi rompa los bonbones ! » Mais très vite il y a des négociations, discussions, création de sous-commission, rapport d'étape, parce-qu'ils ont  braisé tout vivants quelques technocrates ils s'estiment encore des hommes et on leur vote en retour des subventions et des droits à prîme et ils se réunissent tous en cercle pour entonner le « Vamos a ganar » c'est l'hymne national un Te Deum d'Artistico y Gomez sur lequel on a calé des paroles esotérico-foutebolisantes.  
    -Et Dona Chupita Bonita y Gomez ?
    -Elle est l'âme de la révolution anti-révolutionnaire... calculez pas ça chiffre tout de suite là-bas.
    -Et vous ne craignez pas que l'on sache qu'elle est réfugiée chez vous ?
    -Mais tout le monde est au courant, notre Maréchal Président pot de chambre à vie lui fait verser une pension de Chef de Bureau Honoraire de l'Agence Révolutionnaire pour l'Emploi, il fait suivre son courrier ici et il paye même sa carte naranja tres zonas quand elle retourne au pays pour y mener des actions clandestines, et quand elle lui téléphone d'ici il accepte tous ses PCV. Il adore quand elle l'insulte.
    -Elle paraît d'une nature paisible pourtant ?
    -Vous plaisantez. Tenez pas plus tard que la semaine dernière quand il a fait passer sa loi sur la consommation autorisée de viande de nonne pendant les périodes de congés payés afin de permettre de mieux reconstituer les forces du prolétariat utile, eh bien que croyez-vous qu'elle fit : elle a confectionné une bombe très étonnante avec des boulons de 12, du permanganate azoté et plein de bonnes choses trouvées dans mon garage, une vieille recette de passionaria, qu'elle a faite bouillir trente-six heures à feu doux et adressée en recommandé au palais présidentiel, il y a eu quatre-vingt seize morts au service du courrier, le Président a tenu à la féliciter par téléphone et à lui annoncer lui-même le strike vainqueur. Elle l'a traité de burrito, d'encoulado, de couardito, de morvito et même... d'empéchado, la pire des insultes pour eux, mais et c'est bien là la preuve de son humilité foncière elle a reconnu que cela n'avait pas été si difficile étant donné qu'ils étaient en sureffectifs flagrants dans les services postaux de la présidence comme partout là-bas dans l'administraçion révolutionnaire. N'est-ce pas que cette modestie est admirable ? 
    -Mais... mais ... ils sont donc tous fous là-bas... et d'abord  qu'est-ce que c'est  que cet Adamsen Pinocevic ?
    -Le taulier... ah c'est une nature le fils Pinocevic, le papa avait fait fortune dans le sanitaire de couleur pour la classe moyenne métis, un très brave homme d'ailleurs, le fiston est devenu marxiste à Portofino, sa Porsche a eu une panne, il est tombé sur un agent de la marque indélicat, et c'est comme ça qu'il a perdu la foi dans les valeurs de l'occident soit pour l'essentiel le service après-vente, il est rentré chez lui, il a pris le pouvoir et il a nationalisé toutes les concessions autos mais depuis quelques années il s'est converti au libéralisme, la grâce lui est tombé dessus au milieu d'une réunion Tuppervouaire...
    -Qu'est-ce que vous racontez là ?
    -Oui le premier ministre uruguayen organisait des réunions Tuppervouaire dans les années 90 lors des sommets internationaux. Un moyen de se faire un peu de gratte.
    Aussi sec il est devenu représentant Tuppervouaire exclusif pour las Bravados y Perditas et depuis tout le monde là-bas organise des réunions et s'y repasse des boîtes alimentaires alors que personne n'a plus rien à y mettre dedans.
    Signe qu'il a recouvré la foi il m'a même autorisé à ouvrir une concession Ferrari à La Bravade.
    -Ferrari ? Il est rancunier. Et cela marche ?
    -Je n'ai qu'un client mais un gros, vous devinez lequel.
    -Quel imbécile !
    -Oh non ce n'est pas un imbécile, plutôt un mélange de politicard démagogue et rural genre troisième république, de psychopathe bavard et emmerdatoire, de branleur marxisto-freudien et de chanteur de charme entraînant. Je vous le présenterai, c'est toujours une rencontre... nourrissante et il se peut montrer un fort joyeux compagnon quand il le veut bien.
    -Et vous vous flattez de son amitié ?
    -Concedo...Il faut vous dire que j'étais dans la Porsche sus-mentionnée quand elle est tombée en panne, il m'avait pris en stop alors que j'avais la police italienne au train, on a tenu trois jours retranchés dans la concession Porsche, au matin du quatrième jour on a forcé le destin et réussi une sortie en Vespa 400 Abarth.  Forcément cela crée des liens.
    Mais je n'écoutais plus ce qu'il me disait, je cherchais une explication, la plus rationnelle possible.
    -La Vespa ? Oui... oui sans doute c'est très amusant, moi mâme j'en ai une à Paris... mais quand même j'essaie de comprendre... ou alors c'est la drogue cette Fuma Chuma qui rend fou et tient tout l'édifice ?
    -L'édifice mon vieux il y a beau temps qu'il est par terre et que chacun vient y ramasser des pierres ou un bout de tôle pour aménager son terrier... quant à la Fuma Chuma elle a surtout des qualités aphrodisiaques.
    -Elle se fume comme le cannabis ?
    -Non, elle, elle se fume par tous les trous aussi bien en suppositoires que par les oreilles ou dans les trous de nez, il suffit voyez-vous d'en rouler une feuille très serrée de se la caler dans l'un des orifices sus-mentionnés, d'y mettre le feu et la fumigation vous envahit. Pour quoi il est conseillé aux plus assidus qui en arrivent à se calfeutrer tous les trous, pour s'éviter les courants d'air dans le cerveau, de ne jamais s'asseoir non plus que de s'endormir pendant « una fumita ».
    <o:p> </o:p>Le téléphone sonna, et oui il sonnait encore ici, quel bonheur  que de retrouver dans un livre de telles clarines provinciales annonçant que papa sera en retard pour le dîner et que belle-maman l'attende pas ou que le monsieur du garage dit que la traction avant est réparée.
    Walter Chéchignac décrocha et commença une conversation en espagnol à laquelle je ne comprenais rien, ayant fait Deutsch fur Unter Menschen en première ligne... je veux dire en seconde langue.
    J'allais jusqu'à la fenêtre afin de contempler les vastitudes océaniques et me goberger de pensées dans les tons. Il y avait une fort belle longue-vue de marine en cuivre astiquée, postée à demeure devant la fenêtre.
    Le soir venait, démesuré, flatteur, et les pêcheurs de moules rentraient bredouilles de la chasse aux crevettes, au fond de moi je ne pouvais m'empêcher de penser :
    « Quand même quel pays aux traditions attachantes et qui en même temps ne craignait ni ne réfutait la « modernitad », je veux dire la modernitude ! Après tout ce devait être fortement énergétique la viande de nonne, pourquoi ne pas en servir dans les cantines scolaires ? Il faudra que je demande au Cercons la réunion d'une commission d'experts sur le sujet.»
    Après cette bonne résolution et quelques autres réflexions assorties, je mis l'œil à la lunette d'approche et observait la vie des quais.
    A l'autre bout du port sur le quai des Brunes une fumée noirâtre montait comme d'un caboteur forceur de blocus... oui sur le Quai des Brunes ma permanence brûlait... (à suivre...)
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  • Momo dealer chauffagiste par G.M.Néoletto 2/2

         « Pouacre » j'ai enfin trouvé c'est Monsieur El Kawa qui avait fait des études de littérature française à l'Université d'Alexandrie qui m'a expliqué que ça voulait dire « vilain » ou moche pas reluisant, dans tous les cas c'est très péjoratif enfin... c'est... 1.64 la bouteille de Fanta ! »

    C'était... c'était cher ! Mais bon à partir de ce jour plus rien n'a marché comme avant, et les emmerdes se sont accumulées, d'abord il y a eu le drame que tout le monde se souvient, je résume Shubiduwa et Kéboniako deux pôtes à moi, des concurrents mais des pôtes quand même, deux revendeurs de Katoub enfin qui étaient en train de dealer tranquilos de la coke prés de la piscine à la sortie des scolaires et v'là pas que des flics débarquent comme ça sans prévenir, personne les avait invités pourtant, Shub et Keb y se taillent vite fait pour aller planquer la recette et la marchandise, là où ils la mettaient d'habitude dans le local du compacteur à poubelles y sont bien peinards et attendent que les keufs se barrent quand ce con de Menendez le gardien portugais, se rappelle d'un coup le trou dans la couche d'ozone et son devoir citoyen, enfin les couenneries qu'on sert aux petits blancs pour leur anesthésier les gonades et qu'y se tiennent tranquilles, et ce con de portos il actionne le compacteur, un machin de quatre tonnes que la mairie avait installé rapport au développement durable et tout ça.

    On imagine la suite. Compactés qu'ils ont été les copains,  tout ce qu'on a retrouvé c'est deux cubes bien ficelés avec leurs casquettes sur le dessus. On aurait dit ces trucs, mais si les prix: les césars qu'on remet aux acteurs.  Et tout ça à cause de ces salauds de schmitts alors là ça a été l'explosion. Vrai les Mokrani ils étaient indignés, ils avaient pas envie non plus de voir débarquer des cars de flics à chaque fois qu'il y avait un anniversaire dans la Cité.

    Alors on a tout niqué : le stade, la salle omnisports, la Glandothéque, la Branlothéque, la Smurfothéque, la Pornothéque, la Murothéque, la Tournantothéque, le dojo olympique, la piscine à vagues, la patinoire d'altitude, l'échangeur de skate 12 pistes,  le parcours de golf 32 trous et retour, le terrain de cricket en ray grass du Sussex, la grande roue et son parc d'attractions, même ... vrai on dormait plus, et le jour ces cons de pompiers qui faisaient un boucan du diable pour venir éteindre qu'on pouvait même plus se reposer l'après-midi, alors on leur a itou cramé la casernothéque.

    Enfin quand même le maire et le préfet ils sont venus voir l'imam Meklouf le louf pour qu'il balance une fatwa et que le calme revienne et il a posé ses conditions : plus jamais de flics et le jour de la mort de nos pôtes commémoration officielle avec les représentants officiels... en slip et surtout plus un portugais (c'est tous des racisses) et plus un greffier dans la cité, ça lui était pas passé y faut croire sa haine des chats.

    <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p>

    Et un mois après ils inauguraient avec le préfet la stèle sur le compacteur à poubelles mais aussi sec la stèle elle a été pulvérisée pasqu'il fallait bien compacter malgré que c'était jour de commémoration. Alors le député-merde a dit  qu'on pourrait peut-être la mettre ailleurs pour éviter d'en acheter une trop souvent et tout le monde lui a gueulé après pasque c'était là qu'on la voyait  et qu'on avait bien compris qu'il voudrait bien qu'on la voye pas pasque sans doute que ça lui rappelait la colonisation et l'esclavation et tous les trucs que ces salauds de français ont fait comme d'attaquer la Pologne en 39.

    Le maire il a dit qu'il nous comprenait et qu'il était solidaire, et d'arrêter de taper et qu'il en payait une autre et que c'était sa tournée de stèles. Et il en a commandé une douzaine, il tremblait de partout mais surtout des genoux. Et on lui a exigé pasqu'il y avait la tévé qui tournait (des journalistes de France 3 Basse Meuse en stage à Quimper) des équipements pasque c'est vrai il y avait (plus) rien et que c'était un scandale de nous traiter comme ça pire que des bêtes. Et Katoub qui s'était élu représentant démocratique de la Cité et délégué des jeunes–t-en colère (malgré ses 48 balais) il a demandé qu'on agrandisse immédiatement les caves (il avait un arrivage prévu de quinze tonnes direct de Medellin et il savait pas où le garer).

    Ça l'a surprenu le préfet il a dit :

    -Ah tiens don' et pourquoi don' ?

    -Pour...pour pratiquer notre foi ! Il a répondu vachement digne Katoub.

    -Mais mon garçon il y a une mosquée de 16000 m² en construction dans le quartier, avec tous les équipements prévus : bibliothèque coranique, salon de thé coranique, stand de tir coranique, simulateur de vol coranique...

    -Mais ça n'a rien à voir !

    -Bien... bien ... comme il vous plaira... monsieur le maire vous notez : vous m'agrandirez les caves...

    -Mais ça va nous coûter une fortune monsieur le préfet et puis j'ai déjà mon projet de tramway à gazogène rapport au plan inter local de développement durab'qui...!

    -J'ai des ordres de Paris. Je vous ferai avoir une subvention de Bruxelles au titre du respect des minorités et de la lutte contre la tremblante ... de l'élu...

    La tremblante de l'élu... personnellement moi j'aurais abattu tout le troupeau !

    <o:p> </o:p>

    Enfin depuis chaque année il y a une cérémonie avec toutes les personnalités locales, y vient même des parisiens et des chantrices et des acteuses la coke de quimper c'est une spécialité et y nous vident le stock, tout le monde vient voir l'inauguration puis la pulvérisation  de la nouvelle stèle su' le compacteur c'est devenu une tradition.

    Là-dessus Katoub me dit :

    -Dis donc Momo t'es bien chauffagiste ? T'en connais un bout  sur les chauffe eau alors ?

    -Ben ouais Katoub pourquoi ?

    Et y me dit qu'il y a la la vieille Mémé Mokrani qui veut pas retourner à Casa dans la villa qu'il lui a achetée  pasque là-bas ils passent pas les Feux de l'amour, elle a plus de chauffe eau et il veut lui en payer un neuf :

    -Alors tu lui  prends le meilleur et tu lui installes !

    Difficile de refuser un truc à ce mec là, c'est un dominant comme disent les flics, un mordeur depuis la maternelle. Alors je suis allé à Castorama et j'ui ai pris à la mémé un Chaffoteaux & Maury X7B8500 full options, le vendeur m'a dit que c'était la Rolls des chauffe-eau et que d'ailleurs le roi du Maroc il avait le même.

    <o:p> </o:p>

    Ah on peut pas dire je lui ai soigné les soudures à la vieille, vrai j'en ai chié, une semaine j'ai passé dessus, j'ai fait de mon mieux mais y faut croire que l'autre connard m'avait vraiment foutu la poisse ou que chauffagiste c'est plus costaud que dealer pasque le lendemain de l'installation quand elle a voulu le mettre en marche  la vieille, ça lui a pété à la gueule et rasé tout l'étage. Depuis j'ai  Gaz de France et les Mokhrani au cul !

    Moi je le dis artisan c'est vraiment difficile en ce moment.
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  • 12.
    Du progrès sexuel et tout ce genre de choses.
    <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p>La vie s'organisait chez Dartemont Sœurs, selon les pires prévisions de Walter Chéchignac et à mon grand amusement, ces dames avaient décidé de mettre en place une manière de tour de rôle à fins de s'initier aux finesses du métier sous la bienveillante et paternelle autorité du Chef ‘von le Gueuzec, la fin de semaine les voyait s'activer concurremment au milieu de leur descendance et ce n'était pas toujours le moins réjouissant tant elles montraient des caractères opposés et secrètement complices.
    Dartemont-Belcourt avait pour elle sa vitalité entraînante, des goûts anarchistes et une ingénuité aristocratique et lumineuse que Walter Chéchignac, lui avait tout de suite comptée pour de la grâce.
    Elle ne se séparait jamais de ses garçons qu'elle appelait « mes Louis », parce qu'ils étaient tout son or et portait chacun un prénom commençant par Louis : Louis-Hubert, Louis-François, Louis-Edmond, Louis-Germain et Louis-Jacques, comme les quatre mousquetaires ils étaient cinq et turbulaient comme douze, quand on les croisait on avait toujours l'impression qu'ils venaient de brancher un voisin ou de prendre quelque cousin conspirateur en croupe tant ils fomentaient de bruits et d'agitation.
    Elle aimait ça de faire des mômes avec son gilet de laine qui montrait donc de l'astuce et de l'application ailleurs que dans ses expériences de chimie amusante.
    A noter que Walter Chéchignac bégayait comme un puceau en sa présence, il n'était pas difficile de deviner qu'elle lui faisait grosse impression, pour ma part je m'imaginais mal me consumer d'amour et de désir pour une mère de famille multi- récidiviste et trentenaire, je l'avais plaisanté une fois là-dessus, il me répondit avec douleur:
    -Vous pratiquez les filles c'est entendu, mon petit vieux, mais êtes-vous bien sûr d'aimer la femme.
    -Bien je crois oui. Dans tout les cas je ne suis pas attiré par les garçons si c'est ce que vous voulez dire.
    -Fille ou garçon, cette engeance tutoyante, sincère comme le mouton et asexuée m'indiffère de plus en plus. Je vous parle de la femme de haut-bord pas de vos vide-couilles de port... ou de bureau. Je vous parle de la vraie femme, la seule, celle qui sacre et exauce un destin, pourquoi j'ai le plus grand  respect pour les putes à julots et les épouses et mères.
    -Cela n'a pas toujours été le cas.
    -Pour se persuader de la force du feu il faut s'y être brûlé la main.
    -Et... et le progrès sexuel... et l'égalité des sexes vous vous en fichez bien.
    -Je vous l'ai dit c'est là une toute autre discipline où l'on ne traite pas d'égal à égal mais de puissance à puissance.
    -Et son destin à elle ?
    -Mais mon cher, la femme n'a d'autre destin que de nous dispenser d'avoir à exister. Bonne lunaison La Gaspèrine.
    Et il s'éloigna au pas de son père.
    On comprendra que par la suite, et en partie par superstition, j'évitais le sujet.
    <o:p> </o:p>Dartemont-Chambeulac, quant à elle, usait avec son époux de l'ustensile commode d'un conformisme bourgeois, prétentiard, contemporain et portable, sans doute avait-elle aussi moins d'instinct que sa sœur, même si elle paraissait plus salope sinon mieux exercée. Elle avait deux filles jumelles d'une quinzaine d'années qui étaient déjà deux estimées petites garces.
    <o:p> </o:p><o:p> </o:p><o:p> </o:p><o:p> </o:p>*
    <o:p> </o:p>Par curiosité j'avais volontiers accompagné le Chef ‘von le Gueuzec quelques fois dans ses enquêtes mais ce jour-là, un samedi donc, ils nous avait conduit dans sa camionnette de fonction jusqu'au marché de La Ponche. Là, j'avais commencé de distribuer des tracts aidé en ce par Marie Berthalot qui tenait ma permanence inaugurée de peu du Quai des Brunes, une ancienne poissonnerie qui avait conservé toute son haleine et que j'évitais donc le plus que je pouvais.
    Avec nous il y avait aussi son mari La Rincée, le gros pue de la gueule de l'autre fois qui était sensé nous apporter un soutien défensif mais se borna très vite à aller poser ses fesses à la terrasse du Bar Tabac du Marché et à se foutre de moi en buvant force anis.  
    Il faut avouer que je n'étais pas trop convaincant en militant de base et alors que la Berthalot plaçait ses dépliants sans demander leur consentement aux passants, elle en fourrait dans les cabas, les sacs, les poussettes et jusque dans la bouche d'un retraité des services publics qui voulait apporter la contradiction :
    -On en discutera plus tard quand tu l'auras bien chié pépère ! 
    Je n'osais, quant à moi, trop balancer mon programme, je crois bien que j'avais honte.
    -Bon, bien j'ai une petite affaire à régler, je viendrais vous reprendre à la fin du marché. Vint nous avertir le Chef ‘von le Gueuzec.
    Il avait à se rendre à l'hôpital de La Ponche pour y rencontrer l'un de ses amis, le grand médecin légiste parisien Maurice Maurin-Pointard en charge d'autopsier le corps de la femme retrouvée dans le piano de Mademoiselle Br... La famille de Van Der Meuh se méfiait de la justice français aussi avait-elle confié la charge d'une enquête circonstanciée à Dartemont Sœurs.
    <o:p> </o:p>*
    <o:p> </o:p>   Le chef ‘von le Gueuzec arriva à l'hôpital juste pour le dessert et quelle ne fut pas sa surprise en voyant dans  la salle d'anatomie les deux filles de Dartemont-Chambeulac qui contemplait le spectacle en mangeant à deux une glace à une boule (Hulme de Chambeulac comme tout bon bourgeois parisien présentait tous les signes d'une avarice chronique  infectées de solides principes éducatifs) et en passant les instruments à l'officiant.
    -Salut Maurice qu'est-ce qu'elles font là les gamines ?
    -C'est ton patron qui est passé tout à l'heure...
    -Mon patron ?
    -Ouais une grande couenne... l'air couenne... qui dit des couenneries...
    -Ah je vois oui.
    -Il m'a dit qu'il avait préféré se déplacer en personne plutôt que d'envoyer un subordonné.
    Il a tenu trois minutes après il a gerbé son petit déjeuner et il est allé prendre un café aux lavatories.
    -Et les gamines ?
    -Il me les a confiées...
    -Quand même tu trouves ça décent ?
    -Laisse elles apprennent la vie, elles sont en âge.
    -Non je veux dire de les obliger à se partager une glace. Je vais aller leur en chercher deux autres... Et le type avec le blazer et la casquette là-bas dans le coin ? Qu'est-ce qu'il a il est puni ?
    -Lui c'est le mari... belle femme... une américaine... plus toute jeune... mais avec du pognon...
    -Tu vois ça à l'état des boyaux ?
    -Pauv'con, je vois ça au yacht bleu dans l'avant-port, c'est à eux, enfin c'était à elle... léger diabète, trois... non quatre liftings, lippo-succions, curetages...  On compte p'us, rapport sexuel dans les six heures avant l'immersion... l'eau de mer c'est détersif mais j'ai encore bon oeil... 
    -Sexuel ! Se marraient les gamines.
    Hulme de Chambeulac passa la tête dans la porte, il était mieux assuré :
    -Ah ça va mieux, bonjour Fonne Le Gueuzec (Il prononçait à l'allemande).
    Il souffla sur son café, regarda la table de dissection où le Maurice mettait au jour un foie corrodé par le whisky et dévidait les intestins, on aurait dit qu'il préparait le cochon après l'avoir égorgé, Hulme de Chambeulac repartit en courant vers les lavatories.
    -Béance anale...
    -Anal... sluuurp ! Reprenaient les gamines sans lâcher le cornet.
    -... le pot n'était pas tout neuf, la grosse révision des 60 berges avait  été effectué récemment, marques d'électrode,  pas mal de jeu dans la direction, tendance à la dépression endogène, goût pour les opiacés, et grosse consommation de cocaïne...
    -C'est toujours le problème avec les ricaines la conso... et la tenue de route fit remarquer avant de s'éclipser, le Chef ‘von le Gueuzec, qui s'y connaissait en américaines. 
    <o:p> </o:p>Il revint avec des glaces pour tout le monde, c'était une nature généreuse, il y en avait même pour le veuf, déguisé en armateur à boutons dorés et Rolex en or massif, qui déserta enfin son coin.
    Tableau étonnant que de voir tout ces vivants léchant, touristes et badauds, leur cornet de fraise au dessus du cadavre déroulée, ouvert, préparé, paré, mariné et sans doute assassiné de cette pauvre femme.
    Le mari ramassa quelques centimètres de boyaux qui était tombé à terre, en s'apitoyant... presque:
    -Ah c'est sûr là elle marque pas trop bien...
    Il balançait les bouts de barbaque n'importe où en faisant floc ! floc ! et en s'essuyant les mains à son blazer:
    -... mais vous l'auriez connue il y a cinq ans elle avait encore de l'allure et du chien.
    -Vous... vous n'êtes pas citoyen américain ? S'étonna le... slurp... Chef ‘von le Gueuzec.
    -Béh non... Je suis de Marseille, de la Belle de Mai... là qu'on s'est connu sur La Canebière, elle relâchait, elle cherchait des matelots, son plat préférée, une luronne et même avec l'âge ça lui était pas passée... slurp... fallait voir à assurer avec Méméne... je l'appelais comme ça... sur la fin elle voulait que je l'appelle mum', son vrai nom c'était Susan Scrotom, il lui fallait de la bite sans quoi elle vous débarquait aussi sec... slurp... ‘ai tenu cinq ans mais sur la fin j'y allais sans respirer et sans trop regarder.
    -De la bite ... slurp... pouffèrent les gamines le nez dans la fraise!
    -Vous n'étiez donc pas... slurp... mariés ?
    -Ah j'aurais bien voulu, au moins pour la retraite, mais pas folle la guêpe... il faut dire que des maris elle en avait eu cinq
    -Et c'est comme ça qu'elle avait fait fortune, dans le veuvage à succursales multiples ?
    -Sûr elle épousait rien à moins de 50 millions de dollars.  D'ailleurs le dernier, le père Scrotom avait fait fortune avec The Real French Strawberry Mustard, la moutarde à la fraise j'invente pas, il est encore su' le bateau, en cale dans le congélo où il stockait ses échantillons de moutarde, il est mort à Port-Saïd, il y a quinze jours, il voulait être enterré en Normandie où il avait débarqué dans les années... cinquante... par là je crois, alors on remontait doucement, mais si vous croyez que de savoir son défunt en dessous, ça l'empêchait de baiser...  ah la... slurp...'alope !
    -La salope hi hi...
    -Bon ben monsieur le commissaire je peux y aller maintenant ?
    -Je ne suis pas commissaire mais je pense que les collègues... slurp... enfin la gendarmerie va vouloir vous interroger. Ils sont pas encore passés Maurice ?
    -Je les attends pour onze heures, je me suis dit que comme ça t'aurais le temps de faire le tour et de prendre des notes... slurp... Tiens je te passe mon rapport.
    -Merci Maurice, on se voit à ton hôtel ce soir ?
    -Avec plaisir. J'en ai des nouvelles à te raconter.
    -Je te présenterai une dame très bien... une veuve... slurp... une comme tu les aimes. Bon vous venez mesdemoiselles.
    En quittant la pièce, les demoiselles Dartemont se débrouillèrent pour soupeser les couilles du gigolo sans doute pour parfaire leurs leçons d'anatomie et en regrettant à voix haute que la viande sur pied fut si chère en cette saison.
    Il leur glissa son tarif collectivité et une main au train, une pour chacune, c'était lui aussi une nature généreuse. (à suivre ...)
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  • Permanence au Funérarium de Bagneux.

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  • 11.
    Mon programme.
    <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p>Quelques jours se passèrent que j'employais utilement à dessaouler mes deux experts parisiens, ils se tenaient maintenant devant moi en pyjamas rayés, baillant et mal rasés, ils avaient oubliés tout souci de décence depuis qu'il fréquentait le petit personnel du 10/18 et maquillaient leurs notes de frais là-bas en ingurgitant quantité de liquide vaisselle millésimé.
    Nous tînmes donc une réunion dans l'un des jardins suspendus de la maison de Chéchignac, creusé dans le rocher, d'où si vous descendiez un escalier de même provenance comptant 187 marches, vous vous retrouviez sur une plage charmante complantée de genêts, de cytises, de massifs d'hortensias et de pneus de brouettes.
    -Messieurs.Vous allez peut-être enfin vous décider à vous montrer utiles et à faire ce pour quoi vous êtes grassement rétribués. Nous allons commencer par les axes de ma campagne... quels peuvent-ils être ?
    -Criez pas,  ‘mal à la tête...  Marmonna La Branlaye pendant que Martial Medpeu, ouvrait la bouche pour se délivrer d'une énorme bulle de savon.
    -Je vous rappelle, messieurs, que j'ai en ma possession certaines pièces comptables ainsi que divers documents photographiques qui risquent fort de compromettre votre avenir parisien...
    Et dans le même temps j'exhibais des photos non retouchés de leurs amours stipendiées et compulsives.
    Ils retrouvèrent aussitôt une certaine concentration.
    -Les grands axes donc...en ce moment y a qu'un truc qui marche c'est la méthode Maîtresse Helga...
    -C'est à dire ? Développez cher ami.
    -Y faut les emmerder un max, terroriser l'électeur, avant on leur promettait l'eau à la pile et le progrès pour eux et pour leurs mômes maintenant faut leur montrer qu'on les tolère tout juste, comme l'escargot. L'électeur ‘doit plus pouvoir sortir de sa coquille sinon un coup sur les antennes !
    -Y faut qu'y z'en bavent, se sentent bien merdeux... la planche à clous !
    -Ouais ouais c'est ça qu'y chialent et qu'y vous demandent pardon après vous avoir élu... la régressive intégrale !
    -C'est quoi la régressive intégrale ?
    -Rien leur passer, les culpabiliser, leur pourrir la vie, ils en raffolent... tiens on pourrait commencer par te leur foutre un tramway comme dans le temps, à la fin de l'avant-dernier siècle, sacré progrès, c'est moche, ça marche pas, ça bute du cycliste et du retraité, ça défonce les vitrines, ça coûte une fortune à installer et à faire fonctionner, rien que pour les travaux y z'ont au moins pour trois ans à se faire chier jour et nuit et je vous parle pas des embouteillages...
    -Et des interdictions et des limitations partout. Ah ouais c'est bon ça les embouteillages, on va revoir toute la voirie, tout resserrer et leur installer des giratoires inversés et des culs de sac...
    -Et des piloris sur les placettes pour ceux qu'y ramassent pas la merde de leur clébard c'est bon ça... leur faire honte...
    -Vous êtes sûrs que ça va plaire ?
    -Mais ouais y z'adorent ça qu'on leur mette la pression, ils l'ont au boulot avec le chômage, ils l'ont à la maison quand y regardent la tévé en chaussettes et qu'y se rendent compte qu'y z'ont encore un devoir de mémoire à se taper, ils l'ont avec leurs pouffiasses d'active déguisée en sergent de semaine qui te leur fout un motif... de divorce pour un oui ou un non et les engraisse aux surgelés et à l'aliment pour bétail pré-digéré... y faut qu'ils en chient aussi avec l'élu du coin, les conditionner, ‘pas qu'y relèvent la tête et après y voteront là où on leur dira de faire ou alors ils s'abstiendront mais ça on s'en fout bien, ça nous concerne pas!
    -Mais Letroncheur va appliquer la même méthode et je me ne...
    -Letroncheur c'est dépassé, c'est un romantique...
    -Ah béh tiens... ah ça alors je n'avais pas remarqué !
    -Mais ouais, il travaille à l'ancienne, il flatte l'électeur, il les fait rêver, matins radieux, investissements productifs, conquêtes sociales avec juste ce qu'il faut de sang sur le paveton, et les couilles du patron dans le bénitier pour la dimension religieuse. C'est un élégiaque.
    -Le collègue a raison il en est resté au temps des patinoires olympiques, des vacances pour les mômes tubards à la montagne et des conservatoires de musique...
    -Une déchetterie ! S'illumina Médepeu.
    -C'est ça une déchetterie géante, une aux normes européennes de 2062, le truc visionnaire qu'y fonctionnera jamais, complètement carrelée, en marbre rose, qu'y comprenne bien ce salaud-là que non seulement il nous emmerde mais qu'en plus il cochonne tout comme un goret... vrai entre le tramway et la déchetterie on endette la ville pour cinquante ans et alors là il aura vraiment pas intérêt à la ramener sinon...
    -La liste d'otages ! Parfaitement la liste d'otages et les affichettes jaunes placardées dans toute la ville. Avec l'entente franco-allemande et l'Europe nouvelle qu'y causent à la tévé, on peut même se trouver  un chleu... ‘ utain mieux que ça : un écolo schleu !
    -Avec le casque à pointe... d'asperge ! Et te le nommer gouverneur de la place, il vous les tiendra, ayez confiance y savent y faire, non mais qu'est-ce y se croivent ces salauds-là ! Electeurs ! Electeurs de mes couilles ouais ! Ch'ten foutrais ! Au poteau l'électeur !
    <o:p> </o:p>On en conviendra, sur le point de l'éthique il n'y avait rien à redire et je fis mien ce programme tout imbibé... de modernitude citoyenne. ( à suivre...)
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